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RWAND
co
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Cour d’assises de aris
statuant en appel
FEUILLE DE MOTIVATION
Article 365-1 du code de procédure pénale
Affaire Sosthène MUNYEMANA
I. Sur l’existence d’un senocide et d’autres crimes ntre l’humanité
commis au À dans la préfecture de BUTARE d’avril à iuin 1994
A. Sur les aspects chronologiques
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a cour d'assises d'appel de Paris statuant en appel a été convaincue de la culpabilité de
onsieur Sosthène MUNYEMANA :
d’avoir sur le territoire du Rwanda, dans la préfecture de Butare, de courant avril 1994
à courant juin 1994, commis, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction
totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ou d’un groupe
déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, des atteintes volontaires à la vie à
l’encontre de membres du groupe ethnique tutsi :
d’avoir sur le territoire du Rwanda, dans le ressort de la préfecture de Butare, de courant
avril 1994 à courant-juin 1994, participé à un groupement ou une entente établie en vue
de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, des crimes définis par
l'article 211-1 Code pénal, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction
partielle ou totale du groupe ethnique tutsi. |
La cour et le jury ont acquitté Monsieur Sosthène MUNYEMANA de tous les autres chefs
d'accusation.
La cour d’assises a considéré que l’analyse des faits doit s’inscrire dans une compréhension
globale de l'évolution historique, politique et sociale du Rwanda, depuis la période coloniale
jusqu’aux événements survenus pendant la période de prévention, d’avril à juin 1994. Au regard
des débats et des éléments examinés, la chronologie des faits doit être établie à la lumière de ce
contexte général.
La population rwandaise, en avril 1994, se compose de trois groupes : une petite minorité de
Twa, environ deux pour cent, une minorité de Tutsi, autour de quatorze pour cent, et une
majorité de Hutu représentant près de quatre-vingt-quatre pour cent environ de la population.
Tous partagent une langue commune, le kinyarwanda. Les distinctions entre Hutu et Tutsi se
sont consolidées avec la formation de l’État et, plus encore, sous la colonisation. À l’origine,
ces termes renvoient à des différences sociales : les élites sont désignées comme Tutsi, tandis
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que la majorité paysanne est qualifiée de Hutu. Sous le protectorat allemand, puis sous la
domination belge après la Première Guerre mondiale, le Rwanda demeure une monarchie tutsie
où le pouvoir s'exerce par l'intermédiaire de représentants locaux. Les autorités coloniales
belges, influencées par les conceptions racialistes d’alors, favorisent les Tutsi, considérés
comme plus évolués, en leur réservant l'accès à l'éducation et aux fonctions administratives.
Les Hutu sont écartés. eux, des filières d'excellence et des postes à responsabilité. À partir des
années 1930, cette distinction trouve une traduction administrative avec l'inscription sur les
cartes d'identité de l’ethnie de chaque individu, elle-même transmise par filiation patrilinéaire.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, des tentatives de rééquilibrage en faveur des Hutu
entraînent la révolution sociale de 1959. Dans un climat de violences anti-Tutsi, le Parti du
Mouvement de l’Émancipation des Hutu (Parmehutu) instaure un régime reposant sur la
majorité hutue, officialisé par la proclamation de la République en janvier 1961 et
l'indépendance en juillet 1962. Ces bouleversements politiques provoquent la mort d’environ
vingt mille personnes et l’exil de cent cinquante mille Tutsi. Sous la présidence de Grégoire
KAYIBANDA, des rivalités régionales entre Rwandais du Nord et du Sud accentuent les
divisions internes. En 1973, Juvénal HABY ARIMANA, militaire chef d’état-major, prend le
pouvoir par un coup d’État et établit la Deuxième République. Le RWANDA demeure alors
traversé par un double clivage : entre le Nord et le Sud, et entre Hutu et Tutsi. Le nouveau
régime met en place un parti unique, le Mouvement Révolutionnaire National pour le
Développement (MRND), fusionnant les structures politiques et administratives. Le système
des quotas maintient les Hutu du nord, notamment ceux du « terroir présidentiel », dans une
position privilégiée, concentrant richesses et pouvoir autour du Cercle fermé du chef de l’État.
