Difficile de passer à côté… L’homme occupe tous les médias ou presque… Une campagne de communication savamment et chèrement orchestrée !
Il y avait eu cet été un quasi-publi-reportage dans Paris-Match et voilà maintenant Jean-Yves Ollivier, dans un film produit à sa gloire, « Plot for peace » (Complot pour la paix) s’attribuant quasiment tous les mérites de la libération de Mandela et de la fin de l’apartheid à la création de la République Sud-Africaine.
Il se présente comme un homme d’affaires, un héros moderne, mais le personnage intrigue.
Il a été un compagnon, un lieutenant, de Jacques Chirac pour l’Afrique. Il était aux affaires africaines ce que Patrick Maugein (décédé en 2007) était aux affaires pétrolières. Ce dernier avait construit un groupe qui valait des milliards de dollars. Vous pouviez aller chez Total et demander « qui est Patrick Maugein ? » Immédiatement la réponse fusait : « Mais c’est l’homme de Chirac chez Total ! » Vous pouviez en faire de même pour Jean-Yves Ollivier à l’Elysée au temps de Chirac et de Sarkozy et là la réponse était : « On ne connait pas ! » Dans la barbouzerie, la discrétion est la règle !
Alfred Sirven, l’âme damnée de la françafrique au sein d’ELF, avait coutume de rappeler à ses visiteurs, pour bien démontrer la puissance de la compagnie, qu’il aidait Savimbi et l’Unita avec de l’argent et des armes dès que le MPLA et Dos Santos prenaient un peu le dessus et vice-versa. C’était sûrement une des raisons pour lesquelles la guerre civile angolaise avait duré une vingtaine d’années. Alors que faisaient véritablement auprès de Savimbi, Jean Yves Ollivier et Michel Roussin ? Préparaient-ils une livraison humanitaire de médicaments ou de cadeaux de Noël pour les enfants angolais ?
Depuis bien longtemps, le héros auquel veut nous faire croire « Complot pour la paix » traîne une réputation sulfureuse. Nombreux sont ceux qui le qualifient de « marchand d’armes ». Comme Pierre Falcone, fortune faite dans le juteux négoce, les professionnels des conflits en Afrique s’emploient à lisser l’image qu’ils laisseront à la postérité et jurent leurs grands dieux n’avoir jamais touché à ce type de quincaillerie.
L’homme né en Algérie prétend être un redoutable homme d’affaires. Employé des services français, il devient résident suisse (à Zurich), une de ses résidences secondaires à Paris se trouve avenue Pierre 1er de Serbie dans le même immeuble cossu que le cabinet de Robert Bourgi.
Sa proximité avec Jacques Chirac lui a bien entendu ouvert toutes les portes en Afrique. Celles de Sassou NGuesso l’ont été plus que les autres dès 1979.
Brazzaville était la capitale de tous les mouvements d’indépendance d’Afrique : l’Unita, le MPLA, la SWAPO, le Frelimo etc., avaient tous pignon sur rue dans la capitale Congolaise et cela bien avant le premier putsch de Sassou NGuesso. La République Populaire du Congo était à l’avant-garde de tous les combats, de toutes les luttes. Marien NGouabi en avait été le porte-flambeau, le porte-voix enflammé. L’apartheid était combattu plus que tout autre régime et tous les écoliers connaissaient le nom de Mandela et cotisaient tous au « Fonds Africa ».
Alors que ce « Tintin-Ollivier au Congo » ne vienne pas nous raconter ses histoires. Certes, il a pu bénéficier des deux mandats consécutifs et désastreux à la présidence de l’OUA de son employeur et ami Denis Sassou NGuesso pour infiltrer toutes les présidences africaines. Ce VRP d’affaires obscures, bénéficiant de la double bénédiction Sassou-Chirac, a pu ainsi facilement dans les années 80 nouer des contacts à de très hauts niveaux ; mais il n’était en fait qu’un agent de liaison, un homme de terrain, rien de plus ! Pouvait-on imaginer à cette époque, un Congolais dûment missionné se rendre « discrètement » à Pretoria ? L’atout premier de Tintin-Ollivier n’était en réalité que sa blancheur !
