Fiche du document numéro 3585

Num
3585
Date
Jeudi 11 août 1994
Amj
Hms
20:00:00
Taille
15290906
Sur titre
Journal de 20 heures [4:51]
Titre
Alain Juppé : « Il appartient au gouvernement de Kigali de rassurer les populations, sinon nous verrons encore ces images atroces que la France a été la première à dénoncer »
Sous titre
Les Éthiopiens de la MINUAR II sont déjà désignés comme ennemis irréductibles : ils seraient proches des Tutsi.
Nom cité
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Résumé
- On the border with Rwanda, violent incidents are taking place in the Goma camp between Rwandan refugees and Zairian soldiers.

- The Rusizi border post. Anonymous or more threatening faces, they all headed for Zaire and exile. This bridge links Cyangugu, the last town in the French humanitarian zone, to Bukavu, a Zairian border town. The greatest disorder reigns there: a flow of refugees, increasing, is pressing, jostling in this perimeter "Cour des Miracles".

- Rwandan customs officers have fled. Only the French legionaries control this new exodus as best they can. Crossing on foot, many flee Rwanda claiming to seek calm before peace returns. Others, on the other hand, do not hesitate to turn their escape into organized looting or armed raid.

- The soldiers of the former government on the run are not far away and are happy to watch this coming and going. An exodus that is already turning into a humanitarian disaster.

- Every day the Rwandan population is stranded all over the place in a dilapidated city center. No reception structure really exists and the thousands of refugees will swell an already destitute population of 300,000 people. A crowd that wanders in search of survival but already knows how to feed on the craziest rumors. The Ethiopians of UNAMIR II are already designated as irreducible enemies: they are said to be close to the Tutsi.

- Far from the shambles city, some camps have fortunately had time to organize themselves. But they are closed to any new arrival. Lack of structures, lack of food. And only 25,000 refugees were able to find space.

- Stopping a new exodus has become an almost impossible mission for the French. Without shelter, without water, without food, Rwandans are already on the march towards the new hell.

- Dominique Bromberger interviews Alain Juppé on set. Dominique Bromberger: - "Where are our relations with the new Rwandan authorities be when the Americans are literally settling in Kigali?". Alain Juppé: - "We are talking with the Rwandan authorities in Kigali. We have dispatched several emissaries to them. And we will soon have an office there which will allow us to maintain contact. I think we can already say that Operation Turquoise has a positive result. We have 'secured' more than a million and a half people who, without this, at a time when the war was still raging, would have been victims of massacres. We must now succeed. I believe that it is underway, that it is on the right track. An Ethiopian contingent has just arrived. About half of our force in Rwanda has been withdrawn. The remainder will be by the 21st or the 22nd August. I would especially like to stress the fact that, now, it is up to the government of Kigali, about which they say so much [ironic smile], to the United States in particular, to reassure the populations. Rwanda, it is up to him to create the conditions so that the population res you at her place. Otherwise we will still see these atrocious images that France was the first to denounce or to show in any case".
Source
TF1
Fonds d'archives
INA
Type
Journal télévisé
Langue
FR
Citation
[Dominique Bromberger :] Et puis à la frontière du Rwanda, des incidents violents se déroulent dans le camp de Goma entre réfugiés rwandais et soldats zaïrois. [Inaudible], ville frontière située à proximité de la zone humanitaire de l'opération Turquoise, nos envoyés spéciaux Isabelle Baillancourt et Gilles Hémart ont perçu les signes d'un nouvel exode. Celui-ci pourrait de produire lorsque les soldats français se retireront du sud-ouest du Rwanda.

[Isabelle Baillancourt :] Le poste-frontière de Rusizi [une incrustation "Frontière Zaïro-Rwandaise, Sud-Ouest Rwanda" s'affiche à l'écran]. Visages anonymes ou plus menaçants [un réfugié regarde la caméra en mimant un égorgement], ils se dirigent tous vers le Zaïre et l'exil. Ce pont relie Cyangugu, dernière ville de la zone humanitaire française à Bukavu, ville frontière zaïroise. Le plus grand désordre y règne : un flux de réfugiés, croissant [on voit un militaire français qui encadre le flot des réfugiés], se presse, se bouscule dans ce périmètre "Cour des Miracles".

Les douaniers rwandais ont fui [inaudible] [gros plan sur le bâtiment de l'"Immigration"]. Seuls les légionnaires français contrôlent comme ils peuvent ce nouvel exode [on voit un soldat français, de dos, en train de vérifier les papiers d'un réfugié]. Traversant à pied, beaucoup fuient le Rwanda [un réfugié montre sa carte d'identité à un soldat français qui le laisse passer] affirmant chercher le calme avant que la paix ne revienne.

