Fiche du document numéro 33194

Num
33194
Date
Vendredi 26 février 1993
Amj
Fichier
Taille
335404
Pages
6
Titre
Fiche particulière n° 18177/N - Rwanda : Point de Situation
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Cote
N° 18177/N ; D3429
Source
Fonds d'archives
Type
Note
Langue
FR
Classification
CD
Declassification
N° 014894 du 3 nov 2006
Citation
Le 26 février 1993
N°18177/N

FICHE PARTICULIERE

RWANDA

POINT DE SITUATION

La rencontre entre la délégation du Front Patriotique Rwandais (FPR) conduite par le colonel Kanyarengwe, président du mouvement et les représentants des partis politiques de l'opposition intérieure, dirigée par le Premier ministre Nsengiyaremye, a débuté à Bujumbura,le 25 février 1993, alors que des combats se poursuivent sur la ligne de front entre l'Armée Patriotique Rwandaise (AFP) et les Forces Armées Rwandaises (FAR).

Réunion de Bujumbura

Outre la délégation du FPR (6 personnes), participent à cette réunion :

- le Mouvement Démocratique Républicain (MDR),
- Le Parti Social Démocrate (PSD),
- le Parti Démocrate Chrétien (PDC),
- le Parti Libéral (PL).

Le Mouvement Républicain National pour la Démocratie et le Développement
(MRNDD, parti du président Habyarimana) n'a finalement pas pris part, contrairement à ce qu'il
avait annoncé, à ces travaux qui se déroulent à huis clos.

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À la veille de cette renconte, le MDR, principal parti d'opposition, a fixé, pour sa part, les principaux objectifs à atteindre, souhaités par beaucoup de Rwañdais :

- manifester résolument sa rupture avec le FPR dont la puissance militaire représente dorénavant une menace,

- affirmer la nécessité de maintenir la présence française (point partagé par le PL, semble-t-il),

- convaincre les milieux politique, diplomatique, ecclésiastique et militaire d'exercer des pressions sur le chef de l'Etat.

Situation sur le terrain

En dépit des déclarations du FPR (arrêt des combats pour reprendre la négociation) et en dépit de la trêve préconisée par les autorités rwandaises, l'APR, dont l'effectif est d'environ 5 000 hommes (10 000 selon le FPR) poursuit ses attaques, notamment dans les régions de Ruhengeri et Byumba, et se renforce entre Kinigi et Nkumba profitant des carences logistiques de l'armée gouvernementale.

L'objectif de l'APR semble être aujourd'hui d'isoler et d'encercler les troupes gouvernementales par des pilonnages réguliers et d'infiltrer par petites sections des zones ciblées. Jusqu'à présent, l'APR n'a pas progressé d'une façon significative mais fixe les unités régulières.

Peu combatives et démoralisées, les forces armées rwandaises (FAR), fortes d'environ 30 000 hommes, se contentent de repousser les attaques adverses. Leur stratégie consiste, pour l'heure, à se réorganiser pour la défense de Rulindo avec des unités prélevées à Kigali. Le président Habyarimana a lancé un appel à l'union nationale pour empêcher par la force les troupes rebelles de s'emparer de la capitale (ses troupes seraient à environ 40 km).

Le rapport de force est donc toujours favorable au FPR qui, depuis une semaine,
outre ses gains sur le terrain, a entraîné un déplacement massif de population vers le sud du pays, émaillé d'exactions.

Problème des réfugiés

Depuis la reprise des combats, le 8 février, un million d'habitants (1/7 de la population totale) ont fui le nord du pays. Les forces gouvernementales ont établi des barrages routiers pour les empêcher d'affluer vers Kigali. Cependant, 200 000 d'entre-eux sont disséminés dans les collines à 15 km de la capitale. Selon les premières estimations, 384 000 personnes de la préfecture de Ruhengeri ont été déplacées, tandis que 501 000 ont dû quitter la préfecture de Byumba.

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La situation à laquelle sont confrontés les réfugiés risque d'entraîner rapidement une famine généralisée. Plusieurs centaines de ces personnes ont, en outre, fait l'objet de massacres perpétrés par les soldats du FPR, notamment le 17 février dans les localités de Kisaro, Rebero (les autorités arrnoncent que 500 corps auraient été découverts sur la commune de Kinyani) et Ruhengeri.

Soutien de l'Ouganda au FPR

S'il n'y a aucune preuve formelle de l'aide de Kampala au FPR les indices
concernant un soutien militaire de l'Ouganda apporté au FPR se fondent, notamment, sur les points
suïvants :

- des documents, signés par un officier supérieur de l'armée ougandaise, saisis sur un camion des troupes de l'APR confirmeraient que le véhicule, portant une immatriculation de l'armée ougandaise (VWT 868), a effectué de nombreuses rotations entre l'Ouganda et le Rwanda ces derniers mois ;

- la portion de territoire dont dispose le FPR est trop exiguë pour lui permettre de s'approvisionner en hommes et en matériels, compte tenu du nombre de ses recrues et du matériel dont il dispose ;

- le FPR ne dispose d'aucune d'infrastructure hospitalière en territoire rwandais, ce qui laisse à supposer qu'il a recours à l'Ouganda pour soigner ses blessés.

