Citation
TRIBUNAL
DE GRANDE INSTANCE
DE PARIS
CABINET DELIVRANCE DE MANDATS D'ARRET INTERNATIONAUX
de Jean-Louis BRUGUIERE
Premier Vice-Président
Parquet: 97.295.2303/0 Cabinet: 1341
ORDONNANCE DE SOIT-COMMUNIQUE
Nous, Jean-Louis BRUGUIERE, Premier Vice-Président au Tribunal de Grande
Instance de Paris,
Vu les articles 131 et 145 du Code de Procédure Pénale,
Attendu que le 6 avril 1994 à 20 heures 25, le Falcon 50 de la
Présidence de la République du Rwanda, immatriculé "9XR-NN", de retour
d'un sommet tenu à DAR-ES-SALAAM (Tanzanie) alors qu'il était en
approche de L´aéroport international de Kanombe à KIGALI (Rwanda), était
abattu par un tir de deux missiles sol-air ;
Que tous ses passagers :
- Juvénal HABYARIMANA, Chef d'Etat du Rwanda,
- Cyprien NTARYAMIRA, Chef d'Etat du Burundi,
- Déogratias NSABIMANA, Chef d'Etat-Major des Forces Armées Rwandaises
(F.A.R.),
- Elie SAGATWA, Colonel et chef de cabinet militaire à la présidence
rwandaise,
- Thaddée BAGARAGAZA, Major et responsable de la maison militaire de la
présidence rwandaise,
- Juvénal RENZAHO, conseiller du Président rwandais pour les affaires
étrangères,
- Emmanuel AKINGENEYE, médecin personnel du Président du Rwanda,
- Bernard CIZA, Ministre du Plan du Burundi,
- Cyriaque SIMBIZI, Ministre de la communication du Burundi,
et les membres d'équipage français :
- Jacky HERAUD, pilote,
- Jean-Pierre MINABERRY, co-pilote,
- Jean-Marc PERRINE, mécanicien
périssaient lors de l´explosion de l´aéronef;
Que la majorité des débris de l´appareil tombait dans l´enceinte même de
la Résidence du Président HABYARIMANA ou logeaient les membres de sa
famille;
Que cet attentat, rapidement porté à la connaissance des autorités
rwandaises
et notamment de la Garde Présidentielle - ainsi que l´a confirmé le Général
BAGOSORA - devait aussitôt engendrer une réaction violente des extrémistes
Hutu, directement à l´origine du génocide de la minorité Tutsi;
Attendu que dans le climat de confusion extrême induit par la situation
insurrectionnelle provoquée par la destruction de l´aéronef
Présidentiel, de nombreuses rumeurs avaient circulé sur l´origine de
l´attentat;
Qu'ainsi, dès le 7 avril au matin, une première rumeur d'origine
rwandaise mettait en cause des militaires belges, membres de la Mission
des Nations Unies au Rwanda (MINUAR) comme étant à l´origine de
l´attentat, rumeur rapidement démentie par la presse internationale
désignant les extrémistes Hutu comme en étant les auteurs;
Qu'à l´appui de cette dernière thèse, il avait été avancé que le
Président de la République Juvénal HABYARIMANA avait cédé aux exigences
du "Front Patriotique Rwandais" (F.P.R.) en annonçant lors du sommet du
6 avril 1994 que dès son retour à KIGALI, il mettrait en place les
institutions de transition prévues par les accords d'ARUSHA du 4 août 1993 ;
Que nonobstant la gravité de la situation qui eut exigé une réaction é
la mesure des événements, tant les institutions Internationales, que le
nouveau gouvernement rwandais dirigé par le F.P.R. devaient faire montre
d'une surprenante irrésolution, le Président KAGAME s'étant même
formellement opposé à toute enquête sur la destruction de l´appareil
Présidentiel;
Que pourtant, dès le 7 avril, le Président du Conseil de Sécurité des
Nations Unies invitait le Secrétaire Général des Nations Unies à
recueillir toutes les informations utiles concernant l´attentat par tous
moyens à sa disposition et d'en faire rapport dans les plus brefs délais
au Conseil;
Que le 12 avril, le Conseil des Ministres belge demandait à
l´organisation de l´aviation Civile Internationale (O.A.C.I.) de
diligenter une enquête ;
Que le 21 avril 1994, gravement préoccupé par la situation au Rwanda, le
Conseil de Sécurité des Nations Unies invitait à nouveau le Secrétaire
Général à lui fournir toutes les informations concernant l´attentat;
Que le 2 mai 1994, suite à la demande écrite de Monsieur Jean KAMBANDA,
Premier Ministre du gouvernement intérimaire du Rwanda, adressée à
Monsieur Roger BOOH BOOH, représentant spécial du Secrétaire Général des
Nations Unies au Rwanda, le Général Roméo DALLAIRE, Commandant en chef
des effectifs militaires de la Minuar confirmait par écrit au Premier
Ministre sa disposition de créer une commission d'enquête internationale ;
Que le 17 mai 1994, le Conseil de Sécurité, dans une nouvelle
résolution, rappelait au Secrétaire Général ses demandes précédentes ;
Qu'en juin 1994, les membres de l'"Organisation de l'Unité Africaine
(O.U.A.) réunis à TUNIS, sollicitaient la création d'une commission
d'enquête impartiale;
Qu'un rapport date du 28 juin 1994 de Monsieur René DEGNI SEGUI, envoyé
spécial au Rwanda de la Commission des Droits de l'Homme des Nations
Unies, mentionnait que l´attentat perpétré contre l´avion présidentiel
était la cause des événements qu'avait connu le Rwanda, mais qu'ayant
sollicité la mise en place d'une commission d´enquête, il lui avait été
répondu que les Nations Unies ne disposaient par de budget pour celle-ci;
Que de plus, dans un rapport du 3 décembre 1994 remis au Secrétaire
Général des Nations Unies, une commission d'experts avait recommandé la
création d'un tribunal international et rappelait l´adoption par la sous
commission "sur la nécessite d´enquêter, entre autres choses, sur les
événements qui ont conduit à la situation actuelle, notamment l´attentat
contre l´avion transportant les Présidents du Burundi et du Rwanda" ;
Que cette nouvelle initiative n'avait pas eu plus d'effet que les
précédentes ;
Que le 21 décembre 1997, l´organe central de l´O.U.A., réuni à ADDIS
ABEBA, décidait la création d'un "groupe international composé de
personnalités suffisamment objectives et connaissant parfaitement la
région'" pour mener une enquête sur le génocide au Rwanda couvrant
également la mort du Président HABYARIMANA et qu'à la remise de son
rapport final, le 29 mai 2000, l´O.U.A. recommandait à "la commission
internationale des juristes d'ouvrir une enquête indépendante pour
déterminer qui était le responsable de l 'attentat »
Que la France, au contraire des autorités rwandaises, avait également
sollicité des Nations Unies l´ouverture d'une enquête Internationale
comme l´a rapporté Monsieur Bruno DELAYE, entendu le 19 mai 1998 par la
Commission de la Défense Nationale et des Forces Armées françaises et la
Commission des Affaires Etrangères de l'Assemblée Nationale qui avaient
créé le 3 mars 1998 "la Mission d'information sur les opérations
militaires menées au Rwanda par la France, d'autres pays de l´O.N.U.
entre 1990 et 1994" ;
Que le 18 mars 1994, Monsieur Kofi ANNAN, Secrétaire Général des Nations
Unies sollicitait la création d'une commission d´enquête "sur les
actions de l'Organisation des Nations Unies lors du génocide au Rwanda
en 1994" et que le rapport déposé le 15 décembre 1999 ne faisait
nullement référence à l´absence d´enquête concernant l´attentat;
Attendu que malgré les résolutions ou recommandations, aucune enquête
internationale n'a jamais été initiée sur cet attentat;
Que par ailleurs, comme déjà mentionné, le nouveau pouvoir issu des
rangs du F.P.R. mis en place au Rwanda le 19 juillet 1994, après la
victoire militaire sur le régime du Président HABYARIMANA n'a pas non
plus, procédé à une enquête malgré plusieurs demandes émanant notamment,
soit de Messieurs Faustin TWAGIRAMUNGU, Premier Ministre du Rwanda,
Alphonse Marie NKUBITO, Ministre de la Justice, Sixbert MUSANGAMFURA,
Chef du service central des renseignements, soit du gouvernement du
Burundi, désireux de connaître la vérité sur l´assassinat du Président
Cyprien NTARYAMIRA;
Qu'il s'est avéré que toutes les demandes avaient été formellement
rejetées par le Général Paul KAGAME, alors Vice-Président de la
République et Ministre de la Défense;
Que cette position de Paul KAGAME a été notamment attestée par Simon
ISONERE, Directeur Général au Ministère des Affaires-Etrangères
rwandaises, qui a rapporté lors de son audition du 08 septembre 2000
que durant ses dernières fonctions ministérielles, il avait appris
qu'une demande d´enquête internationale avait été sollicitée par le
Premier Ministre et le Ministre de la Justice Alphonse Marie NKUBITO et
que cette demande présentée par lettre au représentant des Nations Unies
au Rwanda avait été interceptée par Paul KAGAME qui, furieux de cette
initiative, avait exigé la destruction de toute trace de ce courrier;
Qu'elle était également corroborée par Sixbert MUSANGAMFURA, nommé
Secrétaire Général du gouvernement avant d'occuper la double fonction de
responsable du service central des renseignements et de Secrétaire de la
Commission Nationale de Sécurité présidée par le Général Paul KAGAME;
Que Sixbert MUSANGAMFURA mentionnait en effet lors de son audition le 15
avril 2002 en Finlande, que le 7 janvier 1995, il avait été appelé chez
Paul KAGAME en compagnie du Lieutenant Colonel Karake KARENZI, chef des
services de renseignements militaires, qu'au cours de cette entrevue, il
avait été suggéré à Paul KAGAME de constituer une équipe d'enquêteurs
chargés de collecter des informations sur l´attentat contre l´avion
présidentiel dans le but de fournir des réponses à d'éventuelles
questions posées par un gouvernement étranger ou par la presse
internationale et qu'il avait essuyé une réaction violente de celui-ci,
Karake KARENZI lui ayant par la suite conseillé de ne plus s'occuper de
cette affaire s'il ne voulait pas s'attirer des ennuis ;
Qu'ainsi on ne peut que constater que Paul KAGAME, bien que "l´'attaque de
L´avion constitue le noeud gordien de cette affairé, pour reprendre|
l´expression de Monsieur René DEGNI SEGUT, juriste ivoirien, rapporteur
spécial de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, s'est
résolument et constamment opposé à toute démarche tendant à faire la lumière
sur cet attentat;
Que parallèlement à cette situation, une double commission parlementaire
était constituée en Belgique : le 24 juillet 1996 suite à l´assassinat
de dix de ses militaires au Rwanda, la Commission des Affaires
Etrangères de l´assemblée Nationale mettait en place "le groupe ad hoc"
charge d'établir de quelles informations relatives au Rwanda, les
autorités civiles et militaires belges avaient dispose pendant la
période située entre les Accords d'Arusha (4 août 1993) et le
déclenchement du génocide (avril 1994), alors que de son côté, le Sénat
belge créait le 28 février 1997 la "Commission spéciale Rwanda" chargée
de poursuivre le travail du "groupe ad hoc" ;
Qu´était mise en place en France le 03 mars 1998 par la Commission de la
Défense Nationale et des Forces Armées Françaises et la Commission des
Affaires étrangères, la " Mission d'information sur les opérations
militaires menées au Rwanda par la France, d'autres pays et l´O.N.U
entre 1990 et 1994";
Qu'il convient enfin de souligner que le Tribunal Pénal International
pour le Rwanda, créé le 08 novembre 1994 par la résolution 955 du
Conseil de Sécurité des Nations Unies pour opérations des faits de
génocide et de crimes contre l'Humanité commis au Rwanda entre le ler
janvier et le 31 décembre
1994, n'a pas voulu enquêter sur l´attentat du 6 avril 1994 ;
Attendu que c'est dans ce contexte d'inaction voire même d'obstruction à
l´égard de toute démarche tendant à la mise en place d'une commission
d´enquête sur l´attentat du 6 avril 1994, que le 31 août 1997, Madame
Sylvie, Marie, Simone MINABERRY, fille de Monsieur Jean-Pierre
MINABERRY, pilote du Falcon 50 de la Présidence du Rwanda déposait
plainte avec constitution de partie civile centre X des chefs d'actes de
terrorisme ayant entraîné la mort d'un ou de plusieurs personnes et de
complicité desdits crimes entre les mains du Doyen des Juges
d'instruction de Paris ;
Que le 27 mars 1998, l´information judiciaire susvisée était ouverte du
chef d'assassinat en relation avec line entreprise terroriste, faits
prévus et réprimés par les articles 221-3, 421-1-1, 421-3 du Code Pénal
et 706-16 et suivants du Code de Procédure Pénale ;
Que suite à une ordonnance de soit-communiqué en date du 27 octobre
2006, un réquisitoire supplétif des chefs d' assassinats en relation
avec une entreprise terroriste, complicité d'assassinats en relation
avec une entreprise terroriste -s'agissant des passagers et membres de
l´équipage du Falcon 50 de la Présidence de la République du Rwanda
immatriculé 9XRNN qui ont périt au cours de cet attentat - et
association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme
était délivré par le Parquet de Paris le 31 octobre 2006 ;
Que devaient par ailleurs se constituer partie civile dans la présente
information Madame Annick PERRINE, veuve de Monsieur Jean-Michel
PERRINE, mécanicien naviguant du Falcon 50 et Madame Françoise HERAUD,
épouse du commandant de bord de l´appareil de même que Messieurs Bernard
HABYARIMANA RUGWIRO, Jean-Luc HABYARIMANA, Léon Jean-Baptiste Aimable et
Mesdames Marie Merci HABYARIMANA, NTILIUAMUNDA Jeanne, Marie Aimée
HABYARIMANA NTILIUAMUNDA et Agathe KANZIGA épouse HABYARIMANA;
Attendu que dans le cadre de l´enquête diligentée par la Division
Nationale Anti-Terroriste (D.N.A.T.) aujourd'hui Sous-Direction
Anti-Terroriste (S.D.A.T.), les investigations ont successivement porte
sur le contexte géopolitique dans lequel s'est inscrit cet attentat, les
circonstances qui avaient présidé à la conception du projet et sa
planification et les conditions de sa réalisation;
Que pour cette recherche, toutes les pistes évoquées par les instances
nationales, les autorités politiques, les membres d'organisations
Internationales, la presse Internationale voire même la rumeur ont été
minutieusement explorées et les différentes données pouvant les valider
vérifiées;
Qu'à cette fin, l´enquête s'est appuyée sur les travaux parlementaires
de la Commission de la Défense Nationale et des Forces Armées française
et de la Commission des Affaires Etrangères qui avaient créé le 3 mars
1998 "la Mission d'information sur les opérations militaires menées au
Rwanda par la France, d'autres pays de l´O.N.U. entre 1990 et 1994", sur
ceux des deux commissions parlementaires belges du 24 juillet 1996 et du
28 février 1997, sur des témoignages recueillis soit en France, soit en
exécution de commissions rogatoires Internationales de représentants de
la communauté Hutu, mais surtout de membres du F.P.R. ou de sa branche
armée l´A.P.R dont certains avaient été très proches du Président Paul
KAGAME ainsi que sur des éléments matériels;
Attendu que les premières informations et éléments disponibles
laissaient présumer cinq hypothèses possibles sur les commanditaires et
auteurs de l´attentat;
Que la première de ces hypothèses visait des éléments de l´armée
burundaise à forte majorité Tutsi, hostile au Président Cyprien NTARYAMIRA ;
Que la possible implication de l´armée burundaise a été vérifiée en
raison de sa participation dans le passé à des actes de violence centre
les personnalités Hutu;
Qu'ainsi, elle a été responsable, lors d'une tentative de putsch par les
militaires de cette armée mono ethnique de l´assassinat le 22 octobre
1993 du Président Melchior NDADAYE, le premier d'origine Hutu
démocratiquement élu le ler juin 1993 ;
Que cet assassinat parait avoir eu pour origine un projet du Président
NDADAYE de reformer l´armée burundaise qui exerçait une influence sur la
vie politique du pays ;
Que son successeur Cyprien NTARYAMIRA avait repris ce projet estimant
lui aussi que l´armée burundaise était trop influente ;
Que parallèlement à ces initiatives, des rumeurs d'attentat contre le
Président NTARYAMIRA avaient circulé en 1993, certaines véhiculées par
les partis politiques Tutsi;
Qu'en octobre 1993, à la demande du Président Juvénal HABYARIMANA,
informe que le Président du Burundi, Melchior NDADAYE était en danger de
mort, Paul BARRIL s'était rendu à BUJUMBURA pour y procéder à une
évaluation des menaces et qu'il devait recueillir des informations sur
l'imminence "d'un coup d'état" en préparation par les militaires Tutsi,
épaulés par des militaires du Rwanda conseillés par Paul KAGAME qui
disposait à ce moment là d'un passeport du Burundi;
Que par ailleurs, il s'est avéré que le 5 avril 1994, des fonctionnaires
de la Police aux frontières et des douanes de l'aéroport franco-suisse
de GENEVE-COINTRIN avaient précède au contrôle à l'entrée en France
venant de Genève du ressortissant burundais Athemon RWAMIGABO,
Lieutenant-Colonel de l´armée de Pair burundaise, pilote du Falcon 50
présidentiel de la République du Burundi; que lors de ce contrôle
transfrontalier, il a été constaté que ce militaire Tutsi transportait
dans son attache-case de la documentation politique relative à des
mouvements d'opposition et des croquis manuscrits paraissant se
rapporter à une trajectoire d'approche d'un aéronef;
Que bien que RWAMIGABO, proche du Général Pierre BUYOYA qui avait pris
le pouvoir en renversant le Président Sylvestre NTIBANTUNGANYA,
successeur du Président Cyprien NTARYAMIRA, n'ait pu être entendu en
raison de son statut diplomatique, des investigations diligentées sur
cette documentation ont fait apparaître que ces documents n'avaient par
un réel caractère opérationnel et que la plupart d'entre eux étaient de
la propagande voire même des instruments de provocation politique à
usage interne ;
Que nonobstant les tensions interethniques régnant également au Burundi,
l'hypothèse d'un attentat organise par l´armée burundaise devait être
écartée;
Que d´après les différents témoignages obtenus au cours de l´enquête, il
a été en revanche établi que le Président Cyprien NTARYAMIRA n'avait
décidé son retour en compagnie du Président rwandais, dans L´avion de ce
dernier, qu'à la toute dernière minute avant le départ de DAR-ES-SALAAM,
rendant impossible l´organisation matérielle d'un attentat qui l´aurait
visé sur le sol rwandais;
Que cet embarquement inopiné a été également confirmé par un télégramme
diplomatique américain déclassifié adressé le 7 avril 1994 au Sous-Secrétaire
d'Etat aux Affaires Africaines, Georges MOOSE, alors en mission au SRI-LANKA
ainsi que dans celui adressé à divers postes diplomatiques américains;
Attendu qu'avait été également envisagée l´implication de membres de
l´opposition politique au Président Juvénal HABYARIMANA dits "Hutu
modérés" avec des militaires des "Forces Armées Rwandaises" (F.A.R.);
Que cette hypothèse n'a pas plus prospéré que la précédente ;
Qu'elle avait trouvé son origine dans une réunion tenue le 4 avril 1994
au domicile de Madame le Premier Ministre Agathe UWILINGIYIMANA, membre
du "Mouvement Démocratique Républicain" (M.D.R.) ;
Que selon les tenants de cette hypothèse, lors de cette soirée qui avait
rassemblé quelques civils et des officiers subalternes des F.A.R., tous
originaires du Sud du Rwanda, Agathe UWILINGIYIMANA, constatant les
blocages dans le processus des Accords d' Arusha, aurait avancé la
possibilité de renverser le Président HABYARIMANA ;
Qu'il est apparu en fait que cette réunion n'avait jamais eu l´objet que
certains lui avait prêté mais que son existence avait donné lieu à une
manipulation de la part de la radio "R.T.M.L.", proche des milieux
extrémistes Hutu, pour discréditer, par une fausse rumeur sur la
préparation d'un coup d´état, Madame UWILINGIYIMANA, Premier Ministre en
exercice, laquelle devait être assassinée le lendemain de l´attentat par
des membres de la Garde Présidentielle alors qu'elle était sous la
protection de militaires belges de la Minuar;
Qu'ainsi cette provocation relayée par la voix de "R.T.M.L." avait eu,
si ce n'est pour objectif du moins pour conséquence l´élimination
physique de Madame UWILINGIYIMANA par des miliciens "interahamwe qui la
soupçonnait d´être proche du F.P.R.;
Attendu que d'autres rumeurs avaient désigné des "étrangers" comme étant
à l'origine de cet attentat;
Que derrières ce vocable générique se dissimulaient en fait deux pays,
la Belgique et la France;
Que s'agissant de l´implication de la Belgique, elle a trouvé sa source
dans le "climat anti-belge régnant alors à KIGALI, alimenté par
plusieurs facteurs résultant du rôle joué par le contingent belge de la
Minuar ;
Qu'en effet, l´entrée à KIGALI le 28 décembre 1993 du bataillon de
l´A.P.R. pour son installation au "Conseil National pour le
Développement" (C.N.D) sous protection du bataillon belge de cette
dernière et surtout, le comportement critiquable de militaires belges de
la Minuar constituaient une des causes de ce ressentiment, que de même
la mission jugée suspecte d'un groupe de militaires belges qui, le 6
avril 1994, avait escorté "des officiels" du F.P.R. dans le pare
national de l´Kagera, mission dont ni l´objectif n'a pu être déterminé
par la commission parlementaire belge, pas plus que l´identification des
"officiels" du F.P.R. escortés à cette occasion alors que dix d'entre
eux avaient été assassines le 7 avril 1994 par des militaires des F.A.R.