On pourrait penser que tout ce tapage médiatique est destiné à mettre en avant le « rôle » de Denis Sassou-Nguesso dans ces médiations en Afrique Australe. Le dictateur connaît de sérieux déboires sur la scène internationale et il a grand besoin de redorer son blason. L’incontournable François Soudan y a été également de sa plume pour vanter le dictateur congolais dans sa proximité et dans la prétendue amitié que lui portait Nelson Mandela. Le pendant de Jean Paul Pigasse chez
Jeune Afrique oublie volontiers le fâcheux épisode de la « préface » usurpée comme une vulgaire cargaison de pétrole de la SNPC.
http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2737p006-007.xml1/ Cette distance à l’égard du président congolais trouverait son explication dans les fonds débloqués par Sassou (fonds que lui avait demandés Mandela pour financer la réinsertion des combattants de l’ANC à la vie civile, ce que « ni lui (Sassou) ni Mandela n’ont jamais révélé »). En réalité Mandela était à Brazzaville un dimanche et Sassou l’avait reçu sur le fleuve sur son bateau « le 5 février ». Sassou avait fait ouvrir le Trésor et avait demandé à ce que toutes les liquidités soient remises à Mandela. Cette histoire avait fait le tour des capitales africaines et il se pourrait bien qu’elle soit revenue aux oreilles de Madiba… !
Etonnamment, Tintin-Ollivier se taille la part du lion en ne laissant à son pygmalion de l’Alima qu’une portion congrue. Alors comment croire que les forces et les intelligences qui étaient en mouvement dans le monde entier pour la résolution de ces crises en Afrique Australe ont été surpassées par ces deux Tartarin ?
Mais surtout en s’octroyant ces victoires, Jean-Yves Ollivier cache totalement l’engagement national historique et les sacrifices de la République Populaire du Congo. Ollivier, homme d’affaires, (de quelles affaires ?), passe à la trappe tous les moyens qui ont été offerts par ce pays et l’engagement de tout un continent, avec Brazzaville en pointe, réduits à l’activisme de ces deux hommes.
Aujourd’hui, il passe le plus clair de son temps à Conakry, chez Alpha Condé le président de la Guinée. C’est un autre ami rencontré à la table de Sassou NGuesso à MPila dans les années 80 alors que le Guinéen ne faisait pas grand-chose. Maintenant, il essaye de récupérer d’énormes permis miniers avec des partenaires sud-africains comme Tokyo Sexwale membre éminent de l’ANC. Avec ou sans l’aval de Sassou ? On imagine mal ce dernier qui avait prêté 100 millions de dollars (50 milliards de FCFA) à son ami Alpha Condé rester en dehors d’une juteuse opération.
Tout le monde connait la responsabilité de Jacques Chirac dans la mise à la disposition de moyens aériens pour la traque de Pierre Anga. Jean-Yves Ollivier y a-t-il joué un rôle ?
En 1997 sa proximité, auprès de Sassou et ses liens avec Jacques Chirac l’avaient sûrement contraint à rendre quelques services ou quelques fournitures. Difficile de le dire précisément. Toujours est-il qu’une des premières décisions du vainqueur de la guerre civile du 5 juin 97 avait été de lui octroyer immédiatement un réseau téléphonique GSM. Quels services Jean Yves Ollivier avait-il rendus qui méritassent pareille récompense ?
C’était un cadeau de plusieurs dizaines de millions de dollars. Jean Yves Ollivier l’exploita au travers de la Serelco. Il devint également incontournable dans les affaires pétrolières en logeant dans son immeuble du 43 avenue de Friedland, où la Serelco avait ses bureaux, la SNPC. Au travers du trader pétrolier Vitoil, il participa, contre cargaisons de pétrole, au règlement des créanciers vautours, Kensington, Hemisphere et Afcap Walker.
