Fiche du document numéro 31184

Num
31184
Date
Lundi 12 décembre 2022
Amj
Auteur
Fichier
Taille
177617
Pages
4
Urlorg
Titre
M23 en RDC : comment le bras de fer Tshisekedi-Kagame s’exporte à Washington
Sous titre
Arrivé dans la soirée du 11 décembre aux États-Unis, où il doit participer à l’« US Africa Leaders Summit 2022 », le président congolais entend poursuivre sa bataille diplomatique avec son homologue rwandais, qu’il accuse de soutenir les rebelles.
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Mot-clé
M23
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Par Romain Gras - envoyé spécial à Washington

Le président rwandais Paul Kagame et son homologue congolais, Félix Tshisekedi, au siège des Nations unies, à New York, le 24 septembre 2019. © Village Urugwiro

Arrivé dans la soirée du 11 décembre aux États-Unis, où il doit participer à l’« US Africa Leaders Summit 2022 », le président congolais entend poursuivre sa bataille diplomatique avec son homologue rwandais, qu’il accuse de soutenir les rebelles.

Lors de sa dernière visite aux États-Unis, en septembre pour assister à l’Assemblée générale de l’ONU, Félix Tshisekedi avait profité du voyage pour poursuivre son plaidoyer visant à dénoncer l’implication du Rwanda aux côtés du M23 – une accusation réfutée par Kigali.

À cette occasion, une réunion tripartite, organisée à l’initiative de la France, s’était déroulée entre Emmanuel Macron, Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Celle-ci avait notamment abordé la question du retrait des rebelles qui, à l’époque, contrôlaient surtout la ville de Bunagana. Deux mois et demi après, revoilà Félix Tshisekedi aux États-Unis, alors que le M23 se situe désormais à une vingtaine de kilomètres de Goma.

L’« ingérence extérieure » dénoncée par le Rwanda

Le président congolais est arrivé à Washington le 11 décembre. S’il est d’ores et déjà prévu qu’il intervienne à deux tables rondes organisées dans le cadre du sommet, l’une consacrée à la transition énergétique, le 13 décembre, et l’autre, le 15, sur l’agenda 2063 de l’Union africaine, Félix Tshisekedi a également prévu de s’activer en coulisses sur le dossier du M23 que les États-Unis suivent de près.

Une rencontre avec le président du comité des Affaires étrangères du Sénat, Bob Menendez, est notamment prévue. À deux reprises depuis le début du conflit, en juin et en octobre 2022, la commission dirigée par l’élu du New Jersey a accusé Kigali d’aider les rebelles, appelant à reconsidérer l’aide accordée par Washington au Rwanda.

Les États-Unis sont parmi les rares pays à avoir publiquement abordé la question du soutien présumé du Rwanda au M23. Le 4 décembre, le secrétaire d’État américain Antony Blinken – qui s’était rendu en RDC et au Rwanda en août dernier – a assuré avoir échangé avec Paul Kagame, affirmant lui avoir « indiqué que tout soutien extérieur aux groupes armés non étatiques en RDC doit cesser, y compris l’aide du Rwanda au M23 ». Le ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Vincent Biruta, a répliqué, fustigeant « les ingérences extérieures dans les efforts régionaux et continentaux qui servent à dédouaner la RDC de sa responsabilité et l’encouragent à ne pas respecter les engagements pris dans le cadre des processus en cours ».

Tshisekedi cherche de nouveaux alliés

Ces dernières semaines, plusieurs tentatives de relance des processus de médiation de Luanda et de Nairobi ont été amorcées. Le 23 novembre, un mini-sommet organisé à Luanda sous l’égide du médiateur de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), João Lourenço, avait abouti à l’adoption d’une nouvelle feuille de route. Un cessez-le-feu avait été ordonné, ainsi qu’un retrait du M23 des localités conquises, sous peine d’une intervention de la force régionale. Près de trois semaines plus tard, ce retrait n’est toujours pas effectif, malgré l’annonce par le M23 de son désengagement, le 6 décembre. Lui aussi présent à Washington, le président angolais s’entretiendra le 13 décembre avec Antony Blinken.

Selon nos informations, des discussions sont en cours pour aboutir à l’organisation d’un nouveau sommet, qui devrait se tenir à Washington, en marge du programme officiel. Cette réunion, qui n’a pas encore été formellement confirmée, est élaborée par la Communauté de l’Afrique de l’Est, que préside le chef d’État burundais Évariste Ndayishimiye et l’Angola, qui pilote le processus de Luanda. Elle est actuellement envisagée dans un format plus large que celle qui s’est tenue fin novembre à Luanda. En plus des pays membres de l’EAC et de l’Angolais João Lourenço, plusieurs autres participants sont attendus, dont la patronne de la Monusco, Bintou Keïta.

La France et les États-Unis devraient tous deux disposer d’un siège d’observateurs, tandis que la troïka de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) disposerait également d’un siège. L’implication de cette dernière était un souhait de Félix Tshisekedi, qui préside actuellement l’organisation et se cherche d’autres alliés dans un dossier où il peine pour le moment à obtenir un vrai soutien diplomatique dans la sous-région.

« Liste noire »

L’autre dossier diplomatique sur lequel Félix Tshisekedi entend insister au cours de son séjour est celui lié au régime de notification imposé par les Nations unies. Il n’existe plus d’embargo sur les armes en RDC depuis 2008, sauf pour les groupes armés. Ne subsiste qu’une obligation de notification pour les fournisseurs et pour certains calibres d’armes.

Mais la RDC dénonce depuis plusieurs mois le maintien de ces contraintes qui, selon son ministre des Affaires étrangères Christophe Lutundula, reviennent à placer la RDC sur une « liste noire » et l’empêche de se défendre face au M23. Leur renouvellement début juillet, bien qu’elles aient été légèrement assouplies, a suscité la frustration de l’entourage de Félix Tshisekedi.

Il fait encore aujourd’hui l’objet de vives discussions à New York. La proposition initiale, formulée par Paris, visait en effet une levée totale des mesures restrictives. La France, porte-plume de toutes les résolutions onusiennes sur la RDC, répondait ainsi à une requête de Kinshasa mais s’est heurtée aux États-Unis et à la Grande Bretagne, pour qui leur maintien permet malgré tout de tracer les armes et d’éviter les risques de trafic entre l’armée congolaise et les groupes armés.

En visite à New York avant de rejoindre le président congolais à Washington, Christophe Lutundula s’est entretenu avec l’ambassadeur de France auprès de l’ONU, Nicolas de Rivière. Le sujet du régime de notifications, ainsi que le renouvellement du mandat de la Monusco qui va prochainement être voté par le Conseil de sécurité, ont notamment été mis sur la table. Selon une source élyséenne, la France a de nouveau proposé à la fin de novembre leur levée totale.

Paris souhaite notamment, en remettant le sujet d’actualité, répondre à l’offensive diplomatique russe en RDC. Cela intervient par ailleurs au moment de l’adoption d’une enveloppe de 20 millions d’euros par le Conseil européen, à travers la Facilité européenne pour la paix, en faveur du déploiement rwandais au Mozambique. La France avait été à l’origine de cette proposition, discutée bien avant la résurgence du M23.

Selon des sources concordantes, cette enveloppe avait été évoquée pour la première fois dans la foulée de la visite d’Emmanuel Macron à Kigali, en mai 2021. Si la partie congolaise avait été tenue au courant en amont du vote de cette aide européenne, cette dernière n’en a pas moins suscité certaines crispations à Kinshasa.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024