les désignant comme les auteurs de l´attentat, ont grandement contribué
à accréditer cette thèse ;
Que nonobstant ces zones d'ombre largement imputables au climat régnant
alors à KIGALI et à l´impuissance de la Minuar à contrôler la situation,
aucun élément d´enquête n'a permis de conforter l'hypothèse d'une
implication de la Belgique dans cet attentat;
Que la France avait été également désignée comme étant impliquée dans
cette opération;
Qu'en juin 1994, une journaliste belge avait mis en cause des militaires
français pour leur participation à l´attentat, se fondant sur un
document manuscrit dont elle avait été destinataire, dans lequel son
auteur s'accusait d'avoir, en compagnie de deux autres dirigeants du
parti de la "Coalition pour la Défense de la République (C.D.R.),
commandité l´attentat dont l´exécution avait été assurée par deux
militaires français en poste au Rwanda;
"Que dans le même article, il était également fait état de rumeurs qui
avaient circulé à l'étranger tout de suite après l´attentat, selon
lesquelles deux officiers de la Direction Générale de la Sécurité
Extérieure (D.G.S.E.) avaient été à l´origine du tir des missiles ;
Qu'en août 1994, une mystérieuse organisation nommée "International
Strategical and Tactical Organization" (I.S.T.O.) remettait à
l´ambassadeur du Rwanda au Canada un document intitulé "Résultats de
l'enquête sur l'assassinat des Présidents Cyprien NTARYAMIRA du Burundi
et Juvénal HABYARIMANA du Rwanda, le 6 avril 1994 - source: document de
la Central Intelligence Agency" révélant au gouvernement rwandais en exil,
l´implication et la participation du gouvernement français dans
l´attentat exécute par des officiers de la D.G.S.E.;
Que les investigations approfondies effectuées sur cette organisation
jusque la inconnue, ses activités présumées, ses prestations de service
vantées contre rémunération ont permis de conclure qu'elle était
constituée d'un groupe d'escrocs bien informés sur la situation
militaire et politique des Grands Lacs qui avaient notamment tiré parti
de l´annonce faite par la France de sa volonté d'intervenir au Rwanda
dans le cadre d'une opération humanitaire qui avait donné lieu le 16
juin 1994 à une protestation du "Front Patriotique Rwandais" (F.P.R.)
lequel avait déclaré que les troupes françaises seraient considérées
comme hostiles;
Que les activités des plus douteuses de cette prétendue organisation
Internationale d'origine anglo-saxonne, visant à des opérations
financières frauduleuses, doivent être également rapprochées
d'informations recueillies par deux sources différentiels, une belge,
l´autre britannique sur les deux missiles utilisées lors de l´attentat,
qui proviendraient de stocks saisis par l´armée française en 1991 lors
de la guerre centre l´Irak;
Que cette information présentée comme recoupée qui, comme pour
l´I.S.T.O., tendait à accréditer l´implication de la France dans
l´attentat du 6 avril 1994, devait être formellement démentie par les
investigations effectuées sur l'origine des missiles qui ont établi
qu'ils provenaient d'une livraison officielle d'armes par l´U.R.S.S. à
l´OUGANDA ;
Qu'il s'agit donc en l´espèce d'une désinformation pouvant avoir été
initiée ou facilitée par un service de renseignements étranger pour
discréditer la France dans un dessin politique en l´absence d'enquête
indépendante ; qu'il en est de même de l´intervention de l´I.S.T.O.,
dont les activités affichées laissaient présumer des liens avec la
C.I.A. et qui avait eu le même objectif dans une démarche mercantile
Que les investigations effectuées et les témoignages recueillis n'ont
donc pas permis d'établir la véracité de ces allégations désignant la
France comme étant à l'origine de l´attentat;
Attendu que devaient être également cités pour leur implication dans
l´attentat des membres du clan HABYARIMANA dit l' « Akazu » qui auraient
agi avec des "extrémistes Hutu" de la "Coalition pour la Défense de la
République et des militaires des "Forces Armées Rwandaises" (F.A.R) ;
Que rapidement, après l´attentat, une partie de la presse Internationale
avait désigné l'épouse du Président HABYARIMANA comme étant la
commanditaire de l´attentat pour le compte des membres de l"'Akazu"
fortement inquiets de voir le Chef de l´état accepter par faiblesse
l´application des Accords d'Arusha qui porterait atteinte à leurs intérêts ;
Que toutefois, l´analyse des faits qui avaient suivi l´attentat devait
démontrer que, dans la panique générale qui avait prévalu à tous les
niveaux des F.A.R., manifestement non préparées à la mort du Chef de
l´état et du Chef d'Etat-Major des Armées, les personnalités influentes
du régime et membres de l'"Akazu" s'étaient réfugiés dans les ambassades
occidentales ;
Que de même l´épouse du Président ainsi que sa famille avaient du être
évacuées sur la République Centre Africaine dès le 9 avril;
Que pour faire face à l´assassinat du Chef de l´état qui avait
désorganisé l´appareil gouvernemental et pris de court les F.A.R., dont
le Chef de l´état-major avait péri dans l´attentat, un comite de crise
compose de militaires était mis en place dans la nuit du 6 au 7 avril
1994, en présence du Commandant en chef des forces de la Minuar, le
Général Roméo DALLAIRE et de son adjoint, le Colonel belge Luc MARCHAL ;
Que le refus de placer les F.A.R. sous l´autorité de Madame le Premier
Ministre issue de l´opposition fut catégorique, cette dernière étant
considérée comme "pro-F.P.R.";
Que la constitution de ce comité de crise avait été interprétée par la
suite comme un coup d'état de la part des F.A.R. alors que le 9 avril
était mis en place un gouvernement intérimaire, sans participation du
F.P.R., le Président du Parlement, Théodore SINDIKIUBWABO étant nomme
Président de la République par intérim;
Que cette thèse s'est principalement développée à partir d'un article de
presse publie par le "Tribun du Peuplé, revue rwandaise proche du F.P.R.
qui avait fait état de ce que le Président HABYARIMANA avait été tué par
quatre militaires de sa garde, les éléments fournis à l´appui de cette
affirmation ayant été par la suite démentis par l´enquête, notamment sur
la base de témoignages de militaires de la Minuar ;
Qu'en outre, les membres du C.D.R. n'avaient aucune raison d'attenter à
la vie du Président HABYARIMANA;
Qu'en effet, si ces derniers dit "extrémistes" avaient dans un premier
temps rejeté les Accords d'Arusha du 4 août 1993, ils avaient réclamé et
obtenu début avril 1994, avec l´accord de la communauté internationale,
qu'un député issu de leurs rangs puisse siéger dans la future assemblé
nationale de transition ;
Qu'a cet égard, Enoch RUHIGIRA, ex-directeur de cabinet à la Présidence
rwandaise, devait évoquer les directives que lui avait données le
Président HABYARIMANA la veille de la tenue du sommet de DAR-ES-SALAAM
afin qu'il rencontre le 6 avril 1994 Madame Agathe UWILINGIYIMANA pour
définir les conditions de la présence d'un membre du C.D.R. sur la liste
des députés devant composer la future Assemble Nationale de transition ;
Que cette démarche politique avait été en revanche formellement
combattue par le F.P.R. qui avait considérée aux dires de Monsieur
Faustin TWAGIRAMUNGU, Premier Ministre du premier gouvernement d'union
nationale mis en place le 19 Juillet 1994, entendu par la Commission
Parlementaire belge que « l'introduction de la C.D.R. au Parlement
équivaudrait à une déclaration de guerre »
Que ce blocage entre le C.D.R. et le F.P.R. avait été aussi constate par
le Colonel belge Luc MARCHAL de la Minuar, rendant difficile Implication
des Accords d'Arusha;
Que s'agissant des F.A.R., il a pu être établi qu'elles étaient mal
équipées et peu entraînées au contraire de l´A.P.R. et que son armement
lourd était sous contro1e de la Minuar ;
Qu'au surplus, elles ne disposaient que de faibles moyens anti-aériens
et n'avaient pas de missile;
Qu'en revanche, les investigations entreprises ont établi que l´A.P.R.
disposait missiles sol-air de type SAM 14 et SAM 16 ;
Qu'ainsi l´ensemble des investigations notamment les témoignages
recueillis ont infirme 1'hypothèse attribuant la responsabilité de
l´attentat aux extrémistes hutu, lequel n'aurait profité ni à l'"Akazu",
ni au C.D.R., ni même aux F.A.R. convaincues de la nécessité de mettre
en application les Accords d'Arusha;
Attendu en revanche que les investigations diligentées sur la possible
implication du F.P.R. dans la planification de cet attentat et sa
réalisation ont permis d'étayer cette hypothèse et de déterminer les
circonstances dans
lesquelles il avait été réalisé" ;
Que les témoignages recueillis notamment auprès de Tutsi membres du
F.P.R. ou ayant appartenu à cette formation politique et d'anciens
militaires de l´A.P.R, certains même ayant fait partie de la garde
rapprochée de Paul KAGAME, les vérifications entreprises et les éléments
matériels recueillis, en particulier sur les missiles, ont établi que
Paul KAGAME, avec les membres de son Etat-Major, avait, après les
Accords d'Arusha d´août 1993, conçu cette opération qu'il devait
soigneusement planifier, et qu'il avait recrute les militaires charges
de sa mise en oeuvre et supervise son exécution ;
Qu'ainsi, ont pu être déterminées les circonstances dans lesquelles le
projet avait été conçu dans le contexte d'un scénario de conquête du
pouvoir que les Accords d'Arusha n'autorisaient pas, du moins à court
terme ; que de même a été identifiée la plupart des responsables du
F.P.R., tous proches de Paul KAGAME, ayant pris part à la définition du
projet criminel, à 1' organisation des moyens permettant sa réalisation
et son exécution le 6 avril 1994 alors que le Falcon 50 présidentiel
revenait tardivement du sommet de DAR-ES-SALAAM;
Attendu que les prémices de ce complot visant à l´élimination physique
du Président en exercice du Rwanda, remontent, d´après les éléments de
l´enquête, en 1991, date de l´ouverture au multipartisme ;
Que cette dernière permettait aux opposants politiques du Président
HABYARIMANA et de son parti unique le M.R.N.D. de sortir de la
clandestinité et de créer leur propre mouvement ;
Qu'a partir de 1992, les principaux partis d'opposition, le "Mouvement
Démocratique Républicain" (M.D.R.), le "Parti Libéral" (P.L.), le "Parti
-Démocratique Chrétien » (P.D.C.) et le "Parti Social
entraient au gouvernement en occupant le poste de Premier Ministre et
divers autres portefeuilles ministériels ;
Que des lors ces derniers, sous l´appellation "Forces Démocratiques pour
le Changement" (F.D.C.), organisèrent des pourparlers de paix avec le
F.P.R. qui depuis l´échec de son invasion militaire du ler octobre 1990,
avait cependant poursuivi ses incursions armées sur le territoire
rwandais, incursions qui avaient donne lieu en représailles à des
massacres de civils Tutsi ;
Que le 5 juin 1992, alors que les partis d'opposition rencontraient à
BRUXELLES, le Colonel Alexis KANYARENGWE, Président du F.P.R. et malgré
le cessez-le-feu signe le jour même, l´A.P.R. le rompait et s'emparait
de plusieurs localités au Rwanda ;
Que tirant parti de ses offensives armées, le F.P.R. cherchait à imposer
son leadership et sa stratégie aux partis d'opposition qui étaient ses
allies politiques, leur enjoignant de cautionner ses opérations militaires ;
Que toutefois des divergences se faisaient jour au sein de l´appareil
dirigeant des F.D.C., son Président Faustin TWAGIRAMUNGU suivant les
consignes du F.P.R. alors que d'autres membres de la direction
apportaient leur soutien au Président HABYARIMANA;
Qu'en septembre 1992, une nouvelle rencontre secrète était organisée à
BRUXELLES entre les partis des F.D.C. et Paul KAGAME et que le 5 janvier
1993, un protocole d'accord précisait la répartition des portefeuilles
du futur gouvernement de transition à base élargie (G.T.B.E.), 5 pour le
F.P.R., 5 pour le M.R.N.D., 4 pour le M.D.R., 3 pour le P.S.D., 3 pour
le P.L. et 1 pour le P.D.C.;
Que toutefois en février 1993, suite à une offensive Généralisée du
F.P.R. en réponse aux troubles ethnico politiques de janvier 1993, les
partis d'opposition réunis au sein des "Forces Démocratiques pour le
Changement" connaissaient de nouvelles divergences de vue et leurs
dissidents apportaient leur soutien à la mouvance présidentielle;
Que dans ce contexte de tensions ethniques et politiques sur fond de
conquête du pouvoir, étaient signes en août 1993 les Accords d'Arusha
devant offrir un règlement politique & la crise rwandaise ;
Que ces Accords prévoyaient la constitution, sous la protection des
Nations Unies d'un Etat de droit sous la responsabilité d'un
gouvernement de transition à base élargie (G.T.B.E.) pour une période
maximale de 22 mois à l´issue de laquelle devaient se tenir les
élections nationales en vue de la mise en place d'une Assemblée
Nationale de transition et être organisé le retour des réfugiés et la
création d'une nouvelle armée nationale, dont, pour les hommes de
troupes, 60 % seraient issus des F.A.R. et 40 % de l´A.P.R. et, pour les
officiers une proportion à part égale, le poste de Chef d'Etat-Major
ETANT attribué aux F.A.R. et celui de la Gendarmerie à l´A.P.R.;
Qu'au vu des informations et éléments d'enquête recueillis, il s'est
avéré que pour Paul KAGAME, 1 'élimination physique du Président
HABYARIMANA s'était imposée à partir du mois d'octobre 1993, comme 1
'unique moyen de parvenir à ses fins politiques ;
Qu'en effet, le rapport de force politique en grande partie du à
l'infériorité numérique de l´électorat Tutsi ne lui permettait pas sans
le soutien des partis de l´opposition de gagner les élections sur la
base du processus politique élaboré par les Accords d' Arusha ;
Que le refus de Paul KAGAME, d'appliquer les Accords d' Arusha résulte
de nombreux témoignages convergents d'acteurs politiques de la scène
rwandaise et internationale ;
Que Christophe HAKIZABERA qui, après le coup d´état du Général Juvénal
HABYARIMANA, avait rejoint les rangs du F.P.R. des 1990, organisation
qu'il avait quittée en 1995 de crainte d´être éliminé physiquement comme
le serait d'autres dignitaires du régime tels Theoneste LIZINDE et Seth
SENDASHONGA, rapportait, lors de son audition du 06 septembre 2000 à
Milan, que Paul KAGAME, à la suite des Accords d' Arusha du 4 août 1993
avait déclaré à ses partisans, que le F.P.R. n'avait jamais voulu ou
réclame des négociations mais qu'ils "avaient décidé déjouer le jeu" et
qu'il ne fallait pas croire aux négociations et use tenir prêts car le
combat serait dur" ;
Que confirmant les termes d'une lettre qu'il avait adressée à 1'
Organisation des Nations Unies en août 1999, il faisait état de ce que
Paul KAGAME, devant l'échec du F.P.R. de réunir autour de lui un front
commun centre le Président HABYARIMANA avait alors « élaboré un plan
macabre qui devait conduire le pays dans le chaos : la mort du Président
HABYARIMANA., considéré comme un obstacle majeur à la prise du pouvoir
par la force »
Qu'il rapportait, en outre, que lors d'une réunion politique tenue en
Ouganda après les Accords d' Arusha du 4 août 1993, Paul KAGAME avait
fait savoir à ses partisans que les négociations servaient à gagner du
temps aussi bien sur le plan militaire que pour neutraliser les petits
partis et tromper la population sur ses véritables intentions ;
Que les déclarations de Christophe HAKIZABERA étaient corroborées par
celles de Jean-Pierre MUGABE, autre dissident du F.P.R. qui avait
appartenu à la "Directorate Military Intelligence (D.M.I) ", service de
renseignement de l'Armée Populaire Rwandaise (A.P.R.) ;
Qu'entendu le 13 mars 2001, dans le cadre de la présente procédure, il
déclarait que "l´élimination du Président rwandais (avait) été une
stratégie développe par le FPR car malgré les accords qui pouvaient lui
être favorables, la perspective des élections à venir dans les vingt
deux mois ne pouvait lui apporter la victoire en tant que parti ...
