Citation
BUDGET DU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES -
INTERVENTION DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES,
M. ALAIN JUPPE AU SENAT
(Paris, 8 décembre 1994)
Rwanda
L'action que nous menons dans ce cadre ne suffit pas, bien entendu, à
nous dispenser d'assumer, pour notre propre part, des responsabilités
plus générales et plus mondiales. Il en va ainsi de l'Afrique, comme
nous avons pu le mesurer une nouvelle fois l'été dernier face à la
tragédie rwandaise. L'inaction des grandes puissances nous a conduits
à assumer les risques de l'opération Turquoise dans le strict respect
du cadre défini par le Conseil de sécurité et avec le concours de
plusieurs de nos partenaires africains. Chacun reconnaît à présent
que l'action de la France a été exemplaire, qu'elle a rétabli les
conditions minimales pour le retour à la paix civile au Rwanda et
qu'elle a permis surtout d'épargner des milliers de vies. Encore
faut-il que de nouvelles mesures soient décidées à présent, impliquant
à la fois les autorités rwandaises, celles des pays voisins, et la
communauté internationale dans son ensemble. Nous plaidons à ce titre
pour la tenue d'une conférence régionale, sérieusement préparée,
destinée en premier lieu à permettre le retour au Rwanda des deux
millions de réfugiés qui sont actuellement concentrés dans les camps
au Zaïre et au Burundi.
Prévention des conflits en Afrique - démocratie et développement
Au-delà, l'expérience de la tragédie rwandaise amène à soulever la
question de la diplomatie préventive et de la prévention des crises en
Afrique. Cette question vous le savez, a fait l'objet d'une
discussion approfondie lors du sommet de Biarritz. Chacun reconnaît la
nécessité d'améliorer les mécanismes existants au sein de
l'Organisation de l'unité africaine. La constitution d'une force
interafricaine, capable d'intervenir dans l'urgence, fait l'objet de
plusieurs interrogations : comment encadrer de telles interventions,
comment aider à la mise en oeuvre d'une force dotée d'une réelle
efficacité opérationnelle. Il faut se poser toutes ces questions et
tenter de les résoudre. C'est ce à quoi nous travaillons avec nos
partenaires européens et nos amis africains. La prévention des crises
en Afrique passe également par les progrès de la démocratie et par la
relance du développement. Ces questions ont été naturellement traitées
en profondeur lors du sommet de Biarritz. Contrairement à une idée
reçue, largement propagée par une partie de la presse internationale,
les progrès de la démocratie sur le continent africain sont
incontestables, comme le démontre la généralisation du multipartisme
et le grand nombre d'élections qui se sont tenues au cours des années
et des mois passés. La France continue à apporter son concours
déterminé à ces processus électoraux et démocratiques.
Situation économique de l'Afrique - dévaluation du franc CFA
La situation économique du continent africain figurait
également à notre ordre du jour. L'année 1994 a en effet été marquée
par la dévaluation du franc CFA, qui a permis à l'Afrique francophone
de renouer avec les institutions financières internationales.
Inéluctable, cette décision était difficile à prendre en raison de son
coût social prévisible. C'est pourquoi la France a pris de très
importantes mesures d'aide, afin de limiter ses effets sur le niveau
de vie des populations. Le bilan de la dévaluation près d'un an
après, peut déjà être apprécié assez positivement : redémarrage des
économies, la compétitivité retrouvée des entreprises, la reprise des
projets de développement. Il reste que l'amélioration de la situation
de ces pays ne saurait être obtenue en l'absence d'une mobilisation
accrue de la communauté internationale. C'est le discours que nous
tenons à nos partenaires industrialisés. C'est l'exemple que nous leur
donnons, puisque la France est désormais le pays qui se rapproche le
plus du fameux objectif de 0,7 % du PNB que doit atteindre l'aide
bilatérale aux pays en développement. Chine D'autres régions du monde
- l'Asie, l'Amérique latine - connaissent aujourd'hui une véritable
explosion économique et une stabilité politique qui contrastent avec
la situation de l'Afrique. La France y avait perdu ces dernières
années, me semble-t-il, un peu de l'influence qui était
traditionnellement la sienne. Nous nous sommes efforcés d'y retrouver
toute notre place.