Citation
De notre envoyé spécial.
LES rescapés qui ont pu échapper au massacre retrouvent difficilement la parole pour tenter de raconter l'indicible. Voici deux témoignages, celui de Pascal qui essaie de dire son martyre, et celui d'Eugène qui a courageusement résisté aux appels au meurtre et a sauvé des vies humaines.
Pascal
Pascal Ngoga habitait à Bumena, un quartier de Nyamirambo.
Maison après maison, ils tuaient
Il raconte : « Après l'accident de l'avion, les milices Interahamwe ont commencé à tuer tous ceux qui n'avaient pas le même langage que le MRND-CDR (le parti du dictateur Habyarimana - NDLR). Les enfants, les vieux... on massacrait toute la maison. »
« Beaucoup ont fui vers l'église Saint-Charles Rwanga tout près d'ici. Alors, les militaires venaient et tiraient. En même temps, il y a eu des pertes énormes au collège de Saint-André. Et ils ont attaqué tous les quartiers de Nyamirambo. Maison par maison. Les militaires, et les milices, et la garde présidentielle massacraient. »
« Ils avaient un système de « barrières ». On nous gardait sur les « barrières ». On venait nous y chercher un par un. Comme ça, l'un après l'autre, petit à petit, on tuait à partir des « barrières ». Et ceux qui étaient trouvés hors des barrières étaient massacrés sitôt pris. »
Eugène
Eugène demande que son nom de famille ne soit pas rendu public. Hutu, il habite à Nyamirambo.
Il est agent de l'Etat. Il a sauvé neuf Tutsis.
La vie de neuf Tutsis
« Depuis que la guerre a commencé je m'occupais de la prière car je suis chrétien. A côté de cela, je m'occupais des gens qui venaient chez moi demander refuge. Je les ai cachés jusqu'à ce que la guerre ait pris fin dans cette région. »
« Ils étaient chez moi dans la maison. Un homme, début avril, puis une femme et cinq enfants à la mi-mai ; et encore une femme et un homme à la fin mai. Ils restaient enfermés dans une chambre. Quand il y avait des fouilles, nous les faisions passer d'une maison à l'autre. Nous sommes un quartier de chrétiens et certains voisins étaient au courant. »
« Je ne pouvais pas partir avec les autres car sinon ces gens auraient été tués. On a dû attendre jusqu'à l'arrivée du FPR. Les soldats FPR nous ont emmenés jusqu'à la zone de Kabuga où la sécurité était déjà assurée. On y est restés jusqu'à hier. Nous sommes revenus vers minuit et demi la nuit dernière. »
J. C.