Fiche du document numéro 24100

Num
24100
Date
Mercredi 27 mars 2019
Amj
Taille
233522
Titre
Transcription partielle de l'interview d'Hubert Védrine
Sous titre
Hubert Védrine : « Je n’ai pas été un acteur. Je n’ai pas joué de rôle spécial dans les questions ni africaines, ni militaires ».
Nom cité
Source
Fonds d'archives
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Citation
Lien : https://www.france24.com/fr/20190327-invite-jour-hubert-vedrine-rwanda-brexit-europe-algerie-France

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HUBERT VEDRINE SUR LE PLATEAU DE FRANCE 24, LE 27 MARS 2019.

NB. – Les principaux bégaiements ont été supprimés.

[Début de la transcription à 04’ 23’’]

Pauline Paccard : On va rester sur le continent africain, si vous le voulez bien, avant de revenir en Europe, Hubert Védrine. On va commémorer dans 10 jours les 25 ans du génocide rwandais de 94 : 800 000 personnes massacrées en 100 jours, essentiellement tutsi. Vous êtes à l’époque secrétaire général de l’Elysée de François Mitterrand. 25 ans après, le rôle présumé de la France dans ce génocide est toujours un sujet hautement sensible. Et je précise que vous êtes l’un des rares hauts responsables de l’époque à vous exprimer sur le sujet. Avec le recul du temps, Hubert Védrine, et à l’aune de ces 25 ans, est-ce qu’aujourd’hui vous vous dites qu’il y a peut-être eu une erreur d’appréciation du gouvernement français sur la capacité de compromis, avant le génocide, des Hutu et des Tutsi, au moment des accords d’Arusha ?

[05’ 05’’]

Hubert Védrine : Pour ceux qui s’intéressent à ce sujet, je dirais que, en gros, tout ce qu’on peut lire dans les médias français ou écouter depuis 15 ans est faux et mensonger.

[05’ 13’’]

Pauline Paccard : Alors, vous avez la parole pour dire votre…

[05’ 13’’]

Hubert Védrine : Non, mais ce n’est pas la parole… On ne va pas… Ça prendrait trois heures. Il y a eu tellement de mensonges, tellement d’absurdités. Simplement, je conseille que vous donniez – vous et les autres ! – la parole aux autres, à tous ceux qui n’ont pas automatiquement…

[05’ 24’’]

Pauline Paccard : Ce n’est pas à vous, qui avez été un acteur important ?

[05’ 26’’]

Hubert Védrine : Non, je n’ai pas été un acteur. J’ai été… Je n’ai pas joué de rôle spécial dans les questions ni africaines, ni militaires. Mais je suis président de l’Institut Mitterrand. Donc, de temps en temps, il faut que je rappelle qu’il faudrait écouter les…, par exemple, les chefs militaires de l’époque. Mais leurs explications, leurs démentis ne passent jamais dans les médias français. Je pense qu’il faudrait faire parler les Congolais ! Vous êtes une chaîne francophone. Ils ont une vision très, très précise des événements du Rwanda, avant, pendant, après. Faudrait faire parler les experts belges, sur le sujet, qui ne sont jamais écoutés. Faudrait faire parler les enquêtrices…, l’enquêtrice canadienne qui a retravaillé sur tout ça. Mais bizarrement, en France, il y a une sorte de micro-climat et on ne relaie en France que les accusations contre la France.

[06’ 03’’]

Pauline Paccard : Alors, je ne relaie pas d’accusations…

[06’ 06’’]

Hubert Védrine : Non, mais il faut entrer dans le détail.

[06’ 07’’]

Pauline Paccard : Je vous demande à vous, Hubert Védrine, si 25 ans plus tard, vous avez le sentiment que le gouvernement français a pu avoir une erreur d’appréciation à ce moment-là de l’histoire ?

[06’ 12’’]

Hubert Védrine : Je pense que la France est le seul pays au monde qui a compris, dès 90, que les attaques du FPR depuis l’Ouganda allaient déclencher une gigantesque guerre civile. C’est le seul pays qui a tenté – un peu avec la Belgique – d’enrayer ça, par une action militaire pour dissuader les attaques. Et en même temps une action politique pour imposer un compromis. Que ce compromis avait été obtenu à Arusha, l’été 93, notamment par Alain Juppé. Parce qu’il y a eu la période Mitterrand, puis il y a la période de cohabitation. Mais c’était la même ligne. Et je pense qu’après Arusha, il y a eu une sorte d’optimisme, très fort, en disant : « Ça y est ! Ouf ! On a arrêté la guerre civile qui se préparait ». Donc toutes les troupes ont été retirées. Donc, il y a une sorte de, disons, d’optimisme exagéré. Mais ça n’a rien, rien à voir avec les accusations que vous pouvez lire sans arrêt dans les…, tous les ans au même moment, par 30 à 40 personnes qui répètent les mêmes trucs. Bon…

[07’ 01’’]

Pauline Paccard : D’optimisme ou de naïveté ? Encore une fois, c’est facile de refaire l’histoire 25 ans plus tard.

[07’ 06’’]

Hubert Védrine : Oui, en effet.

[07’ 07’’]

Pauline Paccard : Mais de n’avoir pas pu, pas voulu voir les alertes qui se multipliaient ?

