Fiche du document numéro 35627

Num
35627
Date
Jeudi 15 décembre 1994
Amj
Taille
5681970
Titre
Note de synthèse n° 2376/N - Rwanda, le gouvernement en exil
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Cote
2376/N ; DGSE 4 BIS (169-166
Source
Fonds d'archives
Type
Note
Langue
FR
Citation
2376/N
Le 15 décembre 1994

NOTE DE SYNTHESE

RWANDA

LE GOUVERNEMENT EN EXIL

Les tensions persistent aux portes du Rwanda. Les facteurs de troubles
sont nombreux, et rendent difficile une amélioration de la situation. Le
gouvernement en exil est confronté à deux problèmes majeurs : d'une part,
conserver les attributs de la souveraineté en perpétuant un outil militaire
pourtant fragilisé par les récentes confiscations d'armes lourdes qui ont
diminué sa capacité offensive (1) _; d'autre part, assurer aux réfugiés un
retour à court terme au Rwanda, car le gouvernement en exil fonde en partie sa
légitimité sur sa capacité à défendre les intérêts des populations réfugiées.

{1) Les armes lourdes des troupes de l'ancien régime ont été confisquées au
profit de la Division Spéciale Présidentielle (DSP) zaïroise.

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ZI - LES :INSTITUTIONS REGALIENNES ET LEUR SOUTIEN

a - Le gouvernement en exil et la classe politique

Les partis politiques (1), soucieux de préserver la cohésion
gouvernementale, restent très discrets et n'entravent pas l'action du
gouvernement en exil.

Le maintien de M. Sindikubwabo, président de ce gouvernement, paraît
aujourd'hui hypothétique. En effet, aux yeux des exilés rwandais, le président
n'a pas su défendre la cause des vaincus de la guerre civile devant la
Communauté internationale.


Dans ce contexte, M. Casimir Bizimungu, ancien ministre de la Santé,
aujourd'hui ambassadeur itinérant, apparaît dans les milieux réfugiés comme le
seul homme capable de donner une nouvelle impulsion à la cause du gouvernement
rwandais en exil. M. Ngirumpatse, président du Mouvement Républicain National
Pour la Démocratie (MRND), ancien parti gouvernemental, soutiendrait son
accession au poste de Premier ministre. Il tient toutefois à ce qu'une telle
éventualité n'hypothèque pas la cohésion actuelle de la classe politique en
exil.

Outre le soutien de M. Mobutu Sese Seko, président du Zaïre,
M._Casimir Bizimungu dispose de l'appui du général Augustin Bizimungu, chef
d'état-major des anciennes Forces Armées Rwandaises (FAR).

Par ailleurs, l'encadrement de la population reste réel, le clergé
hutu, relais des autorités déchues, permettant un maillage très fin des camps
de réfugiés.

b - Vers une régénération des anciennes Forces Armées Rwandaises (FAR) ?

Dans l'attente de négociations entre les autorités de Kigali et leur
propre gouvernement, les militaires des anciennes FAR seraient prêts à
patienter jusqu'à la mi-décembre 1994. Ce délai passé, l'option militaire
serait envisagée. Le général Bizimungu penserait pouvoir lancer une offensive
à partir de la fin du mois de janvier 1995.

Deux axes de pénétration auraient été décidés : au nord et au sud, de
part et d'autre du lac Kivu. Les préfectures seraient bien évidemment les
objectifs prioritaires d'une telle attaque.

Dans cette perspective, des troupes s'entraîneraient à 70km au sud de

———

(1) Notamment le Mouvement Républicain National pour la Démocratie (MRND), le
Parti Social Démocrate (PSD), le Mouvement Démocratique Républicain (MDR) et
le Parti Libéral (PL).