minoritaire et que "malgré les accords, Paul KAGAME (avait) continue à
rencontrer ses troupes sur le terrain en leur demandant de ne pas croire
aux accords et se tenir prêt à reprendre le combat » ;
Que Jean BARAHINYURA, ancien membre du F.P.R. dont il était devenu en
1990 membre du comite exécutif et commissaire à la documentation, avant
de quitter le mouvement en 1991, confirmait à son tour cette stratégie
de Paul KAGAME;
Qu'entendu le 30 octobre 2002, il mentionnait qu'avec d'autres
responsables du F.P.R. ou proches de son "noyau dur", il avait eu
personnellement connaissance en 1990 de certains renseignements
confidentiels - des secrets de l´organisation - dont "le plus important
consistait déjà à cette époque a envisagé l´élimination du Président
HABYARIMANA" et qu'ayant appris par la suite que ce projet d´élimination
prenait de la consistance, il avait pris le parti de quitter le mouvement;
Que cette stratégie secrètement élabore par le F.P.R. trouvait pour
partie sa justification dans l´analyse de la situation politique en 1993
peu favorable aux visées hégémoniques de Paul KAGAME ;
Qu'en effet, l´assassinat le 23 octobre 1993 au Burundi par les
officiers de l´armée d'origine Tutsi de Monsieur Melchior NDADAYE,
premier Président Hutu démocratiquement élu le ler juin 1993, avait
entraîné le massacre de nombreux Tutsi et en répression celui de Hutu
par armée burundaise ;
Que devant les tueries au Burundi, des partis d'opposition encore allies
du F.P.R. étaient davantage déchirés entraînant de nouvelles scissions
internes, privant pratiquement le F.P.R. d'obtenir la majorité lors des
élections prévues
par les Accords d'Arusha;
Que cette analyse de la situation par le F.P.R. a été confirmée par
Monsieur Bernard DEBRE, ancien Ministre de la Coopération, qui lors de
sa déposition le 2 juin 1998, devant la Commission Parlementaire, a fait
Etat de propos tenus par les représentants du F.P.R. qu'il avait
rencontrés fin janvier 1994 à KIGALI lesquels lui avaient confié "nous
ne pouvons pas attendre les élections, nous allons les perdre, nous
prendrons le pouvoir avant, dans le sang s´il le faut ;
Que les autorités américaines devaient également partager cette
appréciation de la situation et des intentions du F.P.R.;
Que lors de son témoignage devant la Commission d´enquête française le 7
juillet 1998, Monsieur Hermann COHEN, Conseiller pour les affaires
africaines du Secrétaire d'Etat américain aux Affaires Etrangères
d'avril 1989 à avril 1993, faisait Etat de ce que le Premier Ministre et
le Ministre des Affaires Etrangères rwandais, qui Etaient des
responsables de l´opposition, lui avaient fait part lors d'une rencontre
à KIGALI les 10 et 11 mai 1992, de ce qu'il "étaient opposes à la
perspective de négociations avec le F.P.R. car Us en avaient peur";
Qu'il mentionnait en outre que les Etats-Unis avaient envoyé un
observateur aux négociations d'Arusha et que la C.I.A. avait fait une
analyse fin 1992, selon laquelle il serait impossible d'appliquer les
accords ;
Que cette analyse de la C.I.A., telle qu'évoquée par Monsieur Hermann
COHEN, a été confirmée par un autre télégramme de la C.I.A. donnant un
éclairage de la stratégie suivie par le F.P.R, lequel, selon
l'informateur de l´agence - un fonctionnaire important du F.P.R. - avait
afficha sa volonté formelle de négocier pour mieux dissimuler
l´activisme de l´A.P.R., chargée de conquérir le pouvoir par la force ;
Attendu que les premiers éléments dénonçant le F.P.R. comme étant à.
l´origine de l´attentat du 6 avril 1994, avaient été recueillis en
février 1997 par les enquêteurs des Nations Unies en poste à KIGALI,
dépendant du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (T.P.I.R.) et
agissant sous l'autorité' de son Procureur Général, Madame Louise HARBOUR ;
Que l´existence de cette piste explorée par le T.P.I.R. devait être
révélée par un article paru le ler mars 2000 dans le journal canadien
anglophone "National Post", citant un rapport du ler août 1997 établi
par un des enquêteurs du T.P.I.R. qui faisait état d'une unité du F.P.R.
appelée "network" ayant participe à l´assassinat du Président HABYARIMANA ;
Que le 27 mars 2000, le service juridique des Nations Unies admettait
l´existence de ce rapport qu'il avait transmis à Madame la Présidente du
T.P.I.R. à ARUSHA;
Qu'une commission rogatoire internationale était délivrée le 23 mai 2000
aux autorités compétentes du T.P.I.R., sollicitant la remise d'une copie
de ce rapport et du "mémorandum interné qui avait été remis à Madame
Louise HARBOUR;
Que cependant, Madame Navanethem PILAY, Présidente du Tribunal faisait
Présidente en réponse à cette demande d'entraide judiciaire que bien que
détenant le document en question, elle Etait dans l'impossibilité de
répondre favorablement à la demande française ;
Que toutefois, le 31 août 2000, le Parquet de Paris communiquait, sur
instruction du Ministre de la Justice, une copie du dit rapport qui a
été joint à la présente procédure en vue de son exploitation;
Que les documents ainsi transmis par le Parquet de Paris étaient
authentifiés par Monsieur Michael HOURIGAN, ancien Procureur australien
et Avocat à Atlanta (Etats-Unis) lors de son audition à Paris le 29
décembre 2000 ;
Qu'il déclarait avoir été responsable d'avril 1996 à mai 1997 d'un
groupe d´enquêteurs des Nations Unies au sein du T.P.I.R. à KIGALI,
dénommé "équipe nationale avant de travailler à la section Enquête "du
bureau des services internes d'inadvertance (O.I.O.S.) des Nations Unies
^New York de juillet 1997 à janvier 1998 ;
Que concernant sa mission pour le compte du T.P.I.R., Michael HOURIGAN
relatait que les enquêteurs de son service, autorises par leur
hiérarchie à enquêter sur l´attentat alors considéré comme entrant dans
le champ de compétence du Tribunal, n'avaient jamais recueilli de
renseignements tangibles sur l´implication des Extrémistes Hutu mais
qu'ils avaient été attraits, en revanche, sur la piste mettant en cause
le F.P.R.;
Qu'il mentionnait à cet égard qu'un des enquêteurs de son équipe avait
été contacté par un officier supérieur de I'A.P.R. qui lui avait révélé
que Paul KAGAME ainsi que d'autres hauts responsables de I'A.P.R.
étaient impliques dans l´attentat et qu'ils avaient recrute un autre
informateur qui était également en mesure de corroborer ces informations
et de permettre l'identification d'un des deux tireurs, un militaire de
l´A.P.R.;
Qu'il ajoutait avoir eu personnellement à la même époque, un contact
avec un ancien gendarme de l´A.P.R. qui avait prétendu avoir été membre
d'une cellule dirigée par Paul KAGAME appelée "network", responsable de
meurtres et d'exactions violentes;
Que toujours selon Michael HOURIGAN, le traitement de ces sources, au
demeurant prêtes à témoigner, avait été provisoirement mise en sommeil
dans l´attente d'une réponse de la hiérarchie du T.P.I.R. concernant
leur protection ainsi qu'en raison de considérations sécuritaires, les
enquêteurs étant menaces ouvertement par les responsables du F.P.R. qui
n'avaient pas accepté les méthodes et la stratégie du Tribunal;
Que Michael HOURIGAN mentionnait en outre avoir obtenu de sa hiérarchie
l´autorisation de maintenir les contacts avec ses informateurs et de
poursuivre l´enquête avec mission d'en informer directement à La Haye
Madame Louise HARBOUR;
Que depuis une ligne sécurisée de l´ambassade des Etats-Unis à Kigali,
il avait eu, aux alentours du 07 mars 1997, une conversation
téléphonique avec Madame Louise HARBOUR et qu'au cours de cet échange,
cette dernière lui avait fait part qu'elle avait recueilli, par d'autres
canaux, des renseignements recoupant les siens et qu'a aucun moment elle
ne lui avait dit que l´enquête concernant l´attentat n'entrait pas dans
le mandat du T.P.I.R;
Qu'il relatait également qu´après cet entretien, il avait rencontré à
Kigali Mickael HALL, responsable adjoint de la Sécurité aux Nations
Unies, venu en Mission à la demande du nouveau Secrétaire Général aux
Nations Unies, Monsieur Kofi ANNAN, pour effectuer sur place une
évaluation des menaces pesant sur les fonctionnaires de 1 'O.N.U;
Qu'aux dires de Michael HOURIGAN, Michael HALL, qui avait rencontré à New
York Madame Louise HARBOUR et qui avait été informé des éléments
concernant l´implication de Paul KAGAME et du F.P.R dans l´attentat, lui
avait fait part de ce qu'il avait reçu des ordres du Secrétaire Général
des Nations Unies afin qu'il rencontre sans délai Madame HARBOUR à La
Haye et de veiller à ce qu'il ne laisse aucune trace à KIGALI des
rapports concernant l´attentat;
Que vingt-quatre heures ou quarante-huit heures avant son départ, il
avait enregistre sur disquette informatique " un mémorandum interne "
contenant toutes les informations en sa possession et l´avait remise à
Michael HALL pour
pouvoir passer sans encombres les divers contrôles de l´aéroport de
KIGALI, les enquêteurs du T.P.I.R, bien que détenteurs de passeports
diplomatiques étant fouillés de temps à autres par les fonctionnaires de
l´immigration rwandais;
Que Michael HOURIGAN ajoutait que s'étant rendu à La Haye quelques jours
plus tard, Madame HARBOUR, sans explication et en contradiction avec les
instructions données antérieurement, l´avait ouvertement et fermement
critiqué ainsi que les enquêteurs de son groupe pour avoir conduit des
investigations sur cet attentat qui, selon elle, n'était pas de la
compétence du T.P.I.R et que, sur ses instructions comminatoires, les
contacts avec les informateurs avaient été rompus;
Que ces faits étaient également confirmés par un second enquêteur des
Nations Unies, Monsieur James LYONS ;
Qu'entendu également à Paris, en qualité de témoin, il mentionnait avoir
occupé des fonctions de superviseur et d'agent spécial du F.B.I., chargé
du contrôle d'une unité anti-terroriste à New York, avant d'assumer le
commandement des groupes d´enquête du T.P.I.R. sous la responsabilité de
Monsieur Alphonse BREAU et du Procureur-Adjoint, Honoré REKATOMANANA;
Qu'il confirmait que des la création du "groupe d´enquête nationale en
avril 1996, il avait été admis par Madame HARBOUR et Monsieur
REKATOMANANA, qu'aux termes de l´article 4 du Statut du T.P.I.R.,
l´attentat centre l'avion présidentiel entrait dans leurs missions ;
Que concernant les faits relatés par Michael HOURIGAN, il les confirmait
en les complétant;
Qu'ainsi, il déclarait que fin 1997, l´équipe de Michael HOURIGAN était
entrée en relation avec trois informateurs "proches du F.P.R. qui ont
clairement indique que l 'attentat centre l'avion du Président
HABYARIMANA était le fait du F.P.R. ", précisant que deux des
informateurs leur avait été présentés comme des membres des services de
renseignements ayant travaillé pour Paul KAGAME au sein d'un réseau
charge de conduire des opérations secrètes et qu'ils avaient de ce fait
en leur possession des informations précises sur l´attentat;
Qu'il ajoutait que le groupe d´enquêteurs avait également reçu un
renseignement selon lequel, le soir du 6 avril 1994, avait été
intercepte un message radio du F.P.R. annonçant que "la cible avait été
atteinte ;
Que par ailleurs, James LYONS corroborait les autres déclarations de
Michael HOURIGAN sur le brutal changement d'attitude de Madame Louise
HARBOUR et la rupture des contacts avec les informateurs ;
Attendu que Madame HARBOUR n'a pas souhaite être entendue ;
Que concernant le mémorandum interne intitule " secret Enquête de
l´équipe nationale, une copie a été remise aux enquêteurs par Michael
HOURIGAN à l´issue de son audition ;
Que son exploitation à corrobore ses déclarations sur le travail de
renseignement effectue par les enquêteurs de son équipe, et en
particulier, le traitement des trois sources qui désignaient l´A.P.R. -
au travers du Network -comme responsables de l´attentat du 06 avril 1994;
Qu'il convient également d'observer qu'avant même que les enquêteurs
n'entrent en possession de ces renseignements, le professeur belge Filip
REYNTJENS avait été rendu destinataire en novembre 1995, d'une
correspondance rédigée par Monsieur Sixbert MUSANGAMFURA, ancien chef du
"Service Central des Renseignements" (S.C.R.) du gouvernement mis en
place par le F.P.R.; que celui-ci, alors en exil à Nairobi (Kenya),
faisait état qu´après la prise du pouvoir en juillet 1994, ses fonctions
lui avaient permis de faire une discrète enquête qui avait démontré que
contrairement à ce qui avait été suggère, les F.A.R. étaient pas
impliquées dans l´attentat, mais que celui-ci avait été perpétré par
l´A.P.R. ; que Sixbert MUSANGAMFURA ajoutait qu'en raison des risques
physiques qu'il encourait, tant qu'il serait en exil en Afrique, il
avait demandé au professeur Filip REYNTJENS de ne pas rendre publique
cette information;
Attendu que la poursuite de l'information devait conforter le bien
fonde de cet axe d´enquête initiée par le T.P.I.R.;
Que le recueil des dépositions d'anciens membres du F.P.R. ou de l'A.P.R.
ayant quitte l´organisation et vivant en exil a conforté son implication
dans l´attentat centre l´avion présidentiel et permis d'identifier ses
principaux acteurs;
Attendu qu'Abdul RUZIBIZA, ancien officier de l´A.P.R., entendu le 3
juillet 2003, confirmait l´existence du "network commando", auquel il
avait été affecte en février 1993 et dont la mission était de procéder à
des enlèvements, des attentats et des assassinats de personnalités
politiques en désaccord avec le F.P.R. ainsi qu'a des repérages et des
infiltrations pour la reprise des combats;
Que concernant l´attentat du 6 avril 1994, il relatait qu'en février
1994, il faisait partie d'une unité qui avait été infiltrée à Kigali et
dont la mission était la reconnaissance du secteur Masaka-Kanombe,
précisant qu'il avait pour supérieur le Capitaine Hubert KAMUGISHA, lui
même en relation avec le Capitaine Charles KARAMBA, officier du D.M.I,
alors affecte au C.N.D. à Kigali et que le groupe auquel il appartenait
était composé du Sous-Lieutenant NGOMANZIZA et des Sergents Jean Bosco
NDAYISABA et Emmanuel RUZIGANA;
Qu'aux dires d'Abdul RUZIBIZA, à la fin du mois de mars 1994, il avait
été informe par le Sergent Aloys RUYENZI, en poste au Haut Commandement
sous les ordres du Colonel James KABAREBE, que lors d'une réunion tenue
à Mulindi, à laquelle avaient participe outre le Général Paul KAGAME,
les officiers Faustin NYANWASA KAYUMBA, James KABAREBE, Jacob TUMWINE,
Charles KARAMBA et Theoneste LIZINDE, avait été donne l´ordre d'abattre
l´avion du Président HABYARIMANA ;
Qu'il ajoutait que début avril, le Capitaine Hubert KAMUGISHA avait
demande au groupe charge de la surveillance du secteur de Masaka-Kanombe
de se tenir prêt car l´ordre avait été donné de passer à l´action à la
première occasion;
Que le 6 avril, il avait été témoin de ce que le groupe composé de Jean
Bosco NDAYISABA, Emmanuel RUZIGANA et NGQMANZIZA, avait reçu par radio
l´ordre de rejoindre la maison de Jean Marie HUNYANKINDI, relation de
Paul KAGAME, située dans le secteur de Masaka-Kanombe ;
Qu'ils étaient ensuite déployés afin d'assurer la sécurité de l´équipe
chargée de tirer les missiles sol-air lors de l´approche de l´avion
alors que l´équipe de tir composée du Sous-Lieutenant Franck NZIZA, du
Caporal Eric HAKIZIMANA et du Soldat Patiano NTAMBARA charge, pour sa
part, d'assurer leur protection rapprochée, avait été conduite depuis le
"Conseil National pour le Développement" (C.N.D.) à Masaka par le
Sergent Didier MAZIMPAKA à bord d'une camionnette de marque Toyota dans
laquelle
étaient dissimulés les deux lance-missiles ;
Que concernant ces derniers, Abdul RUZIBIZA précisait avoir appris alors
qu'il était au quartier Général à Mulindi que des missiles sol-air,
venus début janvier 1994 de l´arsenal ougandais, avaient été introduits
à Kigali au "Conseil National pour le Développement" (C.N.D.) à bord
d'un camion Mercedes, dissimules sous du bois de chauffage ; qu'il
ajoutait qu'il avait entendu parler de la formation en Ouganda en
janvier 1993 de militaires de l´A.P.R. dont les Soldats Eric HAKIZIMANA,
Stevens TWAGIRA et Andrews NYAVUMB A, tous membres de la "Section
Missiles" placée sous le commandement du Lieutenant Alphonse KAYUMBA et
de son adjoint le Lieutenant Franck NZIZA ;
Qu'il précisait en outre, concernant la phase ultime de l´opération que,
connaissant l´heure approximative d'arrivée du vol et identifiant le
Falcon 50 à son bruit caractéristique, Eric HAKIZIMANA avait tiré un
premier missile mais avait rate la cible et que ce fut le second missile
tiré par Franck NZIZA qui avait atteint l´appareil provoquant son
explosion en vol, ajoutant qu'à l´issue de l´opération, l´équipe s'était
enfuie, abandonnant sur place les deux tubes lance-missiles ;
Que par la suite, Abdul RUZIBIZA avait appris que vers 17 heures 30, le
Lieutenant-Colonel Charles KAYONGA avait reçu un appel de Paul KAGAME
l´avertissant que l´avion du Président allait revenir et qu'il ne
fallait pas rater l´opération et qu'au moment de l´attentat, Charles
KAYONGA qui s'était posté au dernier étage de l´immeuble du C.N.D. avait
assisté à l´explosion de l'appareil ;
Que Paul KAGAME, informé du succès de L´opération par le
Lieutenant-Colonel James KABAREBE, avait peu après donné l´ordre de
marche aux unités de l´A.P.R. ;
Que toujours selon Abdul RUZIBIZA, une première tentative de destruction
Du Falcon 50 avait été envisagé la veille alors que l´avion présidentiel
revenait du Zaïre mais que l'opération avait été annulée par manque
d´information ;
Qu'un autre témoin également entendu dans le cadre de cette procédure
confirmait à son tour l´existence de ce "network commando" et son
implication dans l´attentat du 6 avril 1994 ;
Attendu que Emmanuel RUZIGANA, ancien Sergent de l´A.P.R., entendu le 29
mars 2004, déclarait avoir été affecté en mars 1994 au "network
commando" créé en 1993 par James KABAREBE et qu'il dirigeait, sous la
Couverture de chauffeur de taxi, un groupe de six militaires sous les
ordres du Capitaine Hubert KAMUGISHA, lequel devait l´informer deux
semaines avant l´attentat du projet d'abattre l´avion présidentiel;
Qu'il mentionnait que le 2 avril, après avoir dans les jours précédents
procédé à une première reconnaissance du site, avoir conduit à bord de
son taxi à Masaka au lieu-dit "la ferme le Lieutenant-Colonel KAYONGA et
le Capitaine Hubert KAMUGISHA, venus, à leur tour, reconnaître le site
du tir;
Qu'il faisait en outre état de ce que le 6 avril, alors qu'il était à
Masaka avec son groupe, il avait vu arriver la camionnette conduite par
le Sergent Didier MAZIMPAKA avec à son bord le Sous-Lieutenant Franck
NZIZA, Jean Bosco NDAYISABA, Eric HAKIZIMANA et Patiano NTAMBARA ;
Qu'il devait pas ailleurs entendre sur son poste émetteur-récepteur le
Lieutenant Charles KAYONGA annoncer à Franck NZIZA que l´avion qui
allait arriver était bien celui du Président HABYARIMANA et qu'il devait
"faire le travail", ajoutant qu´après l´attentat, il avait récupéré les
membres de son groupe et rejoint le C.N.D.;
Que RUZIGANA qui n'avait pas été au contact direct des tireurs,
précisait que c'était plus tard qu'il avait appris que Franck NZIZA et
également Eric HAKIZIMANA avaient abattu l´avion;
Qu'il confirmait en outre les déclarations de RUZIBIZA, sur une première
tentative d'attentat le 5 avril, qui avait été" reportée ;
Attendu par ailleurs qu'Aloys RUYENZI, cité par Abdul RUZIBIZA comme
ayant appartenu au "network commando" et qui avait assisté à ce titre à
une réunion tenue fin mars 1994 à Mulindi en la présence du Général Paul
KAGAME au cours de laquelle l´ordre d'abattre l´avion présidentiel avait
été" donné, devait confirmer ce témoignage ;
Qu'entendu à Paris le 25 mars 2004, Aloys RUYENZI relatait qu´étant
affecté à la protection rapprochée de Paul KAGAME, il s'était trouvé le
31 mars 1994 dans la salle de réunion du quartier Général de Mulindi où
ce dernier avait réuni les officiers James KABAREBE, Jacob TUMWINE,
Charles KARAMBA, KAYUMBA NYAMWASA et Theoneste LIZINDE ; que selon ses
explications, cette réunion avait pour but de planifier de manière
opérationnelle l´élimination du Président HABYARIMANA ;
Qu'il précisait que Paul KAGAME avait alors déclaré : "dès que le
Président HABYARIMANA quitte la réunion d'ARUSHA et que son avion est en
approche vous tirez dessus, la guerre ne se terminera pas si le
Président HABYARIMANA n'est pas mort;
Que Aloys RUYENZI mentionnait également avoir assisté à la remise de
deux missiles à quatre militaires qui les avaient chargés dans un
véhicule faisant partie d'un convoi escorté par la MINUAR à destination
du C.N.D. à Kigali;
Qu'il ajoutait qu´à bord de ce véhicule, avaient pris place le
Sous-Lieutenant Franck NZIZA et le Caporal Eric HAKIZAMANA, lesquels lui
avaient confié à la fin de la guerre avoir participé à l´attentat, Eric
HAKIZAMANA ayant tiré un premier missile qui n'avait pas atteint sa
cible, Franck NZIZA ayant en revanche détruit l´avion par un tir réussi;
Que le témoignage de RUYENZI renvoie à ceux d'Abdul RUZIBIZA et
d'Emmanuel RUZIGANA et aux dépositions de témoins oculaires de
l´attentat, les militaires belges Mathieu GERLACHE et Pascal VOITURON de
la MINUAR, Jean-Luc HABYARIMANA et Jeanne HABYARIMANA, respectivement
fils et soeur du Président ainsi qu'aux déclarations du Colonel belge Luc
MARCHAL et de son adjoint le Lieutenant-Colonel André LEROY, membres de
la " MINUAR" sur les transports clandestins d'armes du F.P.R.;
Que Luc MARCHAL, lors de sa déposition du 7 mars 1997 devant la
Commission Parlementaire belge, avait mentionné qu'il avait été toujours
persuade que le F.P.R. prenait prétexte d'aller chercher du bois de
chauffage dans le Nord pour convoyer des armes ;
Qu'il précisait en outre, lors de son témoignage recueilli le 19 juillet
2002 à Bruxelles, avoir été informé que des éléments du F.P.R.