ANNEXE I

Ambitions du FPR

Le FPR a posé un certain nombre de conditions assorties à un cessez-le-feu :

- le maintien des FAR sur leurs positions actuelles,
- la création d'une zone tampon où le contrôle du cessez-le-feu serait effectué par le Groupe d'Observateurs Militaires Neutres (GOMN),
- la reprise des négociations d'Arusha.

Attitude du gouvernement rwandais

Dans sa déclaration du 21 février, le gouvernement rwandais confirmait sa décision d'observer la trêve et acceptait les propositions du FPR. Il souhaite cependant une intervention rapide du Conseil de Sécurité pour obtenir le déploiement d'un groupe d'observateurs militaires de l'ONU à la frontière rwando-ougandaise. L'Ouganda ne devrait pas, en principe, s'opposer à une telle opération, du fait de l'existence des accords de coopération en matière de sécurité signés entre les deux pays le 8 août 1992.

CONFIDENTIEL DÉFENSE
ANNEXE II

Eléments d'analyse sur la crise rwandaise

Les problèmes économiques rencontrés par le Rwanda depuis 1988 ont conduit le président Habyarimana à entamer un processus démocratique, qui s'est traduit par le passage du monopartisme au multipartisme et par la formation, le 16 avril 1992, d'un gouvernement de coalition dirigé par une personnalité de l'opposition. Les principaux partis de l'opposition intérieure (1) et le MRNDD y sont représentés.

Le conflit avec le FPR, déclenché le 1er octobre 1990 par l'attaque des rebelles à partir de l'Ouganda, n'était toujours pas réglé lors de la mise en place du nouveau gouvernement, malgré les nombreuses tentatives de négociations sous l'égide du médiateur zaïrois. La résolution du conflit étant la condition sine qua non de la poursuite de la démocratisation, le nouveau gouvernement s'est attelé à cette tâche. L'opposition intérieure et le mouvement rebelle étaient d'accord sur l'objectif (le départ du président Habyarimana), mais pas sur les moyens pour y parvenir.

Les négociations, désormais sous l'égide de la Tanzanie, ont abouti, dans un premier temps, à un cessez-le-feu entré en vigueur le 31 juillet 1992. Celui-ci avait été relativement respecté jusqu'à l'offensive du FPR le 8 février 1993. Avant l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, le FPR avait cependant lancé une grande offensive sur la localité de Byumba, lui permettant d'entamer les premières négociations politiques en position de force.

Ces négociations politiques ont permis de définir les règles relatives au partage du pouvoir pendant la période de transition. Les parties ont signé un protocole d'accord en deux temps : les 30 octobre 1992 et 9 janvier 1993.

La première partie du protocole d'accord consacre, pour la période de transition, le transfert de la majorité des pouvoirs du chef de l'Etat au profit du gouvernement à base élargie. La signature de ce protocole a été facilitée par les concessions de la délégation gouvernementale ef la pression des observateurs sur le FPR.

(1) MDR : Mouvement Démocratique Républicain,
PSD: Parti Social Démocrate,
PL : Parti Libéral,
PDC: Parti Démocraie Chrétien.Ce dernier parti, représenté au gouvernement par un seul ministre, est proche du MRNDD.
La seconde partie prévoit la répartition des portefeuilles ministériels au sein du futur gouvernement de transition à base élargie et celle des sièges dans l'Assemblée Nationale de Transition (ANT). La répartition adoptée implique que le président et son parti n'ont plus aucune prise sur la période de transition. Par ailleurs, la Coalition pour la Défense de la République (CDR - parti extrémiste Hutu affilié au MRNDD) a été écartée de la gestion pendant cette période.

Le chef de l'Etat et ses sympathisants rejettent ce protocole d'accord, signé, selon eux, par le chef de la délégation gouvernementale pour le compte de son propre parti (M. Ngulinzira, membre du MDR).

Les risques de dérapage qu'impliquaient de tels résultats se sont vérifiés : les affrontements politiques se sont rapidement transformés en massacres ethniques dans l'est du pays, perpétrés par les milices armées du MRNDD et de la CDR avec la complicité de certaines autorités locales. Ces massacres ont eu lieu au lendemain du départ d'une mission de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH), qui n'hésite pas à parler, dans son rapport qui sera rendu public le 22 février, de "purification ethnique" et dénonce l'implication de l'entourage du chef de l'Etat.

Ces massacres ont donné une excellente raison au FPR pour rompre le cessez-le-feu et faire une démonstration de force sur le terrain. Malgré les concessions du gouvernement sur les préalables à la reprise des négociations posés par le FPR, ce dernier lançaït, le 8 février, une offensive de grande ampleur, visant particulièrement les axes Ruhengeri-Kigali et Byumba-Kigali. Le succès de cette offensive est moins à rechercher dans la force de l'Armée Patriotique Rwandaise (APR-troupes rebelles), malgré l'aide militaire de l'Ouganda, que dans la faiblesse et la démotivation des Forces Armées Rwandaises (FAR).
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