Citation
M. Paul Barril
12 avenue de la Grande Armée
75017 Paris
Paris, le 13 juillet 1994
Monsieur Dominique Lemonnier
Route Quarts
74320 Sevrier
L.R.A.R.
Re Contrat de vente de matériels de guerre du 3 mai 1993
:
Monsieur,
Vous n'êtes pas sans ignorer que le Gouvernement de la République du Rwanda
m'a spécialement mandaté à l'effet de collecter une somme, sauf à compléter ou à
parfaire, de 1 647 864 Dollars des Etats-Unis d'Amérique, qui est le solde d'un
contrat de vente de matériels d'armement de première et quatrième catégorie que la
société DYL INVEST que vous représentez, a conclu avec les Ministères de la
Défense et des Finances de la République du Rwanda le 3 mai 1993.
L'examen de l'ensemble des pièces du dossier fait apparaître que la société DYL
INVEST ne pouvait pas avoir, au jour de la conclusion du contrat, les autorisations
requises par la réglementation française à l'effet de faire du commerce de matériels de guerre.
En effet, la société DYL INVEST, dont le siège social est à Britannic House, Provinciales, Iles Turques et Caïques, Territoires Britanniques d'Outre-Mer, n'avait aucune existence légale au jour de la conclusion du contrat puisque la société n'a été constituée que le 19 mai 1993.
Cette société n'a jamais été inscrite auprès du Registre National du Commerce et
des Sociétés en sorte que le Gouvernement de la République du Rwanda est fondé
à considérer qu'elle n'a aucune existence légale en France.
Le contrat conclu le 3 mai 1993 avec le Gouvernement de la République du Rwanda fait donc apparaître une fausse adresse. Il est en effet précisé que la société a son siège légal en France, à Cran Gevrier tandis que le numéro de téléphone porté sur le tampon de la société est celui d'une association régulièrement déclarée auprès de la Préfecture de Haute-Savoie laquelle a pour objet d'assister des personnes handicapées.
Il ressort de ces simples éléments de fait qu'à aucun moment votre société n'a pu
respecter les obligations légales mises à la charge des personnes physiques ou
morales qui entendent faire le commerce de matériels de guerre par la
réglementation française à laquelle vous avez entendu soumettre l'exécution du
contrat.
Le non respect des dispositions légales constitue une infraction pénale et douanière et vous rend passible de sanctions pénales dès lors qu'il a été porté atteinte à des intérêts économiques et vitaux de la nation.
Il semblerait, selon les informations qui m'ont été fournies de sources officielles, que vous avez "fait le siège" des ministères concernés à Kigali à l'effet d'obtenir un contrat de vente de matériels de guerre.
Pour avoir accès aux différents ministères concernés, il ne peut être exclu que vous avez bénéficié de complicités au sein de l'armée ou de personnes proches du pouvoir en place, ni que les appuis dont vous avez pu bénéficier, soient des représentants du Front Patriotique Rwandais qui préparaient dès l'année 1993, l'invasion du territoire de la République du Rwanda, un état souverain et reconnu comme tel par l'Organisation des Nations Unies.
Il est pour le moins curieux que vous n'ayez pu remplir les obligations contractuelles de livraison par vous souscrites dès le mois de Janvier 1994, soit trois mois avant l'attentat qui a coûté la vie aux Présidents de la République du Rwanda et du Burundi.
Par ailleurs, et alors que le contrat était dénoncé par le Gouvernement de la République du Rwanda en raison du manque d'empressement que vous avez manifesté pour exécuter vos obligations contractuelles, il est pour le moins curieux que vous ayez refusé de rembourser les avances sur livraisons qui vous ont été consenties par les autorités officielles du Rwanda.
Vous n'êtes pas sans ignorer que les sommes dues sont particulièrement
importantes pour ce pays qui compte parmi les pays les plus pauvres du monde.
Le refus systématique de restitution des acomptes sur livraison que vous avez
encaissés sur le compte ouvert par vos soins auprès de la Banque Internationale de
Commerce, à Genève, a mis les autorités gouvernementales dans l'impossiblité de
répondre aux besoins humanitaires de ses populations et d'atténuer les souffrances
qu'elles ont endurées.
En conséquence, je vous mets en demeure d'avoir à restituer la somme de 1 647
864 Dollars des Etats-Unis d'Amérique par chèque bancaire certifié dans un délai de
huit (8) jours de la réception de la présente.
A défaut de réception de cette somme dans le délai précité. j'ai été chargé de faire engager à votre encontre toute procédure judiciaire appropriée au recouvrement des sommes dues. Vous n'êtes pas sans ignorer que toute action judiciaire en recouvrement de sommes dues en vertu d'un contrat de vente de matériels de guerre est susceptible d'être portée à la connaissance des autorités policières et douanières à la diligence du Procureur de la République du Tribunal qui viendrait à être saisi de cette affaire.
Veuillez agréer, Monsieur, mes sentiments distingués.
Paul Barril
cc:
Maître Patrick-François Pouzelgues, Avocat