quittaient clandestinement la nuit leur cantonnement du C.N.D. et que le
F.P.R. avait refusé aux membres de la Minuar et aux observateurs de
l´O.N.U. d'assister au chargement des véhicules permettant ainsi
l'acheminement clandestin d'armes à Kigali;
Que cette appréciation était également partagée par le
Lieutenant-Colonel André LEROY, également entendu par la Commission
Parlementaire belge ;
Qu'en outre, le Sergent Dimitri PAUWELS, militaire belge affecté à la
Minuar, entendu le 8 juillet 2002 à Bruxelles en exécution d'une
commission rogatoire Internationale, mentionnait que quelques jours
avant l´attentat, alors qu'il escortait un convoi de véhicules du F.P.R.
au départ de Mulindi pour le C.N.D. à Kigali, II avait constaté que de
nombreux véhicules non prévus initialement transportant entre 200 et 300
personnes armées en civil et en uniforme étaient glisses dans le convoi;
Que ces faits rapportes par ces militaires belges confirment les
déclarations des anciens membres de l´A.P.R., témoins du transport des
missiles de Mulindi au C.N.D. à Kigali et des différents témoignages
obtenus par ailleurs concernant le renforcement permanent des effectifs
du F.P.R. à Kigali en vue de la reprise des hostilités avec les forces
gouvernementales rwandaises après l´attentat;
Attendu, par ailleurs, que les témoignages de deux anciens militaires de
l´A.P.R. Tutsi anglophones, affectes à la protection rapprochée de
KAGAME, qui avaient assiste à Mulindi aux préparatifs de l´attentat ont
apporté une nouvelle confirmation des déclarations précitées d'Abdul
RUZIBIZA, d'Emmanuel RUZIGANA et d'Aloys RUYENZI sur l´implication du
F.P.R. et en premier lieu de celle de Paul KAGAME dans cet attentat;
Attendu que Innocent MARARA, entendu à Paris le 03 septembre 2001, après
avoir fui le Rwanda ou il se sentait menacé, déclarait avoir demeuré
jusqu'en février 2001 à la résidence "Urugwiro" du Président Paul KAGAME
après avoir rejoint l´A.P.R. en 1991 ;
Qu'il expliquait qu'en raison de son appartenance à l´ethnie Tutsi, né à
l'extérieur du Rwanda et anglophone, il avait été. sélectionné pour être
affecté en 1992 à l´escorté de protection de Paul KAGAME et cantonné au
quartier Général du F.P.R. à Mulindi;
Qu'il relatait qu´à ce titre il avait été témoin au quartier général à
Mulindi de trois réunions au cours desquelles avait été envisagée puis
arrêtée la décision d'assassiner le Président HABYARIMANA ;
Que lors de la première de ces trois réunions, qu'il situait un mois
après les Accords d'Arusha du 4 août 1993, au cours de laquelle la
majorité des officiers présents avaient manifesté leur mécontentement
estimant que l´application des Accords allaient leur être défavorables,
le Colonel Stevens NDUGUTE, responsable à l´époque des opérations,
avaient suggéré d'éliminer le Président HABYARIMANA et que tous les
officiers présents avaient adhéré à cette -proposition sans qu'aucun
plan n'ait été élaboré à ce stade ;
étaient présents ce jour-la outre le général Paul KAGAME, James
KABAREBE, Charles KAYONGA, Stevens NDUGUTE, William BAGIRE, Samuel
KANYEMERA dit Sam Kaka, MUSITU, NYAMWASA KAYUMBA, NGOGA, Dodo TWAHIRWA
et Jack NZIZA ;
Qu'il ajoutait être reste une heure environ à l´intérieur de la salle ou
se tenait la réunion et qu'il avait personnellement entendu Paul KAGAME
expliquer aux officiers les raisons de la réunion et publiquement posé
le problème des méthodes pouvant être employées pour éliminer le Président
HABYARIMANA;
Que concernant la deuxième réunion qui étaient tenue, selon Innocent
MARARA, dans un temps assez rapproché de la première avant la fin de
l´année 1993, alors qu'il assurait la sécurité à l´extérieur du
bâtiment, il avait entendu par les claires-voies des fenêtres de la
salle de réunion Paul KAGAME demander à James KABAREBE d'expliquer à
l´assemblée le plan retenu pour l´assassinat;
Que ce dernier avait alors exposé qu'il avait sélectionné des hommes de
confiance de son unité pour commettre un attentat, qu'il avait entendu
prononcer le mot "missile et que James KABAREBE avait cité pour cette
mission les noms du Sous-Lieutenant Franck NZIZA, membre du groupe
"missiles", du Caporal Bosco NDAYISABA et du Sergent Didier, identifié
comme étant MAZIPANKA;
Qu'en relation avec cette observation, MARARA mentionnait que quelques
semaines plus tard, le Soldat Nyacazundi MUTAYEGA, chargé de la sécurité
de Franck NZIZA, lui avait montré deux missiles entreposes sous un
matelas ou une bâche dans une des maisons du quartier Général de Mulindi;
Que concernant la troisième réunion tenue en janvier ou février 1994,
MARARA déclarait qu'elle s'était tenue au même endroit que les deux
précédentes mais avec un nombre plus restreint de participants : Paul
KAGAME, Faustin NYAMWASA KAYUMBA, Sam KAKA, James KABAREBE, Jack NZIZA
et Stevens NDUGUTE ;
Qu'il mentionnait qu'il se trouvait alors en protection à l´extérieur du
bâtiment et que les autres membres du groupe de sécurité lui avaient
rapporté que la décision de réaliser un attentat avait été arrêtée mais
sans en connaitre les détails ;
Que par ailleurs, aux dires de Innocent MARARA, il avait, fin 1994 ou
début -1995, conduit le Sous-Lieutenant Franck NZIZA à Masaka ou ce
dernier' possédait une habitation et qu'en cours de route, cet officier
lui avait confié, sachant qu'il pouvait lui faire confiance en raison de
son appartenance au groupe de protection de Paul KAGAME, qu'il avait
participé à l´attentat, lui précisant même que comme le premier missile
n'avait pas atteint l´avion, c'est lui qui l´avait touché avec un second
missile ;
Qu´à cet égard, Franck NZIZA lui avait désigné le lieu où le soir du 6
avril 1994, en compagnie de Jean-Bosco NDAYISABA, il avait tiré sur
l´avion présidentiel ajoutant qu'ils avaient été conduits en véhicule à
Masaka par le Sergent Didier MAZIMPAKA;
Que concernant l´implication de militaires du Haut Commandement dans
l´attentat, Innocent MARARA rapportait également - événement dont il
avait été personnellement témoin - qu'en octobre 2000, il avait escorté
Paul KAGAME et d'autres officiers à MATIMBA, commune de KAGITUMBA, pour
la célébration du dixième anniversaire de l´attaque de l´A.P.R. du ler
octobre 1990 et qu'au cours de la cérémonie, un groupe de chanteurs
avait entonne un hymne en 1'honneur d'un militaire de l´A.P.R.,
originaire de MATIMBA, promu Capitaine pour sa participation à
l´assassinat de "KINANI" (surnom du Président HABYARIMANA), hymne
interrompu par les services de sécurité de Paul KAGAME, lorsque le nom
de Franck NZIZA fut prononcé ;
Que cet épisode était confirmé par Brenda TWINOMUJUNI ASIIMWE, soeur
d'Innocent MARARA, qui avait également assisté à cette cérémonie,
financée par son employeur, l´O.N.G. "Fonds de développement communautaire ;
Que cette promotion de Franck NZIZA devait être également rapportée par
Evariste MUSONI, lequel mentionnait qu'en dehors de NZIZA, deux autres
militaires du Haut Commandement, Bosco NDAYISABA et Didier MAZIMPAKA,
ayant participé à l´attentat, avaient bénéficié de la même promotion ;
Qu'entendu à Paris le 04 septembre 2001, comme le Soldat Innocent MARARA
qui appartenait à la même unité", il déclarait qu'en février ou mars
1994, à Mulindi, alors qu'il assurait la Sécurité extérieure d'un
bâtiment ou étaient réunis les officiers du Haut Commandement, il avait
été chargé par la Capitaine Tom BYABAGAMBA d'aller chercher un poste
radio émetteur auprès de l'ordonnance de Paul KAGAME et qu'en pénétrant
dans la salle de réunion pour remettre l´appareil à KAGAME, il avait
entendu un officier dire : "si l 'avion est abattu on peut arriver à
notre objectif » sans pouvoir identifier celui-ci ;
Qu'en revanche, en ressortant, il avait vu et entendu le Colonel Faustin
NYAMWASA KAYUMBA prononcer : « qu´il n´y avait pas d´autre façon de
faire que de tirer sur son avion" ;
Qu'il ajoutait que si c'était la seule fois qu'il avait entendu à
Mulindi des propos concernant l´attentat du Président HABYARIMANA, en
revanche le 6 avril au soir, alors qu'il était de garde, il avait
entendu dire que des militaires affectés aux transmissions avaient reçu
un message codé annonçant que "Kinani" avait été abattu et qu'il avait
constaté qu'immédiatement après les unités avaient été mises en état
d'alerte et que l´ordre de marche avait été donné pour certaines d'entre
elles ;
Que cet ordre de marche, après l´attentat, était corroboré par le
témoignage de Jean-Baptiste MBERABAHIZI, membre du F.P.R., lequel
rapportait en outre étant présent le 6 avril 1994 au quartier Général de
l´A.P.R. à Mulindi, il avait vu le Capitaine Tom BYABAGAMBA annoncer à
Paul KAGAME "la chute de l´avion"
Que s'agissant du message radio sur le succès de l´opération, son
existence est attestée par Innocent MARARA ainsi que par plusieurs
témoignages dont ceux du Lieutenant-Colonel français Grégoire de
SAINT-QUENTIN qui a déclaré avoir vu le message manuscrit émanant du
commandement du F.P.R. annonçant le succès de "l´escadron renforcé ; que
de même Richard MUGENZI, opérateur des F.A.R. affecte à la station
d'écoute de GISENYI relatait qu'il avait retranscrit plusieurs messages
du F.P.R. dont en particulier celui en langue swahilie faisant état de
la réussite de la mission de "l´escadron renforcé;
Qu'Evariste MUSONI faisait également état de ce qu´après la guerre, un
de ses camarades de l'armée, lui avait confié que trois militaires du
Haut Commandement, qui avaient participé à l´attentat, avaient obtenu
des promotions, citant les noms de Franck NZIZA, de Bosco NDAYISABA et
d'un prénommé Didier;
Attendu que d'autres responsables du F.P.R. qui ont quitté
l'organisation en raison de leur désaccord avec la stratégie échafaudée
par Paul KAGAME ou en raison des menaces pesant sur eux, ont largement
corroboré lors de leurs auditions recueillies dans le cadre de cette
procédure, les témoignages précités;
Attendu que Jean-Pierre MUGABE, ancien membre du "Directorate of
Military Intelligence (D.M.I.), service de renseignements militaires de
l´A.P.R. et ancien Directeur du journal rwandais pro-F.P.R., "Le Tribun
du Peuple, établi aux Etats-Unis, publiait en mai 2000 un document
mettant en cause le Général Paul KAGAME et les Colonels James KABAREBE
et Charles KAYONGA pour avoir conçu et planifié l´attentat perpétré le 6
avril 1994;
Qu'entendu en France le 13 mars 2001, il authentifiait le document qu'il
avait rédigé intitulé "Déclarations sur l´attentat centre l´avion dans
lequel les Présidents HABYARIMANA du Rwanda et NTARYAMIRA du Burundi
trouvaient la mort le 6 avril 1994";
Qu'interrogé sur les raisons qui l´avaient conduit à rédiger un tel
document, il expliquait, qu´après s´être réfugié aux Etats-Unis à la
suite de menaces de mort dont il faisait l´objet, il avait appris que le
F.P.R. avait dépêché deux de ses agents sur le territoire américain pour
1'éliminer après la parution d'articles
qu'il avait rédigé mettant en cause Paul KAGAME et qu'il avait alors
pris la décision de rendre public tous les renseignements en sa possession ;
Que lors de sa déposition, il relatait, qu'en 1994, il avait intégré les
services de renseignements militaires rwandais et qu'ayant par la suite
émis des opinions divergentes de celles du régime en place, notamment
sur des problèmes de corruption, il avait été convoqué à plusieurs
reprises en 1999 par des responsables du D.M.I., dont le
Lieutenant-Colonel Jack NZIZA et que connaissant les méthodes de ce
service, il avait préféré fuir le Rwanda;
Qu'il devait comprendre que les pressions dont il avait fait l´objet au
début de l´année 1999 étaient pas d'ordre politique mais résultaient du
fait qu'il avait confié à un ami de longue date, Jean-Bosco KARANGWA,
député du F.P.R. depuis 1994 et ancien membre de la D.M.I, des
informations qu'il avait recueillies sur l´implication de Paul KAGAME,
du Colonel James KABAREBE et du Lieutenant-Colonel Charles KAYONGA dans
l´attentat du 6 avril 1994;
Qu´à cet égard, il relatait avoir obtenu ces informations à MULINDI
auprès d'officiers de l´A.P.R. qui lui avait rapporté que le
Lieutenant-Colonel Charles KAYONGA - qui était à l´époque un de ses amis
- avait reçu pour mission en février 1994 de James KABAREBE de
transférer au C.N.D. à KIGALI quatre militaires de l´A.P.R. qui avaient
reçu une formation spéciale en Ouganda sur le maniement des missiles
sol-air;
Qu'il ajoutait qu'en août 1994, voulant recouper ce qu'il avait appris
depuis février 1994 sur les préparatifs de L´attentat, le Colonel
Theoneste LIZINDE lui avait confirmé que des militaires de l´A.P.R.
avaient été" pris en charge au C.N.D. par le Major Rose KABUYE et que
les missiles y avaient été introduits sous la responsabilité de James
KABAREBE, lequel avait donné des instructions de mise à exécution de
l´attentat et de reprise des hostilités après sa réalisation;
Attendu que Christophe HAKIZABERA, autre dissident du FPR., devait
confirmer ce témoignage posthume de Theoneste LIZINDE qui avait été
assassiné à NAIROBI, ou il s'était réfugié, le 6 octobre 1996 ;
Qu'entendu le 6 septembre 2000 à MILAN en exécution d'une commission
rogatoire internationale, HAKIZABERA déclarait avoir rejoint le F.P.R.
en 1990, en avoir démissionné en 1995, quittant ensuite le Rwanda pour
se réfugier dernièrement en Europe;
Qu'il confirmait avoir adressé à la Commission de l´O.N.U., chargée de
déterminer les responsabilités dans l´organisation du génocide rwandais, une
lettre portant la mention "Cotonou le 10 août 1999" mettant en cause le
F.P.R. et plus particulièrement Paul KAGAME ;
Que concernant l´attentat du 6 avril 1994, Christophe HAKIZABERA
relatait avoir été informe par le Colonel Theoneste LIZINDE en 1995 que
le Colonel Charles KAYONGA, Commandant du bataillon de l´A.P.R.,
cantonne à KIGALI dans les locaux du C.N.D., avait supervise l´exécution
de l´attentat avec l´assistance de Rose KABUYE et que six missiles y
avaient été introduits à partir du quartier général de l´A.P.R. à MULINDI ;
Que ces informations devaient lui être contrôles ultérieurement par un
autre militaire de l´A.P.R., le Colonel Cesar KAYIZARI qui lui avait
désigné Charles KAYONGA comme étant directement implique dans
l´assassinat du Président HABYARIMANA ;
Qu'interroge sur le courrier du 10 août 1999 transmis à l'Organisation
des Nations Unies, courrier dans lequel il dénonçait le projet visant à
l´élimination physique du Président HABYARIMANA, évoque à plusieurs
reprises par Paul KAGAME et notamment au cours d'une réunion en mars
1994, Christophe HAKIZABERA en confirmait les termes, précisant avoir
obtenu ces informations de Leonard MUREFU, le beau-père de Paul KAGAME ;
Qu'il confirmait par ailleurs que le terme "escadron renforcé figurant
dans le message intercepte par les F.A.R le 7 avril 1994 renvoyait à un
groupe spécialisé "type commando" place sous la direction de Paul KAGAME ;
Attendu que Jean-Baptiste MBERABAHIZI avait été lui aussi témoin de
l´implication de Paul KAGAME dans l´attentat du 6 avril 1994 qui
s'inscrivait dans une stratégie de conquête du pouvoir par la force ;
Qu'entendu le 10 novembre 2001 à Bruxelles, en exécution d'une
commission rogatoire Internationale, il relatait qu'opposant au régime
du Président HABYARIMANA, il avait fonde en août 1991 le "Parti
Socialiste Rwandais" ayant de rejoindre le F.P.R. qui l´avait désigné
comme député de l´organisation lors de la mise en place des institutions
en janvier 1994 et qu'il avait ainsi été en contact avec des
responsables du F.P.R. ;
Que concernant l´attentat du 6 avril 1994 et ses préparatifs, il
déclarait que le 2 avril 1994 alors qu'il se trouvait au quartier
général de MULINDI, il avait entendu Paul KAGAME répondre à un de ses
interlocuteurs qu'il s'apprêtait à relancer les opérations militaires ;
Qu'il mentionnait par ailleurs que le 6 avril 1994, étant au quartier
Général de MULINDI, dans une salle de télévision où se trouvait Paul
KAGAME, ici avait
vu le Capitaine Tom BYABAGAMBA annoncer à Paul KAGAME la "chuté de
l´avion et avait observe que toutes les unités de l´A.P.R. s'étaient
mises immédiatement en mouvement après l´attentat;
Que Jean-Baptiste MBERABAHIZI devait également confirmer que les convois
de ravitaillement entre le quartier général de MULINDI et le C.N.D.