À la fin des années 1980, la question du retour des réfugiés tutsis exilés depuis 1959 prend une
ampleur nouvelle. Le Front Patriotique Rwandais (FPR), composé principalement de Tutsi
ayant servi dans l’armée ougandaise, lance une offensive militaire le 1° octobre 1990. Le conflit
provoque des centaines de milliers de déplacés et renforce la méfiance du régime envers les
Tutsi de l’intérieur, souvent accusés de complicité avec l'ennemi. Sous la pression
internationale, le président HABYARIMANA accepte l’ouverture politique. La Constitution de
1991 instaure le multipartisme, et une quinzaine de partis apparaissent, dont le Mouvement
Démocratique Républicain (MDR), principal rival du MRND. Cependant, la libéralisation
s’accompagne d’une recrudescence des violences. Les jeunesses du MRND), les interahamwe,
affrontent celles du MDR, tandis que la Coalition pour la Défense de la République (CDR),
issue du courant le plus radical, appelle à la défense exclusive des intérêts hutus. Le
journal Kangura et, plus tard, la Radio-Télévision Libre des Mille Collines (RTLM), diffusent
des appels explicites à la haine et à la violence contre les Tutsi et les Hutu modérés.
Les années 1992 et 1993 sont marquées par des massacres répétés de populations tutsies dans
plusieurs préfectures. Le discours prononcé par Léon MUGESERA, enseignant et responsable
du MRND, en novembre 1992, appelant à l’extermination des Tutsi, illustre la radicalisation
croissante du MRND et la montée du courant Hutu Power. Deux événements majeurs accélèrent
encore la crise : en février 1993, une offensive du FPR cause près d’un million de déplacés ; en
octobre de la même année, l’assassinat du président burundais Melchior NDADAYE, premier
chef d’État hutu élu démocratiquement, déclenche un mouvement de solidarité ethnique parmi
les Hutu de la région. La mouvance Hutu « power » innerve plusieurs partis du MRND à la
CDR, consolidant ainsi une idéologie radicale anti-Tutsi.
Le 6 avril 1994, l’avion transportant notamment le président rwandais HABYARIMANA, son
homologue burundais et plusieurs hauts responsables militaires est abattu à l’approche de
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KIGALI. Dès la nuit et le lendemain matin, des barrières sont érigées dans la capitale, et les
premières exécutions visent les membres du gouvernement de coalition, parmi lesquels la
Première ministre Agathe UWILINGIYIMANA et plusieurs ministres. Les dix casques bleus
belges de la Mission des Nations Unies pour l'assistance au RWANDA (MINUAR) chargés de
la protection de cette dernière sont assassinés, entraînant une démobilisation du contingent
onusien.
Le 9 avril 1994, un gouvernement intérimaire prête serment et entre en fonction, avec Théodore
SINDIKUBWABO comme président et Jean KAMBANDA comme Premier ministre.
Rapidement, ce gouvernement fuit KIGALI tandis que les troupes du FPR progressent vers la
capitale pour s’installer à GITARAMA,
Les massacres de civils tutsis commencent immédiatement après l'attentat. Sur tout le territoire,
la garde présidentielle, une partie des militaires, des gendarmes, des miliciens, dont les
interahamwe, et même des civils commettent des tueries massives de Tutsi et, dans une moindre
proportion, de Hutu modérés. Concrètement, les Tutsi sont traqués, arrêtés aux barrières qui ont
été érigées sur des points de circulation stratégiques sur le territoire, chassés de leurs maisons,
rassemblés - lorsque qu’ils ne s’y sont pas rendus par eux-mêmes volontairement pour échapper
aux exactions comme par le passé - dans des enceintes religieuses et administratives closes, à
l'instar d’églises, d'écoles, de locaux communaux ou préfectoraux ou des hôpitaux, avant d’être
massacrés. Dans plusieurs régions, notamment à GISENYI, KIBUNGO, KIBUYE et
BUÜTARE, la violence atteint une intensité extrême.
