Citation
La mort du Président Juvénal Habyarimana suite à l'écrasement de son
avion dans des circonstances obscures le 6 avril 1994 a servi de
prétexte aux extrémistes Hutu de déclencher un génocide contre les
Tutsi, une minorité qui compte pour près de quinze pourcent de la
population rwandaise. Les extrémistes ont aussi massacré les Hutu qui
voulaient coopérer avec les Tutsi pour former un gouvernement plus
démocratique. Six semaines plus tard, les massacres continuent. Au
moins 200.000 et peut-être 500.000 civils sans armes et sans résistance
ont été massacrés et la communauté internationale a brillé par son
inaction.
Massacres Systématiques
Les massacres avaient été préparés pendant des mois en avance. La Garde
Présidentielle et d'autres militaires de l'armée rwandaise ont donné
des entraînements militaires aux milices Interahamwe et Impuzamugambi
pour leur apprendre comment tuer avec le plus d'efficacité. Les
Interahamwe, ceux qui attaquent ensemble,
sont la milice du Mouvement
Républicain National pour le Développement et la Démocratie (MRND) et
les Impuzamugambi, ceux qui ont le même but,
sont la milice du parti
dit Coalition pour la Défense de la République. Créées en 1992, ces
milices ont reçu des entraînements militaires intenses fin 1993 et
début 1994 en groupes de 300 hommes à la fois envoyés pour trois
semaines dans un camp militaire dans la région du nord-est du Mutara.
Dans leurs attaques contre les civils, les milices étaient souvent
accompagnées d'un petit nombre de militaires ou de policiers du
gouvernement, mais les milices ont tué plus de personnes que les forces
armées.
Les autorités rwandaises ont distribué des armes à feu aux membres de
milices et autres supporteurs de Habyarimana au début de l'année 1992
et encore plus vers la fin de 1993 et au début de 1994. L'Évêque du
diocèse Catholique de Nyundo a fustigé la distribution de ces armes
dans une lettre pastorale publiée fin décembre 1993. De retour de leur
entraînement au début de l'année 1994, les milices apportaient avec
elles des armes à feu, qui comprenaient notamment des grenades.
Une station de radio appartenant au cercle de Habyarimana, la Radio Télévision Libre des Mille Collines, a commencé depuis l'automne dernier une campagne de propagande haineuse contre les Tutsi et les membres des partis politiques d'opposition. À la fin de 1993, les émissions sont devenues plus virulentes et ont commencé à cibler les personnes en les appelant ennemis
ou traîtres
qui méritaient la mort.
Parmi les personnes ainsi étiquetées se trouvaient Landoald Ndasingwa, Ministre du Travail et des Affaires Sociales, qui était un des premier tués au début des massacres (avec sa mère, sa femme et ses enfants) et Monique Mujawamariya, une activiste des droits de l'homme, qui a échappé de justesse. Pendant les semaines de massacres, la Radio des Mille Collines a continuellement incité ses auditeurs au génocide, en les encourageant à remplir les fosses à moitié remplies.
Parmi les propriétaires et directeurs de la Radio des Mille Collines se
trouvaient:
* Alphonse Ntirivamunda, beau-fils de Habyarimana;
* Félicien Kabuga, un homme d'affaires très riche dont le fils est
marié à une fille de Habyarimana;
* Jean-Bosco Barayagwiza, chef du parti CDR;
* Tharcisse Renzaho, le préfet de Kigali-ville;
* André Ntagerura, Ministre des Postes de Télécommunication.
Pendant un certain temps, cette radio privée était dirigée par
Ferdinand Nahimana, qui avait été directeur de la radio nationale quand
celle-ci fut utilisée pour promouvoir la mort des Tutsi dans des
massacres précédents.
La Radio Nationale Rwandaise a diffusé des messages contradictoires,
quelquefois appelant au calme, mais souvent encourageant la poursuite
des massacres. Tout récemment le 19 mai, elle ordonnait aux auditeurs
de tuer tous les rebelles jusqu'au dernier homme et d'éliminer toute
personne soupçonnée d'opposer le régime. Elle pourrait avoir adopté un
ton plus dur ces dernières semaines parce qu'elle remplaçait la Radio
des Mille Collines, dont la portée de diffusion avait été limitée à la
ville de Kigali suite aux attaques répétées dont son émetteur avait été
l'objet.
Les pires mais pas les premiers massacres
Les massacres qui ont commencé en avril 1994 sont différents en ampleur
mais pas autrement des massacres précédents en octobre 1990,
janvier-février 1991, mars 1992 et décembre 1992-février 1993. Les
massacres précédents, comme ceux de cette année, ont été organisés par
les autorités du gouvernement Habyarimana, ou de son parti politique,
le MRND, et son allié, le parti CDR. Ces massacres ciblaient les Tutsi
aussi bien que les Hutu opposés au régime de Habyarimana. Ces attaques
du gouvernement sur ses civils sans armes ont coûté la vie à environ
2.000 personnes et ont été condamnées par les organisations de défense
des droits de l'homme, aussi bien locales qu'internationales.
Les massacres commencent immédiatement aprs l'écrasement de l'avion
Dans l'intervalle d'une heure après l'écrasement de l'avion, la Garde
Présidentielle a mis des barrières dans la capitale Kigali et a
commencé à liquider les personnalités-clé de l'opposition modérée.
Parmi les premières victimes se trouvaient le Premier Ministre Agathe
Uwilingiyimana et le président de la Cour Suprème, Joseph Kavaruganda.
