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A Kigali, l'apparence d'un calme revenu depuis peu couve un conflit qui peut éclater d'un moment à l'autre affirme le vice-président de l'association rwandaise de France. M. Twahirwa est prêtre à Haguenau
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Au moment où le peuple rwandais espérait voir la mise en place des institutions démocratiques issues des accords d'Arusha (Tanzanie) le pays s'enfonce de plus en plus dans un chaos total. En effet les partis politiques à peine nés se décomposent et s'affrontent, les bandes armées sèment La terreur en toute impunité aussi bien à la campagne qu'en ville : des commandos armés attaquent et assassinent les hommes politiques qui souhaitent l'application des accords de paix.
La détresse du peuple
La guerre qui opposait le FPR (Front patriotique rwandais) et le gouvernement du président Habyalimana depuis octobre 1900 venait de s'estomper suite à la signature des accords de paix du 4 octobre 1993 à Arusha entre les deux parties. Ces accords prévoient notamment la mise en place, au trente-septième jour suivant la signature, des institutions de la transition démocratique à savoir un gouvernement élargi aux représentants du FPR et une Assemblée nationale de transition. Ces diverses institutions sont chargées de mettre on exécution le programme suivant:
1) Les principes d'un Etat de droit qui respecte les libertés et les droits fondamentaux de l'homme, l'unité nationale, La démocratie et le pluralisme politique. 2) Le rapatriement des réfugiés rwandais et la réinstallation dans leurs biens des personnes déplacées par la guerre.
3) Les principes et les mécanismes d'intégration des Forces armées des deux parties.
Or, il se fait que jusqu'à ce jour toutes ces instances ne sont toujours pas installées, alors que plusieurs dates avaient été annoncées. 28 et 31 décembre 1993, 3 et 15 janvier 1994... On se demande ce qui a pu se passer entre temps puisque tous les partis politiques ont déjà désignés leurs représentants à l'Assemblée et au gouvernement?
Aujourd'hui. les organisations politiques et humanitaires présentes au Rwanda dénoncent le manque de patriotisme des partis de La mouvance présidentielle, leur soif de pouvoir et leur indifférence à la détresse du peuple rwandais.
Elles soulignent également l'ingérence subversive du président Habyalimana dans l'organisation interne des partis d'opposition, en voulant à tout prix garder les privilèges du parti unique. Ce sont ces machinations politiciennes qui risquent de conduire le Rwanda vers un chaos total. Car, en faisant perdurer le blocage, le président place le pays dans une situation de vide constitutionnel et de vacance prolongée du pouvoir d'État avec toutes les conséquences que cela entraîne,
Terrorisme, vengeance et règlement de compte
Malgré la signature des accords de paix, les actes de terrorisme et d'atteinte aux libertés publiques n'ont cessé d'endeuiler le peuple rwandais. Ces actes sont perpétrés par des milices du parti du président, le MRND (ex-Mouvement national pour le développement — ancien parti unique — rebaptisé: Mouvement républicain national pour la démocratie _et le développement), et son satellite, la CDR (Coalition pour la défense de la République). Les milices armées et entraînées par la garde résidentielle ont pour mission de faire échouer le processus démocratique. Aussi sèment-elles des troubles dans tout le pays. Ces derniers jours, elles n'ont pas hésité à assassiner le ministre des Travaux publics, Gatabazi Félicien, secrétaire général de PSD (Parti social démocratique) et farouche opposant de Habyalimana qui l'avait mis en prison en 1985 lorsqu'il était ministre des Affaires sociales dans son gouvernement.
Suite à cet assassinat, qualifié de politique par le Premier Ministre désigné, Twagiramungu Faustin, des actes de vengeance et de réglement de compte ont fait 37 morts et 160 blessés. L'insécurité règne partout. Les gens commencent à fuir la capitale. À la campagne, ce n'est guère mieux. Pour la population la situation est devenue insupportable surtout qu'elle se rajoute à la misère et à La famine.
Comme l'a souhaité l'assemblée paritaire ACP-CE réunie à Strasbourg du 14 au 18 février dernier, l'opinion internationale devrait exercer de plus fortes pressions sur le président Habyalimana afin de permettre l'entrée en fonction des institutions conçues dans le cadre de l'accord d'Arusha et éviter ainsi à la population rwandaise le spectre d'une guerre civile générale.
TT