Citation
Seul le Burundi a retenu la thèse de l'accident d'avion et des très
mauvaises conditions d'atterrissage à Kigali. En tout cas, si c'est un
attentat qui a coûté la vie aux chefs d'Etat du Burundi et du Rwanda
le soir du 6 avril, il ne peut, pour des raisons techniques évidentes,
avoir été le fait que de membres de l'armée nationale. Il est
cependant difficile de dire si les comploteurs sont des officiers
proches de l'opposition et opposés à la rupture des accords d'Arusha -
le président Habyarimana revenait de Dar-es-Salaam décidé à reprendre
la guerre - ou au contraire des officiers du ``noyau dur'' qui pensaient
une ``reprise en main'' nécessaire avant la relance de la guerre, et qui
jugeaient le président trop lié internationalement pour pouvoir se
livrer au nettoyage ethnique qu'ils souhaitaient. Néanmoins,
l'identité des victimes semblerait plutôt faire pencher la
responsabilité vers les ``colombes'' car plusieurs des ``faucons'' les
plus durs se trouvaient dans le Falcon 50: le chef d'état-major, le
colonel Deo Nsabimana; le colonel Sagatwa, beau-frère du président
Habyarimana et l'un des principaux chefs des escadrons de la mort du
fameux ``Réseau zéro'' (LC N°179); le major Thaddée Bagaraza,
responsable des services de la Sécurité présidentielle; le Dr Emmanuel
Hakingeneye, médecin personnel du président; Renzaho, ancien préfet et
conseiller politique du président; Bernard Ciza, ministre burundais du
Plan, un Hutu Frodebu de la tendance dure; et Cyriaque Simbizi, ministre burundais de la Communication, un Tutsi modéré.
Peu après la disparition du président rwandais, les massacres
commençaient, très ciblés: le premier ministre Agathe Uliwingiyimana;
le ministre de l'Agriculture Nzamurambano, devenu secrétaire général
du Parti social démocrate (PSD) après l'assassinat de son précédent
leader Félicien Gatabazi il y a deux mois par les extrémistes du
régime; Landwald Ndasingwa, ministre du Travail, Tutsi, tué avec son
épouse canadienne et leurs deux enfants; l'activiste des droits de
l'homme Monique Mujawamaliya qui avait joué un rôle essentiel dans
l'établissement du rapport de décembre 1992 sur les violations des
droits de l'homme qui dénonçait notamment les exactions du ``Réseau
zéro''; le président de la Cour suprême Kavaruganda; quinze
ecclésiastiques du Centre Christus et leur personnel en raison de leur
soutien aux droits de l'homme; le commerçant Shamukiga, consul du
Luxembourg, connu pour ses opinions démocratiques et l'aide financière
qu'il apportait à Monique Mujawamaliya et ses amis.
L'opération Falcon II vise, d'une part, à éliminer les activistes
démocratiques qui critiquent le gouvernement depuis deux ou trois ans
et soutiennent les Accords d'Arusha, et d'autre part, à empêcher toute
succession constitutionnelle qui maintiendrait au pouvoir le
gouvernement de transition établi par l'accord du 13 mars 1992 entre
Habyarimana et les partis d'opposition. Le but de l'opération était de
préparer le terrain pour promouvoir un gouvernement ultra, ce qui sera
fait dans la nuit du 8 au 9 avril (voir sous rubrique politique). Les
massacres qui suivent, effectués tant par la Garde présidentielle que
par les activistes civils des CDR, n'auront d'autre utilité politique
que de terroriser toute opposition possible. Les victimes seront en
majorité des Tutsi (la plus grande partie de la communauté Tutsie de
Kigali) mais également des Hutu du sud, hostiles aux extrémistes de la
région présidentielle de Gisenyi.