D'autres étaient des activistes des droits de l'homme au Rwanda dont
Charles Shamukiga, Fidèle Kanyabugoyi, Ignace Ruhatana, Patrick Gahizi,
le Père Chrysologue Mahame, S.J., et l'Abbé Augustin Ntagara. Les
milices ont rejoint la Garde Présidentielle, et dans l'espace d'une
semaine, ils avaient tué un nombre de personnes estimé à 20.000 dans la
ville de Kigali et dans ses environs immédiats. La réaction de la
communauté internationale fut d'évacuer les expatriés, la première
étape de son retrait de cette situation délicate. Peut-être encouragés
par cette évacuation, les leaders du génocide ont étendu leur champ
d'action en dehors de la capitale vers l'est et le sud-ouest. Dès le 15
avril, quand la plupart des expatriés étaient partis, les autorités ont
distribué aux milices et autres supporteurs de Habyarimana de grandes
quantités d'armes à feu, comprenant des fusils automatiques et
semi-automatiques et des pistolets. Beaucoup de personnes furent tuées
dans leurs maisons, et d'autres étaient massacrées dans les hôpitaux et
les églises, des places normalement considérées comme sanctuaires.
Parmi les pires incidents on peut citer les suivants:
Kibungo -- 2800 personnes rassemblées dans un centre paroissial furent
massacrées dans une période de quatre heures par les Interahamwe qui se
servaient de grenades, mitrailleuses, machettes et de roquettes R4. À
peu près 40 personnes seulement ont survécu au massacre.
Cyahinda -- 6.000 Tutsi qui avaient pris refuge dans une église furent
attaqués par les milices. À peu près 200 seulement ont pu échapper au
massacre.
Kibeho -- 4.000 personnes tuées dans une église.
Paroisse de Mibirizi -- 2.000 tués.
Paroisse de Rukara -- 500 massacrés dans une église.
Kigali et Butare -- des centaines de malades et employés furent
massacrés dans les hôpitaux.
Orphelinat à Butare -- 21 enfants furent tués seulement pour être
Tutsi, de même que treize volontaires de la Croix Rouge Rwandaise qui
essayaient de les protéger.
Gikongoro -- quatre-vingt-huit écoliers furent massacrés à l'école.
Des milliers de survivants à Kigali ont cherché refuge au stade
Amahoro, à l'Hôtel des Mille Collines, à l'Église Sainte Famille et à
d'autres endroits. Les troupes des Nations Unies (UNAMIR) gardent ceux
qui sont au stade et à l'hôtel et essaient de visiter occasionnellement
les autres endroits. L'armée rwandaise a bombardé ces sites de temps à
autre, tuant soixante au stade Amahoro le 19 avril 1994 et dix-huit
autres à l'Église Sainte Famille le 1er mai. Tous ces otages vivent
dans des conditions inhumaines, souvent sans nourriture ni eau
quelquefois pendant des jours.
La reprise de la guerre
Aussitôt les massacres des civils commencés, la guerre entre l'Armée
Rwandaise et le Front Patriotique Rwandais (FDR) a repris. Depuis début
avril, les deux sortes de violence, le massacre des gens sans défense
et le combat entre les deux armées, se sont poursuivi simultanément,
quelquefois dans les mêmes endroits, tel que Kigali, mais souvent dans
des régions largement séparées l'une de l'autre. Le sud et l'ouest, où
quelques-uns des pires massacres ont eu lieu, sont éloignés des zones
de combat.
Le FPR est largement composé de Tutsi qui ont fui la révolution de
1959-1963 qui a mis fin à la monarchie au Rwanda, et d'enfants de ces
réfugiés. Après trente ans d'exil, ces réfugiés ont envahi le Rwanda en
octobre 1990, d'abord pour avoir le droit de retourner dans leur pays
et plus tard dans l'espoir de renverser le régime de Habyarimana. En
plus de la résistance militaire au RPF, Habyarimana a immédiatement
lancé une campagne contre les Tutsi vivant au pays, les accusant d'être
complices du FPR. Il a commis de sérieuses violations des droits de
l'homme en l'encontre des Tutsi, dont les massacres mentionnés plus
hauts.
La guerre se termina par les accords d'Arusha, signés le 4 août 1993,
lesquels prévoyaient un gouvernement de transition comprenant le groupe
de Habyarimana, les partis de l'opposition interne, et le FPR. Les
Nations Unies ont alors envoyé une force de maintien de la paix pour
surveiller l'exécution de l'accord et pour faciliter l'intégration des
deux armées. Selon les termes de l'accord, il était permis au FPR de
stationner un bataillon à Kigali sous la protection de l'ONU. Suite à
une série de retards, dont la plupart étaient causés par Habyarimana et
son groupe, le gouvernement de transition n'était pas encore en place
au moment de l'écrasement de l'avion. Quand les massacres ont commencé,
les troupes de l'UNAMIR n'ont pas réagi. Le FPR décida de reprendre la
guerre, pour secourir ses troupes à Kigali, qui ne pouvaient clairement
pas espérer une protection effective de l'UNAMIR, et pour mettre fin
aux massacres.
Un gouvernement s'auto-proclame
Peu après l'écrasement de l'avion et le début des massacres, un groupe
de politiciens proches de Habyarimana s'est constitué en un nouveau
gouvernement. Soutenu par les militaires extrémistes, le soi-disant
gouvernement a aussi acquis l'acceptation tacite de Jacques-Roger
Booh-Booh, le Représentant Spécial du Secrétaire Général. Les
Ministres
prétendaient représenter un nombre de partis politiques et
ainsi continuer le gouvernement précédent de coalition, mais en réalité
tous avaient la même position idéologique indépendamment de leurs
partis politiques.
Expansion des massacres
Pendant les deux premières semaines du massacre ailleurs au Rwanda, le
préfet de l'importante préfecture de Butare avait réussi à maintenir le
calme dans sa région. Le préfet, Jean-Baptiste Habyalimana, qui
détenait un PhD en ingéniorat d'une université américaine, était un
Tutsi et un membre d'un parti d'opposition. Son épouse, Joséphine,
était une activiste des droits de l'homme. Butare, où Tutsi et Hutu
avaient vécu paisiblement ensemble pendant des siècles, était
généralement hostile à Habyarimana et à son idéologie anti-Tutsi. Siège
de l'Université Nationale du Rwanda, plusieurs instituts de recherche,
et le Musée National, Butare était la capitale intellectuelle du
Rwanda.
