Citation
La « vidéo du génocide »
filmée par Nick Hughes, le 11 avril 1994
Jacques Morel
francegenocidetutsi.org
Alors que les images de cadavres lors du génocide des Tutsi au Rwanda sont
très nombreuses, pratiquement aucune montre les tueurs « au travail », à une
exception près. Le cameraman britannique Nick Hughes a filmé une scène de
massacre quelques jours après le 6 avril 1994 à Kigali. On l’appelle la « vidéo
du génocide »1. Ces images terribles sont très souvent reprises dans des films
et des émissions de télévision sur ce génocide. Citons en exemple « The
Bloody tricolors » sur la BBC2 ou encore « The Dead are Alive » sur la RAI3 (fig.
1).
1
Nick Hughes - « The Genocide Video » (rushs), WTN London, 11 avril 1994.
[Vidéo et transcription en ligne] http://francegenocidetutsi.fr/fgtshowdoc.php?num=32807
2
Stephen Bradshaw - « The Bloody Tricolor », BBC, 00:26:47, 20 août 1995. Version doublée
en
français.
[Vidéo
en
ligne]
https://francegenocidetutsi.org/RwandaPanoramaBloodyTricolour.mp4
3
Anna Van der Wee - « The Dead are Alive », Wild Heart Productions, diffusée par la RAI,
00:10:02, 1996. Version en italien. [Vidéo en ligne]
https://www.dailymotion.com/video/x4vrzf
1
Figure 1 : Image extraite de la scène filmée par Nick Hughes reprise dans
« The Dead are Alive » en 1996.
Le soir du 11 avril 1994 à la télévision
Des extraits de cette scène de crime filmée par Nick Hughes passent sur les
chaînes de télévision françaises le soir du 11 avril 1994.
France 3 a diffusé des images de ce massacre lors du Journal de 19 h 30 dans
un reportage centré sur l’évacuation des Européens où le présentateur évoque
« des massacres entre les deux ethnies » :
« [Marc Autheman :] Pratiquement tous les Français ont quitté
maintenant Kigali. Les paras français devraient se retirer de la
ville assez vite. Le Rwanda plonge dans la guerre civile et rien n’a
permis pour l’instant d’arrêter les massacres entre les deux
ethnies du pays. Jean-Paul Gérouard.
[Jean-Paul Gérouard :] Ils sont déjà blessés mais on les achève à
grands coups de bâtons. Scène de rue à Kigali. [Quelques images
de Nick Hughes défilent brièvement à l’écran avec une
incrustation “Kigali (Rwanda), aujourd’hui” ; on entend un
militaire parler à la radio puis une voix commente la scène du
massacre en disant : “Oh, là, là, là, là. L’aut’ il tape dessus, là”].
La haine, l’anarchie et la mort règnent en maître sur la ville
2
depuis quatre jours. Les cadavres gisent un peu partout dans les
rues. Les massacres de Tutsi par des civils hutu et par des soldats
de l’armée régulière ont déjà fait plusieurs milliers de morts [...]
[on voit plusieurs cadavres allongés dans les rues de Kigali] »4.
Nous apprenons donc que ces images de massacre ont été filmées le 11 avril à
Kigali. Le commentaire du présentateur « massacres entre les deux ethnies »,
est destiné à tromper. Pourtant, les victimes, les Tutsi, et les tueurs, des civils
hutu et des soldats de l’armée régulière, sont clairement désignés par JeanPaul Gérouard.
Ces mêmes images repassent au Journal de 23 h de France 3 avec le
commentaire : « Les massacres se multiplient à Kigali et les cadavres jonchent
les rues de la capitale rwandaise [...] Depuis quatre jours, des combats violents
opposent la minorité tutsi aux troupes gouvernementales à majorité hutu »5.
Ce commentaire est totalement en désaccord avec les images qui montrent
des massacres et non des combats.
Dans le Journal de 20 h sur France 2, un extrait de cette scène ouvre le
reportage de Patrice Romedenne qui commente : « Cruauté, brutalité, la
terreur règne au Rwanda. À Kigali, on s’acharne même sur les cadavres »6. La
confusion est entretenue par le présentateur qui parle de massacres
interethniques et insinue qu’ils seraient liés à l’arrivée des rebelles à majorité
tutsi. Or les images montrent des civils en train d’être massacrés et aucun
soldat du Front Patriotique Rwandais (FPR).
De même, TF1 diffuse dans son journal de 20 h un échantillon encore plus
réduit de ces images. Gauthier Rybinski, envoyé spécial, les commente : «
Voici le visage actuel de Kigali, la capitale du Rwanda : des corps allongés
dans les rues. Le plus souvent ce sont des civils qui ont massacré à la machette
4
Marc Autheman et Jean-Paul Gérouard - « Journal de 19 h 30 » (extrait), France 3, 11 avril
1994.
[Vidéo et transcription en ligne] http://francegenocidetutsi.fr/fgtshowdoc.php?num=29888
5
Christine Ockrent et Éric Thibault - « Journal de 23 h » (extrait), France 3, 11 avril 1994.
[Vidéo et transcription en ligne] http://francegenocidetutsi.fr/fgtshowdoc.php?num=29889
6
Bruno Masure et Patrice Romedenne - « Journal de 20 h » (extrait), France 2, 11 avril 1994.
[Vidéo et transcription en ligne] http://francegenocidetutsi.fr/fgtshowdoc.php?num=3254
3
leurs propres voisins, seulement coupables de ne pas être de la même ethnie
»7.
De ces images, nous retenons juste que ce massacre a eu lieu le 11 avril à
Kigali. Elles sont utilisées par la télévision française pour entretenir la
confusion dans l’esprit des téléspectateurs. D’autres producteurs de film en
feront autant. Hughes en sera révulsé :
« You know, my video of killing during the Genocide and archive
I saved from Kigali at the time, was used by the cruel filmmakers
not to educate but to obfuscate the crime the pictures graphically
depict »8.
Le Rapport « Duclert » note que les massacres de Tutsi à caractère génocidaire
« acquièrent une visibilité inédite dans l’opinion publique française ce même
11 avril grâce aux journaux télévisés de 20 heures des deux grandes chaînes
nationales françaises ». Mais il se limite à constater :
« Chacun de ces deux journaux télévisés ouvre son premier
reportage filmé par des montages d’images, quasiment
similaires, montrant une tuerie à la machette, et des cadavres de
civils gisant au bord des routes de la capitale rwandaise. »
(Duclert 2021, p. 389).
L’envoi de la cassette vidéo
Selon Allan Thompson, c’est le caméraman de Reuters Mohammed Shaffi qui a
dit à l’école française à Nick Hughes que d’en haut, on pouvait voir des tueurs
massacrer des gens de l’autre côté de la vallée. Nick Hughes a remis sa
7
Dominique Bromberger et Gauthier Rybinski - « Journal de 20 h » (extrait), TF1, 11 avril
1994.
[Vidéo et transcription en ligne] http://francegenocidetutsi.fr/fgtshowdoc.php?num=28893
8
Nick Hughes, courriel sur un forum, 8 décembre 2015 ; Traduction de l’auteur : « Vous
savez, ma vidéo sur les massacres pendant le génocide et les archives que j’ai sauvées de
Kigali à l’époque, ont été utilisées par de cyniques producteurs de films non pas pour
expliquer mais pour entretenir la confusion sur ce crime que les images décrivent avec
précision. »
4
cassette à l’aéroport à un étranger qui gagnait Nairobi toujours ce 11 avril.