[07’ 11’’]

Hubert Védrine : Non. Non, non, non. C’est l’inverse ! Mais la France a très bien, très bien vu le risque. Sinon, pourquoi elle aurait été là-bas ? Donc, tout ce qui montrait que ça allait vers une guerre civile avec un durcissement des deux camps, c’était très bien connu ! La France était là pour ça ! Donc, il y avait une course de vitesse entre la volonté française d’imposer un compromis, qui a été obtenu en… – enfin, l’engagement en tout cas – à Arusha, l’été 93. Et puis la logique de guerre civile. Alors après, toutes les troupes ont été retirées. Je pense qu’après l’attentat contre l’avion, qui a déclenché les massacres, et donc le génocide, là aussi il aurait fallu que le monde entier revienne ! Mais pas que la France seule. La France seule est revenue pour faire une opération humanitaire qui a sauvé des milliers de vies, mais trop tard. Turquoise. Pourquoi trop tard ? Parce qu’on n’a pas eu l’autorisation du Conseil de sécurité avant. Ça a pris six semaines !

[07’ 55’’]

Pauline Paccard : A l’été 94.

[07’ 56’’]

Hubert Védrine : En fait, pour ceux qui sont intéressés par ça, il y a un très bon Que sais-je ? d’un grand expert belge auprès du Tribunal d’Arusha, le [inaudible] Reyntjens, que je conseille pour ceux qui veulent aller au-delà de ce qu’on entend et ce qu’on lit en général.

[08’ 07’’]

Pauline Paccard : Alors, pour ceux que ça intéresse et qui voudraient aller plus loin, France 24 va diffuser au début du mois d’avril un documentaire, un long documentaire, signé de nos confrères Mickaël Stanzke et Emeline Mauro-Andreux. Je vous invite à le regarder, si vous le souhaitez, Hubert Védrine, documentaire dans lequel…

[08’ 24’’]

Hubert Védrine : Je n’ai pas vu un seul documentaire en 15 ans qui soit équilibré, sur le sujet.

[08’ 27’’]

Pauline Paccard : Eh bien, écoutez, on va donner le bénéfice du doute à nos confrères de France 24. Vous êtes cité, Hubert Védrine, dans ce documentaire. Vous avez d’ailleurs réagi dans ce documentaire, vous y apparaissez. Un document qui démontre que la France a bien laissé s’enfuir en juillet 94 vers l’ex-Zaïre certains des membres…

[08’ 41’’]

Hubert Védrine : C’est une approche complètement fausse !

[08’ 44’’]

Pauline Paccard : On va voir un extrait de ce…

[08’ 44’’]

Hubert Védrine : Mais c’est un exemple de plus !

[08’ 45’’]

Pauline Paccard : On va voir un extrait de ce reportage et on va attendre votre réponse…

[08’ 48’’]

Hubert Védrine : C’est un exemple de plus de la… façon mensongère.

[08’ 50’’]

Pauline Paccard : Est-ce qu’on peut voir un extrait de ce reportage ?

[08’ 52’’]

Hubert Védrine : Si cela ne nous empêche pas de parler d’autres sujets plus sérieux, ce matin !

[08’ 53’’]

Pauline Paccard : Cela ne nous empêchera pas de parler d’autres choses. On va voir un extrait de ce reportage. On en parle juste après.

[08’ 58’’]

[Un extrait du documentaire de Mickaël Stanzke et Emeline Mauro-Andreux est diffusé]

[09’ 41’’]

Pauline Paccard : Juste sur ce point précis, Hubert Védrine : la France, dites-vous, n’avait pas le droit de faire arrêter les responsables du génocide, à ce moment-là précis ?

[09’ 48’’]

Hubert Védrine : Je ne dis pas la France, je dis… D’ailleurs, c’est très compliqué, les gens s’y perdent, mais… La France n’a pas voulu revenir parce qu’elle avait retiré ses troupes. Elle n’était pas amie du régime, elle avait retiré ses troupes. Elle voulait l’autorisation du Conseil de sécurité. Donc, c’est le Conseil de sécurité qui a fixé le mandat. Donc, la force Turquoise dépendait des instructions de New York. Ils n’ont jamais eu comme instruction d’arrêter les génocidaires. Et c’était qui, comment ? Dans la… Des milliers et des milliers de gens. Donc, ils ont fait ce qu’ils ont pu. Ils ont porté secours là où ils ont pu. Ils avaient des moyens assez limités, en réalité. Ils n’ont pas pu sauver tout le monde. Et puis, s’il y a des gens qui sont passés dans la foule, ils n’en savaient rien les chefs militaires ! D’autre part, les génocidaires n’avaient pas besoin de passer par cet endroit pour fuir ! Parce que les frontières du Rwanda étaient une passoire, en fait ! Il n’y a que… Ils ne pouvaient pas aller vers l’Ouganda, parce que l’armée ougandaise soutenait le FPR. Donc, c’est un exemple très intéressant, typique, où on prend un fait précis, qu’on sort du contexte. C’est trop compliqué à expliquer, donc les gens décrochent un peu. Il n’y a pas… On trouve un micro, micro fait scandaleux qu’on répète sans fin depuis des années et des années parce que les gens travaillent à partir des revues de presse d’avant. Donc, je pense qu’il faut… Je ne sais pas du tout comment est ce documentaire. Il est peut-être moins pire que [inaudible] [sourire]…

[10’ 53’’]

Pauline Paccard : Eh bien, on va lui donner le bénéfice du doute et on le regardera…

[10’ 56’’]

Hubert Védrine : Il faut que les autres, en tout cas... Je répète ce que j’ai dit, pardon, sur le Que sais-je ? Mais il y a au moins 10 autres livres qui racontent la…, les évènements d’une façon complètement différente de ce qui se dit en France, qui devient un micro-milieu sur le sujet.

[11’ 07’’]

Pauline Paccard : Voilà… Et chacun de fera son avis.

[11’ 07’’]

Hubert Védrine : En même temps, vous êtes une chaîne écoutée partout !

[11’ 10’’]

Pauline Paccard : C’est bien effectivement ce qu’on essaie de faire !

[Fin de la transcription à 11’ 11’’]

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