Le 19 avril, le Président
du gouvernement fantoche, Théodore
Sindikubwabo, remplaça le préfet de Butare par un militaire extrémiste
originaire du nord. En même temps, il prononça un discours à la radio
dans lequel il appelait aux massacres des complices
vivant à Butare.
Le même soir des unités de la Garde Présidentielle arrivaient à
l'aéroport de Butare. Les massacres commencèrent presque immédiatement.
Un témoin oculaire a raconté que la nuit de l'arrivée de la Garde
Présidentielle, celle-ci a creusé des fosses et les a remplies de
pneumatiques enflammés. Il vit des gens jetés dans les fosses, y
compris sa belle-mère âgée de soixante ans. À la mi-journée le jour
suivant, on pouvait entendre un bruit continu de fusil: les Tutsi et
leurs alliés Hutu étaient exécutés dans une petite forêt adjacente à
l'Université Nationale, derrière le Musée National, et aux bords d'un
courant d'eau dans les environs. Les massacres ont continué jour et
nuit pendant les trois jours qui suivirent.
Nettoyage -- Nettoyer ceux qui sont restés
Fin avril, les leaders des milices en appellèrent aux membres de leurs
groupes pour qu'ils en finissent avec le nettoyage
des Tutsi et des
membres de l'opposition Hutu qui avaient échappé à la mort jusqu'à ce
jour. Une attaque de ceux qui se trouvaient à l'Hôtel des Mille
Collines fut évitée de justesse, apparemment sur intervention
française, mais un effort d'évacuer soixante-deux de ces otages échoua
le 3 mai. Les troupes de l'ONU, avec la garantie du commandant en chef
de l'armée, chercha à escorter les otages, mais le convoi fut attaqué
par les milices incités à l'attaque par la Radio des Mille Collines.
Neuf des otages furent grièvement blessés et tous furent obligés de
retourner à l'hôtel. Le 29 avril, des militaires et des miliciens ont
tué plus de 300 à 500 otages qui avaient été gardés depuis le 15 avril
dans un stade à Cyangugu dans le sud-ouest du Rwanda. Plusieurs jours
auparavant, le clergé d'un diocèse au Zaire (pays voisin du Rwanda)
avait alerté le monde sur la souffrance des otages, qui avaient été
confinés pendant deux semaines sans nourriture, sans sanitaires, et
avec un seul robinet d'eau. Le 11 mai les miliciens et les militaires
commencèrent à transférer les otages à un camp de réfugiés à treize
kilomètres de la ville de Cyangugu où ils pouvaient les torturer ou les
tuer sans attirer l'attention. Les bus transportant les otages étaient
souvent arrêtés en route et quelques personnes étaient déscendues pour
être tuées et laissées sur le bord de la route. Le bus qui faisait le
voyage mecredi le 11 mai fut arrêté et tous les hommes âgés entre
quarante et quatre-vingts ans furent descendus du bus et tués.
Les miliciens et les militaires faisaient des visites nocturnes aux
stades, aux enceintes des églises et autres endroits où les personnes à
risque avaient cherché refuge. Ils amenaient des groupes de personnes à
exécuter. Tous ceux qui étaient éduqués ou qui montraient une capacité
de leadership étaient ciblés pour élimination.
Le 16 mai, le Ministre de la Défense
Augustin Bizimana affirma que
les massacres avaient ete arrêté -- sauf pour des tueries isolées par
des éléments extrémistes.
Le même jour des journalistes étrangers
reportaient toujours que des groupes étaient enlevés pour exécution
d'un camp de réfugiés Tutsi dans un centre de l'église de Kabgayi, à
quelques 20 kilometres de l'endroit où Bizimana faisait sa déclaration.
Le 16 mai aussi, la Croix Rouge Internationale a reporté que le
soi-disant gouvernement rwandais avait refusé d'accepter la neutralité
de son hôpital de Kabgayi et ainsi ne pouvait en garantir la sécurité.
Aussi le même jour et les deux jours qui suivrent, les massacres ont
augmenté d'intensité dans la préfecture de Butare. Les miliciens qui
gardaient les barrières dans la région maltraitaient les passants. Ces
changements étaient le résultat de l'arrivée des miliciens qui avaient
été amenés du nord parce que la région n'était pas suffisamment
nettoyée.
Ils devaient tuer les Tutsi et Hutu membres de l'opposition
qui avaient été arrêtés précédemment protégés par les autorités locales
ou qui avaient pu autrement échapper aux massacres.
À la mi-mai, les miliciens avaient pu créer un grand réseau de
barrières routières dans les zones contrôlées par le gouvernement
fantoche. Quelquefois, les barrières n'étaient séparées que de quelques
centaines de mètres, ainsi rendant la fuite virtuellement impossible
pur ceux qui étaient ciblés pour élimination.
L'autorité centrale
Le déploiement des miliciens supplémentaires vers le sud montre qu'il y
a une administration centrale des massacres. En plus, Matthieu
Ngirumpatse, Président du MRND, s'attend apparemment à ce que les
miliciens suivent ses ordres quand il s'adresse à eux à la radio. C'est
ce qu'il fit le 19 mai, quand il leur demanda de permettre aux otages
confinés à l'Hôtel des Mille Collines et ailleurs à Kigali de se rendre
à des havres de sécurité. Au moment de la rédaction de ce document, des
négociations étaient toujours en cours pour la libération de ces
otages.
Même si bien de violence est toujours commanditée par les autorités des
partis, le gouvernement fantoche ou l'Armee Rwandaise, les tueries au
hasard, spécialement au cours de banditisme et de pillage, deviennent
de plus en plus nombreuses. Au fur et à mesure que la nourriture
devient plus difficile à se procurer, la violence liée à la lutte pour
la survie va augmenter.