Avec son téléphone satellite, il a demandé à son producteur à Nairobi d’aller
chercher cette cassette à l’aéroport. Son contenu a été transmis à Worldwide
Television News (WTN) Londres, agence aujourd’hui disparue, qui l’a diffusé
sur des réseaux d’échanges entre chaînes de télévision comme Eurovision9.
Mohammed Shaffi a enregistré également une cassette vidéo qui a été
distribuée par Reuters.
12 avril 1994, dans la presse anglaise
Alors qu’en France les télévisions entretiennent la confusion et que la presse
écrite se tait, la presse anglaise du lendemain décrit précisément les faits.
Catherine Bond, The Times
Catherine Bond du Times, présente à Kigali, est la première journaliste à
relater le 12 avril 1994 le témoignage de son compatriote Nick Hughes sur ce
massacre :
« Nick Hughes, a British cameraman for World Television News,
filmed a similar scene from the French school. Half a mile away,
men were beating women to death. “They brought women, old or
middle-aged women, out of the houses and on to the street and
made them sit in a pile of bodies, wounded and dying people”,
he said. “For about 20 minutes, the women pleaded for their lives
with a group of men who walked up and down the street chatting.
They clubbed one woman to death then the other. Il was the most
horrific thing I have ever seen.” »10.
9
Allan Thompson - « The father and daughter we let down », Toronto Star, 11 avril 2009.
[Article en ligne]
https://francegenocidetutsi.org/TheFatherAndDaughterWeLetDown11April2009.pdf
10
Catherine Bond - « Rebels advance as Kigali slaughter goes on », The Times (Londres),
12 avril 1994.
[Article en ligne] https://francegenocidetutsi.org/CatherineBondTheTimes12April1994.pdf
Traduction de l’auteur : « Nick Hughes, caméraman britannique pour World Television
News, a filmé une scène similaire depuis l’École française. À un demi-mille de là (804 m),
des hommes battaient des femmes à mort. « Ils ont amené des femmes, des femmes âgées
ou d’âge moyen, hors des maisons et dans la rue et les ont faits asseoir sur un tas de corps,
des blessés et des mourants », a-t-il dit. « Pendant environ 20 minutes, les femmes ont
supplié pour leur vie un groupe d’hommes qui montaient et descendaient la rue en
5
Nous savons ainsi que c’est Nick Hughes qui a filmé ce massacre depuis l’École
française.
Mark Huband, The Guardian
Mark Huband, aussi présent à Kigali, décrit la même scène dont il semble avoir
été témoin depuis l’École française :
« At Antoine de Saint-Exupery school, French troops lay on the
roof with guns trained on the deserted road outside as the names
of evacuees were read out in the courtyard below.
From the roof traffic lights could be seen changing from red to
amber to green. A mud road led up a hill less than a mile away.
The road was littered with up to 20 bodies.
Halfway up the hill lay a pile of corpses. From nearby houses
women, old and young, were casually led to the pile and forced
to sit down on it. Men with clubs then beat the dead and dying
bodies which surrounded the women as they sat, screaming,
pleading for their lives.
Suddenly the men turned on the women. They beat them until
they no longer moved, then went to find more people to kill,
within view of the school where the evacuees packed their
children, pet dogs, teddy bears and suitcases into trucks. »11.
bavardant. Ils ont frappé à mort à coup de bâton une femme puis l’autre. C’était la chose la
plus horrible que j’ai jamais vue. »
11
Mark Huband – « UN troops stand by and watch carnage », The Guardian, Tuesday April
12, 1994.
Traduction de l’auteur : « À l’École Antoine de Saint-Exupéry, des soldats français sont
allongés sur le toit avec des fusils braqués sur la route déserte à l’extérieur pendant que les
noms des personnes évacuées sont lus dans la cour en contrebas.
Depuis le toit, on pouvait voir les feux de circulation passer du rouge à l’orange et au vert.
Un chemin de terre montait la colline à moins d’un mille (1 609 m) de là. La route était
jonchée d’une vingtaine de corps. À mi-hauteur de la colline gisait un tas de cadavres. Des
maisons voisines, des femmes, des vieux et des jeunes ont été amenés négligemment sur ce
tas et forcés de s’asseoir dessus. Des hommes avec des gourdins frappaient alors les
cadavres et les mourants autour des femmes assises, criant, implorant pour leurs vies.
Soudain, les hommes se sont retournés contre les femmes. Ils les ont battues jusqu’à ce
qu’elles ne bougent plus, puis sont allés trouver d’autres gens à tuer, tout cela visible
depuis l’école où les évacués ont embarqué enfants, chiens de compagnie, ours en peluche
et valises dans des camions. »
6
Ce témoignage de Huband décrit la même scène que Nick Hughes a filmée. Ils
observent cette scène depuis l’École française. Huband précise que l’école est
sous la protection de militaires français qui sont couchés sur le toit avec leurs
armes braquées vers la colline d’en face.
Des soldats belges ?
Présentant ces images de Nick Hughes au colloque « The Media and the
Rwanda genocide » tenu à Ottawa le 13 mars 2004, Allan Thompson lit le
témoignage de ce dernier (qui est absent12) sur les circonstances dans
lesquelles il a filmé cette scène. Hughes y affirme que c’étaient des soldats
belges qui gardaient l’école française ce 11 avril 199413.
La pièce à conviction no 467
En 1998, Nick Hughes avait été appelé par le procureur du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda (TPIR) à témoigner lors du procès de Georges
Rutaganda, deuxième vice-président des Interahamwe, pour expliquer les
circonstances dans lesquelles il avait filmé cette scène qui avait été versée
comme pièce à conviction numéro 467. Il a été auditionné du 25 au 27 mai
1998. Alors que nous avions pu décharger depuis le site web du TPIR les
transcriptions des trois auditions de Nick Hughes, le greffe du MICT nous a
demandé fin 2019 de retirer ces documents de notre site
https://francegenocidetutsi.org au motif « Confidential Transcripts »14.
La transcription de la première audition est tronquée. En particulier la date
d’arrivée du témoin à Kigali n’est pas indiquée et il n’est pas possible de
reconstituer la chronologie et la date où ces images ont été filmées. Interrogé
par le procureur James Stewart, Nick Hughes précise dans quelles
circonstances il a pris ces images :
12
Courriel de Nick Hughes à l’auteur, 8 décembre 2015.
13
Nick Hughes - « Exhibit 467: Genocide Through a Camera Lens, 13 mars 2004 », In : Allan
Thompson, The Media and the Rwanda genocide, Pluto Press 2007. [Document en ligne]
https://francegenocidetutsi.org/NickHughesAllanThompsonP231.pdf.
14
Sera Attika, Letter to France Genocide Tutsi [Confidential documents published],
MICT, 20 décembre 2019.