A BUTARE, seule préfecture dirigée par un préfet tutsi, Jean-Baptiste HABIY ALIMANA, la
population vit jusque-là dans une coexistence pacifique. Le préfet est alors connu pour
s’opposer aux milices extrémistes et tente de contenir les violences. Maïs son éviction par le
gouvernement intérimaire en conseil des ministres le 17 avril 1994, suivie par l’intronisation
publique d’un nouveau préfet le 19 avril 1994 à Butare par le président SINDIKUBWABO lIui-
même, accompagné de membres du gouvernement dont le 1° ministre en personne, Jean
KAMBANDA, met fin à cette concorde. En effet, ledit président appelle dans un discours
public retransmis sur les ondes radiophoniques à « se débarrasser de ceux qui nous menacent
» et « à travailler » en stigmatisant ceux qui ne se sentent pas suffisamment « concernés » qui
vise sans ambiguïté à exterminer les Tutsi et qui constitue la pierre angulaire de lancement du
génocide à BUTARE, jusque-là épargné. Suivent d’autres discours explicites dont ceux de Jean
KAMBANDA et du bourgmestre de la commune de NGOMA, Joseph KANYABASFI,
épousant, pour le premier, les propos génocidaires du Chef de l’État, et prétant allégeance, pour
le second, à Monsieur SINDIKUBWABO et au Premier ministre.
En conséquence, les jours suivants, les autorités administratives, militaires et politiques de
BUTARE alignent dans la préfecture - à des dates évolutives selon les communes - leurs actions
sur celles menées à l’échelle nationale, organisant barrières, rondes, pillages, incendies,
violences, viols et tueries systématiques sur les Tutsi.
Les massacres se poursuivent jusqu’à la prise de KIGALI par le FPR le 4 juillet 1994. Selon les
travaux de l’historienne Alison Des Forges, le nombre de victimes tutsies dépasse le demi-
million, certains décomptes estimant le bilan à plus d’un million de morts. Les violences
n’épargnent pas non plus les Hutu modérés ni ceux qui tentent de protéger leurs voisins.
Le Tribunal pénal international pour le RWANDA (TPIR) est créé par la résolution du Conseil
de sécurité du 8 novembre 1994 pour juger les auteurs de génocide, de crimes contre l’humanité
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et de violations graves du droit international humanitaire commis en 1994. Son premier
jugement, en 1998, dans l’affaire Jean-Paul AKAYESU, reconnaît le génocide des Tutsi comme
un crime distinct et planifié, et établit la responsabilité directe de l’administration locale. Parmi
les principaux condamnés figurent Jean KAMBANDA, Théoneste BAGOSORA, colonel des
Forces armées rwandaises, et Tharcisse RENZAHO), préfet de KIGALI.
Par décision du gouvernement intérimaire prise lors du conseil des ministres du 17 avril 1994
et annoncée sur les ondes radiophoniques, Jean-Baptiste HABYALIMANA est destitué ;
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L'existence d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle du groupe ethnique
tutsi ressort des témoignages des historiens Hélène DUMAS et Florent PITON, s'appuyant des
ouvrages d’Alison DES FORGES et André GUICHAOUA, et est confirmée par les multiples
témoignages des rescapés et parties civiles.
Ainsi, la cour d’assises constate que les éléments rassemblés démontrent l'existence d’un plan
concerté, exécuté avec méthode et organisation, visant l’extermination des Tutsi entre avril et
juillet 1994 au RWANDA. Ils soulignent que les discours politiques, les appels médiatiques,
l’organisation administrative et militaire, ainsi que la participation active d’une partie de la
population, constituent les instruments d’un génocide planifié et accompli à l’échelle nationale.
B. Sur l’existence du génocide à BUTARE
Il résulte des éléments recueillis dans le cadre de ce procès que le RWANDA était un pays
fortement hiérarchisé et divisé en dix préfectures dirigées par des préfets agissant comme
représentants du gouvernement, chacune se trouvant subdivisée en sous-préfectures,
communes, secteurs puis cellules.