La discipline au sein de l'armée rwandaise, relâchée dans le passé,
s'est déteriorée davantage au cours du dernier mois, ce qui a résulté
en multiples abus à l'encontre des civils. Dans la région du Bugesera,
par exemple, des soldats ont pillé à volonté pendant la semaine du 16
mai en violation des ordres venant de leur supérieur militaire. Leur
attitude a amené la population locale, virtuellement tous Hutu, à fuir
en panique vers le Burundi.
Résistance aux massacres
Des rapports dignes de foi décrivent l'héroisme de quelques autorités
rwandaises, tant civiles que militaires, qui ont cherché à prévenir ou
a arrêter le massacre dans leur région. Les autorités du gouvernment
local, ou bourgomestres, dans quelques régions ont fait de leur mieux
pour protéger les populations et garantir la sécurité dans leurs
communes. Malheureusement, dans certains cas, ils ont été forcés de se
soumettre et de permettre les massacres. Des officiers militaires qui
ont essayé de maintenir l'ordre ou d'aider les personnes menacées ont
plus tard subi des représsailles pour leur conduite humaine.
Human Rights Watch/Africa ne publie pas les noms de ces courageux
défenseurs des droits de l'homme de peur de les mettre en danger mais
va les remercier de leur bravoure et de leur décence à une date
ultérieure.
Ceux qui peuvent mettre fin la violence
Tous ceux qui revendiquent l'autorité au Rwanda sont dans l'obligation
légale et morale de mettre fin au génocide et aux autres abus des
droits de l'homme. Ces personnes sont les suivantes:
Leaders de partis:
Jean-Bosco Barayagwiza, chef de la CDR
Matthieu Ngirumpatse, Président du MRND
Ceux qui revendiquent le pouvoir au sein du gouvernement fantoche:
Théodore Sindikubwabo, Président
Jean Kambanda, Premier Ministre
Augustin Bizimana, Ministre du Commerce
Justin Mugenzi, Ministre du Commerce
Eliezer Niyitegeka, Ministre de l'Information
Officiers Militaires:
Général Bizimungu
Colonel Bagosora
Colonel Nkundiye
Colonel Mpiranya
Capitaine Simbikangwa
Les abus commis par le Front Patriotique Rwandais
Le gouvernement fantoche a accusé le FPR d'avoir tué des centaines de
milliers de civils, l'année dernière et dans les semaines dernières,
mais il n'a pas pu fournir les détails du temps, de la place ou des
circonstances dans lesquelles ces prétendus massacres ont eu lieu.
Après avoir mené des enquêtes extensives à partir des sources dignes de
foi, provenant des Rwandais et des expatriés, représentant le clergé,
les employés des organisations non-gouvernementales, et des
journalistes, Human Rights Watch/Africa a conclu qu'il n'y a à présent
pas d'évidence crédible selon laquelle le FPR serait impliqué dans les
massacres des populations civiles de grande ampleur.
Les réfugiés qui ont fui vers la Tanzanie à la fin du mois d'avril ont
souvent parlé des abus commis par le FPR, mais les récits sont trop
vagues pour être crédibles. Personne parmi le nombre énorme de réfugiés
au camp de Ngara en Tanzanie, par exemple, ne semble avoir été témoin
oculaire de ces prétendus massacres. Dans le quart de millions de
réfugiés à majorité hutu dans le camp, des sources médicales affirment
avoir traité seulement quatre blessures, toutes simples. Ceci contraste
avec les rapports de blessures nombreuses et graves parmi les réfugiés
Tutsi qui ont fui vers le Burundi ou vers le nord du Rwanda. La fuite
massive de Hutu vers Ngara a attiré une grande attention parce que
c'était le plus grand nombre de personnes à avoir jamais fui en si peu
de temps. Mais ces gens ont fui dans la panique parce qu'ils avaient
entendu que le FPR avançait vers leur région, non pas parce qu'ils
avaient été attaqués ou qu'ils aient vu d'autres attaques par les
troupes du FPR. Ils avaient été effrayés par la propagande
radiodiffusée au sujet des atrocités soi-distant commises par le FPR.
Beaucoup de réfugiés avaient même pris le temps de rassembler de la
nourriture et d'amener leurs animaux domestiques avec eux.
Le 18 mai, un porte-parole du Haut Commissariat des Nations Unies pour
les Réfugiés a rapporté que les troupes du FPR avaient tiré sur des
Rwandais qui cherchaient à traverser la rivière qui marque la frontière
entre le Rwanda et la Tanzanie. Il ajouta que les représentants du HCR
avaient rassemblé des récits crédibles de personnes qui avaient été
abusées par le FPR. Le FPR a immédiatemment démenti les allégations et
invité les autorités du HCR à inspecter la zone sous son contrôle.
Human Rights Watch/Africa a demandé les détails de ces charges au HCR,
mais au moment de la rédaction de ce document n'a pas encore reçu cette
information. Le bureau du HCR a répondu à la demande que les récits des
abus avaient été temporairement perdus.
Des sources de l'Église Catholique indiquent que deux prêtres ont été
tués par le FPR à Nyinawimana, mais l'information sur la date et les
circonstances de ces tueries ne sont pas encore disponibles. Dans
d'autres cas, des sources de l'Église rapportent que les réfugiés à un
camp en Uganda racontent que le FPR a tué des civils a Rwantanga, à
sept kilomètres de la frontière ugandaise, et à Nyabwishongezi, dans la
préfecture de Byumba. Un témoin venant de Rwantanga, une femme qui est
arrivée après avoir été battue, raconte que les soldats du FPR l'ont
battue sérieusement et raconte que les soldats du FPR avaient aussi tué
sa fille de douze ans avec les bouts de leurs fusils. Un autre témoin a
raconté que sa femme et ses enfants avaient été tués par le FPR quand
les soldats ont attaqué des personnes qu'ils avaient invité a une
réunion.