7
« What I saw, I was in the French school, there were Belgiun
[Belgium] power [para]troopers there. They had a rocket
launcher on the top – in the top room of the French school. The
French school goes up the side of the valley and over looks
another road going up the other side of the valley. Through their
sight they could see people being killed on the other side of the
road. I became aware of this, I went down up there, I looked, it
was true, yes, there were bodies on the other side of the road. I
went into the room next door, I set my camera. At this point I was
a bit short of batteries a bit short of tapes. [...]
So I set up my camera. I wanted to be careful of what I was filming
but I was looking across from the French school which is exactly
here. On the map it is marked Lasibukunga [Lycée de Rugunga].
And I was looking across on the road which is marked avenue
Labutuba [Mburabuturo]. Now on that, that road goes the side of
the opposite valley over the centre disportive [centre sportif] to
Kigali. I could see groups of people walking up and down that
road and I could see piles of bodies. In between filming the first
time and the second time, I think about two or three men had
been bought [brought] out and killed. You can see that on the
footage. You can see them still being beaten. I think the
interesting is they weren’t being killed. They were being slowly
beaten to death. The final blow wasn’t being delivered. So if you
like they were being tortured. On the second time as I was
watching, two women were brought out and sat down in the pile
of bodies. There must have been may be eight bodies by then.
There is a group of men on the other side of the road. And they
were investigating something. May be they were instead
bothered about these two women sitting in the pile of bodies.
One was kneeling, one was sitting down. And the one who was
kneeling was begging for her life. This went on for twenty
minutes. Finally quite nonchalantly, they would come across and
beat the men who were dying in front of them and go away. And
finally they came and killed the two women with severe blows »15.
15
Haruna Farage, The Prosecutor v/ George Rutaganda. Transcription d’audience, TPIR,
25 mai 1998, pp. 39-42.
Traduction de l’auteur : « Ce que j’ai vu, j’étais à l’École française, il y avait des paras
belges. Ils avaient un lance-roquettes en haut – dans la salle en haut de l’École française.
8
Il précise sur la carte qu’entre cette école et la scène du massacre il y a une
rivière. La scène se passe au-delà du Cercle sportif. Il montre aussi « faculty
Detroit » c’est-à-dire la Faculté de Droit qui se trouve au sommet de la colline
Mburabuturo (fig. 2). Un militaire qu’il dit belge le fait regarder dans la lunette
qui équipe son « lance-roquettes ». Il ne peut distinguer si les tueurs frappent
avec des bâtons ou des machettes.
Il dit que la zone où se déroulait le massacre était contrôlée par le
gouvernement rwandais. Il voit des pick-up transporter des soldats rwandais.
Parfois ceux-ci s’arrêtent et causent aux tueurs sur les barrières.
Hughes circulait en convoi avec des soldats belges qui couraient plus de
risques aux barrières que les soldats français. Les miliciens applaudissent les
Français, insultent et menacent les Belges. Il se souvient que Catherine Bond
lui avait dit : « There won’t be any Tutsi left by the time this war is over »16.
L’École française s’élève sur le flanc de la vallée et surplombe une autre route qui monte de
l’autre côté de la vallée. À travers leur lunette ils pouvaient voir des gens se faire tuer de
l’autre côté de la route. J’ai appris cela, je suis monté là-haut, j’ai regardé, et j’ai vu que
c’était vrai, il y avait des cadavres de l’autre côté de la route. Je suis allé dans la pièce à
côté, j’ai installé ma caméra. Mais à ce moment-là, j’étais un peu à court de piles et à court
de cassettes. [...] J’ai donc installé ma caméra. Je voulais faire attention à ce que je filmais
mais je regardais en face de l’École française qui est exactement ici. Sur la carte, il est
marqué Lasibukunga [Lycée de Rugunga]. Et je regardais de l’autre côté de la route qui est
marquée avenue Labutuba [Mburabuturo]. Maintenant, là, cette route va sur le côté opposé
de la vallée au-delà du “centre disportive” [cercle sportif] vers Kigali. Je pouvais voir des
groupes de gens qui marchaient de long en large sur cette route et je pouvais voir des tas
de corps. Entre la première et la seconde séquence, je pense que deux ou trois hommes
avaient été amenés là et tués. Vous pouvez voir cela sur les images. Vous pouvez les voir
alors qu’ils sont battus. Je pense qu’il est intéressant d’observer qu’ils n’ont pas été tués
d’un coup. Ils étaient battus lentement jusqu’à la mort. Le coup fatal n’était pas livré. Donc, si
vous voulez, ils ont été torturés. Dans la deuxième séquence où je regardais, deux femmes
ont été amenées et ont été assises sur le tas de cadavres. Il devait y avoir alors peut-être huit
corps. Il y avait un groupe d’hommes de l’autre côté de la route. Et ils cherchaient quelque
chose. Peut-être qu’ils étaient plutôt dérangés par ces deux femmes assises sur le tas de
cadavres. L’une était agenouillée, l’autre assise. Et celle qui était agenouillée suppliait pour
sa vie. Cela a duré vingt minutes. Enfin presque nonchalamment, ils sont venus frapper les
hommes qui agonisaient devant eux et s’en sont allés. Et finalement ils sont venus et ont tué
les deux femmes à coups violents. »
16
Ibidem, p. 64. Traduction de l’auteur : « Il n’y aura plus un seul Tutsi après cette guerre. »
9
Faiblesse de la mémoire
Il est difficile pour le cameraman de se souvenir après des années de
l’enchaînement exact des faits qu’il a vécus surtout au milieu de tous ces
cadavres qui bordaient les routes à Kigali ces jours-là. Il a lui-même été la
cible de tirs. Il s’avère que dans son témoignage devant le TPIR, il mélange
plusieurs tueries dont il a été témoin depuis l’école française. Montrant les
images qu’il a prises à des témoins qu’il a retrouvés plus tard, ceux-ci
reconnaissent dans le personnage qui tend les mains en position de
supplication ou de prière un homme alors que Hughes parle d’une femme. Il a
circulé dans Kigali en suivant des convois militaires tant français que belges. Il
croit se souvenir que la première fois qu’il est allé à l’école française, elle était
occupée par des soldats belges puis plus tard par des soldats français17. En
fait, c’est exactement l’inverse qui s’est passé. Ces confusions sont humaines et
il serait complètement injuste et déplacé pour nous de lui en faire reproche.
Ces images de mise à mort qu’il nous transmet sont d’une valeur inestimable.
10 avril 1994, tueries en face de l’école française
La journaliste de l’AFP, Annie Thomas, interroge dimanche 10 avril 1994 le
capitaine Éric Millet qui dirige les opérations d’évacuation depuis l’École
française :
« On ne sait pas trop où se trouvent les quelque 4.000 soldats
supplémentaires du FPR, qui étaient censés arriver dans la ville
dimanche. “On ne sait pas quel front ils ont atteint”, admet le
capitaine Éric Millet qui, avec une équipe de 80 parachutistes,
dirige les opérations d’évacuation des Français depuis l’école
française. [...]
Assis face à une petite table, sur une pelouse de l’école française,
le capitaine domine le flanc de la colline d’en face. Des tirs. Il
prend ses jumelles. “Vous voyez, là-bas, sur la route, la forme
blanche, allongée. Il vient juste d’être tué”.
Il retourne à ses listes, à ses calculs, aux Français envoyés à bon
port, c’est-à-dire, pour lui, à l’aéroport. “L’aéroport est tenu par
nous”, explique-t-il, “il n’y a aucun problème” »18.
