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Suite à une récente enquête de Mediapart sur la retraite française d'un colonel rwandais, génocidaire présumé, Le Poulpe revient sur les liens de ce dernier avec l’agglomération rouennaise, l’une des bases arrière de son organisation réputée pour accueillir de nombreux extrémistes. En février, un Rwandais installé à Rouen sera jugé aux Assises.
Citation
Aloys Ntiwiragabo, le Rwandais derrière
la communauté extrémiste de Rouen
Suite à une récente enquête de Mediapart sur la retraite
française d'un colonel rwandais, génocidaire présumé,
Le Poulpe revient sur les liens de ce dernier avec
l’agglomération rouennaise, l’une des bases arrière de
son organisation réputée pour accueillir de nombreux
extrémistes. En février, un Rwandais installé à Rouen
sera jugé aux Assises.
Par theo englebert | 26 Juil 2020
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Le 24 juillet, Mediapart a révélé la présence en France d’Aloys Ntiwiragabo, ancien chef
des renseignements militaires rwandais, architecte présumé du génocide des Tutsis et
fondateur des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé
criminel qui continue de sévir dans l’Est de la République démocratique du Congo. A la
suite de la parution de cet article, le parquet national antiterroriste français a annoncé
avoir ouvert une enquête préliminaire du chef de crime contre l’humanité.
Si l’homme se terre dans le Loiret, son réseau de soutien s’étend en Seine-Maritime où sa
famille et son organisation ont pris pied il y a plus de deux décennies. À la fin des années
1990, une pléthore d’anciens dirigeants du Rwanda s’exile en France et Rouen devient
une destination privilégiée pour bon nombre d’entre eux jusqu’à être surnommée par les
Rwandais la « capitale européenne des génocidaires ». Au Rwanda, ils ont laissé un pays
en cendres après le massacre de masse d’un million de Tutsis.
La belle-famille de Ntiwiragabo à l’origine de la
communauté de Rouen
Jean de Dieu Ngabonziza, le beau-frère d’Aloys Ntiwiragabo ouvre la voie. En 1998, il a
41 ans quand il arrive dans l’hexagone et s’installe à Rouen. La préfecture de SeineMaritime lui délivre une carte de résident. Cinq ans plus tard, il fonde l’Association des
Rwandais de Normandie (ARN) dont il sera le premier président et qui officie dans
l’agglomération rouennaise depuis presque vingt ans. Le Poulpe a déjà enquêté sur cette
structure devenue l’Association pour la promotion de la culture rwandaise (APCR).
Au milieu des années 2000, des subordonnés du général-major Ntiwiragabo rejoignent
son beau-frère à Rouen qui devient une base arrière des FDLR. La ville abrite ainsi
plusieurs responsables du groupe armé comme le colonel Christophe Hakizabera (le
cofondateur de l’organisation) le colonel Augustin Munyakayanza (commandant des
combattants du Congo-Brazzaville) et Emmanuel Ruzindana (commissaire aux affaires
politiques).
Le Poulpe s’est procuré une photo de groupe sur laquelle on peut observer (de droite à
gauche) Emmanuel Ruzindana, Christophe Hakizabera, Chaste Gahunde (membre
d’Ishema, un parti politique fantôme basé au Havre), Jean Mpambara (bourgmestre
accusé de génocide, mais acquitté par le TPIR), un membre de l’APCR, Jean de Dieu
Ngabonziza, Thomas Nahimana (prêtre défroqué président d’Ishema), un autre membre
de l’APCR et Jean-Baptiste Kabanda (petit-frère du lieutenant-colonel Cyprien Kayumba et
membre de l’APCR). Nous ne somme pas parvenu à joindre les personnes présentes sur
cette photo.
Les noms de 54 rwandais figurent sur les divers documents déposés à la préfecture de
Rouen par les différentes associations extrémistes et que Le Poulpe a consultés. Un
chiffre qui n’est forcément pas exhaustif.
Un premier Rwandais de Rouen aux Assises
Trois habitants de la Seine-Maritime sont aujourd’hui poursuivis devant la justice française
pour leur implication présumée dans la commission du génocide même si certaines
procédures s’éternisent. C’est le cas pour le plus fameux de ces suspects. Le Dr Charles
Twagira est visé par une plainte depuis onze ans. Ce médecin naturalisé français est mis
en examen pour génocide, complicité de génocide et crime contre l’humanité. L’une des
dernières plaintes déposées en 2017 par le le comité des parties civiles pour le Rwanda
(CPCR) concerne Michel Bakuzakundi, un rwandais réfugié au Havre après un long séjour
au Cameroun. Des témoignages accusent cet ancien agent d’un office du thé d’avoir
participé au génocide à Kigali.
Une troisième affaire devrait en revanche connaître un dénouement plus rapide. Le 2
février 2021 s’ouvrira aux Assises de Paris le procès pour « complicité de génocide » d’un
employé de la municipalité de la ville de Rouen. Aujourd’hui âgé de 59 ans, Claude
Muhayimana est originaire de la région de Kibuye comme de nombreux Rwandais
installés à Rouen. Cet ancien chauffeur est accusé d’avoir transporté les miliciens sur les
collines où se sont déroulés des massacres. La cour a choisi de retenir son alibi et
d’abandonner les accusations de génocide. « On le conteste », Alain Gauthier, le président
du CPCR, qui espère encore une requalification des faits.
Les trois personnes mentionnées sont, à ce stade, présumées innocentes.