Un reportage dans un journal publié en Uganda fin avril raconte que des
soldats du FPR avaient ligoté une personne accusée d'être le leader
local des milices Interahamwe et l'avait livrée a une foule en colère
qui l'a battue jusqu'à la mort. Le récit était accompagné par une
photographe de la dite victime. D'autres sources dignes de foi ont
raconté à Human Rights Watch/Africa qu'ils avaient vu des soldats du
FPR exécuter des civils qui, semble-t-il, étaient des leaders des
milices.
Human Rights Watch/Africa a porté ces rapports à l'attention du FPR et
a demandé que ces incidents soient documentés et que les soldats qu'on
trouverait coupables de ces tueries ou d'autres abus à l'encontre des
civils soient punis.
La souffrance des déplacés
Approximativement deux millions de Rwandais ont fui leurs maisons
devant les massacres et la guerre. A l'intérieur du pays, des
survivants Tutsi sont entassés à divers endroits, quelques-uns
volontairement, d'autres détenus par les militaires ou les miliciens
comme otages. En plus de ceux qui sont souvent cités à différents
endroits de Kigali, il y en a qui sont au stade de Cyangugu et à
plusieurs endroits dans la préfecture de Butare. Au Rwanda central, il
y a à peu près 50.000 personnes déplacées, largement des Tutsi, à
Kabgayi, et majoritairement des Hutu près de Gitarama. Il y a en plus
certainement d'autres groupes qui restent inconnus aux observateurs
extérieurs.
Plus de 200.000 personnes ont cherché refuge dans la zone contrôlee par
le FPR dans le nord et l'est du pays.
Quand les massacres ont commencé au Rwanda, il y avait environ 200.000
réfugiés barundi qui avaient fui la violence au Burundi et qui vivaient
au sud du Rwanda.
Plus de 300.000 Rwandais ont fui vers les pays limitrophes, la grande
majorité vers la Tanzanie. Approximativement un quart de million de
Rwandais sont entassés à Ngara, Tanzanie, le camp de réfugiés le plus
grand au monde. À peu près 8.500 Rwandais ont cherché refuge au Zaire,
entre 5.500 et 10.000 en Uganda, et entre 16.000 et 47.000 au Burundi.
La misère de ceux qui se sont réfugiés dans les pays limitrophes a
connu bien de publicité, et différentes organisations cherchent à
pourvoir à leurs énormes besoins. L'information sur la souffrance de
ceux qui sont à l'intérieur du Rwanda est limitée, mais les rapports
disponibles indiquent que les conditions sont précaires pour beaucoup
de déplacés. Souvent ils restent sans nourriture ni eau quelquefois
pour des jours. Les soins médicaux sont inexistants pour la grande
majorité de ces réfugiés, dont beaucoup meurent à la suite de blessures
non traitées ou de maladie.
La guerre à Kigali a rendu difficile, souvent impossible, de distribuer
les biens et services dont les réfugiés ont besoin pour rester en vie.
Dans beaucoup de cas, les miliciens et les autorités du gouvernement
fantoche ont rendu difficile ou même carrément empêché l'assistance aux
déplacés. Dans le cas le plus notoire d'un tel comportement, les
miliciens et les militaires ont attaqué les hôpitaux à Kigali et Butare
et ont tué les employés et les malades. Les agences internationaux tels
Médecins sans Frontières et la Croix Rouge ont perdu un grand nombre de
leurs employés locaux.
Réaction de la Communauté Internationale
Après à peu près sept semaines de massacres et des centaines de
milliers de vies perdues, la communauté internationale n'a toujours pas
réagi efficacement au génocide at autres violations de la loi
humanitaire internationale au Rwanda.
Human Rights Watch, la Fédération Internationale des Droits de l'Homme,
Amnesty Internationale, l'International Center for Human Rights and
Democratic Development et d'autres organisations non-gouvernementales
ont condamné le massacre comme génocide. Le Secrétaire-Général et le
Pape ont aussi qualifié les massacres de génocide. Le Conseil de
Sécurité des Nations Unies a discuté pendant huit heures le 29 avril
avant d'adopter finalement une déclaration tôt le 30 avril qui
utilisait toute la terminologie de la convention relative au génocide
mais qui rejetait paradoxalement l'usage du terme lui-même. Les
gouvernements hésitent à parler de génocide parce que le faire les
obligerait à agir sous les termes de la Convention Internationale pour
la Prévention et la Suppression du Génocide. La convention requiert ses
signataires de prévenir et punir
ce crime affreux contre l'humanité.
Jusqu'à présent, peu de pays -- dont aucun ne fait partie des grandes
puissances du Conseil de Sécurité -- ont la volonté d'honorer les
termes de cet accord international.
Le rôle des Nations Unies
Aux termes des accords d'Arusha, l'Organisation des Nations Unies
devait fournir une force de maintien de la paix pour surveiller les
accords. La force, qui comptait 2.500 troupes juste avant la crise,
était en place pour contrôler le cessez-le-feu, contribuer à la
sécurité de la ville de Kigali, et participer aux autres activités
associées à la mise en place d'un gouvernement de transition.
Parmi les responsabilités de l'UNAMIR figurait la mise en vigueur d'une
prohibition contre l'importation des armes et munitions au Rwanda. Dans
la nuit du 26 janvier 1994, l'UNAMIR a appris l'atterissage secret et
non-autorisé et le déchargement d'un avion chargé d'armes à l'aeroport
de Kigali. La force de l'ONU est intervenu et a placé les armes sous la
supervision de l'ONU et du gouvernement rwandais pour prévenir leur
distribution à l'armée rwandaise. Au mois de février, l'UNAMIR a aussi
empêché la livraison de trois autres avions chargés d'armes et
munitions au gouvernement rwandais. Visiblement, les autorités de l'ONU
savaient bien que le gouvernement rwandais tentait d'obtenir des
équipements neufs pour ses troupes, probablement en préparation d'une
guerre.