La préfecture de BUTARE, aù sud du pays, comprenait vingt communes, dont NGOMA où se
trouve TÜMBA, qui est la seconde agglomération du pays derrière KIGALI. Ancienne capitale,
BUTARE revêt une importance considérable par sa vocation universitaire et scientifique unique
comme en témoigne l’implantation du Centre Hospitalier Universitaire de BUTARE (CHUB)
et de l’Université Nationale du RWANDA (UNR).
La démographie de BUTARE est un élément clé de la politique génocidaire mise en place en
avril 1994 : la proportion de Tutsi y est particulièrement élevée en rapport avec d’autres
préfectures dont celles du Nord. La préfecture de BUTARE devient par conséquent un enjeu
majeur pour celles et ceux qui fuient leurs lieux de vie - dont KIGALI - dès les premières
heures/premiers jours du génocide et affluent dans ce territoire du Sud dans l’espoir d’y trouver
un refuge et de sauver leur vie et celle de leurs proches. En effet, comme indiqué plus haut,
dans un premier temps, BUTARE constituait un territoire à part : lieu de concorde, le préfet
Jean-Baptiste HABYALIMANA s’oppose aux exactions sur les Tutsi et maintient l’ordre là où
d’autres préfectures sombrent déjà dans les massacres.
Cet afflux de réfugiés dès les premiers jours du génocide, soit à compter du 7 avril 1994, a lieu
également dans la commune de NGOMA et à TUMBA, secteur où résidait l’accusé au moment
des faits ; ce point, constant, est reconnu par de nombreux témoins et par Monsieur
MUNYEMANA lui-même qui ont pu constater l’arrivée desdits réfugiés en provenance
d’autres territoires du RWANDA.
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comme évoqué plus haut, son successeur, Sylvain NSABIMANA, sera publiquement présenté
et investi 19 avril 1994 à BUTARE par les plus hautes autorités de l’État - dont le président
SINDIKUBWABO et son premier ministre, Jean KAMBANDA - preuve de l’enjeu stratégique
central que constitue ce territoire pour le pouvoir central. Les discours susmentionnés
prononcés par ces autorités sont le point de départ décisif du génocide des Tutsi au sein de la
préfecture de BUTARE.
es apports des témoins de contexte et experts indiquent que les tueries qui se généralisent à
partir du 20 avril 1994 ne relèvent ni de dérapages isolés ni d’initiatives spontanées, mais d’un
plan concerté et exécuté avec méthode :
érection rapide et coordonnée et systématiques de barrières avec contrôles d’identité
ciblant les tutsis :
mise en place de rondes visant à identifier et interpeller des Tutsi ;
commission de tueries de Tutsi par la garde présidentielle, une partie des militaires et
des gendarmes et des milices issues, pour la plupart, des jeunesses de partis politiques
tels que le MRND (interahamwe), entraînées et armées par des militaires et/ou des
gendarmes ;
appels au meurtre généralisés ou ciblés via les réseaux d’information (RTLM,
KANGURA) ; |
distribution d’armes à la population et création de groupe d’autodéfense civile ;
pillages et destructions d’habitations systématiques ;
regroupements forcés ou volontaires de civils dans des sites perçus jusqu'alors comme
sûrs (églises, écoles, stades, hôpitaux ...) qui deviendront des pièges où les Tutsi seront
tués, blessés ;
e _enfouissements des cadavres dans de multiples fosses communes et latrines.
En outre, la cour retient l’analyse de Damien VANDERMEERSCH, ancien juge d’instruction
belge qui enquêtait au RWANDA sur des crimes de guerre très rapidement après le génocide,
exposant à l’audience l’implication des autorités locales dans le génocide. Il en va ainsi du
bourgmestre KANYABASHI, rouage indispensable qui avait prêté allégeance dès le 19 avril
1994 au président et au Premier ministre intérimaires à travers un discours radiodiffusé. Sa
condamnation ultérieure par le TPIR pour sa partition aux crimes contre l’humanité commis au
RWANDA en est la démonstration.
