Fiche du document numéro 4393

Num
4393
Date
Lundi 27 janvier 2003
Amj
Taille
160411
Titre
Interview de Namuhoranye Athanase à l'hôtel Béthanie, Kibuye
Tres
Namuhoranye Athanase, préfet des études à l'école de Mubuga, sert d'interprète à Duval et Sartre
Nom cité
Nom cité
Type
Interview
Langue
FR
Citation
ITW : NAMUHORANYE ATHANASE
Lieu : Kibuye

Béthanie

Date : 27/01/2003
Time code

Q/R

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Q

Texte
Cassette n°49
On va parler en kinyarwanda. Si tu veux, tu réponds en français,
mais moi je te poserais les questions en kinyarwanda.
Donc les noms, l’age, le lieu de naissance, la nationalité et la

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profession avant 1994.
Je m’appelle Namuhoranye Athanase, je suis né dans la commune
Rwamatamu, secteur de Ruvumvu, cellule Kabirizi. J’ai 43 ans, je
suis né en 1963, je suis marié, je suis rwandais, j’ai une femme et

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trois enfants.
Quelle était ta profession ?
Avant la guerre, je travaillais au ministère de l’Enseignement
Primaire et Secondaire à Kigali. Il n’y avait pas longtemps de cela
cependant, avant j’étais préfet des études à Mubuga dans la
commune Gishyita et qau moment de la guerre, c’est là-bas que se

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trouvaient ma femme et mes enfants.
Toi tu étais à Kigali et eux à Kibuye ?
Oui.
Tu es en prison depuis quand ?
Depuis longtemps, depuis le 15 février 1995.
Et on te reproche quoi ?
On m’accuse de génocide.
Tu l’aurais commis où ?
Là-bas à Mubuga.
A Mubuga ? Alors que tu n’y étais pas ?
C’est ça le problème. Mais j’attends, il se pourrait que justice me
soit rendue très prochainement, c’est ce que j’apprends. Sinon ce

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q

sont des crimes que l’on m’a inventés.
Puisque tu étais à Kigali, là aussi tu as du voir beaucoup de choses.
De toutes façons le génocide eu lieu partout dans le pays, y compris
Kibuye et Kigali. Comment ce génocide a-t-il débuté ? Qu’as-tu

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vu ?
Bon. Quand le génocide a commencé, je me trouvais à Kigali. Je
logeais dans une famille, qui d’ailleurs elle aussi avait un problème.
Le mari était mon ami, on avait vécu ensemble auparavant, mais il

avait un problème, il avait été emprisonné avec les complices des
inyenzi en 1990, sa femme était tutsi et il y avait également dans la
famille deux jeunes personnes de la famille de l’épouse qui vivaient
là, de telle sorte que nous avions de très sérieux problèmes. La
femme et ces deux enfants vivaient cachés dans le plafond. Nous les
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mettions là-dedans et surveillions ce qui se passait.
Ont-ils survécu ou ne sont-ils plus ?
Ils sont en vie.
Les français, tu les as vus quand au Rwanda ?
Les français ?
Oui. Entre 1990 et 1994 ?
Les français je les ai vus, lorsque j’ai quitté Kigali et suis venu à
Mubuga. C’était vers le 21 juin. Je ne me rappelle pas exactement
mais je pense que c’était le 23 ou entre le 21 et le 25 juin. C’est là
que j’ai vu les sœurs avec qui j’avais travaillé et qui étaient ici à
Kibuye à l’ENT. Les sœurs d’ici à Kibuye et celles de Mubuga sont
d’une même congrégation, c’est la congrégation de sœurs de sainte
Marie. Et comme elles me connaissaient pour avoir été préfet des
études dans leur établissement à Mubuga, elles m’ont envoyé un
message pour que j’aille les voir, j’ai loué à cet effet une moto et je
suis allé les voir là-bas à l’ENT. C’était donc entre le 21 et le 25

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juin.
Avant, en 1990, tu sais que les français sont venus à la rescousse du

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gouvernement lors de l’attaque des inkotanyi. Tu les as vus où ?
En 1990, je ne les ai pas vus.
Tu habitais où ?
J’habitais à Mubuga. Je travaillais à l’école secondaire des filles de

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Mubuga. C’est à 18 km d’ici.
Quand est-ce que tu es allé travailler à Kigali ?
J’y suis allé en décembre 1993. C’est pourquoi je te dis que je ne

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venais pas d’y passer beaucoup de temps.
De novembre 1993 à avril 1994, ne voyais-tu pas de français aux

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alentours de Kigali ?
Moi vraiment, je ne peux pas dire que j’ai vu des français.
Donc, tu ne les as vus que dans Turquoise ?
Oui. Dans Turquoise. Je les ai vus dans Turquoise.
C’est-à-dire que tu avais déjà quitté Kigali et étais venu ici ?
Oui. J’étais déjà venu.
Comment vous êtes-vous vus ?
C’est ce que je vous racontais. Lorsque j’ai quitté Kigali, je suis

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arrivé à Mubuga le 25 avril 1994. Et puis en juin, c’est là que l’une
des sœurs qui se trouvaient là-bas à l’école m’a écrit en me disant :
« Ici il y a des soldats français qui y sont arrivés, ce serait bien que
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tu viennes et discutes avec eux ».
A quelle date y es-tu allé alors, là-bas à l’ENT où se trouvaient ces

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sœurs ?
Je vous ai dit, je ne me rappelle pas exactement la date, mais je vous

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ai dit entre le 21 et le 25 juin.
Vous arrivez justement là-bas à l’ENT. Qu’avez-vous fait ? Quel

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genre de contacts as-tu eu alors avec les soldats français ?
Bon. En y arrivant, je voyais des soldats français, j’ai vu beaucoup

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de journalistes aussi.
Etrangers ou rwandais ?
Etrangers.
De quelles nationalités ?
Je ne sais pas. Parmi eux, le seul que j’ai pu connaître, que les gens

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m’ont montré, est Jean Hélène.
Jean Hélène ? Jean Hélène était là ?
Il était là.
Entre le 21 et le 25 ?
Entre le 21 et le 25.

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Bon. Alors la sœur m’a introduit auprès de l’un des supérieurs des
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soldats français, Diego m’a-t-on dit qu’il s’appelait.
Diego ?
Un lieutenant-colonel ou colonel je ne dais pas. Nous nous sommes
entretenus, il m’a demandé comment je voyais la situation, je le lui

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ai dit.
Il t’a demandé ton point de vue sur la situation et que lui as-tu

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répondu ?
Moi, en peu de mots, ce que je lui ai dit, il m’a demandé : « Les
massacres sont commis par qui ? Comment se présente la
situation ? » Ma réponse a été que c’était certains des citoyens qui
collaboraient avec certaines autorités pour tuer les tutsi. Car c’était
différent de ce qu’il entendait d’autres dire, qu’il s’agissait de
violences interethniques. Alors ce qu’il a fait d’autre, il m’a donné
une carte du Rwanda qu’il avait, là je lui avais dit qu’il y avait des
gens qui s’étaient réfugiés au Bisesero et qui s’y trouvaient toujours.
Car même en ce moment-là où je me trouvais là avec lui, il y avait
toujours des attaques qui y allaient. Je le lui ai dit. En ce moment-là

il m’a demandé, je me souviens : « Est-ce que comme toi tu vois ces
gens-là qui s’y rendent, portent-ils des uniformes, ont-ils des habits
qui les identifient, qui permettent de les identifier ? » Cette question,
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il me l’a posée.
Et la réponse ?
La réponse a été que, pour ceux que je voyais le plus souvent, ils ne
portaient pas d’uniformes, à part les feuilles de bananiers dont ils se
recouvraient la tête et qui leur servaient de camouflage.
Et aussi ces interahamwe dont les gens parlaient, on en a parlé à
cette époque, moi personnellement je ne les ai pas vus, ceux qui sont
venus de Cyangugu et de Gisenyi sont venus dans des bus et ils y

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sont allés directement.
Tu as entendu parler d’eux ?
Oui, j’ai entendu parler d’eux, je ne les ai pas vus. Mais pour y aller,

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ils y sont allés.
Parmi ceux-là qui y allaient, n’y avait-il pas de militaires ?
Parmi ceux qui s’y rendaient ? Euuuh…
Oui. Des soldats rwandais.
Rwandais ? Eh ! Des rwandais, les gendarmes d’ici à Kibuye sont

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allés. Oui ils y sont allés.
C’est-à-dire donc qu’eux aussi participaient aux massacres ?
Oui. Ils ont réellement participé. Les gendarmes d’ici à Kibuye ont

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beaucoup participé.
Quand tu en eus parlé à Diego, qu’a-t-il fait ?
Lui, ce qu’il a fait, il m’a donné sa carte du Rwanda et m’a demandé

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de lui dessiner, de lui montrer les chemins qui mènent à Bisesero.
N’y avait-il pas des indications routières sur la carte ?
Hein ?
Normalement sur les cartes, les routes sont mentionnées…
Oui, les routes figurent sur les cartes, mais lui il voulait que je situe
l’endroit sur la carte. Tu vois, Bisesero, je ne me rappelle pas s’il