En février 1994, l'assassinat de deux personnalités politiques a été
suivi d'une semaine de massacres et de violence à Kigali. En
interprétant son mandat de façon très étroite, l'UNAMIR n'a pas réagi
efficacement à la violence alors qu'elle remarquait l'insécurité à la
capitale. Alors que les tensions montaient en février et mars, le
personnel de l'ONU et le corps diplomatique étaient bien au courant des
préparatifs pour le désastre imminent. Ils étaient souvent avertis
notamment par les activistes des droits de l'homme et les leaders
politiques, que des préparatifs étaient en cours pour une campagne de
décimation de ceux qui étaient opposés au régime de Habyarimana. Ils
connaissaient les émissions radio-diffusées qui appelaient à la haine,
l'entraînement des milices et la distribution des armes. Même s'ils ne
pouvaient pas imaginer l'ampleur de l'horreur qui se préparait ou même
s'ils étaient limités par leur mandat ou par les traditions de la
pratique diplomatique, ils n'ont entrepris aucune action de prévenir le
désastre.
Au début des massacres après l'écrasement de l'avion, l'UNAMIR n'a pas
agi de facon décisive non plus. Apparemment, les termes de leur mandat
et le manque d'équipement approprié pour les troupes a empêché une
réaction efficace. Si la première vague de violence avait été vite et
fermement réprimée, la situation aurait certainement évolué
différemment.
Quand le Premier Ministre Agathe Uwilingiyimana a fui vers l'enceinte
de l'ONU, l'UNAMIR a déployé dix soldats, du contingent belge, pour la
sauver. Ils ont rencontré une foule hostile et armée et trois d'entre
eux ont été désarmés. Les autres ont demandé des instructions du
quartier général et, selon une déclaration de presse, on leur a demandé
de déposer les armes et de tenter de négocier avec la foule. Ils furent
tous tués. Le gouvernement belge retira ses troupes, qui étaient les
mieux équipés de ceux qui étaient disponibles pour la force de
l'UNAMIR. Par la suite les troupes du Bangladesh ont aussi quitté,
certains d'entre eux avant même que les ordres de leur rappel aient été
donnés.
Le 21 avril le Conseil de Sécurité a tenu une réunion pour décider du
sort de l'UNAMIR. Au lieu d'admettre qu'un génocide avait eu lieu,
comme c'était clair à cette date, et assumer la responsabilité de le
réprimer, le Conseil de Sécurité a voté pour le rappel de la majorité
des troupes en place et pour ne laisser qu'une force symbolique de 270
soldats. Les États Unis, initialement en faveur d'un retrait total des
forces de l'ONU, proposa éventuellement le maintien d'une force
symbolique de l'UNAMIR.
Ceux qui étaient pour la réduction de l'UNAMIR donnaient comme argument
la nécessité de retirer les troupes d'une situation dangereuse qu'ils
n'avaient pas l'équipement nécessaire pour gérer. A l'exception de dix
soldats belges tués alors qu'ils essayaient de défendre le Premier
Ministre, sans doute un des cibles importants des extrémistes, aucun
autre soldat de l'ONU n'avait été tué dans les semaines qui ont suivi
la violence. (Un soldat fut plus tard tué par un mortier.) Il n'y avait
pas de preuve que les troupes de l'ONU etaient ciblées par l'une ou
l'autre partie en conflit après les premiers jours des massacres.
Pendant les premières semaines de violence, le Conseil de Sécurité a
apparemment reçu des rapports inadéquats sur la situation, spécialement
ceux qui étaient basés sur l'information fournie pas le représentant
spécial du Secrétaire-Général, Jacques-Roger Booh-Booh. Qualifiés par
The Washington Post du 8 mai de confus « embellis » décrivant des
tueries réciproques et chaotiques,
ces rapports ne faisaient pas état
de la nature systématique et organisée du génocide qui à ce moment
etait déjà établi par les reportages dans la presse.
Devant ce désastre qui continuait à s'aggraver et dont un exode massif
des réfugiés avait largement fait la publicité le 29 avril, les États
Unis et d'autres nations décidèrent que plus de troupes devaient être
envoyeés au Rwanda avec un mandat plus étendu. Au sein du Conseil de
Sécurité, les délégués de la République Tchèque, la Nouvelle-Zélande,
l'Espagne et l'Argentine ont pris le devant pour amener les autres
États membres à prendre cette décision. Après un long débat le 16 mai,
le Conseil autorisa une force de l'UNAMIR II composée de 5.500 troupes
dotée du mandat plus élargi de défendre les personnes deplacées, les
réfugiés et les civils en danger. Contrairement au mandat de la
première force, celui de l'UNAMIR II permet aux troupes d'user de la
force, si nécessaire, pour exécuter sa mission. Des hésitations de
dernière minute des États Unis n'ont permis que le déploiement d'une
petite force de quelques centaines de troupes et d'environ 150
observateurs non-armés. Le déploiement du reste de la force dépendra du
progrès vers un cessez-le-feu, de la disponibilité des ressources, et
d'un autre rapport et d'une action du Conseil.
Le Général Roméo Dallaire, le commandant militaire de l'UNAMIR, a joué
un rôle constructif, spécialement par le maintien de la communication
entre les deux parties. Il négocie actuellement pour obtenir la
neutralité de l'aéroport de Kigali. Si l'ONU s'assurait du contrôle de
l'aéroport, la tâche de l'UNAMIR serait grandement facilitée. Des
combats pour le contrôle de l'aéroport ont souvent rendu impossible
l'atterrissage d'avions amenant l'assistance.