17
Courriel de Nick Hughes à l’auteur, 10 décembre 2015.
18
Annie Thomas – « Kigali, la mort et la fuite », AFP, 10 avril 1994.
10
Nous relevons que le capitaine Millet, qui commande la 4e compagnie
d’éclairage et d’appui du 3e Régiment de Parachutistes d'Infanterie de Marine
(3e RPIMa) (Quilès 1998, Vol. 1, p. 262 ; De Pinho 2014, p.99), observe un
massacre sur la route au flanc de la colline d’en face dimanche 10 avril. Ils se
poursuivent au même endroit lundi 11 quand Nick Hughes les filme.
Le lieu du massacre
Sur les figures qui suivent (fig. 2 et fig. 3), on remarque que la route devant
l’École française Antoine de Saint-Exupéry fait un tournant en « épingle à
cheveux ». On repère également le Cercle sportif au fond de la vallée et la
colline Mburabuturo où se trouve la « Faculté de Droit ».
La scène filmée par Nick Hughes s’est déroulée sur la route « KK31 Ave »
(Avenue de Mburabuturo), alors un chemin de terre qui monte aux collines de
Gikondo et Mburabuturo. Comme on voit des arbres et des maisons sur les
images de Hughes, le massacre a dû se dérouler à l’entrée de la zone habitée,
en face du Cercle sportif.
École Française
A. de St-Exupéry
Lieu du massacre
filmé par Hughes
[Article en ligne]
https://francegenocidetutsi.org/AnnieThomasKigaliMortFuiteAFP10avril1994.pdf
11
Figure 2 : Localisation de la scène du massacre filmé par Nick Hughes sur le
plan
de
Kigali
de
1994.
(Source :
https://gifex.com/fr/wpcontent/uploads/1814/Carte-de-Kigali-1994.jpg ; DAO : M. Morel 2023).
École Française
A. de St-Exupéry
Lycée de
Rugunga
Lieu du massacre
filmé par Hughes
Centre spor*f
Figure 3 : Localisation de la scène du massacre filmé par Nick Hughes sur la
vue satellite de Kigali de 2023. (Source : Google Earth Pro 2023 ; DAO : M.
Morel 2023).
À l’aide de Google Earth Pro, nous mesurons environ 430 mètres entre l’École
française (à côté de la route en « épingle à cheveux ») et les maisons le long du
chemin qui monte à Gikondo. Le lycée de Rugunga est à côté de l’École
française.
12
11 avril 1994, les soldats français à l’École française
Il semble impossible que des militaires belges aient pu stationner à l’École
française le 11 avril et disposer un lance-roquettes sur le toit. Les militaires
français n’ont pas fini leur opération d’évacuation. L’ambassade française
ferme le lendemain 12 avril. On sait par ailleurs que les relations entre
militaires français et belges ne sont pas très bonnes. En plus de l’article de
Mark Huband, cité plus haut, nous avons d’autres preuves que les militaires à
l’École française étaient des Français :
Un lance-missiles Milan sur le toit de l’école française
Jean-Marie Milleliri, médecin militaire à Kigali détaché comme coopérant sur
le projet SIDA, habite au « Village français » sur la colline Kiyovu. Dès le 7 avril
1994, il voit sur la colline Gikondo en face des cadavres alignés sur la piste qui
monte au sommet (Milleliri 1997, p. 22). Les massacres se poursuivent sur
cette même piste le 8 avril (Milleliri 1997, p. 43).
Dimanche 10 avril, ils sont regroupés avec tous les autres Français à l’École
Antoine de Saint-Exupéry et protégés par des parachutistes du 3e RPIMa :
« Des batteries Milan19 ont été installées. Des tireurs d’élite avec
leurs fusils de précision veillent sur une menace toujours
présente, et assurent une protection maximale du site. La colline
de Mburabuturo, face à l’école, est étroitement surveillée aux
jumelles. Il y a quelques temps encore les étudiants de la Faculté
de Droit en descendaient pour rejoindre l’avenue derrière le
Centre Sportif.
Le médecin des armées du 3e RPIMa auquel je me présente afin
de savoir en quoi je peux lui être utile, a disposé son poste de
secours avancé dans la bibliothèque de l’école. » (Milleliri 1997,
p. 66-68)
La Faculté de droit (sur la colline Mburabuturo) et le cercle sportif sont
évoqués par Hughes pour préciser devant le TPIR le lieu du massacre. Les
militaires français présents seraient du 3e RPIMa.
19
Le Milan est un missile anti-char de conception française. Son affût est doté d’une optique
très précise.
13
Un tireur d’élite français sur le toit de l’école française
Le photographe et reporter Scott Peterson montre un parachutiste avec un fusil
de précision couché sur le toit de l’École française le 11 avril 1994 (fig. 4). Le
béret rouge indique qu’il fait partie du RPIMa. Son uniforme est de couleur vert
kaki unie.
Liz Gilbert, photographe et journaliste de l’agence Sygma, prend la
photographie de ce même tireur d’élite français sous un autre angle ce 11 avril
(fig. 5). Elle est prise sur la terrasse de l’École française à Kigali. On remarque
une lunette sur le fusil qui est appuyé sur un bourrelet.
Figure 4 : « A sniper protects a Figure 5 : « Civil war in Rwanda :
French school as it is evacuated atmosphere in Kigali, 11 April 1994 » (Cl.
April 11, 1994 in Kigali, Rwanda » : Liz Gilbert, Corbis).
(Cl. : Scott Peterson, Getty).
Le 12 avril dans les Journaux de 7 h et 7 h 30, France 2 diffuse des images
parvenues dans la nuit et commentées par Benoît Mousset. On y voit un
parachutiste français qui semble occuper la même position sur le toit de
l’École française (fig. 5 et fig. 6). Mais son arme semble être un fusil de
précision à lunette de type FR-F1 ou FR-F2 doté d’un trépied et d’une portée
maximale de 800 m.
14
Figure 6 : « Journal de 7h30 », France 2, 12 avril 1994.
Il semble que la photographie des militaires belges de Scott Peterson soit aussi
prise depuis la terrasse de l’École française mais elle est datée du 13 avril et
les soldats sont des Belges reconnaissables à leur tenue camouflée (fig. 7). Il
croit que ce sont des Belges de la MINUAR. Erreur, ce sont des Belges de
l’opération « Silver back ». Ils disposent d’une mitrailleuse type Browning M2
de FN Herstal.