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apparaissait sur les cartes de l’époque.
Il n’apparaît pas sur la carte en effet.
Je crois qu’il ne figurait pas sur la carte à l’époque.
Et donc tu lui as dessiné cela.
Oui, je le lui ai fait. Je lui ai montré.
Et qu’a t-il fait alors ?
Hein ?
Qu’a-t-il fait ensuite ?
Bon. Moi après cela, moi je n’ai rien fait d’autre. Ce que je me
souviens lui avoir dit, je lui ai signalé que nous avions des gens que
nous cachions, moi-même j’en avais deux à la maison, qui se

cachaient chez moi, je lui ai dit qu’également nous apprenions qu’il
y en avait d’autres dans les forêts, que ces derniers n’avaient pas les
moyens de parvenir aux français, que plutôt nous, nous devrions
essayer de les ramener dans nos maisons et qu’ainsi, comme moi par
exemple j’étais déjà entré en contact avec lui, on irait leur dire de
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venir les chercher chez nous.
L’avez-vous fait ?
Euuuh ! Un jour après, un jour après,…je risque d’introduire des

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erreurs de dates car tu vois il y a très longtemps de ça...
Ne t’en fais pas.
Deux ou trois jours après, ce qui a été fait par les français à Kbuye, a
été d’évacuer tout de suite les sœurs qui étaient là. Bon, après cette
évacuation, ce que j’ai vu c’est qu’en ce moment-là ils m’ont
envoyé le sceau de l’école, les clés et de l’argent, des chèques d’une
valeur de 450.000fr je crois, ils m’ont fait parvenir également de
l’argent liquide, 156.000fr, me faisant dire qu’au cas où
l’établissement rouvrirait, je pourrais l’utiliser. Cet argent liquide
était destiné à la rémunération des employés sous contrat afin qu’ils
restent motivés et n’abandonnent pas le travail, et cela me fut amené
par les soldats français. En ce moment-là, ce Diego n’y était plus,

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c’est un nommé Sartre qui est venu.
C’était quoi son grade ?
Il était lieutenant-colonel je crois. Nous l’appelions colonel mais il

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était lieutenant-colonel.
Qu’est-ce qu’il t’a dit lorsqu’il est venu ?
Lorsqu’il est arrivé, j’étais tombé malade. Je lu ai montré aussi ces
gens que nous cachions, je lui ai expliqué le problème de ces gens
qui se trouvaient chez moi, mais il ne les a pas emmenées tout de
suite plutôt. Comme moi et ma femme étions très malades, il nous a
dit que d’abord il s’occuperait de nous soigner. Nous avions une
forte malaria et le lendemain ils ont envoyé une ambulance avec
aussi un médecin commandant du nom de Hervé, le commandant

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Hervé, et ils nous ont apporté des médicaments.
Ils vous ont emmenés vous traiter ou vous ont-ils soignés sur place ?
Ils nous ont apporté des médicaments, nous ont soignés sur place.
Et ces personnes qui se trouvaient chez vous alors, que sont-elles

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devenues ?
Les personnes que j’avais chez moi, Sartre est revenu les chercher.

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Où les ont-ils emmenées ?
Ils les ont conduites à Kibuye, à l’ENT. C’est là qu’ils amenaient les

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gens.
Les as-tu revues après le génocide ?
Après le génocide…l’une d’elles se trouve aujourd’hui en Belgique.
L’autre ?
…Elle s’appelle Mukakalisa Thérèse. L’autre travaille à Kigali.
Ceux-là excepté, à Bisesero…
Mais à part ces gens-là que moi personnellement j’avais cachés, il y
a eu d’autres voisins – car ils voyaient que les français venaient
fréquemment me voir- les autres voisins ont fini amener chez moi

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deux enfants et eux aussi les français les y ont récupérés.
Qui sont encore en vie ?
Oui, ils sont encore en vie.
Ce Sartre ou ce Diego, tu lui as parlé de Bisesero et tu lui as dessiné
sur une carte la route pour s’y rendre. Qu’est-ce qu’il a fait après

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ça ?
Bon, tu comprends, de Kibuye à Mubuga il y a 18 km. Hein ! Ce
que j’ai appris, c’est qu’ils y sont finalement allés, il doit y avoir eu
d’abord un survol d’hélicoptères pour scruter le coin, ce qui a suivi
c’est qu’ils s’y sont physiquement rendus et ont groupé ces gens-là
qui y vivaient encore, ils ont dû leur donner de la nourriture je crois,
car ils mouraient trop de faim, et les blessés ils les ont embarqués

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dans les hélicoptères et sont allés les soigner à Goma.
Tu as entendu qu’ils ont pu regrouper combien de rescapés à

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Bisesero ?
Bon. Euuh ! Je pense que c’était entre …quoiqu’il en soit je pense
qu’ils dépassaient légèrement les cinq cents. Ils dépassaient cinq

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cents.
Et lorsque tu leur signalais que dans les Bisesero se trouvaient des

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gens qui se faisaient massacrer, il en restait combien à peu près ?
Te dire un chiffre, ce me serait difficile. Je ne m’y suis jamais

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Q

rendu, n’est-ce pas ! Ce me serait vraiment difficile. Je ne sais pas.
Combien de jours se sont écoulés entre le moment où tu lui as

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dessiné cette carte et celui où ils sont allés effectuer des
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reconnaissances avec ces hélicoptères ?
Quoi qu’il en soit, je pense que le lendemain ils y sont allés.
Et ils sont allés les regrouper combien de temps après cette

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reconnaissance ?
Je crois que là aussi ce fut le lendemain.

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Donc après le deuxième jour ?
Oui.
Les rescapés de là-bas eux ils nous ont dit quatre jours après !
Oui ! Je ne sais pas, j’ai entendu simplement qu’ils y allaient.
Surtout qu’il y avait quelqu’un…si je le dis ainsi, c’est qu’il y avait
un garçon, c’est un enseignant il est en prison à Gisovu, qui s’est
d’ailleurs exprimé sur RFI en ce temps-là, il les avait accompagnés
là-bas pour leur indiquer ce lieu. Ils y sont allés avec lui, je ne me

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rappelle pas son nom, mais il et en prison à Gisovu, il est là.
Ils y sont allés en compagnie de combien de gens de Bisesero, car je

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R

ne pense pas qu’ils s’y soient rendus tout seuls, les français ?
Ils n’y sont pas allés seuls, mais à part cet enseignant que j’ai pu
connaître, je n’ai su personne d’autre. C’est lui qui est allé leur

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montrer.
Quels contacts avaient-ils avec les autorités locales ?
Bon. Ce qui se passait ici je ne pouvais pas le voir.
Là où toi tu te trouvais alors ?
Là où je me trouvais, là où je me trouvais, nous avions un

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Q
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bourgmestre qui même aujourd’hui est recherché par Arusha.
Son nom ?
Il s’appelle Sikubwabo Charles. Il a tué vraiment des gens, il a pris
une part active dans le génocide. Une trop grande part d’ailleurs.

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Trop.
Alors justement, quels rapports avait-il avec les français ?
Lui vraiment, ce que je vous dis là est la vérité, c’est que lui, au
début, à l’arrivée des français, tu constatais que lui et les autres
autorités, celles des campagnes tels que les conseillers et les
bourgmestres, ils croyaient que c’était des forces qui venaient les
aider pour la guerre. Eux, c’est comme ça que qu’ils voyaient les
choses. Tel que je l’ai constaté. De même que les chansons qu’ils
devaient chanter pour les français, chansons d’accueil, tu voyais que
les français étaient des gens sur qui ils comptaient très fort. Mais ce
que j’ai remarqué en tous cas, c’est que, à Mubuga -et là Diego était
déjà parti - celui que j’ai vu c’est Sartre car Diego on s’est vus
seulement à Kibuye, j’ai constaté que lorsque Sartre est arrivé, on

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lui avait raconté certaines choses car ils s’étaient vus auparavant.
Sikubwabo ?
Sikubwabo. Et celui-ci lui aurait dit que dans Bisesero, c’était des
inkotanyi qui s’y trouvaient. Il ne lui a pas révélé qu’il s’agissait de

simples citoyens. Les massacreurs cherchaient toujours à s’y rendre,
et il se peut que Sartre lui ait dit : « Ces attaques, arrêtez-les, si ce
sont des inkotanyi, nous irons les combattre nous-mêmes, nous les
chasserons ».
Arrivé au Bisesero, il a dû découvrir les paysans, décimés par la
faim, en vérité ils n’avaient pas d’armes. A son retour, cela je le
sais, il l’a injurié en ma présence, et lui a dit : « Comment oser me
raconter qu’il s’agit des inkotanyi que vous combattez… ? » Je me
rappelle qu’il lui a parlé de deux armées inégales, qui ne disposent
même pas d’un armement comparable, «… Et toi qui a été
militaire…Ce n’est pas correct … », lui disait-il. Ce bourgmestre fut
adjudant-chef dans l’armée. Il l’a invectivé et je me rappelle que
c’est ce jour qu’il lui a signifié qu’il ne voulait plus le voir dans
cette zone.
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Q

Cassette n°48
Sikubwabo s’est donc tout de suite enfui ? Apparemment ce que
Sartre a pu faire est de lui dire que s’il ne s’en allait pas, il pourrait

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R

l’arrêter !
Sartre lui a dit : « Ou tu quittes la région, ou je t’arrête ». C’est

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Q

comme ça que Sikibwabo est parti.
Et alors toi et Sartre, quels genre de contacts y a-t-il eu entre vous

R

deux dans cette région de Mubuga où tu étais ?
Dans ce secteur de Mubuga, en plus de ces enfants qu’il est venu

