Fiche du document numéro 9751

Num
9751
Date
Mercredi 8 avril 1998
Amj
Taille
229033
Titre
Les yeux et les oreilles de Mitterrand
Nom cité
Nom cité
Fonds d'archives
FXV
Type
Langue
FR
Citation
Les yeux et les oreilles de Mitterrand

DANS les années 60, de nombreuses tueries, qui provoquent une émigration
massive de Tutsis vers l'Ouganda, sont connues en Occident, sans que personne
s'en inquiète vraiment. Trente ans plus tard, dès octobre 1990 et sous le règne
de Mitterrand, des militaires français sont présents au Rwanda et rédigent
nombre de rapports sur la situation. Mais c'est de l'information « sous
influence » : on prend pour argent comptant les affirmations de l'Office rwan-
dais d'information, le correspondant direct des services de renseignement
français et de la mission de coopération installée auprès de l'ambassade de
France

Résultat, un exposé trop simple pour être honnête : les exactions commises par
la guérilla tutsie sont mises en relief tandis que la répression violente
exercée par l'armée hutue est minimisée, Et surtout on met en avant le risque
d'invasion du Rwanda par le FPR, le bras armé de la National Resistance Army,
organisation politico-militaire tutsie installée en Ouganda sous la protection
du président Museveni, C’est, à l'époque, le tableau que dresse, à l'intention
de Mitterrand, le colonel Jean-Pierre Huchon, adjoint de l’amiral Lanxade, chef
de l'état-major particulier du Président.





En avril 1991, le général Christian Quesnot succède à Lanxade et Huchon, promu
général de brigade, devient l'expert militaire « africain » qui a l'oreille de
Mitterrand. Et ce malgré un autre général, Jean Varret, patron de la mission
militaire de coopération, qui ne s'en laisse pas compter. Selon lui, le
président du Rwanda et ses proches sont de fieffés menteurs et, si les
combattants tutsis ne peuvent pas passer pour de petits saints, les dirigeants
hutus ont en tête de planifier des massacres, sous prétexte de résister à une
invasion. Mais on n'écoute pas le général Varret.

Pourtant, des charniers sont déjà découverts. Et des universitaires rwandais
relatent nombre de massacres, avec des précisions chiffrées, dans une lettre
adressée au pape, le 19 février 1993. Avec copies à l'Elysée, à la
Maison-Blanche, au Kremlin, à plusieurs chefs d'Etats, et au secrétaire général de l'ONU.

Mais, alors que d'autres informations de même nature, parviennent à Paris,
Mitterrand et ses collaborateurs se fondent sur les rapports et les analyses
transmis par les généraux Quesnot et Huchon. Lesquels disposent, au 14 rue de
l'Elysée, privilège suprême, d'un système de transmissions directes avec les
militaires français en poste au Rwanda. Bon nombre sont des officiers et des
sous-officiers du 1er RPIMA, le régiment des coups de main plus ou moins
secrets. Et ils font parvenir à Paris des photos de cadavres, des cartes
d'identité, des treillis militaires, des épaulettes et des plaques
d’immatriculation de véhicules. Le tout prouvant l'implication directe de
l'armée ougandaise dans les combats, et achevant de convaincre Mitterrand qu'il
lui faut toujours soutenir Habyarimana et son régime.

Quand le désastre sera consommé, le général Quesnot aura gagné sa cinquième
étoile, et son adjoint Huchon pourra en fixer une quatrième sur son képi.

Jérome Canard


La mauvaise paix

Le 7 mars 1993, un additif secret aux accords de paix d'Arusha est signé
Dar es-Salaam. Il y est indiqué :

LES TROUPES FRANCAISES PRESENTES AU RWANDA DEPUIS LE 8
FEVRIER 1993 DEVRONT SE RETIRER DU PAYS À PARTIR DU 17 MARS
19923 DANS UN DELAI DE HUIT (8) JOURS.

Ce qui explique le départ des troupes françaises, et non un « désengagement »
décidé à Paris. De toute façon, les accords d'Arusha ne représentent qu'une
sorte de « paix armée ». Les durs des deux camps ne rêvant que d'en découdre.

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