transportaient des armes et qu'il avait appris que le quartier général
était protégé par des missiles sol-air ;
Attendu que Sixbert MUSANGAMFURA, Directeur d´août 1994 à août 1995 du
Service Central des Renseignements (S.C.R.) apportait un autre
témoignage sur l'implication du F.P.R. dans cet attentat;
Qu'entendu le 12 avril 2002 en FINLANDE en exécution d'une commission
rogatoire internationale, et en France le 14 juin 2002, Sixbert
MUSANGAMFURA confirmait avoir recueilli des informations sur l´attentat;
Qu'il déclarait qu'en janvier 1995, alors qu'il avait été appelé pour
des raisons de service dans le bureau de Paul KAGAME, ce dernier avait
réagi violemment à la proposition de prévoir des éléments de langage sur
l´attentat en cas d'interrogation par un gouvernement étranger et que
par la suite, le Colonel Karake KARENZI, alors Chef du D.M.I., qui avait
assiste à la réunion, lui avait enjoint de ne plus s'occuper de cette
affaire ;
Qu'il avait appris ultérieurement par des officiers du D.M.I., les
Capitaines Jimmy MWESIGUYE et Kapaye RUTAGWERA que des missiles sol-air
avaient été introduits au C.N.D., que des militaires de l´A.P.R. avaient
été entraînes au maniement de ces missiles en Ouganda et que parmi eux,
avaient été sélectionnes les membres du commando ;
Qu'il avait pu ainsi, sur la base des renseignements recueillis, citer
les personnes suivantes comme étant impliquées dans la préparation de
l´attentat : le Général Paul KAGAME, les Colonels James KABAREBE,
Faustin -KAYUMBA NWYAMWAZA, les Lieutenants-Colonels Charles KAYONGA,
Karenzi KARABE, Jackson RWAHAMA, le Major Rose KABUYE, les Capitaines
Charles KARAMBA, Wyclif KWIKIRIZA et HABATI;
Qu'il mentionnait en outre avoir communique ces informations au Premier
Ministre de l´époque Faustin TWAGIRAMUNGU par deux notes remises en
mains propres;
Attendu que ce dernier entendu en Belgique le 10 juillet 2002, ou il vit
en exil, a confirmé avoir été informé à deux reprises par Sixbert
MUSANGAMFURA de l´implication du F.P.R. dans l´attentat et lui avoir
demandé de ne plus
S´intéresser à cet attentat craignant pour sa vie, précisant avoir remis
la première note à la Commission d´enquête parlementaire belge ;
Que le Sénat belge, bien que sollicité par une demande d'entraide
judiciaire, refusait de communiquer cette note ;
Attendu qu'un autre témoignage mettant également en cause le F.P.R. dans
cet attentat était recueilli en Suisse auprès de l´ancien Colonel de
l´A.P.R., Balthazar NDENGEYINKA;
Que ce dernier, ancien officier des F.A.R, entendu en France le 18
décembre 2003, actuellement réfugié en Suisse, comme l´ancien Ministre
de la Défense du Rwanda, Emmanuel HABYARIMANA, déclarait qu'il avait
rejoint les rangs de l´A.P.R. en décembre 1994 avec le grade de Colonel
et qu'il avait été nommé Député en novembre 1999, position qui lui avait
permis de recueillir les confidences de membres de l´A.P.R. sur
l´attentat du 6 avril 1994 ;
Qu'ainsi, pendant ses fonctions, le Colonel Charles MUHIRE, alors Chef
du bureau des opérations de l´A.P.R., lui avait confié en tête à tête
que c'était "eux" qui avaient abattu l´avion présidentiel;
Qu'il ajoutait avoir appris par ailleurs par d'autres militaires que des
missiles avaient été introduits au C.N.D. pour la réalisation de l´attentat;
Attendu qu'Emmanuel HABYARIMANA, entendu en France le 18 décembre 2003,
devait confirmer les déclarations de Balthazar NDENGEYINKA, ayant lui
aussi recueilli les confidences d'officiers de l´A.P.R. sur
l´implication du F.P.R. dans l´attentat;
Qu'ancien officier des F.A.R., co-signataire le 6 juillet 1994 avec
d'autres officiers des F.A.R. d'un communique dénonçant les massacres de
la population civile et appelant l´A.P.R. à cesser l´agression armée et
à poursuivre la mise en place des institutions de transition, il avait
été révoqué et n'avait eu, précisait-il la vie sauve que -grâce à
-l'intervention des militaires français déployés dans le cadre de
l´opération "Turquoise ;
Qu´à la fin des hostilités, en juillet 1994, il avait, mentionnait-il,
rejoint les rangs de l´A.P.R. et occupé divers postes au Ministère de la
Défense aux cotes de Paul KAGAME, lequel l´avait nommé par la suite
Ministre de la Défense;
Que sur l´attentat du 6 avril 1994, il relatait avoir reçu le 28 juillet
1994 de deux officiers supérieurs du D.M.I., le Colonel Faustin NYAMWASA
KAYUMBA et le Lieutenant-Colonel Jackson RWAHAMA ainsi que du Capitaine
Charles KARAMBA la confirmation de l´implication du F.P.R. dans
l´attentat, ses interlocuteurs lui ayant fait part de leur fierté
"d'avoir abattu l´avion présidentiel";
Attendu que l´ensemble de ces témoignages convergents étaient par
ailleurs valides par des investigations diligentées sur les missiles
utilises le 6 avril 1994 centre le Falcon 50 présidentiel;
Attendu que dans les jours qui ont suivi l´attentat, des paysans
rwandais avaient découvert au lieu-dit "la fermé situé dans le secteur
de Masaka, abandonnes dans des buissons, deux tubes lance-missile,
qu'ils remettaient à des militaires des F.A.R. faisant la navette entre
un point d'eau (point 19) à MASAKA et le camp de KANOMBE;
Que le 24 ou 25 avril, sur instructions du Commandant adjoint du camp de
KANOMBE, le Lieutenant-Colonel NZABANITA, le Lieutenant ingénieur
Augustin MUNYANEZA qui avait fait une partie de ses Etudes en Union
Soviétique, avait examiné les deux tubes et relevé leurs références :
- "04-87 (pour avril 1987, date de fabrication des lanceurs),
" 04835 et 04814" (pour les numéros des deux lanceurs).
Qu'il devait par la suite rédiger un rapport à l´attention de sa
hiérarchie ;
Attendu que parmi les documents rassembles dans le "tome II - annexes"
du rapport de la mission parlementaire française, figure à la page 256,
la photocopie d'un rapport manuscrit daté du 25 avril 1994 intitulé
"identification de l´arme lance-missile type russe, utilisation dans
l´assassinat du chef de l´état le 6/4/94" et signe "Lt In MUNYANEZA" ;
Attendu que Augustin MUNYANEZA, localisé en Belgique, a été entendu à
Paris le 20 mars 2000 ;
-Qu'il à confirmé avoir, sur instructions du Lieutenant Colonel
NZABANITA, procédé à l´identification de ces tubes lance-missile dont il
voyait, a-t-il précisé, la première fois un exemplaire, les F.A.R. n'en
étant pas dotés ; qu'il confirmait également avoir rédigé un rapport
manuscrit remis à l´état-major de l'armée rwandaise par l´intermédiaire
du Capitaine SEBAGANWA ;
Qu'il décrivait ces deux lance-missiles comme étant "deux tubes
ressemblant à des lance-roquettes d'environ 120 mm de diamètre, de
couleur vert kaki, d'une longueur supérieure à un lance-roquette
anti-char" (...) "les deux tubes étaient vides lors de l´examen, donc
dépourvus d'une charge extérieure..." ;
Qu'il authentifiait par ailleurs le document figurant dans le rapport
d'enquête parlementaire, reconnaissant son écriture et sa signature;
Que concernant la destination de ces deux tubes, il mentionnait avoir
appris du chef des services de renseignements militaires rwandais, le
Colonel NTIWIRAGABO, qu'ils avaient été remis "aux services" du
Président MOBUTU;
Que la présence de ces deux tubes dans l´enceinte de l´état-major des
F.A.R. a été confirmée par d'autres témoignages ;
Que Faustin NTILIKANA, officier des F.A.R., entendu le 26 mai 2000, a
déclaré avoir vu ces tubes dans les locaux de l´état-major;
Qu'il en est de même s'agissant de Joseph MURASOMPOGO, Colonel des
F.A.R. affecté à l´état-major, entendu le 20 novembre 2001 à Bruxelles,
de l´ancien Général des F.A.R., Gratien KABILIGI, entendu pour sa part
le 6 juin 2001 à ARUSHA et de Colette NYIRARWIMO, ancien Capitaine des
F.A.R. en fonction à KIGALI à l´époque des faits dont le témoignage à
été recueilli à Paris le 21 mars 2000;
Que cette dernière authentifiait également la copie du rapport
d'Augustin MUNYANEZA figurant dans la procédure et mentionnait en outre
que les tubes avaient été photographies ;
Attendu que la Commission parlementaire française publiait cinq cliches
photographiques représentant un lanceur qui d'après leur légende serait
un de ceux examines par le Lieutenant Augustin MUNYANEZA ;
Qu'il est apparu que ces cliches avaient été remis à Paris, courant mai
1994, au Général HUCHON alors affecté au Ministère de la Coopération par
le Lieutenant-Colonel Ephrem RWABALINDA, accompagné pour la circonstance
par le Colonel Sébastien NTAHOBARI, Attaché de Défense à l´ambassade du
Rwanda à Paris ;
Que ces clichés devaient être ensuite remis par le Ministère de la
Coopération à la Direction du Renseignement Militaire (D.R.M.) ;
Attendu que l´existence de ces deux tubes a été par ailleurs attestée
par l´ancien Colonel des F.A.R., Théoneste BAGOSORA et par l´ex-major
Aloys NTABAKUZE, détenus en Tanzanie par le T.P.I.R.;
Qu'entendu à ARUSHA les 16 et 18 mai 2000, ces anciens officiers
confirmaient avoir bien vu les deux tubes lance-missiles à l´état-major
des F.A.R. et remettaient par l´intermédiaire de leur conseil, une copie
du rapport d'identification établie par le Lieutenant Augustin MUNYANEZA
identique à celui obtenu par la Commission parlementaire française ;
Attendu que l´enquête a établi que ces deux tubes lance missiles avaient
bien été par la suite transférés au Zaïre ;
Que l´ancien Colonel Joseph MURASOMPONGO, entendu en Belgique le 20
novembre 2001, a fait état de ce que ces deux tubes, qu'il avait vus à
l´état-major des F.A.R le 25 avril 1994, avaient été transférés à GOMA
ou ils avaient été remis au Général zaïrois TEMBELE ;
Que leur présence à GOMA était par ailleurs confirmée par l´ancien
Colonel des F.A.R., Laurent SERUBUGA qui précisait qu'ils avaient été
convoyés au Zaïre par le Colonel NTIWIRAGABO, Chef des services de
renseignements rwandais, ce qui était également atteste par l´ancien
Général des F.A.R. Gratien KABILIGI;
Que Aloys NTIWIRAGABO, entendu à KINSHASA le 9 juillet 2001, à mentionne
avoir convoyé à GISENYI un des deux tubes qui avait été pris en charge
par le Général TEMBELE, ajoutant que le second tube avait été remis
ultérieurement au même Général TEMBELE sur instructions du Ministre de
la Défense, le Colonel Athanase GASAKE, ce que ce dernier a confirmé
lors de son audition à Bruxelles le 11 juillet 2002 ;
Attendu que le Général Yangandawele TEMBELE, ancien commandant en chef
de la région de GOMA, entendu à KINSHASA (R.D.C.) le 11 juillet 2001 a
confirmé avoir reçu en deux temps les deux tubes lance-missiles qui
étaient destines au Général MOBUTU;
Que toutefois, il n'a pas été possible de retrouver les deux
lance-missiles dont l´un a été détenu jusqu'a la chute du régime du
Maréchal MOBUTU par l´ancien général zaïrois Kata KRAMA BARAMOTO qui n'a
pu être entendu à ce jour;
Attendu que les investigations portant sur les missiles eux-mêmes ont
permis d'identifier leur origine, leurs caractéristiques techniques et
les circonstances dans lesquelles ils avaient été exportés en Afrique de
l´est et utilises ultérieurement par le F.P.R.;
Attendu que ces deux tubes lance-missiles proviennent de deux missiles
sol-air type SAM 16 de fabrication soviétique ;
Que ce type de missile anti-aérien équipe d'un autodirecteur infra rouge
a une portée effective de 6000 mètres ;
Que dans les circonstances de l´espèce, il était aisé d'abattre, un
Falcon 50, un aéronef civil relativement lent en configuration approche
et dont les deux réacteurs dégageaient, même à faible régime,
suffisamment de chaleur pour activer efficacement le dispositif de
guidage du missile ;
Attendu que les investigations diligentées auprès de la Fédération de
Russie en exécution d'une commission rogatoire Internationale en date du
19 juin 2000 ont permis d'établir que les deux missiles utilisés le 6
avril 1994 provenaient de l´arsenal militaire ougandais ;
Qu'il résulte en effet des informations communiquées par le Parquet
Militaire de Moscou, en exécution d'une demande d'entraide judiciaire,
que les deux missiles portant les références 04-87 - 04814 pour l´un et
04-87 - 04835 pour l´autre, avaient été fabriques en U.R.S.S. et
faisaient partie d'une commande de 40 missiles SA 16 IGLA livres à
l´Ouganda dans le cadre d'un marche interétatique;
Attendu qu'il s'avère que l´armement du F.P.R., y compris les moyens
anti-aériens, provenaient de l´arsenal militaire de l´Ouganda;
Que le Professeur Filip REYNTJENS, entendu dans le cadre de la présente
enquête, faisait état de ce que les membres des services de
renseignements ougandais lui avaient confirmé que les missiles sol-air
utilisés pour l'attentat avaient été remis par l´Ouganda au F.P.R.;
Attendu que les liens entre l´Ouganda et le F.P.R. sont clairement établis ;
Que Paul KAGAME, après avoir fui le Rwanda en 1960, avait combattu aux
côtés de Yoweri MUSEVENI contre les Présidents Idi AMIN DADA, Milton
OBOTTE et Tito OKELLO, et qu'il avait été promu Major de la "National
Résistance Army » (N.R.A) avant d´être nommé n 1990, adjoint au chef des
services de renseignement militaire ougandais ;
Qu'en 1989, avec d'autres officiers ougandais, il avait suivi un stage à
l´académie militaire de FORT LEAVENWORTH au Kansas (Etats-Unis) et qu'en
octobre 1990, alors qu'il se trouvait toujours aux Etats-Unis, il était
rentré précipitamment en Ouganda pour prendre le commandement de
l´A.P.R. pour conduire l´offensive militaire du F.P.R. contre le Rwanda;
Attendu que de nombreux témoignages ont attesté de 1'étroitesse des
liens existant à cette époque entre le F.P.R. et l´Ouganda et plus
particulièrement
entre Paul KAGAME et le Président MUSEVENI, qui s'est notamment traduite
dans le domaine militaire par la fourniture d'armes en particulier des
missiles anti-aériens;
Qu'Honore NGB ANDA, conseiller spécial en matière de sécurité du
Maréchal MOBUTU rapportait que le Président MUSEVENI lui avait confié
que la guerre menée par le F.P.R. contre le Rwanda était "sa guerre et
qu'à ce titre, il fournissait au F.P.R un soutien logistique total sur
le plan militaire ;
Que le Major américain Tom MARLEY, responsable du programme
"International Military Education Training" (I.M.E.T.) dont avait
bénéficié l´Ouganda, aurait fait part à Remigius KINTU, dirigeant de
l'"Uganda Democratic Coalition" (U.D.C.) que l´Ouganda avait trompé les
responsables américains en leur proposant la formation de candidats qui
étaient pas en réalité des ougandais mais des Tutsi du Rwanda, membres
du F.P.R.;
Que Monsieur Hermann COHEN, ancien secrétaire d'Etat adjoint américain
pour les affaires africaines devait préciser, lors de son audition du 7
juillet 1998 devant la Commission Parlementaire française que "les
Etats-Unis n'apportaient aucune aide au F.P.R., une douzaine
d'officiers, membres du "F.P.R. ", avait suivi des cours aux Etats-Unis,
mais c´était dans le cadre de la coopération militaire entre les
Etats-Unis et l'Ouganda " ;
Que la réalité de ce soutien logistique de l´Ouganda au F.P.R. a été
également soulignée par Denis KAGIRANEZA, ancien Député du F.P.R.,
entendu à Bruxelles le 20 novembre 2001, lequel a fait état de ce que
l´approvisionnement en armes et munitions Etait du domaine de Paul
KAGAME avec l´assistance de militaires ougandais ou rwandais appartenant
encore à la "National Resistance Army" ;
Que pour sa part, Joseph BUKEYE, ancien conseiller du Rwanda en Ouganda,
charge du renseignement, déclarait, lors de son témoignage recueilli le
22 novembre 2002 à Bruxelles que le F.P.R., ne disposant pas du « end
user certificate » nécessaire lors des transactions officielles d'achats
d´armement, se servait de l´Ouganda pour en obtenir et qu'il
s'approvisionnait en particulier dans les stocks de la 2eme Division de
l´armée ougandaise ;
Attendu que la possession par le F.P.R. de missiles sol-air de
fabrication soviétique type SA 14 et SA 16 "IGLA" est non seulement
attestée par de nombreux témoignages d'anciens membres du F.P.R. ou de
militaires de PA.P.R., tels Christophe HAKIZABERA, Jean-Pierre MUGABE,
Sixbert MUSANGAMFURA, Denis KAGIRANEZA et Abdul RUZIBIZA lequel avait
précisé que les militaires de la "section missile avaient été entraînés
en Ouganda ou par Evariste MUSONI, mais également par les éléments d´enquête
Concernant l´arsenal militaire ougandais ;
Attendu que dans le cadre des travaux de la Commission Parlementaire
Française, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (D.G.S.E.)
remettait une liste de missiles antiaériens de type soviétique avec
leurs références possédés par 1' armée ougandaise ;
Que la comparaison des numéros de série relevés sur les deux tubes
lance-missiles découverts le 25 avril 1994 à Masaka 04814 et 04835 avec
les numéros inscrits sur la liste des missiles alors détenus par l´armée
ougandaise, a fait apparaître que parmi ceux-ci figuraient les numéros
04815, 04816 et 04838 ;
Que la même comparaison a pu être faite avec le numéro de série 04924
grave sur le tube lance-missile découvert le 18 mai 1991 dans le parc de
l´Akagera avec la référence 04947 figurant sur la liste ;
Que surtout, comme mentionné précédemment, les autorités judiciaires
russes ont confirmé que les trois missiles provenaient bien d'un lot de
40 missiles IGLA vendus en 1987 à l´Ouganda, ainsi que le prouve
l´inscription "04-87" relevée sur les trois tubes ;
Attendu que l´utilisation par l´A.P.R. de missiles anti-aériens, de
fabrication soviétique, centre les aéronefs des F.A.R. durant la guerre
d'octobre 1990, a été rapportée par différentes dépositions recueillies
dans le cadre de l´enquête;
Que le Colonel Sébastien NTAHOBARI des F.A.R. avait relaté dans un
courrier authentifié par sa femme, envoyé le 12 octobre 1998 à Monsieur
Paul QUILES, Président de la Commission Parlementaire, que le F.P.R.