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évacuer de chez moi, plus tard il y eut des gens qui fuyaient en
passant pas là, des militaires et même d’autres massacreurs. Ils
avaient campé là à Mubuga, et à un certain moment ils nous avaient
menacés en disant qu’ils voulaient venir nous piller. Et là, moi aussi
j’avais un autre problème car ma femme était tutsi, elle aussi était en
danger, je la cachais loin de ces gens-là afin qu’ils ne la vissent pas
etc. La situation était d’autant plus dangereuse que certains d’entre
eux nous poussaient à fuir. Visiblement, ils voulaient que nous tous
nous exilions. Moi je ne me suis pas enfui, je ne l’ai jamais voulu,
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effectivement je n’avais aucune raison de m’exiler.
D’accord. Et puis Sartre sur qui je t’ai interrogé ?
Sartre lui donc, je suis allé le voir pou requérir une fois de plus son

secours lui disant qu’il y avait des gens armés de fusils qui
cherchaient à venir nous faire du mal. Il a aussitôt envoyé des
militaires au cours de la nuit et ils ont fait des patrouilles et même
ils sont entrés dans quelques maisons et on retiré à certains leurs
fusils. Ça c’est une chose. Une autre fois ils ont voulu détruire
l’école de Mubuga, ils l’ont détruite d’ailleurs, là aussi j’ai été
demander du secours, j’ai été le voir, je lui en ai parlé et il m’a
promis qu’il allait envoyer des soldats, mais cette fois-ci quand
même rien n’a été fait, les soldats sont arrivés le lendemain matin,
c’était trop tard, l’établissement avait déjà été pillé. Car ce jour-là,
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Q

où je l’avais informé de la menace, ils ne sont pas venus.
Est-ce que, dès que Sartre est arrivé ici avec les autres militaires

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français, les massacres ont cessé ?
Au Bisesero, les massacres en vérité se sont arrêtés au moins trois
jours après leur arrivée. Et pourtant là au Bisesero, les massacres

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Q
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étaient extrêmement prononcés.
Et ailleurs il n’y en avait pas eu ?
Ailleurs, je pourrais dire, là-bas dans notre région, la plupart des
gens avaient fui au Bisesero. Quant aux gens de chez nous à
Gishyita, ils ont été massacrés dans l’église à Mubuga, les autres
furent tués dans l’église adventiste au lieu appelé Murangara,
d’autres encore furent massacrés à Ngoma. C’est dans ces lieux

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qu’ils s’étaient réfugiés.
Les français ont-ils désarmé les interahamwe ?
Ils les ont désarmés. Ceux-là dont je vous parlais, ils leur ont pris

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leurs armes.
Et qu’est-ce qu’ils en ont fait ?
Là je vous mentirais. Je ne sais pas.
Tu les as vus les leur confisquer mais tu n’as pas su où ils les

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R

avaient mises ?
Je n’ai pas su ce qu’ils en ont fait. Mais les leur retirer, ça ils l’ont

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fait. Autre chose que j’ai entendu est que même ici à Kibuye, ils
l’ont fait. J’y suis passé une fois, il y avait énormément de gens, des
interahamwe et autres et la population avait peur à cause de ce qu’ils
faisaient là où ils passaient, et là aussi j’ai entendu qu’ils les leur ont
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Q

prises.
N’y a-t-il pas eu des interahamwe qui seraient partis d’ici à Kibuye

ou venus de Cyangugu pour se rendre au Bisesero après l’arrivée
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R

des soldats français ?
Après leur arrivée ici ? Venus de Cyangugu et de Gisenyi ? Non, il

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n’y en a pas eu de Cyangugu et de Gisenyi.
Ceux d’ici se suffisaient donc ?
Hein ?
Ceux d’ici suffisaient pour Bisesero?
Bon. Y en avait-il assez ! Non. S’il y en avait eu assez, les Yussuf et
autres ne seraient pas venus de Cyangugu en renfort, ainsi que les
Obed. Il n’y aurait pas eu besoin non plus d’aller en ramener
d’autres de Gisenyi et ailleurs. En vérité, nous aimons dire
interahamwe à tort et à travers, je sais qu’il y avait des interahamwe

00 :03 :38
00 :03 :41

Q
R

qui avaient reçu une formation n’est-ce pas !
N’y en avait-il pas qui avaient été formés par des français ?
En vérité, les interahamwe de notre région, ceux qui ont été
entraînés, nous n’avons pas su lesquels. Ceux que nous avons
connus sont arrivés d’ailleurs. Il n’y avait que les citoyens
ordinaires, dans lesquels on a mis ça dans la tête et c’est eux qui
sont allés tuer des gens, les autres qui ont fait le génocide, ce sont
des militaires et des gendarmes, et la population. Quant aux
interahamwe entraînés, nous savons qu’ils sont venus de Cyangugu
amenés par un certain Yussuf Munyakazi, et d’autres sont venus de

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00 :04 :18

Q

Gisenyi amenés par des bus.
La population a reçu les armes de qui, si l’on est d’accord que les

R

interahamwe eux les ont reçu de l’Etat ?
Là-bas, chez moi dans Gishyita, et j’ai donné un témoignage làdessus, les gens qui avaient des fusils, qui massacraient, qui y sont
allés avec des armes, ce sont les réservistes, les policiers
communaux, plus les gendarmes. C’était eux qui utilisaient les fusils
et les grenades. Quant aux simples citoyens que nous connaissions,
qui n’étaient pas des militaires, les armes à feu, ils les ont eues au
temps où les gens commençaient à fuir. Ceux qui fuyaient les leur
vendaient et les autres alors les achetaient uniquement pour se
défendre. Sinon, dans le coin où j’habitais, les armes à feu qui ont
servi pour les massacres étaient utilisées soit par les policiers

00 :05 :05

Q

communaux, soit par des réservistes, soit par les gendarmes.
Et les interahamwe eux, n’avaient-ils pas d’armes à feu ?

00 :05 :07

R

C’est ce que je vous disais que dans ma commune, les interahamwe
tels que nous les entendions, ceux-là qui avaient été formés, nous

00 :05 :16

Q

n’avons pas pu en connaître.
Il est remarquable sur les restes des victimes du génocide que la
majorité d’entre elles n’ont pas été tuées par les armes à feu. Ils sont
morts de coups de machettes, de lances et autres armes blanches,
mais surtout de machettes. Des machettes n’ont-elles pas été
distribuées dans cette région, dans vos communes, distribuées à la

00 :05 :33

R

population ?
C’est ce que je vous disais : lorsque les tueries ont commencé, je
n’étais pas là. Lorsque je suis arrivé, il n’y avait plus que les
massacres de Bisesero. C’est là que s’étaient réfugiés beaucoup de
gens, c’est là qu’ils étaient, et les citoyens s’y rendaient armés de
machettes, de massues, de n’importe quoi. Ils y allaient
accompagnés- enfin, je ne sais pas si je dois dire ‘’accompagnés’’-

00 :05 :52
00 :05 :53
00 :05 :55

Q
R
Q

par des policiers et…
Tu as dit être arrivé ici à quelle date ?
Je suis venu le 25 avril.
Parlons de l’exode de la population de Kibuye, cette partie de la
zone Turquoise. Les français contrôlaient cette zone. Quelle part

00 :06 :10

R

ont-ils pris dans la fuite de la population ?
L’exode ici s’est déroulé en deux étapes, on peut dire. En deux
étapes. Il y des gens qui se sont enfuis dès l’annonce de la prise de

00 :06 :26
00 :06 :28

Q
R

Kigali. Là les français se trouvaient sur place.
Kigali est tombée quand les français étaient déjà ici.
Oui. Ils étaient ici. Car je me rappelle qu’en ce moment-là, j’étais
allé voir …je ne sais plus pourquoi j’étais parti, mais j’étais allé voir
Sartre, je ne sais plus ce que j’avais à lui dire. Je me rappelle que
c’est lui qui m’a dit : « Kigali est tombée », je me souviens de ce
terme, c’est bien le terme de sartre. C’est en ce moment alors que les
gens ont commencé à fuir. Car je me rappelle lorsque le
gouvernement a été constitué le 19 juillet, beaucoup de gens étaient
déjà partis. La deuxième période de fuite de la population eut lieu au

00 :06 :53

Q

départ des français.
Les français, peu avant leur départ, n’ont-ils pas encouragé la

00 :06 :59

R

population à fuir ?
ici…

00 :06 :09
00 :06 :09

Q
R

Dis-moi la vérité.
Non. Je te dirai la vérité. Car moi-même je n’ai pas fui et pourtant
j’étais là. Et Sartre est même venu me le demander. D’ailleurs le 22
août, le 21 août la veille de leur fuite…moi-même il m’a donné un
fusil, à cause du problème qu’il voyait que j’avais. J’ai même un
papier qu’il m’a donné écrit à cette occasion et cela aussi fait partie
des accusations qui font que je suis en prison, l’accusation que je

01 :07 :32

Q
R

possédais un fusil.
Place-le en face de la camera…ne bouge plus…
Certaines inscriptions ne sont pas lisibles, car ceci est une

01 :07 :38

Q

photocopie, l’original se trouve entre les maisons du parquet.
Ce papier était pour justifier la possession de cette arme qu’il te

01 :07 :44

R

donnait ?
Oui mais il me disait que je la remettrais aux autorités du FPR dès

01 :07 :48
01 :07 :50

Q
R

que celles-ci arriveraient. C’est écrit dessus.
Lui, il reconnaissait les autorités du FPR ?
C’est ainsi que c’est écrit sur le papier. Il a écrit qu’il me le donnait
pour me protéger des extrémistes hutu, qu’à l’arrivée du FPR je