Le gouvernement rwandais en place avant le 6 avril avait un siège
non-permanent au Conseil de Sécurité. Son représentant a continué à
servir le régime qui s'est auto-proclamé après la mort de Habyarimana
et on lui a permis de conserver le siège au Conseil. On lui a même
permis de parler longuement lors des débats et de voter sur les
résolutions sur le Rwanda, même si d'usage les représentants ne sont
pas permis de jouer un rôle actif dans les discussions sur les conflits
qui affectent leurs pays. On a même permis à Jérôme Bicamumpaka, le
soi-disant ministre des affaires étrangères du gouvernement fantoche,
de prendre la parole devant le Conseil. Sa présence à New York, avec
Jean-Bosco Barayagwiza, chef de la CDR, fait partie des efforts du
gouvernement fantoche de justifier l'injustifiable et de gagner quelque
forme de reconnaissance internationale de leur régime qui pratique le
génocide.
Le gouvernement fantoche est en faveur du retour des troupes de l'ONU
au Rwanda.
Le FPR était initialement en faveur de l'intervention de l'ONU mais à
la fin du mois d'avril, il a changé sa position en adoptant un ton dur
qui oppose le renvoi de beaucoup plus de soldats de l'ONU. Par la suite
il a adouci sa position en quelque sorte en disant qu'il ne
s'opposerait pas à une force dont la mission serait purement
humanitaire, mais qu'il s'opposerait à une force qui s'interposerait
entre les deux armées en conflit.
En réaction à la pression des États Unis et autres nations, le Haut
Commissaire des Nations Unies pour les Droits de l'Homme, José Ayala
Lasson, a commencé une mission au Rwanda et au Burundi à la mi-mai,
cinq semaines après le début des massacres. À son retour, il a fait une
déclaration condamnant l'ampleur de la violence, mais n'a pas qualifié
les massacres systématiques de génocide.
À la demande du Canada, une réunion urgente de la Commission des
Nations Unies sur les Droits de l'Homme a été convoquée. Ce sera
seulement la troisième fois que ce corps aura tenu une session
spéciale, les réunions précédentes ayant été convoquées pour discuter
de la crise bosniaque. La session recommandera probablement l'envoi
d'un rapporteur spécial pour enquêter sur la situation au Rwanda.
La communauté diplomatique à Kigali
Les représentants de la plupart des pays à Kigali ont offert une
protection temporaire à leurs employés rwandais et autres qui
cherchaient asile dans leurs maisons ou ambassades. Amnesty
International a reporté cependant que le 13 avril quelques ambassades
non identifiées avaient apparemment tourné le dos contre des Rwandais
qui cherchaient protection. Les diplomates se sont d'abord mobilisés
pour évacuer les citoyens de leurs propres pays et ont refusé
d'assister les Rwandais, même des employés de longue date, qui
voulaient quitter le pays. La Belgique et la France ont aidé quelques
Rwandais à s'échapper. La France a fourni un avion pour évacuer Madame
Agathe Habyarimana, les membres de la famille Habyarimana et autres
personnes proches du régime. Quelques-uns étaient amenés à Paris et
plusieurs centaines d'autres au Zaire.
Le rôle des États Unis
Tout comme les Nations Unies et la majorité de la communauté
internationale, les États Unis n'ont pas réagi efficacement au génocide
au Rwanda. Les autorités des États Unis ont fait preuve de confusion et
de lenteur considérables dans la négociation de l'initiative UNAMIR II,
apparemment parce que c'était la première à être considerée depuis la
mise en place d'une nouvelle politique de l'administration sur les
missions de maintien de la paix.
Le Président Bill Clinton fit un appel inhabituel à la radio, Voix de
l'Amérique, à l'adresse du Rwanda le 30 avril 1994, demandant la fin de
la violence; le message avait une durée d'une minute et était formulé
en termes plutôt vagues sur la nécessité pour les leaders rwandais de
respecter les liens communs d'humanité.
Une déclaration publique plus
utile a été faite par le Conseiller pour la Sécurité Nationale, Anthony
Lake, le 22 avril. Il demanda nommément aux leaders militaires de
faire tout en leur autorité pour mettre immédiatement fin à la
violence.
La déclaration de Lake, qui en réalité ne condamnait pas les
leaders nommés, dépassa la routine diplomatique en supportant le
principe de responsabilité individuelle pour les abus des droits de
l'homme et en donnant les noms de ceux qui peuvent mettre fin aux
massacres.
Le Sous-Secrétaire d'État pour les Droits de l'Homme, John Shattuck, a
adopté le même approche dans une déclaration du 8 mai après sa visite
dans les pays limitrophes au Rwanda. Il prôna une enquête qui serait
menée par les Nations Unies pour établir la responsabilité individuelle
dans les massacres.
D'autres autorités importantes du Département d'État, notamment
l'adjoint du Sous-Secrétaire d'État, Prudence Bushnell, ont fréquemment
fait des déclarations publiques sur la Voix de l'Amérique en condamnant
les massacres.
Les États Unis ont résisté à la pression de s'engager à ne pas prêter
assistance au régime qui émergerait de ces massacres. Ils ont cependant
refusé de donner des visas aux représentants du gouvernement fantoche
qui voulaient plaider leur cas à Washington. À cause du statut
international du territoire de l'ONU, les États Unis ne pouvaient pas
empêcher aux représentants d'aller à New York faire les couloirs à
l'ONU.
Des membres du Congrès ont exprimé leur inquiétude au sujet des
massacres et ont fait pression sur l'administration pour plus d'action.
Le 26 avril, le Sénat a passé une résolution condamnant le massacre
systématique des civils au Rwanda. Le Sous-comité des Affaires
Étrangères de la Chambre des Représantants sur l'Afrique a tenu des
auditions sur la situation le 4 mai. Les sénateurs Paul Simon et James
Jefford, des membres du Sous-comité dans la Chambre, Kweisi Mfume et
Donald M. Payne du Congressional Black Caucus
ont tous écrit au
Président Bill Clinton pour lui demander une action plus efficace de la
part des États Unis.