avait abattu à l´aide de missiles SA 7 et SA14, le 7 octobre 1990 à
MATIMBA, près de KAGITUMBA, un avion d´observation et le 23 octobre de
la même année à NYAKAYAGA, près de GABIRO, un hélicoptère "Gazelle ;
Que ces faits devaient être attestés par l´ancien Capitaine de l´Armée
de l´Air
française Bruno DUCOIN en poste à la mission militaire de coopération à
KIGALI de juillet 1990 à juillet 1993, dans son audition du 9 juin2000,
qui précisait qu'avaient été abattus un hélicoptère "Gazelle et un
Britten Islander BN2;
Que par ailleurs, dans une autre lettre rédigée par Jean-Pierre
MINABERRY, pilote du Falcon 50, ce dernier faisait part à Bruno DUCOIN
de son inquiétude concernant la possession par le F.P.R. de missiles
sol-air et sollicitait des conseils d'ordre technique pour échapper à un
tir de missiles ;
Que cette missive était suivie d'une deuxième ayant le même objet,
adressée le 27 février 1994, à Madame Monique EPIN, employée de la
société "Services et Assistances aux Techniques Industrielles
Françaises" (SATIF), ce que cette dernière, entendue le 17 février 2001,
à confirme ;
Que Bruno DUCOIN, qui avait été assistant militaire technique à la
mission militaire de coopération a déclaré, lors de son audition du 9
juin 2000, qu'il avait bien été destinataire du courrier de Jean-Pierre
MINABERRY et qu'il lui avait préconisé par la suite des "mesures
techniques" pour échapper à un tir de missile;
Que par ailleurs, le pilote de l´Hélicoptère "Gazelle évoqué par le
Colonel Sébastien NTAHOBARI était identifié comme étant le commandant de
l´armée de l´air des F.A.R., Jacques KANYAMIBWA, réfugié en France ;
Que ce dernier, entendu le 13 avril 2000 a confirmé que son hélicoptère
avait bien été abattu par un missile sol-air le 23 octobre 1990 au cours
d'une mission de combat contre des éléments armés du F.P.R. lors de son
offensive d´octobre 1990;
Qu'outre les différentes dépositions, d'autres éléments matériels
attestant la possession de missiles sol-air par l´A.P.R. et leur
utilisation au Rwanda ont été obtenues lors de l´enquête ;
Qu'un télégramme de l´ambassade de Belgique à KIGALI adresse le 7
juillet 1992 au Ministère des Affaires Etrangères à Bruxelles relevait:
"étant donné l'appui fourni par la N.R.A. au F.P.R, il est admis que
l'armement anti-aérien dont dispose le F.P.R est celui de la N.R.A." et
au nombre de ces moyens militaires étaient cites deux types de missiles
sol-air de fabrication soviétique:
"- c) SA 16 low altitude surface to air missile system: portée max
effective:
6000 m,
- d) SA7 low altitude surface to air missile : portée max effective :
4000 m";
Que la présence de missiles sol-air (SAM7 + Eagle) dans l´arsenal du
F.P.R. a été également évoquée dans un rapport du 21 septembre 1992 du
chef du service de renseignement militaire rwandais (G2);
Que surtout, des militaires des F.A.R. avaient récupéré le 18 mai 1991
dans le parc de l´AKAGERA, au cours d'un accrochage avec une unité de
l´A.P.R., un tube d'un lance missile qui devait être remis par la suite
au Colonel de Gendarmerie René GALINIE alors Attache de Défense français
et Chef de la mission militaire de coopération au Rwanda, lequel avait
transmis au Centre
d'Etudes et de Renseignement Militaire à Paris (C.E.R.M.) les références
du missile:
- 9 K 322-1-01 : pour le modèle du lanceur,
- 04-87 : pour le mois et l´année de fabrication,
- 04924 : pour le numéro de série du lanceur,
- 9 M 313-1 : pour le modèle du missile ;
Que le Colonel René GALIME avait rédigé par la suite un rapport dont une
copie a été remise à la Commission Parlementaire française et qui figure
en annexe du rapport de la Commission ;
Que par ailleurs, le Capitaine français Bruno DUCOIN rapportait, au
cours de son audition du 9 juin 2000, avoir déposé dans un avion
militaire français en escale à KIGALI un missile sol-air de type SA 14
neutralisé provenant du F.P.R. et avoir également vu dans un local de
l´armée des F.A.R. des débris d'un missile sol-air dont un système de
refroidissement du lanceur ayant appartenu à l´A.P.R.;
Qu'il mentionnait en outre avoir le 10 septembre 1991 intercepté et
relayé un message radio d'un vol commercial de la compagnie zaïroise
"Scibé, assurant la liaison KIGALI-BENI (Zaïre) dans lequel le pilote
avait signalé avoir été touche par un tir, et qu'il était apparu eu
égard à l´altitude à laquelle volait cet aéronefs, qu'il n'avait pu être
atteint que par un missile ;
Que cette hypothèse avait été ensuite validée par le Colonel Bernard
CUSS AC, Attache de Défense à l´ambassade de France au Rwanda et par son
homologue américain en poste à KINSHASA ;
Attendu que si la possession par le F.P.R. de missiles sol-air a été
attestée par de multiples témoignages et des constatations d'ordre
matériel, en revanche l´enquête n'a pas établi que les F.A.R.
disposaient de tels moyens antiaériens;
Que le Général Emmanuel HABYARIMANA, ancien Ministre de la Défense du 28
mars 2000 au 15 novembre 2002, qui avait servi comme officier au sein
des Forces Armées Rwandaises (F.A.R), avant de rejoindre le F.P.R. le 28
juillet 1994, a affirmé que les F.A.R. n'avaient jamais été dotées de
missile sol-air et qu'aucun de ses personnels n'avait été formé à leur
utilisation au contraire de l´A.P.R. qui en possédait et en avait fait
usage en octobre 1990;
Que son témoignage était corrobore par celui de Balthazar NDENGEYINKA,
entendu le 18 décembre 2003, ancien officier des F.A.R. qui avait lui
aussi rejoint les rangs du F.P.R. en décembre 1994, ce que confirmait
également le Colonel Aloys NTIWIRAGABO, ancien chef des services de
renseignements
militaires rwandais (G2), lors de son audition recueillie le 09 juillet
2001 à KINSHASA (R.D.C);
Que par ailleurs, le Lieutenant-Colonel Grégoire de Saint Quentin, en
poste à la mission de coopération française au Rwanda du 11 août 1992 au
12 avril 1994, entendu dans le cadre de l´enquête le 08 juin 2000,
mentionnait qu'à sa connaissance, aucun militaire des "Forces Armées
Rwandaises" (F.A.R.) n'avait jamais été entraîné au maniement des
missiles sol-air et que ceux-ci n'en étaient pas dotées, au contraire de
l´A.P.R. qui en possédait;
Qu'ainsi, il résulte des éléments de l´enquête que les F.A.R. ne
possédaient pas dans leur armement de missile sol-air, mais étaient
seulement dotées d'armes anti-aériennes classiques (mitrailleuses et
canons antiaériens) ce qui ressort de l´inventaire de l´armement lourd
ou collectif confie à la garde de la MINUAR dans lequel n'apparaît aucun
missile sol-air ;
Attendu que dans le contexte de l´opération décidée par le F.P.R. visant
à l´élimination physique du Président HABYARIMANA, plusieurs événements
devaient des la fin de l´année 1993, préluder à la préparation et à la
réalisation de l´attentat du 6 avril 1994 ;
Attendu que pour garantir la sécurité de ses représentants officiels
désignés pour participer à la mise en place des institutions prévues par
les Accords d'Arusha, le F.P.R. avait obtenu l'installation le 28
décembre 1993 dans les bâtiments du "Conseil National pour le
Développement" (C.N.D.) à KIGALI d'un bataillon de six cent hommes qui
allait devenir sa base logistique pour la réalisation de l´attentat et
sa tête de pont avancée pour le déclenchement de l´offensive militaire;
Que le choix du C.N.D. avait fait l´objet d'après discussions en raison
de sa situation stratégique au coeur de KIGALI;
Que le Général Roméo DALLAIRE, lors de sa déposition le 25 février 1999
"devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (T.P.I.R.)
faisait état de ce que la MINUAR s´était opposée au choix de ce site au
centre de KIGALI qui Etait "une position qui contrôlait beaucoup les
axes de communication entre la ville et l´aéroport et aussi I 'axe de
communication de ravitaillement sur une autre route principale ;
Attendu que Dismas NSENGIYAREMYE, Premier Ministre du 16 avril 1992 au
16 juillet 1993 du gouvernement pluripartiste, entendu le 26 février
2002, mentionnait que c'était sur l'insistance du F.P.R. que le
gouvernement de Madame Agathe UWILINGIYIMANA avait finalement accepté
l´installation du bataillon de l'A.P.R. dans les locaux du C.N.D.,
précisant que le F.P.R. en
avait profité pour introduire des armes et des troupes supplémentaires à
KIGALI;
Que ces infiltrations clandestines et le renforcement du potentiel
militaire du F.P.R., en particulier par l´envoi de missiles sol-air,
étaient notamment confirmés par le témoignage de Gérard NTASHAMAJE,
ancien Major de l´A.P.R., entendu le 4 avril 2001 ;
Attendu que la MINUAR avait été également témoin de cette situation ;
Que le Caporal belge Johnny BOREUX, qui avait participé à l´escorte du
bataillon du F.P.R., lors de son installation dans les bâtiments du
C.N.D. le 28 décembre 1993, déclarait, au cours de son audition du 15
décembre 1996 à Bruxelles, qu'il avait constaté que le système mis en
place "permettait à des militaires en civil de s´infiltrer à KIGALI et
d'y commettre des attentats" ;
Que pour sa part, le Colonel Luc MARCHAL faisait état, devant la
Commission Parlementaire belge de ce que "il (avait) été toujours
persuadé que lorsque le F.P.R. allait chercher du bois de chauffage dans
le nord, c´était pour ramener des armes", appréciation confirmée par le
Lieutenant-Colonel belge André LEROY et le Sergent-Chef Dimitri PAUWELS,
tous deux également membres de la MINUAR;
Que concernant la présence de missiles sol-air au C.N.D., elle a été
évoquée par plusieurs témoins;
Que le ressortissant belge Marcel GERIN, exploitant au Rwanda un
complexe hôtelier à RUSUMO, entendu le 12 avril 1999, déclarait avoir
été informé, courant mars 1994 par des pilotes d'hélicoptères belges
affectés à la MINUAR que le F.P.R. avait entreposé sur les toits du
C.N.D. des caisses contenant des missiles, ce qui devait être confirmé
par l´ancien Général des F.A.R., Gratien KABILIGI et l´ancien Major
Aloys NTABAKUZE ;
Que par ailleurs, Jean-Marie DESSALES, conseiller en sécurité, entendu
le 30 avril 2001, remettait aux enquêteurs une correspondance de
l´ancien Ministre de la Défense du Rwanda Augustin BIZIMANA, dans
laquelle ce dernier évoquait l´infiltration éléments du F.P.R. dans la
capitale et l´introduction au C.N.D. de missiles sol-air;
Que le Colonel Bernard CUSSAC, Attaché militaire français en poste à
KIGALI, confirmait dans son audition du 14 juin 2000, la présence de
missiles sol-air au C.N.D. et le risque potentiel de cet armement pour
les aéronefs civils;
Qu'il convient également de rappeler que Abdul RUZIBIZA, ancien
Capitaine de PA.P.R., membre du "Network commando", avait précisé que
les deux missiles utilisés pour l´attentat avaient été introduits dans
les locaux du C.N.D. au cours du mois de mars 1994 ;
Attendu que cet armement antiaérien avait fait peser dès le début de
l´année 1994 une menace permanente sur l´ensemble des aéronefs civils et
militaires utilisant l´espace aérien de la capitale rwandaise ;
Que, souhaitant garantir la sécurité de son quartier général avancé de
KIGALI, le F.P.R. avait imposé une interdiction du survol du C.N.D. et
restreint l´utilisation des axes de décollage et d'approche de
l´aéroport de KIGALI tant pour les appareils militaires que civils ;
Attendu qu'au-delà de ces considérations purement sécuritaires, ces
restrictions de survol du C.N.D. avaient facilité la préparation et la
réalisation de l´attentat, comme devait le souligner Jean-Pierre MUGABE ;
Attendu en effet, qu'en interdisant en janvier 1994 aux aéronefs en
partance ou à destination de KIGALI de survoler les bâtiments du C.N.D.
situes dans l'axe de la piste 10 de aéroport de Kanombe, le F.P.R. avait
contraint tous les vols à emprunter l'axe oppose (piste 28) surplombant
le secteur valonné et boisé de Masaka;
Qu'il est apparu, comme l´a souligné le Colonel Tharcisse RENZAHO,
ancien Préfet de KIGALI, entendu le 11 juillet 2001 à KINSHASA, que
cette mesure avait été prise unilatéralement par le F.P.R.;
Que Jean-Michel LACOSTE, pilote et commandant de bord du Noratlas de
l´armée rwandaise avait reçu des instructions verbales sur
l´interdiction de survol du C.N.D et avait été avisé par une note de la
MINUAR que lors d'un survol de KIGALI, il avait échappé à un tir du F.P.R.;
Que Brigitte DEMENIEUX, veuve de Jean-Pierre MINABERRY, co-pilote du
Falcon 50, rapportait que, quelques temps après l´arrivée du bataillon
du F.P.R. à KIGALI, son man lui avait confié ses craintes sur la
possession de missiles par cette organisation et lui avait fait part des
correspondances qu'il avait adressées sur ce point à Bruno DUCOIN et
Monique EPIN ;
Que les craintes des pilotes de l´avion présidentiel étaient corroborées
par le témoignage de Hermenegilde BIZIGE, traducteur interprète de la
présidence rwandaise, entendu le 20 octobre 2000, lequel a rapporté que
les pilotes du Falcon 50 "avaient appris à piloter entre les montagnes
et avaient appris à se protéger";
Que c'est également pour mieux se prémunir contre un éventuel tir de
missiles que l´équipage du Falcon présidentiel avait décidé de ne plus
évoluer dans le volume d'approche de l´aéroport de Kanombe après la
tombée de la nuit;
Attendu que c'est dans ce contexte particulièrement trouble au niveau
sécuritaire, alors que les préparatifs de l´attentat entraient dans leur
phase ultime et que divers responsables politiques avaient été
assassinés ou victimes de tentatives d'assassinat depuis le début de
l'année, qu'allait se dérouler le 6 avril 1994 le sommet de
DAR-ES-SALAAM (Tanzanie);
Attendu que cette réunion des chefs d'Etat de la région des Grands Lacs,
initialement prévue le 5 avril 1994 à ARUSHA, avait été reportée, pour
des raisons non élucidées, au 6 avril à DAR-ES-SALAAM ;
Que ce sommet organisé à l´initiative du Président ougandais Yoweri
MUSEVENI, avait pour ordre du jour "De trouver les moyens d'aider le
Burundi et le Rwanda à résoudre les problèmes politiques et les
problèmes de sécurité qui se posent dans ces pays" ;
Attendu que le 4 avril 1994, le Président HABYARIMANA pour préparer le
sommet et obtenir son appui, avait rencontré à GBADOLITE le Président
zaïrois Sese Seko MOBUTU;
Qu'au cours de leur tête à tête, ce dernier lui avait confié avoir
obtenu des renseignements selon lesquels un complot visant à l´éliminer
avait été" élaboré par des grandes puissances et que le F.P.R. n'en
serait que "le bras armé ;
Que cette rencontre entre les deux Chefs d'Etats a été évoquée par Enoch
RUHIGIRA, ancien Directeur de cabinet du Président HABYARIMANA, dans son
audition du 11 janvier 2001, ajoutant que le Président avait également
rencontré lors du week-end pascal à sa résidence de GISENYI Monsieur
Roger BOOH-BOOH, représentant spécial du Secrétaire Général des Nations
Unies au Rwanda;
Qu'avait en outre participée à cette entrevue au Zaïre, le Président
burundais Cyprien NTARYAMRA, ainsi que l´a relaté, le 12 février 2001,
Deo NGENDAHAYO, ancien administrateur adjoint de la Sécurité d'Etat du
Burundi, chargé du Bureau Central des Renseignements (B.C.R.) qui avait
accompagné son Président à GBADOLITE ;
Que la tenue de cette réunion a été également confirmée par Honoré
NGBANDA, conseiller spécial du Président MOBUTU en matière de sécurité,
entendu le 7 septembre 2000 ;
Que, se trouvant à GBADOLITE, il avait constate, après une entrevue en
tête à tête avec le Président MOBUTU et son homologue rwandais, que de
graves menaces pesaient sur la sécurité du Président HABYARIMANA, lequel
avait fait état de l´utilisation par le F.P.R. de missiles sol-air et
être ainsi "obligé de décoller comme un voleur et de revenir comme un
voleur".