Figure 7 : « United Nations soldiers maintain security during evacuations April
13, 1994 in Kigali, Rwanda. Following the apparent assassination of Rwandan
President Juvenal Habyarimana, a massive wave of Hutu-inflicted revenge
killings has rocked the African nation, leaving thousands of Tutsi civilians dead
15
and renewing the civil war between the Tutsi-led Rwandan Patriotic Front and
the Hutu-backed government. » (Cl. : Scott Peterson, Liaison-Getty)
Simal prié de ranger sa caméra
Le Belge Jacques Simal, directeur général adjoint de la Banque Commerciale
du Rwanda (BCR), filiale de la Banque Bruxelles Lambert (BBL), a été évacué
par les militaires français à l’École française. Interrogé sur son collègue
Ephrem Nkezabera, par ailleurs leader Interahamwe, il est témoin de la scène
filmée par Nick Hughes et confirme que les militaires français occupaient
l’École française ce 11 avril :
« Lorsque je me trouvais à l’école française, en attendant
l’évacuation vers l’aéroport, j’ai assisté comme tous les expatriés
et militaires français, à une scène qui se déroulait au loin sur une
piste. Cette scène filmée par des journalistes a été diffusée sur
toutes les télévisions. On y voit une personne sur la gauche de la
piste, décapitée à coups de machette. Avant cette scène, d’autres
personnes avaient été tuées au même endroit, par armes à feu ou
armes blanches. J’ai filmé cette première partie sur vidéo. A un
certain moment, les militaires français m’ont demandé de ranger
ma caméra. Je n’ai donc pas filmé la scène qui a fait le tour du
monde, mais bien ce qui s’est déroulé avant, sur cette piste.
Cette scène s’est déroulée le 11 avril 94 durant l’après-midi. »20.
Des militaires français à l’école française le 11 avril 1994
Au Journal de 20 h sur France 2 du 11 avril, Philippe Boisserie est joint par
téléphone. L’évacuation des Français s’est terminée à 18 h. Il a accompagné
des soldats belges qui, pour la première fois, sont rentrés dans Kigali21. Au
journal de 20 h, France 2 diffuse un reportage en vidéo de Philippe Boisserie
et Marcel Martin sur place à Kigali qui prouve que les militaires français sont
toujours à l’École française le 11 avril :
20
Pascal Remy - Audition de Jacques Simal, Police fédérale belge, 5 août 2004, p. 6.
[Document en ligne] https://francegenocidetutsi.org/SimalJacques5aout2004.pdf#page=7
21
Bruno Masure - « Journal de 20 h » (extrait), France 2, 00:03:46, 11 avril 1994.
[Vidéo et transcription en ligne] http://francegenocidetutsi.fr/fgtshowdoc.php?num=3254
16
« [Philippe Boisserie :] Ce matin à 500 mètres de l’aéroport, huit
corps gisent dans leur sang. Quatre hommes et quatre femmes de
la minorité tutsi viennent d’être massacrés à coups de machettes,
sous les yeux d’étrangers évacués [gros plans sur des corps
gisant au sol dans leur sang]. Les soldats français en armes, qui
assuraient la sécurité du convoi, n’ont pas bougé. Leur mission
spécifie clairement qu’ils ne doivent prendre parti pour aucun
des belligérants [un véhicule de l’armée française avec à son
bord un soldat armé d’un fusil mitrailleur sillonne une route du
Rwanda ; la scène est filmée de l’intérieur du véhicule].
[Un para au béret rouge parle dans son poste émetteur : “On est
devant l’école française. Il y a des tirs qui sont dirigés vers
nous”.]
C’est dans une ville livrée aux combats que les militaires français
effectuent les dernières évacuations. Mitraillettes mais aussi
grenades, mortiers ponctuent parfois l’appel de ceux qui peuvent
enfin partir [on voit des civils blancs regroupés sous le préau de
l’école française de Kigali]. »22
Le journaliste indique aussi que des ordres de non-intervention contre les
massacres ont été donnés aux militaires français.
Les militaires belges relèvent les Français le 12 avril 1994
Le commandant (CO) de l’opération belge « Silver Back », le colonel JeanPierre Roman, ordonne une mission d’évacuation à l’École française le 11 avril
à 13 h 45. Le 12 avril, la 17e Compagnie de la brigade para-commandos belge
relève les Français à l’École française appelée ci-dessous « Lycée Français » :
« 9. Lu 11 Avr 94 [...] 1345 Hr : CO donne mission au Comd 3 Para
de faire une reconnaissance en force vers l’Ecole Française, afin
de procéder à une démonstration de force belge. Cette mission
est menée avec escorte (FR) et ramène 100 à 150 expatriés. [...]
11. Ma 12 Avr 94 [...]
22
Catherine Ceylac - « Journal de minuit » (extrait), France 2, 00:00:28, 11 avril 1994.
[Vidéo et transcription en ligne] http://francegenocidetutsi.fr/fgtshowdoc.php?num=29575
17
CO annonce que UNAMIR procédera aux Evac. La 17 Cie repart
en ville et relève les (FR) au Lycée Français et évacue les Expat
vers l’Aér. Les autres Cies restent sur l’Aér. Cie (FR) relevée du
Lycée Français quitte Kigali le même soir. »23
L’identification des victimes
Nick Hughes est revenu en 2002 sur les lieux. Avec l’aide d’un cinéaste
rwandais, Éric Kabera, il a retrouvé une femme témoin des faits.
Le journaliste canadien Allan Thompson a enquêté plus tard sur ces
massacres24. Sur les indications de Nick Hughes, il a trouvé en 2007 deux
femmes témoins des faits qui ont identifié les deux victimes que l’on voit sur
les images de Hughes, Gabriel Kabaga, l’homme qui prie (donc pas une
femme), et sa fille Justine Mukangango. Il a retrouvé Rosalie Uzamukunda
épouse de Kabaga et mère de Justine. Il situe les événements filmés par
Hughes le 11 avril 1994 vers 10h du matin. Il revient sur les lieux et raconte
l’histoire sur YouTube25.
Hughes a identifié Tatiana, la femme avec le bébé sur le dos qui a été tuée
juste avant Justine et son père. Il a adopté deux de ses enfants survivants. Il a
retrouvé un des tueurs, Alexandre Usabyeyezu. Celui-ci a été condamné à
perpétuité notamment à cause des preuves apportées par ces images. Avec
Éric Kabera, Hughes en a réalisé un film. Il y a ajouté des extraits de vidéo qu’il
a récupérés à la télévision rwandaise en juillet 1994, notamment la réunion où
le Premier ministre Jean Kambanda brandit son pistolet26.
23
Opération Silver Back. Compte rendu, Armée belge, 15 avril 1994.
[Document en ligne] https://francegenocidetutsi.org/SilverbackCompteRendu.pdf
24
Allan Thompson – « The father and daughter we let down », Toronto Star, 11 avril 2009.
[Article en ligne]
https://francegenocidetutsi.org/TheFatherAndDaughterWeLetDown11April2009.pdf.
25
Alan Thompson, « Revisiting the Genocide Video - 25 years later », YouTube, 11 avril
2019.
[Vidéo en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=yg0o1aiaC0w
26
Juan Reina, Éric Kabera, Nick Hughes, « ISETA - Behind the Roadblock », 2008.
[Vidéo en ligne] https://francegenocidetutsi.org/IsetaBehindTheRoadblock540p.mp4
18
Ce 11 avril...
Boniface Ngulinzira, négociateur d’Arusha, abandonné aux
tueurs
Ce 11 avril 1994, des militaires français viennent à l’École Technique Officielle
(ETO) à Kicukiro (Kigali) recenser les personnes à évacuer. Boniface
Ngulinzira, ancien ministre des Affaires étrangères, demande à l’officier
français d’être évacué. Ngulinzira est le principal négociateur à Arusha pour le
gouvernement rwandais. Il est détesté par Bagosora et sa clique du
Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement (MRND), ancien
parti unique créé par Habyarimana27. Il est bien connu des autorités
françaises. Mais quand les militaires français reviennent à l’ETO, ils
l’ignorent28. Le rapport « Carlsson » de l’ONU constate :
« Le 11 avril, après que les expatriés se trouvant à l’ETO ont été
évacués par des troupes françaises, le contingent belge a quitté
l’école, laissant derrière lui des hommes, des femmes et des
enfants dont bon nombre ont ensuite été massacrés par les
soldats et les membres des milices qui attendaient.