01 :08 :04

Q

remettrais ce fusil.
Lui il admettait qu’il existait des extrémistes hutu ! Et alors qu’a-t-il
fait pour combattre les extrémistes hutu ? Peux-tu me laisser voir ce
papier ? A part te donner ce fusil, d’après ce que tu as vu, qu’a-t-il

00 :08 :20

R

fait pour combattre les extrémistes hutu ?
Moi, tel que j’ai vu les choses, dire ce qu’il a fait pour les combattre,
non. En vérité à l’exception de ces tutsi qui étaient pourchassés et
qui étaient rescapés qu’ils avaient sauvés et ceux-là qui s’étaient
réfugiés au Bisesero, de même que ceux que nous avions cachés,
que les gens avaient cachés et qu’ils venaient évacuer de leur
cachette, qu’ils prenaient dans les demeures et emmenaient, ainsi
que des rescapés que d’autres personnes leur amenaient ellesmêmes, à l’exception donc de ces actions, je n’ai rien à dire
concernant la lutte contre les extrémistes hutu, ils n’ont rien fait

00 :08 :58
00 :09 :02

Q

dans ce sens.
Et donc il t’a dit : « Il faut toi aussi fuir » ?
Non, il est venu et m’a demandé : « Est-ce que toi tu vas t’exiler ou
tu ne t’exileras pas ? » Je lui ai répondu que je ne me sentais pas
l’envie de m’exiler. Il m’a alors dit : « Si tu n’as tué personne, le

mieux serait que tu restes ici, je crois qu’il n’y aura pas de
00 :09 :16

Q

problème ».
Y a t-il beaucoup de gens auxquels il a confié des fusils pour se

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00 :09 :23
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00 :09 :27

R
Q
R
Q
R

protéger comme il l’a fait pour toi ?
Dans notre coin là-bas, je fus le seul à qui il l’a donné.
Savais-tu te servir d’un fusil ou ne le savais-tu pas ?
Je ne savais pas m’en servir.
Et alors il te le donnait pour te servir à quoi ?
Bon. Lorsqu’il est venu me dire adieu, je m’en souviens, il est venu,
puisque j’étais allé trois fois lui demander secours lui parlant des
problèmes q’il y avait là-bas à Mubuga, il m’a demandé de luimême si je savais l’utiliser et je lui ai dit que pas du tout.
Ensuite ?

00 :09 :46
00 :09 :47

Q
R

00 :09 :53
00 :09 :54

Q
R

était assis ensemble, et puis il me l’a donné.
Et il t’a donné combien de cartouches ?
Les cartouches, c’était moins de…il n’y en avait pas plus de trente

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Q
R

cinq, je crois.
Trente cinq ! Pensait-il que cela suffirait pour te protéger ?
Lui, en me les donnant, il m’a dit : « Tu sais, un fusil est une arme

Ensuite, il m’en a sur-le-champ montré les manœuvres, là où l’on

de dissuasion, ces gens-là qui venaient t’attaquer, s’ils apprenaient
00 :10 :12
00 :19 :13
00 :19 :16
00 :10 :19

Q
R
Q
R

que tu en possédais un, ils ne reviendraient plus t’embêter ».
Ne t’a-t-il pas donné de grenades ou une autre arme quelconque ?
Non. Aucune. C’est uniquement ce fusil.
N’y avait-t-il aucune autorité dans la région en ce temps-là ?
Il n’y avait plus aucune autorité, toutes venaient de s’enfuir. Les

00 :10 :24

Q

bourgmestres, les conseillers, tous étaient partis.
Mais alors lui, il pensait qu’un papier comme celui-là sans entête
sans sceau, avait quelle valeur ? Quelqu’un comme toi, un

00 :10 :36
00 :10 :37

R
Q

intellectuel, instruit, il te donne un pareil papier…
Non daté même !
Non daté, il te donne un papier pareil, en fait on appellerait ceci un
tract ; les noms, rien ne prouve qu’il s’agit bien de lui, aucun
tampon, il n’y a aucune entête, pour toi, ce papier avait quelle valeur
qui te garantissait qu’il était en mesure de te protéger ? Qu’il
pouvait être valable aux yeux de ces nouvelles autorités auxquelles

00 :10 :58

R

tu devais, d’après lui, le présenter ?
Je ne sais pas et moi-même j’ai réfléchi à cela plus tard, qu’il n’y
avait ni sceau ni date. Seulement, c’était en raison des temps que
l’on vivait en ce moment-là, je vous ai dit que mon épouse elle-

même figurait parmi les gens recherchés, je me rappelle d’ailleurs
qu’en ce moment là il m’a proposé de me donner un fusil j’ai
d’abord hésité. Il était même venu chez moi accompagné d’un
rescapé, que je cite souvent comme témoin, actuellement celui-ci est
vétérinaire, il travaille à Songa. Ils étaient venus ensemble dans un
même véhicule et lorsqu’il m’a donné ce fusil, on était ensemble
00 :11 :29

Q

tous les trois.
Et après, lorsque tu as eu des problèmes à cause de cette arme, je
vois que sur ce papier figurent ses adresses, n’as-tu pas pu le citer en
témoin, ou le contacter ou demander que l’on le contacte pour lui

00 :11 :41
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R
Q
R
Q
R
Q
R
Q
R

signaler…
Maintenant, moi ce que j’ai fait à ce propos figure dans mon dossier.
Les adresses mentionnées ici sont-elles correctes ?
Je pense, je ne sais pas !
Tu es en prison depuis quand ?
Depuis le 15 février 1995.
1995. Entre-temps vous n’aviez pas renoué le contact ?
Nous n’avons plus eu de contacts.
Même après, il n’y en a pas eu ?
Pas du tout.

00 :12 :01
00 :12 :02
00 :12 :02

Q
R
Q

Et alors, pour vous défendre !
Hein ?
Comment pourras-tu sortir de prison si lui n’intervient pas comme
ton témoin ? C’est lui normalement qui doit être ton témoin pour

00 :12 :07

R

cette arme, non !
Donc ce que disaient les gens, parmi les accusations qu’ils portaient
contre moi, ils disaient que c’est avec cette arme que je suis allé tuer
les gens dans les Bisesero, que je suis allé participer aux massacres
de Bisesero avec un fusil. Et cet individu qui me chargeait de ça, il a
été convoqué au parquet quand j’eus précisé à quel moment je ai eu
ce fusil, qu’il m’avait été donné en août, à une époque où les gens
ne mouraient plus au Bisesero. Bon ! Entre-temps on m’a emmené
me présenter à la population de mon secteur, il y a eu des
témoignages à décharge, on m’y a emmené le 18 septembre, le
lendemain quelqu’un s’est présenté et m’a de nouveau chargé, alors
que la veille j’étais reparti publiquement innocenté et que le

00 :12 :41

Q

procureur avait pris la décision de me relaxer.
D’accord, mais voici où je ne comprends pas ta démarche dans ta

défense : tu es en possession d’une adresse de quelqu’un, en prison
tu es libre d’écrire une lettre, de dire ‘’moi j’ai un témoin à
décharge, laissez-moi lui écrire’’, et même si ça se trouve tu n’as
pas besoin de leur demander cela, et donc tu peux lui écrire, et lui
pourra témoigner que c’est lui-même qui t’a confié ce fusil et tu ne
00 :13 :03

R

le fais pas. Est-ce que cette démarche tu ne l’as jamais faite ?
Pour cette démarche, là aussi il faut que je te dise la vérité. Bien que
j’aie donné ce document pour mon dossier, là aussi il y en qui
disent : « Pourquoi d’ailleurs tu collaborais avec les français ? » Ce
genre de reproche aussi existe. De telle sorte que je ne peux pas me

00 :13 :20

Q

décider n’importe comment à lui écrire !
Oui. Mais je ne sais pas, moi à ta place, je crois que j’aurais procédé
différemment. Mais alors pourquoi l’entête de ce document porte-telle deux adresses : je vois Dr Eric ….de Stabenrath…? Puis en
dessous il y a un autre nom. En fait il y a une adresse à l’entête et

00 :13 :43

R

puis une autre adresse différente en dessous.
Euhhh ! Il y a un endroit qu’il nous disait, je ne me rappelle plus
mais il nous disait qu’en quittant le Rwanda il pouvait se rendre
ailleurs qu’en France, mais que si jamais nous écrivions à ces autres

00 :14 :00

Q

adresses, il pouvait recevoir la correspondance,
Oui. Et celui-ci qui disait connaître Paul Kagame en Amérique c’est

00 :14 :04

R

qui ?
C’est lui, c’est le même. C’est lui qui disait qu’ils avaient vécu

00 :14 :06
00 :14 :07

Q
R

ensemble…
C’est le même…colonel Sartre ?
C’est lui, c’est Sartre lui-même. C’est lui qui disait qu’ils s’étaient

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00 :14 :27

Q
R
Q
R
Q
R
Q
R

rencontrés en une même formation en Amérique.
Avec Kagame ?
Oui.
Mais ce n’est pas Sartre qui figure ni à l’entête ni à la signature !
N’est-ce pas lui qui figure en dessous ?
Non. Pas du tout. Tu peux vérifier.
…Ca c’est une bonne observation… !
Regarde. Non ce n’est pas Sartre.
Eh ! Effectivement je ne sais pas pourquoi nous-mêmes nous
l’appelions Sartre….Stabenrath, je ne sais pas ou nous avons trouvé

