Fiche du document numéro 35823

Num
35823
Date
Jeudi 11 décembre 2025
Amj
Taille
1140533
Titre
Rwanda : la Banque de France visée par une plainte pour complicité de génocide
Sous titre
L'institution française est accusée de complicité de crimes contre l'humanité. En cause, l'autorisation de virements qui auraient servi à l'acquisition de matériels militaires.
Nom cité
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BNP
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Trente et un ans après
le génocide envers la
minorité tutsie au
Rwanda, qui a fait près de
1 million de victimes, la
France va de nouveau devoir
s'expliquer sur les poten-
tielles complicités d'une
partie de son système ban-
caire dans le financement
des massacres commis par
les extrémistes hutus. Selon
les informations recueillies
par Libération et
la cellule inves-
tigation de Ra-
dio France, une
nouvelle plainte pour com-
plicité de génocide et de cri-
mes contre l'humanité, avec
constitution de parties civi-
les, a été déposée jeudi
dernier auprès du doyen des
juges d'instruction du pôle
crimes contre l'humanité du
tribunal de Paris. Elle vise la
principale institution finan-
cière du pays: la Banque de
France.

Selon cette plainte, déposée
par maîtres Matilda Ferey
et Joseph Breham au nom de
trois parties civiles - Dafroza
Gauthier, Alain Gauthier
et le Collectif des parties
civiles pour le Rwanda-,
sept virements émanant du
compte de la Banque natio-
nale rwandaise (BNR), logé à
la Banque de France, ont eu
lieu entre mai et
et août 1994 et por-
tent sur un mon-
tant cumulé de
3,172 millions de francs (envi-
ron 486000 euros).

Embargo. Le premier, en
date du 5 mai, est à destina-
tion d'Alcatel pour l'acquisi-
tion de matériels de commu-
nication satellitaire. D'autres
sont à destination de repré-
sentations diplomatiques du
Rwanda dans d'autres pays
(Ethiopie, Afrique du Sud,
Egypte) et ont pu servir à
payer des achats d'armes,
Pour rappel, à partir du
17 mai 1994, l'ONU impose
un embargo sur les ventes
d'armes au Rwanda, Une
analyse qui se base notam-
ment sur le témoignage ap-
porté par Kathi Lynn Austin,
une experte internationale,
qui a enquêté dès l'après-gé-
nocide sur les trafics ayant
permis aux dirigeants hutus
d’armer leurs milices et d’ex-
terminer une partie de la po-
pulation tutsie,

Rappelant les auditions de
responsables gouvernemen-
taux où financiers rwandais
devant le Tribunal inter-
national pour le Rwanda,
l'experte souligne que «des
instructions précises ont été
données dès le début, deman-
dant aux autres banques
rwandaises de transférer des
fonds de leurs comptes de
correspondant à l'étranger
vers la BNR, et plus particu-
lièrement vers le compte de
Correspondant de la BNR à
Paris». Avant d'ajouter:
« Au Moment où la Banque
de France a facilité ces
sept transactions pour le
compte des génocidaires, elle
disposait vraisemblablement
de.procédures et d'outils qui
auraient dû l'alerter. Compte
tenu de la large couverture
médiatique du génocide
rwandais, du contrôle exercé
par un gouvernement intéri-
maire anticonstitutionnel sur
les comptes bancaires de
l'Etat rwandais et de l'em-
bargo sur les armes imposé au
Rwanda, certaines transac-
tions impliquant les génoci-
daires auraient dû être signa-
lées comme potentiellement
illégales,» Contacté pour
savoir quels contrôles avaient
notamment été mis en place
par le gouvernement de
l'époque sur les flux finan-
ciers, Alain Juppé, qui était
ministre des Affaires étran-
gères et avait dénoncé le gé-
nocide dès la mi-mai 1994,
n'a pas souhaité répondre.

Egalement sollicitée, la Ban-
que de France, en revanche,
a répondu qu'en raison d’un
délai «particulièrement
court», elle n'avait pu faire
que des «recherches sommai-
res» dans ses archives. «A ce
stade, nous n'avons trouvé
aucune trace des virements
évoqués. Ceci s'explique par le
fait qu'au titre des diverses
prescriptions réglementaires,
tous les éléments comptables
des comptes bancaires doi-
vent être détruits après
dix ans», déclare-t-elle. Et de
poursuivre: «En l'absence
d'éléments complémentaires, ‘
il est très difficile d’inférer.
la nature des virements en
francs émis par la BNR: Le
montant moyen serait de l'or-
dre de 50000 euros par vire-
ment [.…], ce qui est compati-
ble avec des dépenses de
fonctionnement.»


«Compromission»
« Cette
plainte peut paraître tardive.
parce qu'on a mis longtemps
à réaliser que la Banque de
France pouvait être aussi
poursuivie pour avoir utilisé
des fonds de la Banque du
Rwanda pour l'achat d'arme-
ment», explique Alain Gau-
thier. Ce professeur à la re-
traite, qui traque avec son
épouse d'origine rwandaise
les génocidaires réfugiés en
France, est aussi l’une des
parties civiles dans la plainte
déposée en 2017 par Sherpa
contre BNP Paribas, et dont
l'instruction dort au fond
d'un tiroir. «Quand on dépose
des plaintes dans le cadre
du génocide, les choses vont
excessivement lentement», se
scandalise d'ailleurs Alain
Gauthier. Derrière cette
plainte et celle qui visait BNP
Paribas en 2017 il y a aussi le
travail de documentation de
Mariama Keïta, une proche
de François-Xavier Ver-
schave, le dénonciateur de la
«Françafriques et l'un des
tout premiers à avoir mis en
lumière la responsabilité de
la France et de certaines de
ses banques dans le génocide
au Rwanda, «La dernière fois
que j'ai vu François-Xavier,
[...], je lui ai promis d'aller au
bout de l'enquête sur les com-
promissions de banques fran-
çaises», raconte Mariama
Keïta, qui précise que son
travail n'est pas encore ter-
miné, laissant entendre que
d'autres banques tricolores
pourralent bientôt être égale-
ment poursuivies.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024