M. Ngulinzira a demandé aux troupes françaises de l’évacuer de
l’ETO mais celles-ci ont refusé. Il a été tué lors des massacres qui
ont eu lieu après le départ des soldats de la MINUAR. »29
À Paris, Alain Juppé invoque les accords d’Arusha
27
Mathieu Ngirumpatse - Communiqué de presse, MRND, 22 décembre 1992.
[Document en ligne] https://francegenocidetutsi.org/Ngirumpatse22decembre1992.pdf ;
Théoneste Bagosora, Monsieur le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération,
Chef de la délégation du gouvernement rwandais. Objet : Stratégie de la négociation, 1er
juin
1993.
[Document
en
ligne]
https://francegenocidetutsi.org/BagosoraBonifaceNgulinzira1erjuin1993.pdf.
28
Circonstances de la mort de Boniface Ngurinzira. Rapport de la mission effectuée au
Rwanda de M. Philippe Mahoux. Commission d’enquête parlementaire du Sénat belge,
Annexe 1 [1-611/9, section 3.6.5.2, p. 12].
[Document en ligne] https://francegenocidetutsi.org/SenatBelgique-r1-611-9.pdf#page=12
29
Rapport « Carlsson », ONU, 16 décembre 1999, S/1999/1257, p. 20.
[Document en ligne] https://francegenocidetutsi.org/Carlsson-fr.pdf#page=20
19
À Paris, le ministre de la Coopération Michel Roussin, dans son interview
à l’Information, souligne « il ne s’agit pas, pour la France, d’intervenir
militairement au Rwanda » et il ajoute « il est clair que notre mission n’a qu’un
caractère humanitaire visant à rapatrier nos ressortissants ». Pour lui, la
mission de la France est désormais « d’essayer de peser de tout notre poids
sur les factions en présence pour les convaincre de retrouver enfin la voie de
la raison » (Duclert 2021, p. 391).
Sur les ondes d’Europe 1, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, se dit
horrifié par les images en provenance du Rwanda et appelle à revenir aux
accords d’Arusha alors qu’à Kigali, les Français abandonnent aux tueurs le
principal négociateur de ces accords :
« Q - Passons au Rwanda, justement, où les Américains sont un
peu absents il faut bien le dire et d’où nous parviennent
d’épouvantables récits de massacres ethniques. Partout dans le
pays, les Hutus se livrent à la chasse aux Tutsis et inversement...
R - Il suffit de voir les images pour se rendre compte, là encore,
que l’horreur n’a pas de limites. La France, vous le savez, a
beaucoup fait au Rwanda depuis des mois et des mois pour
essayer de revenir à une situation pacifique...
Q - ... sans grand résultat...
R - Si, nous avions obtenu des résultats puisque les accords
d’Arusha avaient été signés, puisque les soldats français avaient
été sur le terrain pour faciliter la réconciliation et les choses
progressaient. C’est, hélas, l’attentat contre l’avion transportant
les deux présidents du Rwanda et du Burundi qui a provoqué la
reprise des combats. Nous avons à ce moment-là décidé, avec
beaucoup de rapidité, beaucoup de sang-froid et beaucoup
d’efficacité de mettre en place un dispositif sur l’aéroport de
Kigali pour évacuer nos ressortissants et c’est fait maintenant à 90
% comme vous le savez. [...]
Q - Quand on voit ce qui se passe, croyez-vous que la France se
doive d’assurer une présence continue au Rwanda, au Burundi ?
20
R - Nous ne pouvons pas d’abord nous désintéresser de nos
ressortissants et, ensuite je crois qu’il est de notre devoir de
relancer le processus de dialogue. Cela a l’air impossible quand
on voit ce qui se passe, quand on voit le degré de haine entre les
Hutu et les Tutsi, mais les accords d’Arusha sont là et le rôle de la
France est de tout faire, avec tous les pays de la zone, avec
l’OUA, avec l’ONU pour essayer de faire prévaloir la raison sur la
folie qui est en train de se déchaîner. C’est cela notre rôle. »30
Sur Radio Africa, Alain Juppé justifie son refus d’envoyer des soldats pour «
rétablir l’ordre » au Rwanda alors qu’ils sont déjà sur place à regarder les
massacres :
« Q : Dernière question, la situation qui prévaut à l’heure actuelle
au Rwanda et au Burundi inquiète énormément les Africains.
Beaucoup d’observateurs avertis pensent que les dernières
mesures prises par la France constituent un désengagement de la
France dans cette zone. Ne craignez-vous pas justement que ces
mesures laissent le champ libre aux adversaires de la démocratie
?
R : Il faut bien s’entendre. La situation au Rwanda est une tragédie
qui nous touche profondément. La France a fait des efforts
considérables depuis des mois et des mois pour faciliter le retour
de la stabilité dans le cadre des accords d’Arusha. Nous avons
pris tout récemment les mesures destinées à protéger nos
ressortissants. Mais, là encore, excusez-moi d’une certaine
franchise : le rôle de la France n’est pas de rétablir l’ordre par
ses soldats sur l’ensemble du continent africain. Nous ne pouvons
pas nous substituer à la responsabilité des acteurs africains euxmêmes. Nous les appelons aujourd’hui à se ressaisir pour revenir
à la logique des accords d’Arusha et retrouver la voie d’une
concorde nationale.
30
Alain Juppé - « Interview du ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé », Europe 1,
11 avril 1994.
[Transcription en ligne] https://francegenocidetutsi.org/Europe1Juppe11avril1994.pdf
21
Cela peut paraître paradoxal alors que les combats font rage un
peu partout, mais c’est cela notre rôle, plutôt que de nous
transformer à nouveau en une puissance interventionniste qui
enverrait ses soldats partout. Ce n’est pas le rôle de la France. »
(Duclert 2021, p. 391)
En conférence de presse à Bordeaux, toujours ce 11 avril, Juppé réitère son
refus d’intervenir contre les massacres :
« Il ne nous appartient naturellement pas de mener une opération
de caractère militaire au Rwanda. C’est aux organisations
internationales, à l’ONU, à l’OUA de prendre leurs
responsabilités dans ce domaine. »31.