Sa soif de reconnaissance dans la production de ce film, et pour faire sa promotion en amadouant la presse française qui ne demande que cela, Jean Yves Ollivier irritera sans aucun doute le dictateur congolais Sassou NGuesso. Il l’avait déjà fait dans son interview de Paris Match dans lequel il confirmait le pouvoir de corruption (affaire Copé, Rachida Dati et les « valises de Bourgi ») en affirmant : «
Il se moque de l’argent, il en use comme d’un moyen politique ! » Maladroite confirmation du rôle de corrupteur que l’autocrate savoure tenir.
Dans sa présentation du film, il affirme que Sassou NGuesso «
avait le profil parfait pour inspirer confiance en Afrique Australe….. c’était surtout l’un des rares dirigeants africains qu’on ne pouvait pas accuser de condamner l’Afrique du Sud le jour et de faire la nuit du commerce avec le régime de l’Apartheid ». Sa mémoire sélective a sûrement volontairement effacé l’opération des 50 missiles Mistral de Matra commandés par la présidence de la République Populaire du Congo en 1989, par Sassou donc, et qui étaient en réalité bien destinés au pays de l’apartheid.
Ollivier sait être drôle également lorsqu’il prétend «
Sassou. Il était alors président de l’Organisation pour l’unité africaine (OUA) et un marxiste farouchement anti-apartheid. Je me suis donc rendu à Brazzaville et j’ai obtenu une audience avec le président Sassou Nguesso pour, officiellement, lui proposer une importation de grains dans son pays. » Le Congo était un importateur de farine. De farine et jamais de grains ! Encore une tartarinade.. !
Tintin-Ollivier ne manque pas d’air lorsqu’il affirme «
Je n’ai qu’un regret que ce film n’ait pas été fait peut-être deux ans plus tôt. Je pense que s’il avait été fait deux ans plus tôt, nous aurions eu Mandela. J’ai l’intime conviction que Mandela aurait accepté de participer à ce film. » On peut en douter surtout lorsque l’on sait la difficulté que Nicolas Sarkozy avait eu pour rencontrer Mandela avec Carla Bruni Sarkozy et qu’il avait fallu toute l’insistance d’Omar Bongo pour qu’il accepte. Nelson Mandela, lors de son premier voyage après sa sortie de prison s’était rendu d’abord à Libreville. Seulement après, il avait fait escale à Brazzaville. Si Madiba devait quelque chose à « Sassou-Ollivier » il aurait commencé par le grand homme congolais…. !
Parmi les collaborateurs à ce film de propagande, on découvre avec surprise la présence de Stephen Smith, l’ancien journaliste à Libération et au Monde. Il est maintenant professeur invité à l’université Duke aux USA. Avec Antoine Glaser, dans le livre « Ces messieurs Afrique » qu’ils avaient écrit en 1992, un chapitre entier avait été consacré à Jean Yves Ollivier. Ce dernier y avait été sérieusement malmené et il l’avait très mal digéré ; notamment, le passage qui rapportait les agrafes en or qu’il utilisait à l’époque pour ses liasses de billets de 500 Francs français.
Alors, il n’est pas plus surprenant de voir cette icône du journalisme en Afrique se prêter au jeu, sûrement chèrement payé par Jean Yves Ollivier, que de constater la fidèle présence d’un Jerry Rollins au côté de Sassou NGuesso après que son épouse ait obtenu une riche exploitation forestière à Ignelé dans la Likouala… !
Avec des narrateurs propagandistes comme François Soudan, comme Jean Paul Pigasse et des conteurs douteux comme Jean Yves Ollivier, on se rend compte que l’Afrique et surtout le Congo, à défaut de ne pas « être réellement entrés dans l’Histoire » manquent cruellement d’historiens véritables !
Par Rigobert OSSEBI
(Extrait de : www.congo-liberty.com)
http://fr.euronews.com/2013/10/14/documentaire-l-histoire-secrete-de-la-fin-de-l-apartheid/
http://www.jeanyvesollivier.com/2013/09/17/denis-sassou-nguesso-cle-de-voute-dune-solution-africaine/