00 :14 :40

Q

ça, moi j’ai peut-être pensé qu’il s’agissait de son nom de famille…
Bon, ce n’est pas grave, tu nous prêteras ce document pour qu’on le
filme correctement, on verra. Et après que les gens furent sortis de

00 :14 :51

R

Bisesero, où est-ce que les français les ont mis ?
Les français, lorsque les gens ont été retirés de Bisesero, je vous ai
dit que les gens étaient blessés, les uns ils les ont transportés à
Goma, les autres ils les ont amenés à Kibuye je crois, puis j’ai appris
qu’ils les ont remis au FPR qui les a emmenés à Kabgayi et donc
eux on s’est vus juste juste en septembre à leur retour. Ils m’ont

00 :15 : 18

Q

trouvé ici à Kibuye.
Ne connais-tu pas des rescapés amenés aux français par les gens qui

00 :15 : 27

R

les avaient cachés mais qu’on n’a plus revus par après ?
Bon…la personne que je connais dont jusqu'à présent je n’ai pas eu
de nouvelles n’était même pas un tutsi, ce n’était pas un rescapé,
c’est quelqu’un d’autre sur qui les interahamwe avaient tiré là-bas à
Mubuga, nous nous y sommes rendus et nous l’avons embarqué à
bord d’un véhicule pour l’amener à Kibuye, il a été opéré je crois làbas à l’ENT, par après nous avons entendu qu’ils l’ont transporté en
hélicoptère à Goma, depuis lors je ne connais pas de ses nouvelles.
Cependant, il doit lui aussi en avoir profité pour s’exiler car bien
qu’il eut été blessé par balle par les interahamwe, lui-même n’en
était pas moins un assassin. Il doit donc être resté là-bas et n’est
jamais revenu, c’est le seul dont je n’ai pas de nouvelles, je n’en

00 :16 :05

Q

connais pas d’autre…
Entre 1990 et 1994, comment t’apparaissaient les relations entre le

00 :16 :12

R

Rwanda et la France ?
Mais un type comme moi, à l’époque j’étais un enseignant,
j’enseignais là-bas à la campagne à Mubuga, me poser ce genre de
question ! D’accord j’ai fini par m’affilier à un parti politique dans
la région ou j’habitais -j’étais au MDR n’est-ce pas ! -mais pour ce
qui est de m’intéresser à ces histoires de relations entre le Rwanda et
la France….Franchement là-bas chez moi à Mubuga, c’est la

00 :16 :33

Q

campagne.
C’est la campagne mais cela n’a pas empêché que ce soit là qu’ils
sont venus sans s’être rendus ni à Kigali ni dans d’autre lieux
supposés plus intéressants ! Pourquoi sont-ils venus là ? Pourquoi

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00 :16 :46
00 :16 :46

R
Q
R

ont-ils choisi de venir dans cette zone-ci et pas ailleurs ?
Dns cette zone Turquoise ?
Oui.
Bon. Quelqu’un comme moi …je ne connais pas le pourquoi de ce

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00 :16 :54
00 :16 :56

Q
R
Q

choix.
Tu n’en connais pas la motivation.
Je n’en connais pas la motivation.
Parce que Gisenyi, Ruhengeri n’étaient pas encore tombées. Même
Butare est tombée après leur arrivée. Nous ne comprenons donc pas
pourquoi ils sont venus dans cette zone-ci, cependant cela est une
preuve que ce n’est pas tant que ça un coin perdu quoi ! Puisqu’ils y

00 :17 :09

R

sont venus ! Ne vois-tu aucune raison à leur venue ici ?
Bon. Moi, peut-être, je ne sais pas, peut-être était-ce dû au fait que
la plupart des autorités s’étaient réfugiées par ici ! Hein ! Ceux qui
fuyaient passaient par ici. Et puis aussi les équipements des soldats
français, on disait qu’ils venaient de Goma, parce que Kigali déjà
était sur le point d’être conquise. Leurs équipements arrivaient aussi
je me souviens par bateaux de Goma. Leurs équipements sont

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00 :17 :48
00 :17 :55

Q

arrivés en provenance de Goma.
Cela venait de Goma ? A quoi ressemblaient ces équipements ?
Il y avait des camions, des hélicoptères, et puis les jeeps.
Quand tu discutais avec Sartre puisque je vois que vous vous êtes
entretenus à plusieurs reprises, vous étiez certainement en

00 :18 :04

R

confiance, quelle position te semblait-il avoir sur le génocide ?
Lui, la chose qu’il m’a dite une fois, et tel que je le voyais, il me
disait qu’avant leur débarquement, ils n’avaient jamais imaginé que
les massacres avaient atteint une telle ampleur. Car eux aussi
lorsqu’ils sont arrivés…et vraiment lui-même je voyais qu’il était
horrifié. Lorsqu’il a vu comment se déroulaient les massacres, il a
dit : « Les massacres que nous voyons n’ont aucun rapport avec ce
que nous pensions ». Car là quand ils sont arrivés, on leur disait que
c’était des citoyens qui se battaient et s’entretuaient, mais en réalité
ce n’était pas des massacres réciproques, c’était une seule ethnie qui

00 :18 :44

Q

était massacrée.
Et lui il a constaté cela ? Que c’était différent de ce qu’on leur avait

00 :18 :46

R

dit ?
Oui. Il a constaté cela. Et il me l’a dit réellement ! il m’a dit : « Ce
que nous avons constaté ne correspond pas à ce que nous

00 :18 :51

Q

apprenions ».
Et donc, après avoir constaté une situation différente de ce qu’on
leur avait annoncé, qu’est-ce qu’il a jugé qu’il devait faire ou même

qu’a-t-il fait, quelle position a-t-il prise ou aurait-il pensé qu’il
fallait prendre cette fois-ci ? Car de toute façon, les massacres
continuaient, ils ne se sont pas arrêtés immédiatement à leur
00 :19 :14

R

arrivée ! Il y a beaucoup de témoignages qui l’attestent.
Tu sais, cela est possible, je ne peux pas le nier. Ils sont venus et se
sont installés ici à Kibuye, c’est là que se trouvait leur
commandement, leur quartier général. Pou finir, ils ont installé une
petite position à Gishyita chez nous, après le départ de ces
bourgmestres. Dans l’entre-temps donc, il se pouvait que quelqu’un
qui avait survécu sorte des buissons ou que quelqu’un qui
connaissait la cachette d’un survivant la pointe du doigt et ceux-là
qui restaient sur les collines le tuent. Cependant cela se déroulait à

00 :19 :51

Q

l’insu des français.
A leur insu, d’accord. Mais est-ce que les français ont jamais arrêté
un quelconque interahamwe ou une quelconque autorité parmi ces

00 :19 :59

R

grands politiciens qui dirigeaient le génocide ?
Ils n’ont arrêté personne. Il y a un autre cas dont j’ai entendu parler
mais auquel je n’ai pas assisté ; je connais bien l’individu, il
s’appelle Eliezer Niyitegeka, aujourd’hui il est à Arusha, lui aussi il
paraît qu’il s’est chamaillé avec eux du côté de Nyamishaba et en ce
moment-là, il lui ont fixé un ultimatum, ils lui ont ordonné de quitter
la zone Turquoise. « Vous pouvez nous attirer des ennuis car on
nous accuserait de vous héberger » (son défectueux). Eliezer lui

00 :20 :28

Q

aussi est parti et après son départ les problèmes ont diminué.
Ces interahamwe et ce gouvernement, comment ont-ils fait pour

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R
Q
R
Q

traverser la frontière ?
Ils sont allés passer par Cyangugu.
N’y avait-il pas des français aussi à la frontière de Cyangugu ?
Je n’ai pas été là-bas, je n’ai pas…
Quand même, quand même ! Tu n’as pas été là-bas mais tu sais bien

R

qu’ils s’y trouvaient ! (son défectueux).
Si je te le disais, ce serait comme te rapporter des choses que

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Q
R

j’aurais entendues, sinon je n’y ai pas été.
C’était bien la Zone Turquoise non ?
C’était la Zone Turquoise.

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Q
R

Contrôlée par… ?
Hein ?

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Q
R
Q

La zone turquoise était contrôlée par qui ?
Par les français. Mais j’ai dit que moi…
Et voila ! Le gouvernement génocidaire disposait de quelles forces
dans cette zone ? …Quel était le rapport de force entre le
gouvernement génocidaire et les forces françaises de Turquoise ?

