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IL y a des interviews humainement pénibles à réaliser. Celui de Gérard Gacherebuka, que j'ai rencontré à l'hôpital de Gahini, était particulièrement éprouvant. Doublement même. Parce qu'il me fallait affronter la désespérance du regard et le timbre monocorde d'un homme qui a tout perdu dans le massacre perpétré à Rukara, et qui reste encore entre la vie et la mort. Parce que cet entretien se déroulait dans une salle asphyxiée sous le nombre des blessés y gisant.
« Les massacres ont commencé le 7 avril, non loin de chez nous, à Murambi, raconte le vieil homme, s'appuyant douloureusement contre le mur pour se redresser et me regarder. J'étais à la maison avec ma famille. Vendredi, j'ai déplacé ma famille vers la paroisse (l'église et ses dépendances - NDLR) et je suis revenu à la maison. J'étais sur la liste, parmi les recherchés. J'avais un enfant parmi les partisans du Front patriotique rwandais (FPR) et c'est une raison qui pesait lourd. Vers 17 heures, ils attaquent. On a failli se défendre, mais, eux, ils avaient des fusils et des grenades. Ils nous jettent des grenades: treize ou quatorze morts, je ne sais pas exactement. Et puis, dans la nuit de vendredi à samedi, ils convergent de tous les côtés vers la paroisse. Le bourgmestre en tête. C'est lui qui a donné le signal: ravagez tout! »