Les autorités françaises sont bien informées du génocide
Le 8 avril 1994, la France décide d’intervenir au Rwanda pour évacuer ses
ressortissants. L’ordre d’opération « Amaryllis », qui est un ensemble
d’instructions données aux militaires envoyés au Rwanda, révèle que le
génocide des Tutsi est commencé. En effet, nous lisons au début de ce texte,
déclassifié pour la Mission d’information « Quilès » et publié par celle-ci, que «
pour venger la mort du président […] les membres de la garde présidentielle
ont mené dès le 07 matin des actions de représailles à Kigali » dont
« l’arrestation et l’élimination des opposants et des Tutsi » (Quilès 1998,
Annexes, p. 344). Que signifie « élimination des Tutsi » ? C’est en vérité
détruire le groupe tutsi comme tel. Ce groupe est défini suivant un critère
ethnique ou racial. Nous sommes bien dans la définition du génocide telle que
spécifiée par la Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide adoptée par les Nations unies à Paris le 9 décembre 1948. Ce 8 avril
1994, les auteurs de cet ordre d’opération reconnaissent ainsi que le génocide
des Tutsi est commencé. Face à ce génocide, l’ordre d’opération prescrit une
attitude de neutralité. Nous lisons en page 3 de cet ordre : « Le détachement
français adoptera une attitude discrète et un comportement neutre vis à vis des
31
Alain Juppé - Intervention devant la presse du ministre des Affaires étrangères M.
Alain Juppé à l’occasion de l’inauguration du centre de commerce international de
Bordeaux, 11 avril 1994, Politique étrangère - Textes et Documents – La documentation
française,
mars-avril
1994,
p.
152-153.
[Document
en
ligne]
https://francegenocidetutsi.org/Europe1Juppe11avril1994.pdf
22
différentes factions rwandaises »32. Pourtant, la France, ayant signé la
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, s’est
engagée à le prévenir et à le punir ou au moins à en saisir les Nations unies.
Ce 11 avril, une note de la DGSE (Direction Générale de la Sûreté Extérieure),
agence française de renseignement et d’action, qui écarte la responsabilité du
FPR dans l’attentat contre l’avion du président, informe le gouvernement
français sur le génocide en cours :
« Par ailleurs, guidés par les activistes de la CDR, munies de
listes préétablies, les militaires de la garde présidentielle ont
entrepris de massacrer tous les Tutsi, ainsi que les Hutu
originaires du sud ou soutenant les partis d’opposition. Le plus
souvent, ces liquidations n’épargnent ni les femmes, ni les
enfants.
(1) La CDR est une organisation extrémiste hutu, dirigée par MM.
Jean Barahinyura et Ferdinand Nahimana. Déjà, en octobre 93,
“Radio mille collines” avait appelé au massacre des populations
tutsi pour venger la mort du président Ndadaye. » (Duclert 2021,
p. 390)
Massacrer tous les Tutsi, y compris les femmes et les enfants, nous sommes là
en plein dans la définition du génocide.
Le 12 avril, une note de la Direction du Renseignement Militaire (DRM) insiste
sur la responsabilité de l’armée rwandaise dans le massacre des Tutsi :
« Après la mort des chefs de l’Etat rwandais, M. Habyarimana, et
burundais M. Ntaryamira (tous deux d’ethnie hutu), survenue le 6
à Kigali dans la chute de leur avion la situation est critique au
Rwanda, où les affrontements ethniques se poursuivent. Les
Forces armées rwandaises (FAR), après avoir assassiné de
nombreux responsables de l’opposition hutue, s’en sont pris sans
discrimination et avec l’aide de jeunes hutus à la partie tutsie de
la population et ont attaqué le bataillon des Forces populaires
32
Ordre d’opération « Amaryllis », NMR/00901-MSG/DEF/EMA/C0.TER, 8 avril 1994,
déclassifié.
[Document en ligne]
https://francegenocidetutsi.org/OrdreOperationAmaryllis8avril1994.pdf
23
(FPR) cantonné entre la capitale et l’aéroport. » (Duclert 2021,
p. 389)
L’expression « affrontements ethniques » est plus qu’ambiguë. Cependant, la
suite du texte dit explicitement que les Forces armées rwandaises, c’est-à-dire
l’armée gouvernementale, s’en prend « sans discrimination à la partie tutsie de
la population ». Cette désignation des auteurs des massacres est importante. Il
ne s’agit pas d’éléments incontrôlés profitant du chaos provoqué par l’attentat
contre le président du Rwanda. Il s’agit de l’armée gouvernementale
rwandaise, dépendant du Gouvernement intérimaire que la France reconnaît
et avec lequel elle collabore.
Refus d’intervenir contre le génocide
Du 9 au 11 avril 1994, les militaires français ont assisté depuis l’École française
au massacre filmé le 11 par Nick Hughes sans s’y opposer. Ils ne sont pas,
comme d’autres, de simples spectateurs impuissants, de simples
« bystanders ». Ils ne sont pas paralysés par un mandat restrictif de l’ONU.
Les autorités françaises savent qu’un génocide est déclenché dès le 8 avril
1994 comme l’indique l’ordre d’opération Amaryllis déjà cité plus haut et
confirmé par d’autres sources françaises telles que la DGSE et la DRM.
Constater un génocide et décider de ne pas s’y opposer c’est se mettre en
infraction vis-à-vis de la Convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide dont la France est signataire. Ceci est d’autant plus grave
que la France disposait de troupes sur place qui pouvaient se joindre aux
Casques bleus de l’ONU pour arrêter le génocide.
Pour camoufler ce refus d’intervenir contre les massacreurs et éviter un
scandale, on cachera la réalité à nos concitoyens. Le colonel Poncet,
commandant des troupes françaises arrivées le 9 avril 1994 dans le cadre de
l’opération « Amaryllis », écrit benoîtement :
« Les médias ont été présents dès le deuxième jour de
l’opération. Le COMOPS a facilité leur travail en leur faisant deux
points de presse quotidiens et en les aidant dans leurs
déplacements mais avec un souci permanent de ne pas montrer
les soldats français limitant l’accès aux centres de regroupement
aux seuls étrangers sur le territoire du Rwanda (Directive n°
24
008/DEF/EMA du 10 avril 1994) ou n’intervenant pas pour faire
cesser des massacres dont ils étaient les témoins proches. »33
Afin de se justifier de ne pas être intervenu pour faire cesser les massacres qui
se déroulaient devant les militaires français lors de l’opération « Amaryllis »,
l’Amiral Lanxade, chef d’état-major des armées, écrira : « nous n’avions pas,
alors, d’information sur un début des massacres » (Lanxade 2001, p. 174).
C’est un mensonge bien sûr, car le 13 avril 1994 en Conseil restreint, quand
François Mitterrand lui demande si les massacres vont s’étendre, l’amiral
Lanxade répond : « Ils sont déjà considérables. Mais maintenant ce sont les
Tutsis qui massacreront les Hutus dans Kigali. »34. L’Amiral comme le Président
de la République étaient bien informés des massacres.
Assistance aux auteurs du génocide ?
Il s’agit ici clairement de non-assistance à personnes en danger. Ce délit est
prescrit au bout de neuf ans dans la loi française. Mais il ne s’agit ici pas
seulement de non-assistance à personnes en danger. Le 8 avril, l’ambassadeur
de France Jean-Michel Marlaud annonce à Paris la composition du
Gouvernement intérimaire, en disant que « ces décisions sont les plus
conformes possibles aux Accords d’Arusha »35 (Marlaud 1994a). Ces accords
de paix d’Arusha prévoyaient que le FPR dispose de cinq portefeuilles
ministériels. Non seulement le FPR est exclu de ce gouvernement mais ce sont
les membres les plus extrémistes des autres partis qui y siègent, les plus
modérés étant assassinés ou se cachant.