00 :21 :11

R

(son défectueux). Qui étaient les pus forts dans cette zone ?
Il est évident que les français étaient les plus forts, si je me réfère à
ce que je constatais. Mais encore nous ne devrions pas ignorer qu’à
la campagne -c’est une chose que les gens parfois font parfois
semblant d’ignorer, je ne sais pas moi mais c’est ainsi que je le voisà la campagne, les gens avaient été très sensibilisés pour les
massacres, et ces mêmes personnes s’y trouvaient toujours. Les
paysans, à la campagne ils y étaient toujours ! oui. Or si les français
se trouvaient ici, ce qu’ils faisaient, c’était se déplacer ici sur la

00 :21 :45

Q

route, excepté au Bisesero où ils se sont rendus.
Ils ont rencontré Niyitegeka, ils ont rencontré Kambanda et
Sindikubwabo, ceci est indéniable. Même dans leurs rapports ils en
parlent. Alors quand ils les rencontraient, qu’ont-ils fait puisque ces
individus-là, c’était eux les responsables du génocide, qu’est-ce que

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00 :22 :07

R
Q

les français ont alors fait, et d’après toi, ne pouvaient-ils rien faire ?
Bon, enfin…
Je ne veux pas te faire dire ce que tu ne veux pas dire, mais en tant

00 :22 :09

R

que quelqu’un qui se trouvait dans cette zone…
Moi, moi tel que je voyais les choses, quelqu’un qui était reconnu
comme massacreur, ces gens-là, auraient dû être arrêtés. Mais moi je
ne sais pas, je suppose que c’est parce que les français songeaient
que ces gens-là devaient être jugés mais qu’il n’y avait pas encore
de cour pénale internationale. Si ce tribunal avait déjà été en place,
c’est là que moi je les condamnerais pour leur inaction. Toutefois à
mon avis, sachant bien comme eux ce qu’ils venaient de voir dans
les Bisesero, tel que moi aussi je l’avais vu, ce Sikubwabo qui se
trouvait là, c’était quelqu’un qui devait normalement être arrêté. De
même qu’un nommé Ruzindana Obed, c’était quelqu’un qui était

00 :22 :46
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Q

très puissant dans notre région de Rusenyi.
Est-ce qu’il n’a jamais croisé les français ou ceux-ci ne l’ont jamais

R

croisé eux-mêmes, ce Ruzindana Obed ?
Tu sais, Ruzindana était quelqu’un de très puissant, nous-mêmes

00 :22 :54
00 :22 :56

Q
R

avions peur de lui.
Même les français avaient peur de lui ?
Non. Je ne parle pas des français mais de nous les citoyens, et même
les bourgmestres. Ruzindana, c’était quelqu’un de très puissant, qui
avait même à son service beaucoup de militaires dont nous

00 :23 :05
00 :23 :07

Q
R

ignorions comment ils les avait eus.
Je t’ai demandé si Ruzindana les français le craignaient.
Non, je ne sais pas s’ils le craignaient, j’ignore même s’ils se sont
jamais croisés. Moi je t’ai dit, franchement parlant, à cette époque je
ne quittais Mubuga que pour venir ici à Kibuye, je ne me déplaçais

00 :23 :18

Q

nulle part ailleurs.
Revenons sur le colonel Sartre. Lui, lorsque vous discutiez, de toute
façon vous vous êtes rencontrés bon nombre de fois, il te démontrait
que l’Opération Turquoise avait quel problème avec le FPR par

00 :23 :40
00 :23 :46
00 :23 :48
00 :23 :51

R
Q
R
Q

exemple ou l’APR-Inkotanyi ?
Sur ce point, moi, on n’a rien discuté.
Il ne disait rien à ce propos ?
Rien. Moi je sais qu’on n’en a jamais parlé.
Et avec la population ? On sait qu’ils discutaient avec la population.
Les français, que racontaient-ils aux citoyens au sujet des

00 :24 :02

R

inkotanyi ? Au sujet aussi de ce qui venait de se passer ?
Bon, autre chose que j’avais oublié de te dire, c’est que j’ai assisté à
une réunion ici à la préfecture quand le gouvernement venait d’être
constitué, à laquelle se trouvaient Jacques Bihozagara, Seth
Sendashonga et Ntakirutinka Charles. Cette réunion j’y ai assisté.
Les inkotanyi n’avaient pas encore instauré leur administration dans
cette zone. Ce sont les français qui sont venus nous chercher pour
nous rendre à cette réunion. C’est eux qui sont venus nous chercher
à Mubuga et nous ont amenés dans leur véhicules jusqu’au lieu de la

00 :24 :38
00 :24 :42

Q
R

réunion. Et aussi ils nous ont ramenés à la maison.
C’était quelle date ça ?
Le gouvernement venait d’être mis en place, le 19 juillet. Donc les
français n’étaient pas encore partis, c’était peut-être le 19 juillet car
ils sont partis le 22 août. C’est donc entre le 22 août et le 19 juillet.

00 :25 :14

Q

Cette réunion, j’y ai assisté, où il y avait trois ministres.
Oui. N’y avait-il pas de soldats français dans cette région avant le

00 :25 :22
00 :25 :23

R
Q

génocide ?
Avant le génocide, je n’en connais pas.
Même des civils !

00 :25 :25

R

Même des civils. A l’exception du père Maindron. C’est le seul que
je connaissais. Mais lui aussi avait quitté mon secteur, il vivait cette
fois-ci à Rutsiro et là-bas c’était loin. Un autre, c’est un prêtre qui
avait reçu un nom rwandais, on l’appelle Habineza, je ne l’ai jamais
vu, il vit du côté de Gisovu, même aujourd’hui il y est revenu, c’est

Q
R
Q

là qu’il vit.
Est-ce un français ?
J’entends dire qu’il est français.
Un autre français que tu connaissais dans cette région, civil ou

R

religieux ?
Dans cette région je n’en connais pas. Car ces religieuses qu’on

00 :26 :05
00 :26 :09
00 :26 :13
00 :26 :14

Q
R
Q
R

avait là étaient toutes des belges, et une était écossaise.
Que sais-tu du père Maindron durant le génocide ?
Le père Maindron, vraiment, Rutsiro c’est très loin.
Tu n’as même rien entendu sur lui ?
Bon. Ce que j’ai entendu sur lui…j’entends

00 :26 :19
00 :26 :20

Q
R

informations.
Lesquelles par exemple ?
Là aussi, au parquet, ils ont son dossier. Mais en vérité, on dit qu’il

00 :25 :49
00 :25 :50
00 :25 :52
00 :25 :57

différentes

y des gens qu’il a aidés, les a mis dans des bus et les a évacués ici à
Kibuye. Tu comprends alors que les uns étaient amenés à Kibuye et
arrivés ils y étaient tués. Et donc, l’on dit qu’on les y amenait pour
les tuer. Et pourtant, il doit y avoir des gens qui le faisaient sans
mauvaises intentions. Je me rappelle que quand je me trouvais à
Kigali, j’ai téléphoné à ce Karara pour lui demander d’aider ma
femme en l’emmenant au Home Saint Jean. Je lui demandais de
m’aider, et cependant au Home Saint Jean, les gens y ont été
00 :26 :54
00 :26 :56

Q
R

massacrés.
Quel Karara ?
Karara, celui-là qui vient d’être interviewé. Lorsqu’il était encore
bourgmestre. Je l’ai appelé de Kigali, quand les lignes téléphoniques
fonctionnaient encore. Ma femme elle aussi s’était réfugiée dans
l’église de Mubuga. Après, elle a pu en sortir ; il m’a aidé comme
ça. Mais tu vois, moi aussi je lui demandais de la mettre au Home.
Personne ne pensait en ce moment-là que quelqu’un qui se

00 :27 :16

Q

réfugierait dans une église y serait poursuivi et y serait massacré.
Au home, ils ont été massacrés à quelle date ? Le 17 avril ? J’ai
oublié la date.

00 :27 :23

R

Je n’ai pas beaucoup su cela, ce que j’ai surtout su c’est ce qui s’est

00 :27 :28
00 :27 :34
00 :27 :36

Q
R
Q

passé dans mon coin.
Que disaient les français de la mort de Habyarimana ?
Rien. Ce genre de conversation on n’en a pas eue.
Alors de quoi discutiez-vous puisque vous vous entreteniez assez

00 :27 :40

R

souvent ?
Penses-tu qu’en des temps pareils, avec tous les problèmes que l’on
avait de sécurité etc., penses-tu que ces questions politiques, celle de
la mort de Habyarimana, pouvaient nous intéresser ? Nous n’en

00 :27 :54
00 :28 :01

Q

avons pas du tout débattu.
Admets-tu que le génocide a été planifie, ou non ? Si tu songes à

R

l’évolution politique du Rwanda jusqu’au génocide.
Moi, il y a de nombreux faits que j’ai vus, et auxquels je réfléchis et
je me retrouve perplexe. Néanmoins j’affirme qu’il y a quelque
chose qui doit avoir été préparé. Car en 1992, là-bas chez moi en
commune Gishyita, et même dans Rwamatamu- je suis originaire de
Rwamatamu mais j’habitais dans Gishyita, c’est là que j’ai mon
domicile n’est-ce pas ?- là aussi il y a eu un projet d’incendier les
maisons des tutsi et de les tuer. Et de commencer à les machetter.
Aucun n’est mort en ce temps-là mais il y en eut qui furent
machettés. En 1992. Mais tu ne comprenais pas d’où venaient ces
choses. Encore autre chose que j’ai vu de mes yeux, avec ce
Sikubwabo-là, qui est devenu bourgmestre en 1993. Les rwandais,
en vérité, les rwandais sont difficiles. Sikubwabo a été élu
bourgmestre mais comme on tardait à l’investir, il a demandé à
certaines personnes de brûler et de détruire les maisons des tutsi, et
crier que la sécurité était menacée, et qu’ainsi on s’empresserait de

00 :29 :14
00 :29 :15

Q
R

l’investir.
Et cela a marché !
Non. J’ai appris la chose, en ce temps-là, je n’étais pas encore parti
à Kigali, et j’ai personnellement téléphoné à un ami qui était
directeur de cabinet à la primature, il s’appelait Mbonimpa JeanMarie Vianney, il a posé la question au préfet, a demandé ce qu’il en
était au commandant, ceux-ci ont envoyé des gendarmes à Gishyita
et la situation s’est calmée. Et donc par chance rien ne se passa. Je
me dis alors qu’un individu comme celui-là, ce Sikubwabo, s’il

avait réalisé cela qu’il projetait…Je connais cette cabale, elle a bien
eu lieu, il est recherché il n’a pas encore été attrapé, s’il l’était je le
chargerais pour cela car ce sont des choses que je connais. Mais
alors en ce temps-là, si ça avait marché, il aurait mis le feu à la
00 :29 :53