[Un réfugié : "Nous, nous ne sommes pas des politiciens. Nous voulons rentrer chez nous… pour travailler, pour cultiver. Nous crevons de faim ici !".]

D'autres, en revanche, n'hésitent pas à transformer leur fuite en pillage organisé ou raid armé [gros plan sur la main d'un soldat français tenant des armes blanches].

["Sergent B. Deprez, 13ème D.B. Légion Étrangère" : "Ils dissimulent l'armement un peu partout. Dans les bananes…, dans les régimes de bananes, euh, dans les pantalons, dans les affaires, euh, dans les bouts de bois".]

Les soldats de l'ancien gouvernement en fuite ne sont pas loin et surveillent bien contents ce va-et-vient [on voit un soldat français en train de discuter avec un soldat des FAR]. Un exode qui se transforme déjà en catastrophe humanitaire. [Inaudible] des tentes, des huttes montées à la hâte s'accrochent un peu partout. Tout emplacement libre est bon à occuper.

Chaque jour la population rwandaise s'échoue un peu partout dans un centre-ville déglingué. Aucune structure d'accueil n'existe réellement et les milliers de réfugiés viendront grossir une population déjà démunie de 300 000 personnes. Une foule qui erre en quête de survie mais qui sait déjà se nourrir des plus folles rumeurs. Les Éthiopiens de la MINUAR II sont déjà désignés comme ennemis irréductibles : ils seraient proches des Tutsi [tout au long du commentaire de la journaliste, on voit des images de réfugiés démunis dans un camp improvisé].

[Un réfugié : "On a toujours accusé la MINUAR, euh, d'être, euh…, d'être, euh…, complice avec le FPR. Et alors, euh, la MINUAR II qui…, qui s'est installée au Rwanda, euh, on n'a pas confiance. Et c'est pourquoi les gens continuent à…, à…, à fuir le pays".]

Loin de la ville capharnaüm, quelques camps ont heureusement eu le temps de s'organiser [vue aérienne sur un camp avec des tentes de taille identique et bien alignées]. Mais ils sont fermés à toute nouvelle arrivée. Manque de structures, manque de nourriture. Et seuls 25 000 réfugiés ont pu trouver de la place.

Freiner un nouvel exode est devenu une mission presque impossible pour les Français [on voit des véhicules de l'armée française quitter le pont de la Rusizi]. Sans abris, sans eau, sans nourriture les Rwandais sont déjà en marche vers le nouvel enfer de [inaudible].

[Dominique Bromberger interviewe à présent en plateau Alain Juppé.]

Dominique Bromberger : Alors Alain Juppé, d'ici quelques jours les troupes françaises seront parties, euh…, remplacées par des troupes africaines… Où en seront nos relations avec les nouvelles autorités rwandaises alors que les Américains, eux, s'installent littéralement à Kigali ?

Alain Juppé, "Ministre des Affaires étrangères" : Nous parlons avec les autorités rwandaises de Kigali. Nous leur avons dépêché plusieurs émissaires. Et nous aurons bientôt une antenne sur place qui nous permettra de maintenir le contact. Je crois qu'on peut dire d'ores et déjà que l'opération Turquoise a un bilan positif. Nous avons, euh, "sécurisé", entre guillemets, euh, plus d'un million et demi de personnes qui, sans cela, au moment où la guerre [il pointe l'index de sa main droite vers le haut] sévissait encore -- on a un peu tendance à l'oublier -- auraient été victimes de massacres. Il faut maintenant réussir la relève. Je crois que c'est en cours, que c'est en bonne voie. Un contingent éthiopien vient d'arriver. La…, à peu près la moitié de notre dispositif au Rwanda a été retiré. Le complément le sera, euh…, d'ici la…, la fin de la semaine prochaine, d'ici le 21 ou le 22 août. Je voudrais surtout insister sur le fait que, maintenant, il appartient au gouvernement de Kigali -- dont on dit tant de bien [sourire ironique], aux États-Unis en particulier -- de rassurer les populations. Puisque c'est le gouvernement du Rwanda, c'est à lui de créer les conditions que…, pour que la population reste chez elle. Sinon nous verrons encore ces images atroces que la France a été la…, la première à dénoncer ou à montrer en tout cas.

Dominique Bromberger : Un mot sur la Yougoslavie. […]

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024