Qu'Honore NGBANDA mentionnait pour sa part, dans son audition du 07
septembre 2000, qu'à l´issue de cette entrevue, il avait précédé, à la
demande du Président MOBUTU à une évaluation de la situation sur le plan
sécuritaire et qu'en raison des rumeurs sur l´existence d'un complot
visant le Président HABYARIMANA, le Président MOBUTU avait dissuade ce
dernier de se rendre à DAR-ES-SALAAM et annulé sa propre participation,
estimant qu'il pouvait être aussi menacé;
Attendu que concernant le déroulement du sommet, nombre de témoins ont
relevé que les travaux, débutés tardivement, n'avaient pas d'ordre du
jour précis et traînaient en longueur, contraignant les délégations, au
premier rang desquelles celle du Rwanda, de quitter le capitale
tanzanienne à la tombée de la nuit;
Qu'en effet, le sommet qui aurait dû débuter à 10 heures 30 n'avait, aux
dires de Justin MUNYEMANA, Conseiller juridique à la Présidence
rwandaise, entendu le 9 novembre 2000, commence ses travaux qu'a 12
heures 30 en l´absence du Président MOBUTU ; que Faustin MUNYAZESA,
ancien Ministre de l´Intérieur du Rwanda, également présent à
DAR-ES-SALAAM, faisait état pour sa part, lors de son audition du 19
novembre 2001 à Bruxelles, de ce que l'ouverture du sommet avait été
repoussée à 14 heures en raison de l´arrivée tardive du Président
ougandais Yoweri MUSEVENI;
Que par ailleurs, Faustin MUNYAZESA comme Justin MUNYEMANA avaient
remarque que le Président MUSEVENI animait sans rigueur ni cohérence les
travaux du sommet;
Qu'à cet égard, Justin MUNYEMANA rapportait au cours de son audition du
9 novembre 2000 qu'il avait appris par le conseiller Juvénal RENZAHO que
l´ordre du jour qui devait porter principalement sur le Burundi était
davantage axé sur le Rwanda et que sur la conduite des débats par le
Président ougandais, il lui avait dit : "Je ne sais pas si l 'on va s
'en sortir, mais il (le Président MUSEVENI) s 'endort, puis lorsqu'il se
réveille, il prend la parole là ou il en était resté avant de somnoler
et il parle pour ne rien dire. II se fout de ce qui se passé;
Que Faustin MUNYAZESA constatait lui aussi que l´ordre du jour initial
n'avait pas été respecté et qu'il s'agissait en réalité d'un débat sur
les Accords
d'Arusha et qu'à chaque fois que la discussion paraissait terminée, le
Président MUSEVENI reprenait la parole notamment pour dire "qu´on avait
pas réglé des problèmes ethniques au Rwanda, ce qui avait conduit le
Président HABYARIMANA à demander à ce que l´on acte ce qu´il avait
déclaré en début de séance sur la volonté d'appliquer sans délais les
accords" et que "l´on était pas là pour faire l'histoire du Rwanda" ;
Que les interventions dilatoires du Président MUSEVENI devaient
également attirer l´attention des observateurs étrangers, notamment de
diplomates américains en poste en Tanzanie ;
Que l'Ambassade des Etats-Unis à DAR-ES-SALAAM, dans un télégramme
diplomatique déclassifié adressé le 7 avril 1994 au Département d'Etat à
Washington, mentionnait que "MUSEVENI semblait vouloir engager le groupe
dans une discussion hypothétique concernant les racines des conflits
ethniques" ;
Que ce même télégramme diplomatique soulignait que le sommet avait été
"très tendu et émotionnel et dans le paragraphe relatif au Rwanda, il
notait que "concernant le Rwanda, l 'engagement de HABYARIMANA en faveur
des accords d'Arusha a été clairement exprimé au sommet » ;
Que néanmoins, cette volonté affichée du Président rwandais de
s'acquitter sans délais de ses obligations résultant des Accords, ne
figure pas dans le communique final, lequel ne consacre qu'un paragraphe
à la situation au Rwanda qui avait été pourtant au centre des
préoccupations affichées par le Président MUSEVENI;
Qu'il convient également de mentionner qu'aux dires des participants au
sommet, ce dernier avait pris fin avec plus d'une heure de retard et que
la rédaction laborieuse du communiqué final n'avait pas permis aux
délégations de quitter la Tanzanie avant la tombée de la nuit;
Qu´à cet égard, Justin MUNYEMANA déclarait que la réunion prévue
initialement pour se terminer à 16 heures avait pris fin à 17 heures
suivi d'un dîner improvisé et que le Président HABYARIMANA qui avait
signé la version française du communique final à l´aéroport, n'avait pu
partir avec son homologue burundais qu'a 18 heures 30 ;
Qu'en effet, le Président NTARYAMIRA, qui n'avait nulle confiance dans
son armée, majoritairement constituée de Tutsi, avait demandé à son
homologue rwandais de le reconduire à Bujumbura;
Attendu par ailleurs que selon Faustin MUNYAZESA, les atermoiements qui
avaient présidé à la rédaction du communique final avaient irrité le
Président HABYARIMANA, soucieux de quitter la Tanzanie de jour ;
Qu'Enoch RUHIGIRA, ancien Directeur de Cabinet du Président HABYARIMANA,
entendu le 11 avril 2001, a relaté que le Président était attendu à
KIGALI aux environs de 17 heures ;
Que le Président HABYARIMANA, conscient de ce qu'il devrait voyager de
nuit, en raison du décollage tardif de l´appareil présidentiel, avait
projeté de passer la nuit à DAR-ES-SALAAM ce qui lui aurait été refusé
au motif que rien n'avait été prévu pour son hébergement aux dires du
Colonel SAGATAWA dont les propos ont été rapportés par Simon INSONERE,
Directeur Général au Ministère des Affaires Etrangères rwandais, entendu
le 8 septembre 2000;
Qu'il est constant que ni le Président HABYARIMANA, ni son service de
sécurité au premier rang desquels Elie SAGATAWA, ni l´équipage du Falcon
50 n'avaient consenti à ce retour nocturne en raison des risques
encourus dans l´espace aérien rwandais;
Que Jean-Michel LACOSTE, Capitaine de l´armée de l´air française,
Commandant du Noratlas rwandais qui avait transporté une partie de la
délégation rwandaise à DAR-ES-SALAAM, rapportait au cours de son
audition du 11 décembre 2002 qu'il avait remarque l´inquiétude de
Jean-Pierre MINABERRY et de Jacky HERAUD qui auraient voulu décoller
avant la tombée de la nuit;
Que Jean-Michel LACOSTE précisait, au sujet de l´inquiétude de
l´équipage du Falcon 50, que celle-ci était liée aux discussions qu'il
avait eues avec eux deux mois auparavant sur les manoeuvres à
entreprendre pour éviter un tir de missile sol-air;
Qu'Alain BOITEL, mécanicien naviguant du "Noratlas", avait lui aussi été
informé des craintes émises par Jean-Pierre MINABERRY sur la possession
par l´A.P.R. de missiles sol-air;
Attendu qu'aux yeux de plusieurs observateurs, ce sommet n'aurait été
qu'un prétexte pour faciliter la réalisation de l´attentat;
Que telle fut l´analyse du Président MOBUTU qui avait annule sa
participation au sommet et déconseillé au Président HABYARIMANA de s'y
rendre, d'après le témoignage de Paul BARRIL, recueilli le 29 septembre
1999, lequel avait rencontré le Maréchal MOBUTU à Gbadolite après
l´attentat;
[Page 50]
Que cette évaluation devait être confirmée par le témoignage de
Balthazar NDENGEYINKA, ancien Colonel de l´A.P.R. entendu le 18 décembre
2003, qui relatait que lors de discussions en tête à tête avec le
Colonel Charles MUHIRE, alors Chef du bureau des opérations de
l´état-major de l´A.P.R,, ce dernier avait reconnu que c'était "eux" qui
avaient abattu l´avion présidentiel et que la réunion à laquelle le
Président s'était rendue à DAR-ES-SALAAM n'était en fait qu'un prétexte
pour le faire sortir du Rwanda, que son retour le soir sur KIGALI avait
été volontairement retardé et que 1'heure du décollage du Falcon 50 de
l´aéroport de DAR-ES-SALAAM avait été communiquée téléphoniquement au
quartier général de l´A.P.R. à Mulindi;
Que Abdul RUZIBIZA, ancien Capitaine de l´A.P.R. corroborait, lors de
son audition du 3 juillet 2003, le témoignage de Balthazar NDENGEYINKA
sur la finalité du sommet, précisant en outre que Patrick KAREGEYA, chef
du "Service Extérieur de Sécurité" (E.S.O.) du F.P.R., avait utilisé la
couverture de la délégation ougandaise pour se rendre secrètement à
DAR-ES-SALAAM;
Attendu que les investigations diligentées sur les enregistrements
magnétiques du trafic de la tour de contrôle de l´aéroport de KIGALI ont
permis de reconstituer la chronologie des mouvements des différents
aéronefs ayant utilisé cette plate forme aéronautique pour la journée du
6 avril 1994 ;
Que l´exploitation par voie d'expertise de ces enregistrements
magnétiques saisis dans le cadre de la présente procédure a établi que
le Falcon présidentiel 9XR - NN avait décollé de l´aéroport de KIGALI à
destination de DAR-ES-SALAAM à 6 heures 07 avec 11 personnes à bord,
qu'à 14 heures 51 et 16 heures 02, avaient été enregistrés deux appels
téléphoniques relatifs à l'arrivée de l´avion présidentiel "prévue à 17
heures" suivis à 16 heures 34 et 16 heures 41 de nouveaux appels de
membres de la garde présidentielle s'inquiétant de l'heure
d'atterrissage de l´avion et qu'entre 17 heures 03 et 18 heures 37,
plusieurs personnes avaient appelé la tour de contrôle pour avoir des
informations sur l´horaire de retour du Falcon 50 et qu´il avait été
répondu à chacun des interlocuteurs que l´avion n'avait toujours pas
décollé;
Qu'il s'est avéré que le plan de vol du Falcon 50 n'avait été déposé
qu'aux environs de 19 heures, l'heure estimée arrivée à KIGALI étant
fixée à 20 heures 26;
Qu'à 19 heures 21, la tour de contrôle avait confirmé à Enoch RUHIGIRA
que l´appareil présidentiel atterrirait à 20 heures 30 et qu'à 20 heures
08, l´équipage du Falcon 50 avait appelé la tour de Kigali pour déposer
par radio un plan de vol KIGALI-BUJUMBURA avec pour indication un
décollage prévu à 20
[Page 51]
heures 40 avec "VIP n°l du Burundi à bord" ;
Qu'à 20 heures 21, le Falcon 50 9XR-NN avait annoncé son approche et que
la tour de contrôle avait alors communiqué à l'équipage les paramètres
de descente, le Commandant de bord ayant précisé qu'il souhaitait faire
une arrivée directe sur la 28 (piste 28) et qu'il rappellerait "une fois
établi sur l´I.L.S." (système d'atterrissage aux instruments);
Qu'aucun autre message radio ne devait être enregistré et qu'a 20 heures
25, la balise de détresse de l´avion s'était déclenchée;
Que ces données techniques corroborent les déclarations de l´ensemble
des personnes ayant eu à connaître le déroulement de ce sommet et
qui, pour certaines d'entre elles, ont été témoin du retard pris par les
travaux de cette dernière et des craintes manifestées tant par le
Président HABYARIMANA que par l'équipage du Falcon 50 sur les arrivées
de nuit avec une approche sur l´axe 28 survolant le secteur de Masaka;
Attendu que s'agissant de l´attentat lui même, plusieurs témoins ont
attesté que l´aéronef avait été touché par plusieurs tirs ;
Que Mathieu GERLACHE, Caporal Chef affecté à la MINUAR, entendu à
l´auditorat militaire belge les 13 avril et 30 mai 1994, déclarait avoir
distinctement vu deux points lumineux partant du sol vers l´avion, le
deuxième dix secondes après le premier, immédiatement suivi de
l´explosion de l´avion;
Que ce témoignage était corroboré par ceux de Pascal VOITURON, autre
militaire belge de la Minuar et de Jean-Luc HABYARIMANA, fils du
Président, présent à la résidence présidentielle de KANOMBE ;
Que le Lieutenant-Colonel Grégoire de SAINT-QUENTIN rapportait quant à
lui avoir entendu "deux départs de coups très rapprochés l'un de l'autre
mais pas simultanés le 6 avril 1994 à 20 heures 30" alors qu'il se
trouvait à son domicile situé à 500 mètres de la résidence privée du
Président HABYARIMANA;
Attendu par ailleurs que plusieurs témoins ont rapporté avoir intercepté
ou eu connaissance de messages radio relatifs au succès de l´opération;
Que le Lieutenant-Colonel Grégoire de Saint Quentin mentionnait à cet
égard avoir remarqué le 7 avril dans le bureau du Commandant Aloys
NTABAKUZE les retranscriptions manuscrites d'un message capté par les
services d'écoute des F.A.R. émanant du commandement du F.P.R. annonçant
le succès de "l´escadron renforcé":
[Page 52]
Qu'en effet, après l´offensive d'octobre 1990, les F.A.R. avaient mis en
place deux centres d'écoute et d'interception des communications
hertziennes leur permettant de recueillir les communications
radioélectriques du F.P.R., l´un situé à GISENYI et l´autre à KIGALI;
Que le Colonel Jean-Jacques MAURIN, Adjoint à l´attaché de Défense à
l´ambassade de France à KIGALI, a, lors de son audition du 22 juin 2001,
confirmé l´existence de ces deux centres qu'il avait visités ;
Que par ailleurs, le Colonel de Gendarmerie René GALINIE, le
Lieutenant-Colonel Grégoire de SAINT-QUENTIN et le Capitaine de l´armée
de l´air Bruno DUCOIN, entendus respectivement les 7, 8 et 9 juin 2000,
ont corroboré le témoignage du Colonel MAURIN sur l´existence de ces
centres d'écoute qualifiés de "très performants" par l´ancien Général de
l´armée rwandaise, Gratien KABILIGI, entendu à ARUSHA le 6 juin 2002 ;
Que lors de l´exécution de demande d'entraide judiciaire délivrée au
T.P.I.R., avait été notamment remise par l´ancien Chef d'Etat-Major des
F.A.R., le Général Augustin NDINDILIYIMANA, la copie du message capte le
7 avril 1994 à 8 heures 45 par le service d'écoutes de GISENYI, message
émanant du Quartier Général de l´A.P.R. à Mulindi annonçant le succès de
" la mission de l´escadron renforcé ";
Que la réalité de ce message déjà attestée par le témoignage du
Lieutenant-colonel Grégoire de SAINT-QUENTIN, a été également confirmée
par la déposition à ARUSHA d'anciens militaires des F.A.R., le Major
Aloys NTABAKUZE, le Colonel Théoneste BAGOSORA, le Général Gratien
KABILIGI, l´ancien Commandant du secteur de GISENYI, le Colonel Anatole
NSENGIYUMVA, responsable de la station d´écoute pour le Nord Rwanda qui
avait intercepté un premier message de l'A.P.R le 6 avril au matin
faisant état d'un mouvement de troupes dans la nuit du 5 au 6 avril et
un deuxième le 7 avril à 8 heures 45 concernant l´attentat, de même que
le Major Epiphane HANUYRWIMANA et le Lieutenant-Colonel Alphonse NZUNGIZE ;
Que par ailleurs, Richard MUGENZI, opérateur radio pour le compte des
F.A.R., qui avait été recruté pour cette mission en raison de ses
compétences dans le domaine des radios-transmission et de ses aptitudes
linguistiques, parlant outre le français et l´anglais, les dialectes ou
langues locales tels que le Kinyarwanda, le Swahili et l´igika,
confirmait, lors de son audition du 05 juin 2001, avoir retranscrit le
message du 7 avril, message en langue Swahili, selon lui non codé, qu'il
avait personnellement intercepté, annonçant la réussite de "l´escadron
renforcé;
Attendu que l´ensemble des investigations entreprises ont clairement
démontré
que, pour le F.P.R., l´élimination physique du Président Juvénal
HABYARIMANA était la condition nécessaire et préalable à une prise du
pouvoir par la force et s'inscrivait dans un vaste plan élaboré à cette
fin ;
Qu'il est ainsi apparu, au travers des témoignages et de la
documentation recueillis que le F.P.R. et plus particulièrement son
chef, le Général Paul KAGAME, avait cherche, par sa participation aux
divers pourparlers de paix avec le gouvernement rwandais, à gagner du
temps pour préparer, au plan militaire, la reprise de l´offensive et
tromper la population rwandaise et l´opinion internationale sur ses
véritables intentions ;
Que cette stratégie avait été résumée par le Colonel belge Luc MARCHAL,
Commandant adjoint de la MINUAR lors de son audition en Belgique, en ces
termes:
"Je le dis avec d'autant plus de conviction que j'ai moi-même moi même
dupé de leur propagande accrocheuse devant les négociations d'ARUSHA.
Une fois sur place à KIGALI, j´ai pu me rendre compte qu´ 'il y avait un
gouffre entre le discours et sa réalisation, une machine à broyer, voilà
ce qu´était exactement ce mouvement à caractère totalitaire ;
Que les prémices de la reprise des hostilités ont été décrites par tous
les témoins entendus, qu'il s'agisse des anciens partisans du camp
présidentiel comme des membres du F.P.R.;
Que la poursuite du recrutement de jeunes Tutsi, tant à l´extérieur du
Rwanda qu'a l´intérieur, la constitution par l´A.P.R. de caches d'armes
dans les zones démilitarisées sous contrôle de la MINUAR ,
l´infiltration dans KIGALI de combattants en civil, l´introduction au
C.N.D. d'armes et de munitions dont des missiles antiaériens de type SAM
16 lors de navettes avec le Quartier Général de l´A.P.R. à Mulindi sous
escorte des forces de la MINUAR et l´approvisionnement en armes à partir
de l´Ouganda étaient les signes précurseurs de la reprise des hostilités ;
Qu'il a pu ainsi être établi que toutes les unités de l´A.P.R. avaient
été mises en pré-alerte depuis le 3 avril 1994 et que dans les jours
précédents l´attentat, tous les responsables du F.P.R., hébergés au
C.N.D. avaient rejoints le Quartier Général de Mulindi;
Qu'il convient à cet égard de rappeler que Abdul RUZIBIZA à mentionné
dans sa déposition du 3 juillet 2003 que le Haut Commandement militaire
de l´A.P.R., placé sous l´autorité directe de Paul KAGAME et de son
adjoint, le Lieutenant-Colonel James KABAREBE, avait donné pour triple
mission au "network commando", auquel il appartenait, d'assassiner des
membres de la
communauté Tutsi afin de jeter le discrédit sur le gouvernement rwandais
en accusant ses milices, de procéder à des repérages et reconnaissances
opérationnelles en zone gouvernementale afin de préparer la reprise de
l´offensive militaire et de poursuivre la préparation de l´attentat
centre le Président HABYARIMANA;
Que lors de sa déposition recueillie en Belgique le 21 novembre 2001,
Félix LIZINDE, fils du Colonel Théoneste LIZINDE, assassine au KENYA par
un commando du F.P.R., faisait état de ce que dans la nuit du 6 au 7
avril 1994, des unités de l´A.P.R. avaient quitte la zone de Mulindi et
de Byumba pour renforcer le bataillon stationne au C.N.D. et qu'une de
ces unités partie sans arme, avait récupéré de l´armement dans une des
caches du F.P.R. située en cours de route;
Que de son cote, l´ancien député Jean-Baptiste MBERABAHIZI, entendu le
20 novembre 2001, rapportait avoir appris par un militaire de l´A.P.R.
