Fiche du document numéro 35768

Num
35768
Date
Vendredi 21 novembre 2025
Amj
Taille
32612
Titre
« J’ai écrit ce roman pour traquer les racines du mal » : Michel Bussi se penche sur le génocide rwandais
Sous titre
L’écrivain Michel Bussi dédicacera son dernier roman, « Les Ombres du monde », le 26 novembre à la FNAC d’Angers. Il raconte au Courrier de l’Ouest la genèse de ce thriller centré sur le Rwanda.
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Écrivain populaire, Michel Bussi enchaîne les succès de librairie avec ses thrillers. Son dernier roman, paru fin août, allie suspens et géopolitique. Cet ancien géographe s’est penché sur le génocide du Rwanda, en 1994, qu’il a choisi de raconter dans une fiction. Un roman ample qui prend aux tripes et se penche sur la responsabilité de la France comme on ne l’a jamais fait jusque-là. Il raconte la genèse de ce livre.

Pourquoi avoir choisi d’évoquer le génocide rwandais 30 ans après ?

Michel Bussi : En tant qu’enseignant-chercheur en géopolitique, je me suis toujours intéressé au Rwanda. Depuis vingt ans, j’avais en tête d’écrire une fiction sur le génocide rwandais. Il n’y a jamais eu de roman qui évoque la responsabilité de la France dans ce génocide.

Au-delà de la fiction, on apprend beaucoup de choses sur les événements qui ont précédé le génocide d’un million de Tutsis.

Tout est vrai, avéré dans ce roman. Il suffit d’aller sur Internet pour trouver ce que j’y ai mis. Il n’y a pas de mystère face à un génocide extrêmement documenté. J’ai eu accès à beaucoup de sources, des documents souvent assez volumineux. Je me suis aussi entouré de spécialistes du sujet. Je suis allé au Rwanda une dizaine de jours accompagné par le journaliste Patrick de Saint-Exupéry (un des journalistes français qui a couvert le génocide en 1994). Et j’ai travaillé avec l’historienne Hélène Dumas, meilleure spécialiste française du génocide rwandais. Tout ce travail historique était nécessaire pour moi.

Comment les Rwandais perçoivent-ils la France aujourd’hui ?

La France est loin d’eux. Le pays est devenu anglophone, il fait partie du Commonwealth. C’est un des pays les plus jeunes au monde. La plupart des habitants n’ont pas vécu le génocide même si les protagonistes sont encore vivants. Il n’y a pas de ressentiment direct contre la France. Les tensions sont plus diplomatiques. Le génocide est un sujet facile à aborder. La mémoire est partout dans des monuments rappelant les victimes. Il y a eu un travail de libération de la parole. Aujourd’hui, il n’y a plus de Tutsis ou de Hutus (c’est même interdit).

Vous partez de l’intime avec cette histoire familiale pour raconter la grande Histoire.

J’aime passer par l’intime. J’ai choisi de parler de plusieurs générations pour avoir toute l’histoire avec un côté thriller. Je voulais replonger dans le passé. Avoir deux temporalités (1994 et aujourd’hui) me permet d’entraîner le lecteur avec moi. Je me suis beaucoup inspiré des récits qu’on peut lire sur la Seconde Guerre mondiale, les témoignages des rescapés des camps qui partent de l’intime pour dire la grande histoire. J’ai essayé de transposer cela au Rwanda.

Est-ce un roman historique, un polar ?

Moi, clairement, je l’ai écrit comme un polar avec ses rebondissements. Ce n’est pas juste un documentaire supplémentaire sur le génocide. J’assume que c’est un polar qui traite d’un sujet grave. Beaucoup d’autres livres ont été écrits sur le génocide rwandais. Ma spécificité est d’avoir pris cette dimension fictionnelle.

Ne craignez-vous pas de faire fuir le lecteur avec un tel sujet ?

C’est sûr que ce n’est pas très feel good ! Les lecteurs de polar ont l’habitude de lire des choses horribles. En général, ce sont des fictions. Là, je mets en scène des personnages fictionnels avec des personnages historiques. J’ai écrit ce roman pour traquer les racines du mal, la noirceur des hommes. Ma fierté est d’être le premier écrivain à aborder le Rwanda sous le prisme du thriller.

Est-ce que cela a suscité des réactions négatives ?

Je reçois un accueil formidable mais il y a peu de prise de parole politique. On a beaucoup parlé de ce génocide au moment des procès. Nous sommes maintenant dans un entre-deux. Il faudra attendre encore quelques années pour que ce sujet soit dépassionné. Les plaies sont encore vives, beaucoup de protagonistes sont encore en vie. Et puis les politiques et les médias n’ont pas trop envie qu’on parle de la responsabilité de la France, surtout dans l’attentat contre le président rwandais. Si on apprend que la France a participé à l’assassinat d’un président en exercice, cela fera un scandale énorme !

« Les Ombres du monde ». De Michel Bussi. Les Presses de la cité. 23,90 €.

Rencontre avec Michel Bussi suivie d’une dédicace, à 14 h 30, mercredi 26 novembre, à la FNAC d’Angers.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024