Q

commune entière !
Oui, ça se comprend. Mais alors, quand le génocide a eu lieu, et
même avant qu’il n’ait eu lieu, les français tu les connais, tu les as
même vus, tu as remarqué comment ils ont débarqué, tu vivais ici, tu
les voyais aussi à Kigali, je pense que tu as entendu parler de

00 :30 :11
00 :30 :14

R
Q

l’opération Noroît qu’ils ont menée entre 1990 et 1993 vers la fin…
Quand ils allaient à Ruhengeri et ailleurs...
Oui. Et alors, d’après toi, penses-tu qu’ils étaient au courant de la
préparation du génocide et que celui-ci pouvait effectivement se

00 :30 :23

R

réaliser ?
Ecoute ! moi ce que je crois en vérité, si je me réfère aux
informations que l’on recevait et aux journaux de l’époque, et par
ailleurs on était dans l’opposition et nous figurions parmi ceux qui
manifestaient contre eux, j’étais au MDR et à un certain moment il
s’est disloqué quand nous manifestions contre la présence des
français, ce qui était flagrant, c’est qu’ils soutenaient le pouvoir de
Habyarimana. C’était là un fait indéniable, ils le soutenaient. Mais

00 :30 :54

Q

dire qu’ils auraient planifié le génocide, moi…
Mais dans l’opposition, quand même moi je vois parfois certains
journaux de l’opposition de l’époque, eux ils affirmaient qu’il y
avait des choses qui se faisaient, des préparatifs visant à anéantir le
pays et rapportaient que la France soutenait ces plans. Vous
n’écriviez pas et ne manifestiez pas contre la présence française en

R
Q
R
Q

ignorant cela !
Ils soutenaient, c’est vrai, le gouvernement de Habyarimana.
C’est ça.
Nous, nous étions de ceux qui le combattaient.
Et alors, que faisait le gouvernement de Habyarimana, vous le

00 :31 :17
00 :31 :18
00 :31 :19

R
Q
R

combattiez pourquoi ?
Hein ?
Vous le combattiez pourquoi ?
La dictature…et tout le reste. La dictature, la mauvaise gouvernance

00 :31 :24

Q

etc.
Parlons maintenant de génocide. Lorsque celui-ci a démarré, les

00 :31 :06
00 :31 :12
00 :31 :13
00 :31 :14

français n’avaient-ils pas de forces ni de moyens, ni même
d’influence suffisante sur Habyarimana et aussi sur ceux qui lui
00 :31 :40

R

avaient succédé pour stopper le génocide ?
Cela, moi je le mets sur eux et sur…, moi je le mets sur la
communauté internationale, car je vois que la communauté
internationale nous a abandonnés, elle a abandonné les rwandais.
S’ils l’avaient voulu, ils auraient arrêté ça. Oui, s’ils l’avaient voulu,

00 :31 :54
00 :32 :02

Q

ils auraient arrêté ça.
Dans cette communauté internationale, essaye au moins de citer les

R

principaux responsables.
Moi j’affirme qu’il y a la France, et les américains qui ont une
grande influence au Conseil de Sécurité, ce sont des pays qui sont de
grandes puissances. Puis il y a la Belgique, le pays colonisateur.
Pour moi, ce sont des pays qui, s’ils l’avaient voulu, auraient arrêté
le génocide. Peut-être que des gens seraient quand même morts,

00 :32 :24

Q

mais pas à ce point !
Je vais te donner une petite information, même si probablement tu la
connais : au Conseil de Sécurité, une intervention a été proposée
deux ou trois jours après le début du génocide, et la résolution a été
bloquée par la France, qui a au contraire proposé le retrait de la
MINUAR. Cette information, si tu ne la connaissais pas, voilà je te
la donne. Et maintenant, pour toi, si la France avait voulu arrêter le

00 :32 :48

R

génocide, l’aurait-elle pu ou non ?
Ils auraient pu. S’ils avaient voulu le faire, ils auraient pu, c’est ce

00 :32 :52

Q

que je crois.
Qu’est-ce que tu souhaiterais alors leur dire maintenant ? Qu’est-ce
que tu souhaiterais leur dire, à des gens comme ce Sartre, toi en tant
que rwandais aujourd’hui en prison, après un génocide qui a été
commis en leur présence ou dans lequel ils ont eu une
responsabilité ? Qu’est-ce que tu leur dirais ? Après tout, tu es en

00 :33 :08

R

prison à cause d’un fusil reçu de Sartre, n’est-ce pas ?
Enfin…si je disais que c’est à cause de ce fusil, ce ne serait pas tout
à fait ça. Bien sûr ça aussi c’est une des causes de mon

00 :33 :14
00 :33 :23

Q

emprisonnement, une des causes …
Que dirais-tu à tous ses compatriotes ? Toi, en tant que rwandais,

R

qu’est-ce que tu dirais aux français ?
Ce que je leur dirais, c’est qu’ils devraient assister les rwandais pour

00 :33 :36
00 :33 :37

Q
R

la reconstruction de leur pays.
De quelle manière ?
Tu vois, ce qui s’est passé s’est passé, nous ne pouvons pas revenir
en arrière, il n’est pas possible de ramener l’Histoire en arrière. Ce
qu’ils peuvent donc faire, c’est de nous aider dans le programme de
l’Etat de réconciliation, ça c’est un fait. Mais aussi dans ce
programme de réconciliation…tu vois que les rwandais, justement
d’après ce qui s’est passé, se battent pour le pouvoir, moi je
m’aperçois que si les gens se chamaillent, le plus souvent c’est pour
le pouvoir. Et dans cette lutte pour le pouvoir, certains disent :
‘’celui-là est un tutsi’’, les autres : ‘’celui-là est un hutu, celui-ci est
de Gisenyi celui-là est de Kigali’’. Et après tu te réveilles sur une
extermination réciproque, mais au départ c’est une lutte pour le
pouvoir. Pour moi, il ne s’agit que d’une lutte pour le pouvoir. C’est
la même chose pour nos partis qui se sont scindés, car eux aussi je
les accuse de faute, car si nos partis ne s’étaient pas divisés, le

00 :34 :44

Q

génocide lui-même n’aurait pas pu être possible.
Plutôt, plus concrètement en peu de mots, si le hutu power n’avait

00 :34 :46

R

pas vu le jour…je crois que c’est cela.
Oui. Bien que nous condamnions les étrangers, je regrette mais
nous-mêmes devrions commencer par faire notre propre examen de

00 :34 :52
00 :34 :53

Q
R

conscience.
Bien entendu. Mais…
Donc, si nos partis ne s’étaient pas fractionnés, j’affirme que si le
MDR, le PSD et autres ne s’étaient divisés, le génocide n’aurait pas
eu lieu, du moins il n’aurait pas été possible. Car je sais comment en
1992 nous avions essayé de combattre cela, mais par après ça n’a

00 :35 :10
00 :35 :12

Q
R

plus marché. Moi…
D’accord, essayons de conclure.
Tu me demandes de tirer la conclusion, et donc ce que je
demanderais au gouvernement français, eux, comme ils sont venus à
notre secours trop tard, s’ils nous avaient secourus plus tôt, ces
massacres qui ont eu lieu, ce malheur qui noua a frappé, n’aurait pas
atteint le niveau qu’il a atteint. N’est-ce pas ? Ce qu je leur
demanderais alors, moi je leur demanderais de sentir comme un
devoir de nous épauler dans la reconstruction de notre pays. Et cette

00 :35 :57

Q
R

reconstruction devrait être visible du point de vue matériel…
Tu m’as dit…non continue, continue… du point de vue matériel…
Ils devraient nous aider en plusieurs domaines, les domaines où ils
pourraient nous aider existent, tels que le programme de
réconciliation, l’assistance aux rescapés, il faut quand même qu’ils

Q

les aident.
Tu m’as dit que les français n’ont pas entraîné les interahamwe ? Tu

R
Q

n’as ni entendu ni vu cela ?
Enfin, je n’ai pas vu cela ! mais l’entendre, ça, je l’ai entendu.
Comme militant des partis d’opposition, ces choses là tu ne les

00 :36 :22

R

connaissais vraiment pas, si réellement tu étais un membre actif ?
Cela se disait, cela se disait, mais aussi il faut se méfier des

00 :36 :27

Q

rwandais et de tout le reste, toi aussi tu comprends…
Et toi tu es rwandais et tu étais justement membre de l’opposition.