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Par ailleurs, les événements de Katale (1), ont attesté l'activité des
milices hutu Interahamwe. Celles-ci ont leur part de responsabilité dans les
tensions qui agitent la région du Kivu. Leurs actions ne se limitent pas à la
zone frontaliëère entre le Rwanda et le Zaïre. En effet, les milices de
l'ancien régime n'hésitent pas à s'infiltrer en territoire burundais pour y
effectuer des razzias et perpétuer ainsi une instabilité qui devient endémique
dans l'ensemble de la sous-région. :

Déclassifié par DéCISIGN

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c - Une diaspora toujours active

Outre l'activisme de personnalités telles que MM. Augustin Bizimana et
Augustin Ngirabatware, respectivement ancien ministre de la Défense et ancien
ministre du Plan, des Rwandais dévoués à la cause de l'ancien régime
soutiennent le gouvernement en exil. À cet égard, le cas de M. Kabuga, riche
homme d'affaires installé dans la capitale du Kenya est exemplaire. Ses
activités seraient multiples, notamment une aide financière aux exilés et
l'animation de l'association hutu qui finance sa propre école à Nairobi.

II - SITUATION HUMANITAIRE
a - Des chiffres incertains

Les récents événements de Katale ont montré combien la situation reste
explosive dans les camps de réfugiés.

Selon un rapport du Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations
Unies (UNHCR) en date du 16 novembre 1994, la répartition géographique des
réfugiés serait la suivante :


- 332 000 dans la région de Bukavu,
- 850 000 dans la région de Goma,
- 62 000 dans la région d'Uvira,
- 270 000 au Burundi,
- 577 800 en Tanzanie. |

Toutefois, le gouvernement en exil estime que les évaluations du HCR
sont minorées. En effet, selon ses dirigeants, le total des réfugiés se
monterait à 4 millions. Indubitablement, les dirigeants de l'ancien régime ont
tout intérêt à élargir leur base démographique, afin de renforcer leur
légitimité aux yeux de la communauté internationale.

(1) À la suite de la mort d'un soldat des FAZ à la fin du mois de novembre
1994, des accrochages ont opposé au camp de Katale les exilés rwandais et les
troupes zaïroises, occasionnant la mort de 26 personnes.

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b - Une situation humanitaire qui reste tendue

Ces réfugiés sont soumis à des exactions qui aiguisent les tensions
dans les zones humanitaires. Un climat de peur règne dans les camps au Zaïre,
avivé par les rumeurs de collusion entre les Forces Armées Zaïroises (FAZ) et
l'Armée Patriotique Rwandaïise (APR). Ainsi, le bruit court parmi les réfugiés
que l'APR soudoierait les Zaïrois afin d'extrader des dignitaires de l'ancien
régime.

En outre, la pespective d'une attaque de l'APR est également envisagée
avec crainte par les réfugiés.

Malgré la persistance de ces rumeurs, certains d'entre eux choisissent
de retourner au Rwanda. Ainsi, il a été constaté un regain d'affluence à la
frontière zaîro-rwandaise_: 1 800 personnes, majoritairement hutu, auraient
rejoint leur pays d'origine les 30 novembre et ler décembre 1994.

Commentaire

La perspective d'une offensive de grande envergure des FAR vers le
Rwanda paraît aujourd'hui peu probable. Certes, des infiltrations au Rwanda
sont envisageables à court terme. Toutefois, en l'absence d'armes lourdes et
de véritable soutien logistique, une opération d'envergure serait extrêmement
risquée. Or, une seconde déroute des FAR interdirait toute possibilité de
négociation au gouvernement en exil. Prendre le risque de perdre l'instrument
que représentent les FAR (1) reviendrait à envisager un suicide non seulement
politique mais aussi diplomatique.



Dans le domaine humanitaire, les chiffres avancés ne reflètent pas
l'aspect mouvant de la situation. En effet, nombreux sont les réfugiés errant
à la recherche de zones épargnées par les troubles qui agitent la région. De
plus, les estimations du HCR ne prennent pas en compte les réfugiés qui vivent
en dehors des structures humanitaires. Par conséquent, toute évaluation
chiffrée de ces populations paraît, pour lors, quelque peu audacieuse.

--—

(1) Malgré leur désoeuvrement et leur manque de matériel, les FAR pèsent sur
la frontière zaïro-rwandaise et constituent donc un réel adjuvant dans les
négociations diplomatiques du gouvernement exil.

Déclassifié par décision

du ministres de La Défense

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