Citation
Le 17 juin 1994
18739/N
FICHE PARTICULIERE
RWANDA - FRANCE
ELEMENTS SUR LES ACTIVITES DE LA FAMILLE HABYARIMANA EN FRANCE
Depuis son arrivée à Paris, la famille du défunt président rwandais, Juvénal Habyarimana, déploie une intense activité qui n'a d'autre objectif que de maintenir au pouvoir la faction hutu du nord, la plus extrémiste et la plus opposée à toute transition démocratique.
La stratégie du clan présidentiel s'opère à un double niveau. Tout d'abord au niveau médiatique (lettres, demandes de droit de réponse...), il s'efforce de mettre un frein à la "campagne anti-hutu, orchestrée par le Front Patriotique Rwandais" (FPR) qui désigne pour principaux responsables des massacres les milices hutu. De plus, le clan présidentiel s'emploie, de manière aussi intense, mais plus discrète, à contourner l'embargo des Nations Unies sur les exportations d'armements et de munitions à destination du Rwanda.
Peu après l'arrivée de la famille Habyarimana à Paris, l'ambassadeur du Rwanda, M. Jean Marie Vianney Ndagijimana, Hutu modéré, favorable à l'application des accords d'Arusha, a été écarté de son poste par décision du nouveau ministre des Affaires étrangères rwandais, M. Bicamunpaka, radical et proche des thèses extrémistes de la Coalition pour la Défense de la République (CDR), de passage à Paris. Il a été remplacé par M. Martin Ukobizaba (CDR) et vit désormais reclus, après avoir reçu des menaces de mort. M. Ukobizaba entretient des contacts réguliers, depuis l'ambassade, avec le domicile parisien de la famille Habyarimana.
L'ancien mercenaire Bob Denard est en contact quasi-quotidien avec Jean-Pierre Habyarimana, un des fils du défunt président. Tout en entourant ses projets de la plus grande discrétion possible, il est apparu qu'un coup de main armé semblait en préparation, au Rwanda, avec comme objectif probable la prise de l'aéroport international de Kigali (1). À cette fin, une équipe a été dépêchée dans la région et serait probablement sous le commandement de M. Roger Ghys, alias le commandant "Charles", proche de Bob Denard. Les modalités d'une éventuelle opération sont inconnues.
(1) La conquête de l'aéroport de Kigali est un objectif stratégique pour les forces gouvernementales. Son contrôle permettrait ainsi à la Mission des Nations Unies au Rwanda (MINUAR) de se déployer et de gêner, sans doute considérablement, l'offensive du FPR.
Le capitaine Paul Barril, dirigeant de la société "Secrets", est également en contact régulier avec la famille Habyarimana. Son rôle semble recouvrir deux activités : le conseil du clan présidentiel sur le plan médiatique et l'aide au contournement de l'embargo portant sur les armements Dans un premier temps, le capitaine Barril a conseillé à la famille Habyarimana de ne pas se lancer dans des procès en diffamation - longs, coûteux et hasardeux- et de se contenter d'exiger des droits de réponse. Par ailleurs, le capitaine Barril s'est engagé, semble-t-il, par le biais de sa société, à fournir une cinquantaine de tonnes de munitions et d'armements divers aux forces gouvernementales. Il semblerait que cette opération, liée probablement aux activités du groupe de Bob Denard, se soit heurtée à des difficultés importantes, dues notamment au contournement de l'embargo.
Enfin, la famille Habyarimana a engagé de nombreuses démarches administratives pour se mettre en conformité, au plan juridique, avec les textes qui régissent l'accueil des étrangers sur le sol français. Devant la lourdeur de la procédure qui conduit au statut de réfugié politique, les enfants Habyarimana semblent désormais se reporter vers la demande de visas renouvelables de trois mois. Mme Agathe Habyarimana, quant à-elle, ne souhaïte pas rester à Paris et étudie sérieusement la possibilité de séjourner au Congo, à l'invitation de Mme Sassou Nguesso. La veuve du président Habyarimana est actuellement en Egypte, chez certains de ses enfants.
Déclassifié par décision
du ministre de La Défense
N° 661153 cu 1242021
