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CYANGUGU (RWANDA), 25 juin, Reuter - Les parachutistes français ont forcé samedi des milices hutues terrorisant le sud-ouest du Rwanda à démanteler leurs barrages routiers.
Ces paras, avant-garde de l'opération Turquoise prévoyant le déploiement de 2.500 hommes pour la protection des populations menacées du Rwanda, arrêtent leurs jeeps et leurs transports de troupes à chaque barrage civil rencontré le long de la route.
Le dialogue est bref: les jeunes Hutus se voient intimer l'ordre de déguerpir et de laisser la tâche du maintien de l'ordre aux profesionnels.
Nous sommes ici maintenant pour assurer votre sécurité. Rentrez dans vos familles, reprenez le travail. Ces barrages ne sont plus nécessaires
, explique un jeune capitaine à trois jeunes en partie dissimulés derrière leur barrage en bambou.
Il ajoute, menaçant: Nous reviendrons régulièrement. Et nous ne voulons pas revoir ces barrages. C'est la tâche des militaires, pas des civils.
A quelque distance, le capitaine croise un jeune Hutu armé d'une grenade. Confisquée. Vous êtes un civil, n'est-ce pas ? Alors qu'est-ce que vous faites avec ça ?
L'objectif semble être de prouver au Front patriotique rwandais (FPR), qui a vivement critiqué l'intervention française, que les forces françaises sont impartiales à l'égard des communautés hutue et tutsie.
Base idéale
Ayant largement contribué à former et à équiper l'armée nationale rwandaise dans un passé pas si lointain, les troupes françaises doivent faire la preuve qu'elles interviennent en tant que force neutre et non en tant que soutien aux forces du gouvernement intérimaire.
Le risque de malentendu est apparu manifeste dès l'arrivée des 200 premiers soldats français sur le sol rwandais jeudi.
Les Hutus, visiblement ravis, agitaient des drapeaux français et des serre-têtes tricolores, convaincus que les parachutistes sont là pour leur venir en aide face au FPR.
Ce sentiment a été exprimé samedi par le ministre rwandais des Affaires étrangères, Jérôme Bicamumpaka, de passage à Cyangugu. Nous aimerions que cette opération aille au-delà d'une intervention humanitaire. Nous aimerions voir la force française forcer le FPR à accepter un cessez-le-feu
, a-t-il dit.
Bien que des centaines de soldats français convergent en renfort vers la ville de Goma, dans l'est du Zaïre, qui constitue une idéale base de départ pour une intervention dans le nord-ouest du Rwanda, les Français ont clairement indiqué qu'ils concentreraient leurs actions sur la région de Cyangugu jusqu'à ce qu'ils aient le sentiment d'avoir prouvé leur bonne foi à ceux qui les critiquent.
Si la présence française se fait nettement sentir dans la région du lac Kivu, dans l'intérieur du Rwanda, les Hutus continuent à faire la loi et la situation y est tendue.
Au village de Shangi, où les parachutistes ont découvert vendredi une fosse commune de Tutsis assassinés, gendarmes et habitants se refusent à raconter ce qui s'est passé. /LE
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