Fiche du document numéro 9755

Num
9755
Date
Jeudi 23 avril 1998
Amj
Taille
30534
Titre
Jean-Christophe Mitterrand. Au nom du père…
Sous titre
L'ex-monsieur Afrique de l'Elysée devant la mission Rwanda.
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
«Non, je répète non, je ne connaissais pas le fils du président Habyarimana. Non, je ne suis pas propriétaire d'hectares de haschich au Rwanda.» La voix légèrement tremblante, Jean-Christophe Mitterrand dément «les allégations mensongères, voire diffamatoires», qui, estime-t-il, ont été portées contre lui tout au long des huit années (1986-92) où il a cumulé le poste de conseiller Afrique à la présidence de la République et la qualité de fils du Président. Hier, il était assis face aux députés de la Mission d'information sur le Rwanda pour dire ce qu'il savait des relations franco-rwandaises de 1990 à son départ au printemps 1992. C'est le temps des attaques armées du Front patriotique rwandais, à partir du sud de l'Ouganda ; c'est le temps où le régime de Kigali, sous la pression internationale, se voit forcé de prendre en considération la question des Rwandais de l'extérieur et de négocier.

Ce que les députés veulent savoir, c'est si Paris, qui soutenait le régime du président Habyarimana, a tout fait pour éviter la tourmente dans laquelle le Rwanda allait être emporté au printemps 1994. Le conseiller et fils du Président ne livrera aucune révélation, si ce n'est la relation d'une histoire qui ressemble fort à un engrenage infernal pour la France. Mais cela, il ne le dira pas.

L'audience est publique. Jean-Christophe Mitterrand a sorti de sa serviette de cuir un dossier qui contient sa déclaration. D'une voix qui a, désormais, repris les inflexions familières de son père, il détaille la chronologie des rencontres entre Paris, Kigali et la rébellion armée du Front patriotique rwandais (FPR). Tous ces épisodes, semble-t-il, se jouent à la cellule Afrique de l'Elysée, même s'il affirmera plus tard que la politique africaine se gérait dans un «cadre institutionnel», c'est-à-dire en collaboration avec le Quai d'Orsay et la Coopération. L'exposé est construit de manière à montrer qu'à chaque fois que le président Habyarimana demande une aide armée à la France, cette aide est négociée contre une ouverture démocratique. Une carotte bien délicate à manier.

Le 1er octobre 1990, le FPR attaque le nord du Rwanda. Habyarimana appelle Mitterrand à l'aide. Le 4, la France envoie 250 hommes pour protéger ses ressortissants. C'est l'opération Noroît. Kigali arrête plus de 5 000 personnes, soupçonnées d'être liées à «l'ennemi extérieur». Jean-Christophe Mitterrand rédige une note le 16 octobre à son père en prévision de la visite d'Habyarimana deux jours plus tard. Celui-ci, écrit-il, va demander soit une intervention de la France, soit un approvisionnement en armes : «Cette aide permettrait à la France de demander avec plus de force une ouverture démocratique.» Et il ajoute que la médiation belge a échoué et que la DGSE a repéré la présence d'agents libyens aux côtés du FPR. «Nous avons envoyé des roquettes», raconte-t-il, pour les cinq hélicoptères Gazelle dont la maintenance était effectuée par la coopération française.

Au lendemain de la visite du président rwandais, il rédige une nouvelle note le 19 octobre. Son analyse, c'est que, sans une concertation régionale, la présence militaire française «risque de perdurer». «Le 15 novembre, dit-il, 3 500 prisonniers sont libérés.» En décembre de la même année, le régime rwandais envisage le multipartisme : «La France commence à récolter les fruits de ses pression», commente «Jean-Christophe».

1991, c'est l'année des rencontres avec le FPR. «Ils placent la barre très haut.» Et ils continuent de lancer des attaques sur le Rwanda. Mitterrand écrit à son homologue rwandais pour lui dire son soutien. Les militaires français resteront. Ce que raconte Jean-Christophe Mitterrand ressemble bien à un engrenage. Les notes se succèdent, appelant Habyarimana à la «modération militaire», à supprimer les mentions ethniques des cartes d'identité. De promesses en demandes d'armes, Paris ne peut plus se désengager, même si rappelle Jean-Christophe Mitterrand, «les troupes françaises n'étaient pas là pour rester». Les cartes d'identité ne seront jamais modifiées. La Coopération française aurait traîné, dit Jean-Christophe Mitterrand qui ajoute, avec une inquiétante naïveté, que «pour certains Rwandais, ce n'était pas un problème». En avril 1994, et même avant, ces cartes ont servi à désigner des milliers d'anonymes à la vindicte de l'armée et des milices hutues.

Au fil des auditions, les questions des députés se font plus incisives. Sur un contrat d'armes, signé en 1992 entre le Rwanda et l'Egypte, et garanti par le Crédit Lyonnais. Sur l'aide américaine au FPR, thèse d'Edouard Balladur auditionné lundi : «Franchement, je n'en ai jamais entendu parler.» Quant aux contrats d'armes, «ce genre de choses ne remontait pas à mon bureau"».

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024