que des armes cachées jusque là sur le Mont Kaniga près de Mulindi
avaient été desserrées ce qui devait être confirmé par Abdul RUZIBIZA
lequel précisait avoir connu quatre de ces caches "la plus importante
ayant renfermé jusqu´ 'a 120 tonnes d'armes et de munitions à KARAMA",
ainsi que par Jean-Baptiste MBERABAHIZI;
Que Jean-Pierre MUGABE, ancien membre du F.P.R., devait mentionner lors
de son audition à Paris le 13 mars 2001, que le soir du 6 avril 1994,
alors qu'il était au Quartier Général du F.P.R. à Mulindi, James
KABAREBE avait discute en aparté, aux environs de 20 heures 30, avec
Paul KAGAME dans la pièce où il se trouvait et que quelques instants
plus tard, l´ordre avait été donné à toutes les unités de l´A.P.R. de se
mettre en "stand by class one en vue d'une reprise imminente des
hostilités ;
Que cette mise en alerte générale des unités de l´A.P.R. dans les
instants ayant suivi l´attentat à été également rapportée par Sixbert
MUSANGAMFURA, ancien Premier Ministre rwandais après la victoire du
F.P.R, lors de son audition du 10 juillet2002 en Belgique ;
Qu'Innocent MARARA, membre de la garde rapprochée de Paul KAGAME,
entendu lui aussi à Paris en septembre 2001, a confirmé que le 6 avril
1994, alors qu'il se trouvait à Mulindi, il avait entendu que tous les
effectifs avaient été places en alerte "class one après l´annonce par
radio de la destruction du Falcon 50 présidentiel, ce que confirmait
également Evariste MUSONI;
Attendu que Paul KAGAME, dans sa volonté résolue de diriger le pays sans
partage et de ne prendre aucun risque, avait cherché à éliminer
physiquement tous ceux - en particulier parmi ses partisans - qui
auraient été susceptibles de
lui nuire;
Qu'à cette fin, il avait créé une unité spéciale dénommée "Network
commando" au sein de la "Directorate Military Intelligence (D.M.I.),
chargée de traquer au Rwanda et en Afrique et d'assassiner tous les
opposants au régime et ceux qui avaient participé à des opérations
clandestines ou en avaient été témoin, en particulier l´attentat contre
le Falcon 50 du Président HABYARIMANA;
Que c'est dans ce cadre que fut assassiné à KIGALI le 21 février 1994,
Félicien GATABAZI, Ministre des Travaux Publics et Secrétaire Général du
"Parti Socialiste Démocrate (PS.D.), allie au F.P.R., pour avoir refusé
de cautionner un coup d'Etat du F.P.R.;
Que le 6 octobre 1996, le Colonel Théoneste LIZINDE, Député du F.P.R. et
ancien conseiller de Paul KAGAME, était enlevé à Nairobi (Kenya) et
assassine peu après;
Que se sachant menacé par "l'homme fort de KIGALI et ses sbires" - comme
il devait le confier dans une télécopie expédiée depuis KINSHASA le 10
janvier 1996 - II avait quitté secrètement le Rwanda pour se réfugier au
Zaïre puis au Kenya;
Que le Colonel LIZINDE, en raison de sa proximité avec les milieux
dirigeants du F.P.R. et de Paul KAGAME en particulier, avait été témoin
des préparatifs de l´attentat et de son exécution par une unité de l´A.P.R.;
Que lorsqu'il était en exil, il avait confié à Joseph NZIRORERA que
"c´était le FPR qui avait pris l'initiative de tuer le Président
HABYARIMANA" et qu'il avait l´intention d'écrire un livre après avoir
rencontré Seth SENDASHONGA;
Que Christophe HAKIZABERA devait lui aussi faire état de ce que
Théoneste LIZINDE lui avait dit à plusieurs reprises que l´attentat du 6
avril 1994 était l´oeuvre du F.P.R. et avait été dirige par le Colonel
Charles KAYONGA, assiste du Major Rose KABUYE ;
Que lors de leur déposition du 21 novembre 2001 à Bruxelles, les deux
fils du Colonel Théoneste LIZINDE ont remis aux enquêteurs divers
documents dont un mettant formellement en cause le F.P.R. dans
l´attentat du 6 avril 1994 ;
Qu´ils pensaient en outre que leur père avait été assassiné à la suite
de l´enquête qu'il avait menée sur l´attentat contre l´avion présidentiel;
Que Seth SENDASHONGA, que Théoneste LIZINDE voulait rencontrer avant la
publication de ses écrits, était à son tour assassine le 16 mai 1998 à
Nairobi;
Que membre influent du F.P.R., il avait été désigné pour siéger en
qualité de Ministre de la Jeunesse au sein du futur gouvernement de
transition à base élargie et avait, à ce titre, résidé au C.N.D. avant
d'être nommé en juillet 1994 Ministre de l´intérieur, poste dont il
démissionnera le 28 août 1995 en compagnie du Premier Ministre Faustin
TWAGIRAMUNGU ;
Qu'il quittait ensuite le Rwanda et faisait l´objet d'une tentative
d'assassinat le 26 février 1996 au KENYA dans laquelle avait été
impliqué Francis MUGABO, un membre du Consulat rwandais, Officier à
"l´external Security Office (E.S.O.), lequel avait été interpellé sur
les lieux en possession d'une arme à feu avant d´être expulse au Rwanda
en raison de son statut diplomatique ;
Qu'il convient à cet égard de noter que Francis MUGABO est cite dans la
liste des membres du "Network" figurant dans le rapport de l´enquêteur
du T.P.I.R., Mickael HOURIGAN ;
Qu'il ne fait aucun doute, au vu des éléments de l´enquête, que
l´assassinat de Seth SENDASHONGA est lié à la connaissance qu'il avait
de l´attentat du 6 avril 1994;
Que son épouse, Cyrie NUKUZE SENDASHONGA avait déclaré à la police
kenyane que son mari, "compagnon de route du F.P.R., avait été assassiné
parce qu'il "en savait trop", ses anciens amis craignant de le voir
éventuellement déposer devant la Commission Parlementaire française ;
Que Jean-Pierre MUGABE, confirmait les dires de la veuve de Seth
SENDASHONGA, déclarant que ce dernier avait été assassiné"car il
connaissait le projet d'attentat centre l'avion présidentiel et en outre
il était devenu un danger potentiel du FPR car il était soutenu par les
Hutu et par une partie des tutsi de l´intérieur » ;
Que cette pratique d'élimination des anciens membres de l´organisation
pouvant "nuire au FPR ou ayant participé à des actions terroristes" pour
reprendre les propos de Jean-Pierre MUGABE, devait être confirmée par
Denis KAGIRANEZA, membre du Comite Central du F.P.R., lequel lors de son
audition du 20 novembre 2001 en Belgique, déclarait que dans la formule
de serment d'adhésion au F.P.R., il était stipulé que les traîtres et
renégats étaient passibles de la peine de mort, ajoutant, concernant
Seth SENDASHONGA et Théoneste LIZINDE, que tous deux qui n'acceptaient
plus "le mode de gestion politico-militaire du F.P.R. ... devenaient de
plus en plus dérangeants" ;
Attendu que les investigations conduites à ce jour dans le cadre de la
présente enquête ont mis en évidence que l´attentat du 6 avril 1994
s'inscrivait dans une stratégie d'ensemble échafaudée par Paul KAGAME
des 1993 visant à s'emparer du pouvoir par la violence et à l´exercer
sans partage ;
Attendu en effet qu'en 1993, le F.P.R. n'était plus en mesure d'avoir la
possibilité de remporter les élections prévues par les Accords d'ARUSHA
à 1' issue de la période de transition, n'ayant plus alors de base
populaire suffisante pour accéder au pouvoir par la voie démocratique ;
Que les différentes scissions intervenues au sein des partis politiques
d'opposition interne favorables depuis 1992 à une collaboration avec le
F.P.R. avaient provoque un morcellement de ces partis, situation qui
avait été aggravée par le comportement hégémonique du F.P.R., révélé par
son offensive de février 1993 et surtout par l´assassinat le 21 octobre
1993 au Burundi par l'armée mono ethnique Tutsi du Président Hutu
Melchior NDADAYE, démocratiquement élu quelques mois auparavant;
Que ces scissions avaient eu pour conséquence de jeter une forte
suspicion sur les réelles intentions du F.P.R. et conduit au ralliement
de leurs dissidents à la mouvance présidentielle ;
Qu'ainsi la seule issue désormais ouverte au F.P.R. et à son chef Paul
KAGAME était le recours à la force ;
Que nombre de témoignages recueillis dans le cadre de cette enquête
rendent compte de cette stratégie ;
Que Deo NGENDAHAYO, responsable du Bureau Central du Renseignement du
Burundi, entendu le 12 février 2001, soulignait que le F.P.R. s'était
engagé dans cette voie;
Que de son côté, le Colonel belge Luc MARCHAL, Commandant adjoint de la
Minuar, entendu en Belgique le 9 juillet 2002, confirmait que la seule
motivation du F.P.R. était la conquête du pouvoir ;
Que dans son journal de bord, il notait à la date du 4 avril 1994 : "en
fait, la thèse défendue est que la seule motivation du FPR en prenant
les armes contre le gouvernement actuel n´est pas la victoire de la
démocratie, mais la conquête du pouvoir par la violence..."cette thèse
me semble conforme à mes observations et déductions" ;
Que cette analyse devait être reprise par la Commission Parlementaire
belge qui relevait que le 9 avril 1994, trois jours après l´attentat,
Paul KAGAME
dans un communique officiel à "Radio Muhabura" avait proclamé la
caducité des Accords d'ARUSHA ajoutant qu'il avait fait le choix "qui
répondait le mieux aux objectifs du FPR, à savoir la reprise du pouvoir
par les forces des
Armées
Que le Général Roméo DALLAIRE, alors Commandant en Chef de la Minuar,
lors d'une audition en date du 21 janvier 2004 confirmait la stratégie
hégémonique de Paul KAGAME et la détermination dont il avait fait preuve
dans la mise en oeuvre de son plan : "les rebelles de l'époque -
déclarait il -aujourd'hui au pouvoir avaient planifié un pays dominé par
les Tutsi lors de leur lutte armée contre le gouvernement contrôlé par
l'ethnie Hutu" ; le F.P.R. ajoutait-il "n'avait pas nécessairement parmi
ses priorités le bien-être des populations de l'intérieur, mais un plan
longtemps élaboré qui aboutirait à un pays domine par les Tutsi ;
Que le gouvernement américain qui pourtant avait soutenu le F.P.R
devait, par la voie de Monsieur Hermann COHEN, Conseiller pour les
Affaires africaines au Secrétariat d'Etat Américain, condamner la dérive
de Paul KAGAME et les graves dangers qu'il faisait courir pour la
population rwandaise;
Qu'entendu le 7 juillet 1998 devant la Commission Parlementaire
française, Monsieur Hermann COHEN déclarait : "les Etats-Unis n'avaient
pas lieu d´être satisfaits de cette invasion, le FPR n était pas
accueilli à bras ouverts par la population rwandaise, ce qui mettait à
bas la thèse d'une armée de libération. Cette attaque était de même
critiquée par certains Tutsi qui disaient que si le FPR gagnait la
guerre, les Tutsi rwandais en feraient les frais et qu´ 'ils seraient
tous tués" ;
Que les déclarations de ce haut responsable du Département d'Etat
américain rejoignait d'autres témoignages sur le fait que Paul KAGAME
n'avait pas hésité à provoquer et entretenir des violences
interethniques pour légitimer le recours à la violence ;
Que Deo NGENDAHAYO ne disait rien d'autre en mentionnant dans son
audition précitée que "la situation au Rwanda nécessitait une raison qui
devait déclencher des représailles entre Tutsi et Hutu et ainsi
justifier la prise de pouvoir par la force du FPR et de ses allies, ce
qui lui à donné une légitimité politique ;
Qu'aux dires de Nikko NSENGIMANA, responsable d'organisations non
gouvernementales rwandaises (ONG), entendu à Berne le 18 avril 2002,
Patrick MAZIMPAKA, Vice-Président du F.P.R. avait fait montre de la même
détermination, lorsqu'en réponse ses interlocuteurs qui lui avaient fait
remarquer que la reprise des combats par le F.P.R. entrainerait le massacre
"des gens de l´opposition dont il faisait partie ainsi que celui des
Tutsi il aurait répondu qu'il "appartenait au gouvernement rwandais de
protéger ses citoyens et qu´après tout, même dans l´Allemagne nazie, il
y avait eu des survivants" ;
Que Dismas NSENGIYAREMYE, ancien Premier Ministre du Rwanda confirmait
également la détermination du "F.P.R." de poursuivre les hostilités pour
une "prise totale du pouvoir" quel qu'en soit le coût, Seth SENDASHONGA
lui ayant dit à ce propos "qu´on ne pouvait pas faire une omelette sans
casser des oeufs" ;
Qu'il apparaît qu´après l´attentat du 6 avril 1994 et le déclenchement
concomitant des représailles sur la population Tutsi et la reprise des
hostilités par le F.P.R., ce dernier avait refusé toute intervention
étrangère même sous mandant de l´O.N.U. et poursuivi ses actions
militaires ;
Que pour le Colonel MARCHAL, entendu en Belgique, la manière dont les
opérations militaires avaient été déclenchées dans le Nord du Rwanda des
le 7 avril 1994 prouve qu'elles avaient été prévues de longue date et
que les hostilités qui avaient duré trois mois auraient pu être de plus
courte durée ;
Qu'il ajoutait que cette volonté du F.P.R. de faire durer les combats
entraînant le massacre des Tutsi, lui avait fait comprendre que celui-ci
considérait les Tutsi de 1' intérieur du Rwanda comme des collaborateurs
du régime HABYARIMANA et que leur mort était un calcul politique ;
Qu'Abdul RUZIBIZA, ancien Capitaine de l´A.P.R. corroborait cette
appréciation du Colonel MARCHAL, déclarant au cours de son audition
précitée que "Paul KAGAME n´avait que peu de considérations pour les
Tutsi de l´intérieur qui étaient presque assimiles à ses yeux à des Hutu
... les Tutsi de l´intérieur étaient des ennemis potentiels qu´ 'il
fallait éliminer au même titre que les Hutu pour prendre le pouvoir,
objectif essentiel de Paul KAGAME » ;
Attendu qu´il résulte de l´ensemble des investigations diligentées à ce
jour dans le cadre de cette enquête et en particulier des témoignages
d'anciens militaires de l´A.P.R. et de dissidents du F.P.R. que
l´attentat perpétré le 6 avril 1994 contre le Falcon 50 du Président
HABYARIMANA s'inscrit dans un plan d'ensemble ourdi par le F.P.R. que
dirigeait Paul KAGAME, pour s'emparer par la violence du pouvoir qu'il
n'aurait pu conquérir par la voie légale dans le respect des mécanismes
institutionnels mis en place par les Accords d'ARUSHA ;
Que la décision d'attenter à la vie du Président HABYARIMANA par un
attentat spectaculaire qui aurait nécessairement pour effet de provoquer la
branche la plus extrémiste de l´ethnie Hutu a été prise lors d'au moins
trois réunions tenues fin 1993 et début 1994 au Quartier Général du Haut
Commandement militaire de l´armée Patriotique Rwandaise (A.P.R.) à
Mulindi en la présence notamment de :
- son commandant en chef, le Général Paul KAGAME, ne le 23 octobre 1957
à Tambwe, Préfecture de Gitarama (RWANDA), actuel Président de la
République,
- son adjoint, le Lieutenant-Colonel James KABAREBE, ne en 1959 ou 1963
à Rutshuru (ex-Zaïre), actuel Chef d'Etat-Major de l´Armée Patriotique
Rwandaise devenue les "Forces Rwandaises de Défense,
et des officiers:
- Faustin NYAMWASA KAYUMBA, né le 28 mars 1958 en Ouganda, actuellement
Général Major,
- Charles KAYONGA né en 1959 ou 1962 à Murama, Préfecture de Gi tarama
(Rwanda), actuellement Général de Brigade et conseiller à la Présidence
pour les affaires de Défense Nationale ;
Que l´ordre final d'abattre l´avion présidentiel avait été donne par
Paul KAGAME lui même lors d'une réunion qui s´Etait tenue à Mulindi le
31 mars 1994, la planification et la phase opérationnelle étant confiées
au Colonel James KABAREBE qui avait été notamment charge de constituer
une équipe spécialisé dans l´utilisation de missiles sol-air fournis par
l´Ouganda ;
Que la préparation matérielle, l´organisation et les renseignements
nécessaires à cette exécution avaient été réalisés avec le concours
direct des officiers membres du Haut-Commandement:
- Charles KAYONGA, Commandant du bataillon de l´A.P.R. base au C.N.D.
à KIGALI;
- Jackson NKURUNZIA dit Jack NZIZA, Major,
- le Colonel Samuel KANYEMERA dit Sam KAKA,
- Rose KABUYE, Major, affectée au bataillon de l´A.P.R. qui avait
hébergé le commando dans ses quartiers au C.N.D. avant l´attentat,
- Jacob TUMWINE, major, adjoint au Lieutenant-Colonel Charles KAYONGA,
qui avait réceptionne dans ses quartiers au C.N.D. les missiles
destinés à l´attentat et faisait partie des officiers présents autour de
Paul KAGAME lors de la dernière réunion ou l'ordre d'abattre l'avion
avait été donné;
Que le Sous-Lieutenant Franck NZIZA et le Caporal Eric HAKIZAMANA,
membres de la section missile, avaient tire leur missile sol-air de type
SAM-16 sur l´avion présidentiel et l´avait détruit en vol;
Qu'il s'induit également des éléments pertinents de l´enquête que le
Général Paul KAGAME avait délibérément opté pour un modus operandi qui,
dans le contexte particulièrement tendu régnant tant au Rwanda qu'au
Burundi entre les communautés Hutu et Tutsi, ne pouvait qu'entraîner en
réaction des représailles sanglantes envers la communauté Tutsi qui lui
offriraient le motif légitime pour reprendre les hostilités et s'emparer
du pouvoir avec le soutien de l'opinion internationale ;
Que bien que son armée fut militairement supérieure à celle des F.A.R.,
le refus du F.P.R. d'accepter le cessez le feu, alors que les massacres
étaient en cours et d'autoriser la présence sur le territoire rwandais
de forces Internationales pour participer au rétablissement de l'ordre
et mettre fin au génocide, a démontré que le seul but poursuivi par ses
dirigeants était l´obtention d'une victoire totale et ce, au prix du
massacre des Tutsi dits "de l'intérieur" considérés par Paul KAGAME
comme des "collaborateurs du régime HABYARIMANA";
Que bien que cette stratégie criminelle ait été remarquée et dénoncée
par des observateurs extérieurs, en particulier les responsables
politiques et militaires américains et des membres de la MINUAR, le
F.P.R. devait la conduire jusqu'a son terme;
Attendu que les responsables du F.P.R. susmentionnés ayant participé à
la conception, la planification et la réalisation de l´attentat dans les
conditions précisées ci-dessus, sont susceptibles de faire l´objet de
poursuites des chefs d´assassinats, de complicité d´assassinats en
relation avec une entreprise terroriste et d´association de malfaiteurs
en vue de préparer des actes de terrorisme;
Mais attendu que Paul KAGAME, Président de la République du Rwanda qui
bénéficie à ce titre de l´immunité accordée en France aux chefs d'Etat
en exercice, ne peut être poursuivi dans le cadre de cette procédure ;
Qu'il pourrait en revanche faire l´objet de poursuites par le Tribunal
Pénal International pour le Rwanda (T.P.I.R) ;
Attendu qu'il appartiendra à Monsieur le Secrétaire Général des Nations
Unies qui sera officiellement informé par une demande transmise par la
voie diplomatique des éléments pertinents de l´enquête et des charges
recueillies à l'encontre de Paul KAGAME, de saisir, en tant que de
besoin, Monsieur le Procureur près le Tribunal Pénal International pour
le Rwanda aux fins d'engager des poursuites centre lui pour sa
participation présumée à l´attentat du 6 avril 1994, faits qui relèvent
de la compétence de cette juridiction ;
Attendu en conséquence que les nommes :
1 - James KABAREBE ou KABARE dit "James" ou "roi des grands lacs" ou "le
fils"
serait né le 23 décembre 1959 à Nyarugenge (Rwanda) ou en 1963 à Rutshuru
- Région du Nord Kivu (ex Zaïre et actuellement République Démocratique du
Congo)
de père inconnu et de mère inconnue
de nationalité zaïroise et rwandaise
actuellement chef d'Etat-Major Général des "Forces Rwandaises de Défense
2 - Faustin NYAMWASA-KAYUMBA
susceptible d'être né le 28 mars 1958 à Mbarara ou dans le District de
Rukungiri (Ouganda)
mais serait en réalité originaire du Nord Rwanda (Préfecture de Byumba)
de père inconnu et de mère inconnue
de nationalité ougandaise
actuellement Ambassadeur du Rwanda en Inde
3 - Charles KAYONGA
né le 10 octobre 1962 à Rukara (Rwanda)
de Silver KAYONGA et de Languid KAYONGA
de nationalité rwandaise
actuellement Chef d'Etat-Major de l´armée de Terre rwandaise
4 - Jackson NKURUNZIZA dit Jack NZIZA
serait né en 1959 à Bufumbira (Ouganda) ou en 1960 dans la Région de
Gisoro (Sud-Ouest de l´Ouganda)
de inconnu et de inconnue de nationalité ougandaise
et qui occuperait actuellement un poste à la Garde Présidentielle ou un
poste de responsable de la logistique au sein des "Forces Rwandaises de
Défense
5 - Samuel KANYEMERA dit Sam KAKA
serait né en 1960 (sans autre précision) de père inconnu et de mère
inconnue de nationalité inconnue
actuellement Député du "F.P.R."
6 - Rose KABUYE née KANYANGE
née le 22 avril 1961 à Muvumba (Rwanda) de père inconnu et de mère
inconnue de nationalité rwandaise
actuellement Directeur général du protocole d'Etat
7 - Jacob TUMWINE
serait né le 12 octobre 1966 à Myumba (Rwanda) de père inconnu et de
mère inconnue de nationalité rwandaise
actuellement Lieutenant-Colonel démobilisé
8-Franck NZIZA
serait né en Ouganda (sans autre précision) de père inconnu et de mère
inconnue de nationalité inconnue
occuperait actuellement un poste de Capitaine à la Garde Présidentielle
ou un poste de responsable d'une unité administrative
9 - Eric HAKIZIMANA
né au Rwanda
de père inconnu et de mère inconnue
de nationalité rwandaise
occuperait un poste au sein du Département G2 du "Directorate of
Military Intelligence (D.M.I.)
toutes personnes sans domicile connu
susceptibles de faire l´objet de poursuites des chefs d'assassinats en
relation avec une entreprise terroriste (8 et 9), de complicité
d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste (1, 2, 3, 4, 5,
6 et 7) et d'association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de
terrorisme ( 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et
faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 221-3, 421-1,
421-2-1, 421-3, 421-5 du code pénal, 203 et 706-16 et suivants du code
de procédure pénale du Code Pénal
ont disparu et ne résident pas sur le Territoire National
Attendu qu'il nous parait nécessaire de décerner à leur encontre mandat
d'arrêt international
Ordonnons la communication de la procédure à M. le Procureur de la
République.
Fait à Paris le 17 novembre 2006