En termes d'action réelle, les États Unis ont continué à mener des
efforts diplomatiques dont le but est primordialement d'arriver à un
cessez-le-feu plutôt qu'à l'arrêt des massacres. Les États Unis ont
aussi contribué une somme de 28 million en assistance aux réfugiés et
comptent approuver une somme supplémentaire de 28 million pour des
efforts semblables. Les États Unis ont aussi indiqué qu'ils étaient
prêts à payer à peu près le tiers des frais de la nouvelle force de
l'UNAMIR et à fournir le soutien logistique pour envoyer les troupes au
Rwanda.
Le rôle de la France
La France a soutenu avec consistance le régime de Habyarimana, en
envoyant notamment des troupes françaises pour aider à la défense
contre le FPR en octobre 1990 et encore en février 1993. Dans Arming
Rwanda: The Arms Trade and Human Rights Abuses in the Rwandan War,
publié en janvier 1994, Human Rights Watch a documenté la participation
de la France dans l'armement et l'entraînement de l'armée rwandaise.
Tout comme l'Égypte, la France a reçu des représentants du gouvernement
fantoche, les aidant ainsi a gagner le respect de la communauté
internationale. Les délégués reçus à Paris comprennent notamment
Jean-Bosco Barayagwiza, chef du parti CDR qui est responsable de la
grande partie du génocide.
RECOMMANDATIONS
- Jean-Bosco Barayagwiza, chef du parti CDR; Matthieu Ngirumpatse,
président du parti du MRND; tous ceux qui revendiquent l'autorité dans
le gouvernement fantoche: Théodore Sindikubwabo, Jean Kambanda,
Augustin Bizimana, Eliezer Niyitegeka, Justin Mugenzi; et les officiers
Bizimungu, Bagosora, Nkundiye, Mpiranya, et Simbikangwa doivent
immédiatement mettre fin au génocide et aux autres violations de la loi
humanitaire internationale au Rwanda.
- Les autorités du FPR, notamment son président,Alexis Kanyarengwe, et
son commandant militaire, Paul Kagame, doivent donner des ordres à
leurs combattants pour qu'ils mettent fin aux exécutions ou autres
tueries des civils rwandais. Ils doivent arrêter tous ceux qui sont
accusés d'implication dans le génocide et autres crimes contre
l'humanité et s'assurer qu'ils soient gardés dans des conditions
humaines dans l'attente de leur jugement.
- La communauté internationale doit aussi condamner le génocide au
Rwanda clairement et avec force, en appelant l'horreur par son vrai
nom. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, la Commission des Droits
de l'Homme des Nations Unies, et les différents gouvernements de la
communauté internationale -- y compris les États Unis -- doivent
reconnaître que la nature organisée ainsi que l'ampleur des massacres
prouve que les auteurs avaient l'intention d'éliminer en tout ou en
partie les Tutsi comme groupe au Rwanda.
- La communauté internationale doit aussi condamner le massacre
systématique des milliers de Hutu qui étaient opposés au régime de
Habyarimana comme une violation de la loi humanitaire des droits de
l'homme.
- Les États membres des Nations Unies doivent faire tout leur possible
pour assister au déploiement rapide et complet des troupes de l'UNAMIR
II. Les États membres doivent aussi réagir vite à la demande de fournir
des forces supplémentaires. Les Nations Unies doivent disponibiliser
les ressources nécessaires pour assurer que les problèmes
organisationnels ou logistiques soient résolus immédiatement.
- La communauté internationale doit insister sur la responsabilité de
ceux qui ont organisé le génocide et autres violations de la loi
humanitaire internationale. La Commission des Droits de l'Homme des
Nations Unies doit interpeller nommément ces personnes qui ont le
pouvoir de mettre fin aux massacres et doit demander qu'ils le fassent
immédiatement.
- La communauté internationale doit prendre les pas nécessaires pour
s'assurer qu'aucune forme d'impunité ne soit offerte aux responsables
du génocide et d'autres crimes contre l'humanité. La Commission des
Droits de l'Homme des Nations Unies devrait envoyer un représentant
pour participer aux négociations entre toutes les parties en conflit au
Rwanda et pour insister que l'impunité ne soit pas garantie comme
partie d'un accord. Aucun participant dans les négociations ne devrait
être permis de troquer sa coopération pour arranger un cessez-le-feu ou
pour faire la paix pour sa propre protection ou celle d'une autre
personne accusée de génocide et crimes contre l'humanité.
- La communauté internationale doit s'assurer que ceux qui sont accusés
de génocide et crimes contre l'humanité soient traduits en justice et
subissent des jugements conformes et respectueux de la pratique
internationale, y compris les garanties des droits des accusés. Si de
tels jugements devaient se tenir dans la cour du Rwanda, la
collaboration des magistrats et procureurs internationaux devrait être
requise, à travers la création d'une jurisdiction exceptionnelle si
nécessaire.
- Les gouvernements, les organisations des droits de l'homme, et les
individus devraient utiliser tous les moyens possibles pour prendre une
action légale et porter devant la justice les personnes coupables de
génocide et autres crimes. Human Rights Watch/Africa a assisté une
victime, la soeur de plusieurs personnes tuées, notamment feu le
Ministre Landoald Ndasingwa, a porter plainte contre Jean-Bosco
Barayagwiza pour génocide et autres crimes contre l'humanité. Les
autorités et les individus devraient initier des procédures semblables
contre les principaux auteurs de ces horreurs. Les criminels devraient
se rendre compte qu'il n'y a pas de place au monde où ils pourraient
échapper à l'action judiciaire.
- La Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies devrait
déléguer et fournir des fonds adéquats à un rapporteur spécial qui doit
rapporter dans les meilleurs délais sur la crise rwandaise. Elle
devrait insister pour que les membres de la force de l'UNAMIR soient
aussi chargés de rapporter toutes les violations des droits de l'homme
à la Commission à travers son représentant délégué. Elle devrait aussi
fournir les moyens nécessaires à un groupe de moniteurs des droits de
l'homme qui se rendraient au Rwanda pour compléter les rapports fournis
par le personnel de l'UNAMIR.
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