Ce 11 avril, l’ambassadeur de France reçoit Jérôme Bicamumpaka, ministre
des Affaires étrangères de ce Gouvernement intérimaire. Jean-Michel Marlaud
rapporte à Paris : « Les FAR souhaitent pouvoir envoyer des effectifs
complémentaires au combat et, dans ce but, nous sollicitent pour les aider à
33
Henri Poncet, Le colonel commandant l’opération Amaryllis à Monsieur l’Amiral Chef
d’état-major des Armées. Objet : Compte rendu de l’opération Amaryllis, no
018/3°RPIMa/EM/CD, Carcassonne, 27 avril 1994, p. 6.
[Document en ligne]
https://francegenocidetutsi.org/PoncetCrAmaryllis3eRpima27avril1994.pdf
34
Conseil restreint du 13 avril 1994. Secrétariat : Colonel Bentégeat.
[Document en ligne] https://francegenocidetutsi.org/ConseilRestreint13avril1994.pdf
35
Jean-Michel Marlaud - TD Kigali 326 - Objet : Situation politique, 8 avril 1994.
[Document en ligne] https://francegenocidetutsi.org/TdKigali326Marlaud8avril1994.pdf.
25
assurer la sécurité à Kigali. Selon mon interlocuteur, la Gendarmerie est déjà
parvenue à réduire significativement le niveau des massacres et des pillages ».
Enfin, le ministre « évoque un problème d’approvisionnement en munitions et
indique que le Gouvernement pourrait être amené à nous présenter une
requête »36 (Marlaud 1994b).
La teneur des propos échangés entre l’ambassadeur Marlaud et le ministre des
Affaires étrangères du Gouvernement intérimaire est loin de l’indifférence ou
de la neutralité. Alors que les massacres battent leur plein ce 11 avril 1994, il
est question entre les deux hommes d’assistance militaire aux forces qui
organisent les massacres et de leur fournir des munitions37.
S’agit-il de non-assistance à personnes en danger ou plutôt d’assistance à
personnes en train de commettre un génocide ?
©Jacques Morel
Remerciements
Merci à Nick Hughes pour sa vidéo et ses explications, à Bruno Boudiguet,
David Michel et Georges Kapler pour nous avoir procuré les archives de
journaux télévisés, à Aymeric Givord pour les avoir transcrits, à Jean-Loup
Denblyden pour ses informations sur l’opération « Silver Back », à Philippe
Lardinois pour nous avoir signalé l’audition de Jacques Simal, à Vénuste
Kayimahe pour ses précisions géographiques, à David Martin pour les
télégrammes diplomatiques et à Maximilien Morel pour la DAO et la PAO.
36
Jean-Michel Marlaud - TD Kigali 363 - Objet : Entretien avec le ministre des Affaires
étrangères, 11 avril 1994, 14 h 04.
[Document en ligne] https://francegenocidetutsi.org/19940411EmaTDKigali363.pdf.
37
Le rapport Duclert cite des extraits de ce TD 363 de Marlaud, en commentant : «
L’ambassadeur de France, lui, semble toujours pris dans des négociations et des
combinaisons politiques hasardeuses ». Il relève que l’assertion sur la réduction
significative du niveau des massacres n’est pas commentée par l’ambassadeur alors qu’elle
est contredite par tous les témoignages. Cf. Vincent Duclert [1, p. 373].
26
Résumé
La scène de massacre filmée en direct par Nick Hughes est devenue
emblématique du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. Elle montre en
particulier un homme à genoux parmi les autres cadavres, suppliant les tueurs
de l’épargner et l’un de ceux-ci vient le frapper à coup de machette. Il
s’écroule. L’auteur dit qu’il a filmé depuis la terrasse de l’école française en
présence de soldats belges. Or ses images sont passées à la télévision le soir
du lundi 11 avril 1994. À cette date, ce sont encore des paras français, équipés
de fusils de précision et de missiles antichar, qui se trouvent à l’école
française. Ils ont donc observé les tueries pendant des heures sans rien faire
contre. Leur chef, l’amiral Lanxade, écrira : « Nous n’avions pas, alors,
d’information sur un début des massacres ». Ce 11 avril, l’ambassadeur de
France transmet à Paris une demande de soutien militaire aux organisateurs du
génocide...
Références bibliographiques
De Pinho 2014 : De Pinho J. – Comprendre le génocide rwandais,
Témoignages, révélations, analyses, Éditions Velours, 2014.
Duclert 2021 : Duclert V. – La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi
(1990-1994), Rapport de la commission de recherche sur les archives
françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi, Rapport remis au
Président de la République le 26 mars 2021, Armand Colin Ed., Paris, 992 p.
[Rapport
en
ligne]
https://francegenocidetutsi.org/RapportCommissionDuclert26032021.pdf
« Interview du ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé, Africa n°
1, 11 avril 1994 », In : Duclert 2021, p. 391.
[Transcription
en
ligne]
https://francegenocidetutsi.org/RadioAfrica1Juppe11avril1994.pdf
« Fiche particulière no 18502/N - Rwanda : Précisions sur la mort des
Présidents rwandais et burundais, DGSE, 11 avril 1994 », In : Duclert
2021, p. 390.
[Document
en
ligne]
https://francegenocidetutsi.org/DGSE18502N11avril1994.pdf
« Éléments de situation du 12 avril 1994, DRM, Note n° 1202
DEF/DRM/SDE/SITU du 12 avril 1994 », In : Duclert 2021, p. 389.
27
[Document
en
https://francegenocidetutsi.org/NoteN1202DRM12avril1994.pdf
ligne]
Lanxade 2001 : Lanxade J. – Quand le monde a basculé, Nil éditions, 2001.
[Extrait
p.
174,
en
ligne]
https://francegenocidetutsi.org/LanxadeQuandLeMonde174.pdf
Milleliri 1997 : Milleliri J.-M. – Un souvenir du Rwanda, L’Harmattan, 1997.
[Extraits
p.
66-68,
en
ligne]
https://francegenocidetutsi.org/MilleliriUnSouvenirDuRwanda68-69.pdf
Quilès 1998 : Quilès P. – Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994.
Assemblée nationale, rapport 1271, Mission d’information de la
commission de la Défense nationale et des Forces armées et de la
commission des Affaires étrangères, sur les opérations militaires menées
par la France, d’autres pays et l’ONU au Rwanda entre 1990 et 1994, 15
décembre 1998.
[Rapport en ligne] http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/rwanda.asp
« Ordre d’opération Amaryllis, 8 avril 1994, déclassifié. Cf. Enquête sur la
tragédie rwandaise 1990-1994 », In : Quilès 1998, Annexes, p. 344.
[Document
en
ligne]
https://francegenocidetutsi.org/OrdreOpAmaryllis.pdf
« Ordre d’opération Amaryllis, NMR/00901-MSG/DEF/EMA/C0.TER, 8
avril 1994 », In : Quilès 1998, Annexes, p. 344.
[Document
en
ligne]
https://francegenocidetutsi.org/OrdreOperationAmaryllis8avril1994.pdf
Sénat de Belgique – Commission des Affaires étrangères : Commission
d’enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda 1-611/(715) 1997/1998. Sénat belge, 6 décembre 1997.
[Document en ligne] https://francegenocidetutsi.org/SenatBelgique-r1-6119.pdf#page=12
28