Fiche du document numéro 30591

Num
30591
Date
Mardi 23 mai 1995
Amj
Auteur
Taille
27203
Sur titre
France Inter, 14 heures à 15 heures
Titre
« Là-bas si j'y suis ». Daniel Mermet, au Rwanda, sur les traces de Valentine
Sous titre
Il y a un an, il découvrait l'enfant au milieu d'un charnier.
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Valentine, une petite Rwandaise découverte par une équipe de journalistes en mai 1994 au milieu d'un charnier, a été retrouvée par la même équipe un an après : Daniel Mermet avait consacré une semaine de son émission sur France Inter Là-bas si j'y suis à Valentine et son pays, intitulant la série «Rwanda sous silence». Il est retourné là-bas et diffuse cette semaine des reportages sur la recherche de Valentine, le retour sur les lieux du premier voyage.

Il y a un an, Daniel Mermet, accompagné d'un journaliste de RFI, mais aussi de membres du Front patriotique rwandais (FPR) et de journalistes tanzaniens, arrive près de Kibongo à 50 km de la frontière tanzanienne, à la paroisse de Nyarubuye. Ils trouvent des centaines de cadavres dispersés autour de l'église au milieu des fleurs. Et puis, dans un cabanon au milieu du potager, ils découvrent stupéfaits, une enfant, vivante. Elle dispose d'un peu d'eau et de nourriture. Valentine, 12 ans, vit là depuis quarante-sept jours. Après avoir vu ses parents, ses frères et sœurs assassinés. Elle-même s'est pris un coup de machette sur la main en se protégeant le visage. Elle ne peut plus marcher. Les Français proposent de lui faire passer la frontière pour la remettre à une équipe de Médecins sans frontière. Les soldats du FPR préfèrent la conduire à l'hôpital de Kibongo où elle est soignée. L'équipe de Mermet repart pour la France, quittant la folie du pays, mais ne voyant plus tout à fait le monde de la même façon.

Un an après, Daniel Mermet a voulu retourner là-bas savoir ce qu'était devenue Valentine. Et, au-delà de la gamine et de son émission, il entend «lutter contre la banalisation, la neutralité, l'indifférence». «Ce qui se passe dans ce pays, c'est le mal absolu, c'est la déshumanisation, c'est un génocide, mais ça n'intéresse personne de dire que c'est un génocide. On vous parle de guerre interethnique, de guerre tribale. Il faut faire un Nuit et brouillard sur ce génocide. L'inhumain est quelque chose qui vous gagne très vite. On tue ses voisines, on ne sent plus qu'on tue.»

Parce qu'il faut une suite, que les médias souvent oublient cette suite, Daniel Mermet a suivi le même itinétaire, de Benako à Kigali puis de Kibongo à Nyarubuye. Il a appris que Valentine avait quitté l'hôpital pour un orphelinat protestant où elle a passé quatre mois. Puis un oncle l'a récupérée à son retour de Tanzanie où il s'était réfugié. Il l'a emmenée dans les collines de Nyarubuye, où elle vit aujourd'hui avec cette nouvelle famille, et où l'animateur a fini par la retrouver : «Elle ne nous a pas sauté au cou quand nous l'avons rencontrée.» Valentine a accepté de raconter et même, ce qui paraît inconcevable, de retourner à l'endroit du charnier, là où rien n'a changé. Accepter ou susciter (peu importe) le retour de Valentine sur les lieux du massacre pour une émission de radio : la démarche est limite. On imagine les cris poussés si l'initiative était venue d'une chaîne de télévision. Pourquoi l'accepterait-t-on d'une radio ? Mermet affirme s'être posé la question, se la poser encore : «Etait-ce bon pour la gamine ? Est-ce bien pour elle de raconter ? Après avoir offert à Valentine ce qu'elle demandait : une vache, une chèvre et une poule, nous nous sentons toujours hantés par la mauvaise conscience de s'être donnés bonne conscience. C'est une impasse de ce reportage. L'autre étant de mettre en avant un seul personnage. Pourquoi elle ?»

Personne, ni Mermet, ni les auditeurs, ne sortira indemne de ce voyage d'une semaine dans l'horreur. Il a le mérite de parler des Rwandais, du drame d'un pays beaucoup trop passé sous silence.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024