R
Q

On peut donc conclure que ce que tu disais, tu mentais ?
J’étais dans l’opposition…
Est-ce que ce que tu disais en ce temps-là où tu étais dans

00 :36 :10
00 :36 :14
00 :36 :17

00 :36 :31
00 :36 :33

l’opposition, c’était des mensonges ? Car les journaux d’opposition
00 :36 :38

R

existaient et écrivaient là-dessus.
Justement ils écrivaient, ils écrivaient je ne peux pas te dire qu’ils
n’écrivaient pas, n’est-ce pas ! et ces choses, je ne peux pas te dire
que ça n’existait pas, mais aussi il faut savoir qu’il y avait des gens
qui exagéraient et te disaient des choses…, est-ce que tu ignores que
parfois l’on donne dans le sensationnel pour échauffer les esprits

00 :36 :54

Q

etc. ?
Tu sais, moi je te pose des questions comme à quelqu’un avec qui je
m’entretiens simplement, mes convictions ne peuvent te servir à
rien, à moi-même non plus d’ailleurs, bien que j’en aie, elles ne
servent à rien. Je te pose des questions et tu es libre de me répondre
selon tes convictions. Donc, pour ce qui est des soldats français
depuis 1990, tu as dit que tu entendais parler d’eux à Ruhengeri, à

00 :37 :12
00 :37 :14

R
Q

Gisenyi et ailleurs…
J’ai entendu parler d’eux, oui.
Et puis tu as suivi la façon de lutter de l’opposition et de tous les
autres partis. Es-tu d’accord que les français avaient un parti pris
jusqu’en 1994 ou tu n’en crois rien ? Etaient-ils vraiment neutres ou

00 :37 :25

R

avaient-ils un parti pris ?
Non ils n’étaient pas neutres. Ils n’étaient pas neutres, de toutes

façons c’était connu qu’ils soutenaient le pouvoir de Habyarimana.
00 :37 :32
00 :37 :36
00 :37 :40

Q
R
Q

Ils le soutenaient. Ils n’étaient pas neutres.
Et le pouvoir du gouvernement intérimaire ?
Le pouvoir des Abatabazi…eux…
Tu nous as parlé de Niyitegeka et je sais qu’il s’est rendu en France
entre avril et mai 94. Jérôme Bicamumpaka et compagnie s’y sont
également rendus et la France leur a accordé des armes et d’autres

00 :37 :45
00 :37 :48

R
Q

choses aussi.
Oui Jérôme y est allé, c’est vrai…
Ok. En fait tu sais tout ça. Et donc, ici c’est la conclusion sur la
position des français à l’égard du génocide et à l’égard du

00 :38 :00
00 :38 :06

R
Q

gouvernement intérimaire.
Mais là, ce serait me demander peut-être ce que j’en pense…
Le constat, c’est ton constat que je te demande là-dessus, et non ce
que tu en penses. Après tout, tu as vu ces choses et tu les as

00 :38 :10

R

entendues.
Si c’est me demander ce que j’en pense d’accord. Sinon ce que j’ai
vu, ce que j’ai vu seulement en ce temps-là, là-bas, ne me
permettrait pas de tirer une conclusion, je ne suis pas en mesure de
tirer une conclusion pour ce qui est de leur parti pris, peut-être parce
que moi ceux que j’ai vus c’était des individus. Si je parle de Sartre
que j’ai vu, si je commence par lui, je peux tirer des jugements
erronés, car c’est quelqu’un qui m’a paru avoir un humanisme etc.,
de telle sorte qu’alors cela pourrait me faire dire des choses peut-

00 :38 :46
00 :38 :54

Q

être pas justes.
D’accord. A part Sartre, tu n’as vu aucun autre français durant cette

R

période ? Ils étaient tout de même deux mille cinq cent !
Lui et un docteur qu’ils avaient, du nom de Hervé, car ma femme
était infirmière et elle allait leur demander des médicaments pour
soigner les gens etc. Ce sont là les français avec lesquels on
communiquait, ma femme habite tout près d’ici, si vous voulez vous

00 :39 :10
00 :39 :13

Q
R

pouvez lui demander.
Oui. Nous chercherons un moment pour ça si tu en es d’accord.
Je serais d’accord. Mon épouse, elle est là-bas à Nyamishaba. Elle
aussi aimait venir, on aimait aller ensemble le voir là-bas à l’ENT.

00 :39 :25

Q

Donc si je commence par eux, je ne peux pas tirer une conclusion.
D’accord. A l’exception de l’humanisme de Herve et de Sartre, les
autres…

00 :39 :28
00 :39:33

R
Q

Moi vraiment, personnellement, les autres on n’a pas été proches.
Mais tu les voyais quand même ! tu es rwandais après tout. Même si
tu n’as pas vu cela dans ce coin-ci, tels que tu les voyais, est-ce
que les français sont venus en guerriers est-ce qu’ils avaient une
mission claire d’arrêter le FPR, ou de secourir ceux qui fuyaient, ou
ceux qui étaient massacrés ? L’une des trois choses, car il est
impossible que ce ne soit pas l’une d’entre elles. Trouve-nous une

00 :39 :53
00 :39 :54
00 :39 :57

R
Q
R

réponse dans les trois.
Ce peut même être deux.
Alors ? Lesquelles par exemples ?
Ce pourrait être deux. Quoi qu’il en soit, ces gens-là qui se
trouvaient au Bisesero, si les français n’étaient pas venus, vraiment
ceux qui ont pu en sortir, eu égard à l’acharnement que les gens
avaient encore en ce temps-là et aux forces que les autorités y
engageaient toujours en sensibilisant les gens pour y mener des

00 :40 :16
00 :40 :18
00 :40 :21

Q
R
Q

attaques, ceux en sont sortis n’auraient pas survécu.
Ils étaient combien à survivre ?
Je ne sais pas, dans tous les cas, ils étaient plus de cinq cent.
Il s’est écoulé combien de jours avant qu’ils n’aillent les secourir
alors qu’ils étaient déjà arrivés ici ? Ils ont passé combien de jours
sans aller les voir alors qu’ils avaient déjà appris qu’ils se trouvaient

00 :40 :26

R

là-bas ?
Je vous ai déjà dit que moi je suis venu à Kibuye lorsque les sœurs
m’ont envoyé chercher. Je suis allé les voir et c’est à cette occasion
que j’ai rencontré Diego. ensuite je suis tombé malade. Mais après
trois jours je crois, c’est là qu’est venu Sartre, cependant en ce
moment où il arrivait, les autres avaient déjà commencé à aller les
voir. Toutefois, ce que j’ai appris, c’est qu’ils n’y sont pas allés dans
l’immédiat à cause des autorités locales qui leur disaient que là-bas,
c’était contre des militaires qu’ils se battaient. C’est ce que les

00 :40 :53

Q

autorités leur disaient.…
Mais alors, eux-mêmes étaient des militaires ! Ils étaient venus alors
pour quoi ? Un militaire, quand tu lui indiques où les autres
militaires sont en train de se battre, il n’y va pas sous prétexte que ce
sont des militaires qui sont en train de se battre entre eux ? Et ils

00 :41 :00

R

seraient venus pour faire quoi dans ce pays, en ce cas-là ?
Ils étaient venus peut-être pour d’abord glaner des renseignements

sur la situation, se renseigner pour savoir ce qui se passait, c’est ça
00 :41 :07

Q

qu’ils m’ont demandé.
Toi tu penses qu’ils sont venus de France et de Centrafrique sans

00 :41 :13

R

savoir ou ils allaient ni quelle était leur mission ?
Non je ne peux pas dire qu’ils sont venus sans savoir où ils allaient.
Mais une fois sur place, ils ont d’abord cherché à avoir des
informations, qu’ils ont demandées, qu’ils ont d’abord cherchées.
Une autre chose que j’affirme est que, en réalité, ils ont aidé les
génocidaires à fuir. S’ils l’avaient voulu, s’ils avaient souhaité les
arrêter, surtout les grands, les ministres, les députés, les grands
commerçants

comme

Ruzindana

qui

a

eu

une

immense

responsabilité dans les massacres ici dans notre région, peut-être
qu’ils auraient pu les arrêter, mais peut-être la volonté de les arrêter
00 :41 :46

Q

n’existait pas.
Admets-tu ou crois-tu plausible que parmi ces français qui étaient
ici pendant Turquoise figuraient certains de ceux qui avaient été ici

00 :41 :54
00 :41 :56

R
Q

dès 1990 jusqu’en 1993 ?
Je n’en sais rien, je mentirais.
Tu n’en sais rien. Mais si c’était toi le militaire français, le stratège
de l’armée française, tu déciderais que les soldats de ton pays iraient
intervenir dans un Rwanda qui vit un génocide et tu prendrais

00 :42 :08
00 :42 :13

R
Q

exclusivement des soldats qui ne connaissent pas ce pays ?
Là tu me mènes sur un terrain militaire !
Non, je te demande… bon, de toute façon tu nous as dit qu’il
pourrait y avoir deux raisons à l’intervention française avec

00 :42 :19
00 :42 :25
00 :42 :26
00 :42 :27
00 :42 :30

R
Q
R
Q

Turquoise !
Moi j’ai vu de toute façon que les gens ils les ont secourus.
C’est ce que tu as dit, ils ont sauvé les gens de Bisesero.
Oui. Dans la région où je me trouvais…
C’est quoi la deuxième raison, car tu as dit qu’il y pouvait y en avoir

R

deux ?
Le deuxième but de leur mission, c’est ce que je disais, je l’ai dit,
même les géno…ces autorités là ils les ont aidés car s’ils l’avaient

00 :42 :43

Q

voulu, ils les auraient arrêtés. Ils les ont aidés.
Si l’on excepte le fait de ne pas les arrêter eux-mêmes, n’ont-ils pas

00 :42 :52

R

en plus été un obstacle aux soldats du FPR dans cette zone ?
Ah ! bien sûr, bien sur ! Un obstacle à la progression du FPR.
Justement, puisqu’ils venaient de déclarer leur cette zone !

Comment les autres l’auraient-elles pénétrée ? Eh oui ! cela a eu
00 :43 :02
00 :43 :04

Q
R

lieu.
Ils savaient donc ce qu’ils faisaient ou ne le savaient-ils pas ?
Alors, penserais-tu qu’un grand pays comme la France a fait ces
choses sans savoir ce qu’il faisait !
Courte discussion entre l’interviewé et Cécile.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024