Fiche du document numéro 30373

Num
30373
Date
Samedi 25 juin 1994
Amj
Taille
1558071
Titre
Fax manuscrit du colonel Rosier au général Le Page - Restitution de la rencontre de la veille avec le MinDef
Cote
SHD GR 2000 Z 163_01 ; 20210031/1
Source
COS
Fonds d'archives
Type
Fac-similé
Langue
FR
Citation
FM. COL ROSIER
TO GAL LE PAGE SAM 25-6/07-45.

À SA DEMANDE J'AI RENCONTRÉ HIER SOIR LE MINDEF DANS UN ENDROIT
DISCRET AU NORD DE CYANGUGU. IL ÉTAIT ACCOMPAGNÉ DU MINAE.
APRÈS LES SOUHAITS DE BIENVENUE ET L'ASSURANCE D'UN SOUTIEN TOTAL DE
LA PART DES AUTORITÉS ET DE LA POPULATION,
J'AI EU DROIT D'ABORD À UN EXPOSÉ DE LA SITUATION MILITAIRE. ELLE EST
CATASTROPHIQUE NON PAS EN TERME D'EFFECTIFS MAIS DE MOYENS, NOTAMMENT
DE MUNITIONS (ARTILLERIE). LE DÉSÉQUILIBRE DES FORCES SE SITUE À CE
NIVEAU, CAR LE FPR EST TOUJOURS RAVITAILLÉ PAR L'OUGANDA, PAR AILLEURS
LE RWANDA NE DISPOSE PLUS DE RESSOURCES FINANCIÈRES POUR SE FOURNIR,
EN RAISON DE L'EMBARGO.

ENSUITE, ILS ONT ABORDÉ LA SITUATION INTÉRIEURE ET SON ÉVOLUTION
DEPUIS AVRIL. L'ASSASSINAT DU PRÉSIDENT A CRÉÉ UN VÉRITABLE CHOC
ET DÉCLENCHÉ LES MASSACRES (QU'ILS N'ONT PAS NIÉS). ILS ONT SOULIGNÉ
LEURS EFFORTS POUR ENDIGUER PUIS CONTRÔLER CE DÉCHAÎNEMENT
INITIALEMENT INCOERCIBLE : REGROUPEMENT DES DÉPLACÉS, PROTECTION PAR
LA GENDARMERIE.

PUIS L'ANALYSE EST DEVENUE PLUS POLITIQUE. LA SOUFFRANCE ET LES
CRAINTES SUSCITÉES PAR LES SUCCÈS MILITAIRES DU FPR ONT PARADOXALEMENT
ESTOMPÉ LES CLIVAGES POLITIQUES. L'ARMÉE ET LE PEUPLE, MALGRÉ LEURS
PAUVRES MOYENS, SONT DÉCIDÉS À SE BATTRE JUSQU'AU BOUT. SI LA
SITUATION MILITAIRE EST GRAVE LA COHÉSION POLITIQUE EST UNE
RÉALITÉ. ALORS QUE DU CÔTÉ FPR IL N'Y A PLUS DE RÉALITÉ POLITIQUE MAIS
SEULEMENT UNE VOLONTÉ MILITAIRE (LES HOMMES DE PAILLE SONT TOMBÉS,
RESTE KAGAME ET L'OMBRE DE MUSEVENI DERRIÈRE) DE SORTE QU'IL EST
ILLUSOIRE D'ESPÉRER RAMENER LE FPR À LA TABLE DES NÉGOCIATIONS, CAR IL
EST CONTRAINT À LA VICTOIRE MILITAIRE. UN COUP D'ARRÊT À SA
PROGRESSION ET UNE RECULADE SYMBOLIQUE ANÉANTIRAIENT SA STRATÉGIE.

C'EST ALORS QUE, TOUT EN LOUANT L'ASPECT HUMANITAIRE INDISPENSABLE DE
NOTRE INTERVENTION, ILS M'ONT DEMANDÉ UNE AIDE D'UNE AUTRE NATURE
(``DISCRÈTE'' BIEN SÛR!) = DES MUNITIONS D'ARTILLERIE - (``VOS CANONS
DE 105 SONT TOUJOURS LÀ, MAIS ILS SONT MUETS FAUTE D'OBUS''). LE
BESOIN EXPRIMÉ CONCERNE ÉVIDEMMENT LE SECTEUR KIGALI EN PREMIER LIEU.
JE LEUR AI RÉPONDU QU'IL ME PARAISSAIT ILLUSOIRE D'ESPÉRER UNE TELLE
AIDE DANS LE CONTEXTE ACTUEL. ILS ONT EU L'AIR DÉPITÉ PAR MA RÉPONSE
ET M'ONT DIT QU'ILS COMPTAIENT AVOIR RECOURS À DES MERCENAIRES
(CAPITAINE BARRIL CONTACTÉ). PAR AILLEURS, JE LEUR AI DIT QU'IL SERAIT
CATASTROPHIQUE POUR LEUR IMAGE QUE D'AUTRES MASSACRES AIENT LIEU.

ENFIN, ILS M'ONT DÉSIGNÉ L'OFFICIER DE LIAISON DES FAR AUPRÈS DU
COMFORCE. CE N'EST AUTRE QUE LE COL ANATOLE N'SENGIYUMVA (CHEF SECTEUR
GISENYI). AVEC DES OFFICIERS EN RELAIS A CYANGUGU ET RUHENGERI.

L'IMPRESSION GÉNÉRALE QUE JE RETIRE DE CETTE COURTE ENTREVUE EST QUE
J'AI EU À FAIRE À DEUX VÉRITABLES RESPONSABLES (MINDEF TENDANCE MRND -
MINAE, MDR), CONSCIENTS DE LA PRÉCARITÉ DE LA SITUATION MILITAIRE DE
LEUR PAYS, MAIS EXTRÊMEMENT DÉTERMINÉS EN RAISON DU SOUTIEN TOTAL DE
LA POPULATION.

SIGNATURE

EN ANNEXE, LA LIGNE DE FRONT DONNÉE PAR MINDEF.

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