La cour prend également en considération les témoignages de :
Stephen SMITH, ancien journaliste pour LIBÉRATION qui couvrait le génocide au
RWANDA et qui fut présent à BUTARE lors des évènements, Il décrit une ville
quadrillée de barrières où des cadavres jonchaient les sols et où des Tutsi cherchaient à
tout prix à fuir ;
Laetitia HUSSON, ancienne juriste auprès de la chambre d’appel du TPIR a rappelé la
reconnaissance judiciaire du génocide et les condamnations prononcées pour des faits
commis à BUTARE à l’encontre de responsables politiques et administratifs, dont
Pauline NYIRAMASUHUKO), ancienne ministre de la famille et des affaires féminines,
son fils Arsène Shalom NTAHOBALI responsable des milices interahamwe à
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BUTARE, Alphonse NTEZIRYAYO et Sylvain NSABIMANA, tous deux anciens
préfets de BUTARE., et Joseph KANYABASHI, ancien bourgmestre de NGOMA.
De nombreux autres témoins et parties civiles ont indiqué dans leurs dépositions et lors de
l’audience que si les premières tueries avaient débuté dans certaines parties de la préfecture -
comme à BUTARE Ville - le 20 avril 1994, TUMBA vit les premiers Tutsi massacrés le 21 avril
1994 au matin, comme la famille KARANGAN WA, famille de notables tutsie.
Il conviént de constater que Sosthène MUNYEMANA n’a jamais réfuté l'existence d’un
génocide à l’encontre des Tutsi au RWANDA, dans la préfecture de BUTARE et à TUMBA,
aux dates susmentionnées.
Au vu de ces éléments, la cour d’assises est convaincue de l’existence d’un génocide des Tutsi
dans la préfecture de BUTARE et particulièrement à TUMBA dès les 20-21 avril 1994.
C. Sur les autres crimes contre l’humanité commis à BUTARE
Il ressort des débats et des témoignages des historiens, chercheurs et témoins de contexte que
des exécutions systématiques et massives inspirés par des motifs politiques ou raciaux ont été
commis dans le cadre d’un plan concerté à l’encontre du groupe de population civile tutsie sur
tout le ressort du RWANDA, comme l’a jugé le TPIR.
Le plan concerté amenant à ces exécutions systématiques et massives est le même que celui mis
en œuvre pour le génocide, au RWANDA et dans la préfecture de BUTARE, décrit ci-dessus.
Pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment, la cour est convaincue de
l’existenée de pratiques massives et systématiques d’exécutions sommaires inspirées par des
motifs politiques, raciaux ou ethniques à l’encontre de la population civile tutsie, en exécution
d’un plan concerté.
A. Sur la personnalité de S. MUNYEMANA
1. Sur les aspects personnels
De l’enquête de personnalité, des déclarations des proches de l’accusé et de ce derniér, il en
ressort que l’accusé Sosthène MUNYEMANA est né le 09 octobre 1955 à MUSAMBIRA
(RWANDA) et est donc âgé à ce jour de 70 ans.
Il est le fils de Balthazar KINGABO et de Charlotte NYRAHABIMANA. Il est le troisième
d'une fratrie de quatre qui comprend également Anatole SEKAMANA, Anatolie
MUKARUBUGE et Gaston NSHAKABATENBA. Toute sa fratrie et ses parents sont décédés,
sans lien avec le génocide.
Mariés en 1981 à Fébronie MUHONGAYIRE. née le 12 août 1956, Sosthène MUNYEMANA
et son épouse ont eu trois enfants : Liliane KAMALIZA, née le 8 mars 1981, Gustave NGABO),
né le 11 juillet 1982 et Mickaël MUNYEMANA, né le 22 janvier 1988.
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IT. Sur la responsabilité pénale de Sosthène MUNYEMANA
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Après un parcours scolaire et universitaire d'excellence qui lui aura permis de réussir des études
de médecine, l’accusé bénéficie, avec l’accord des autorités rwandaises compétentes, d’une
bourse d’études pour effectuer une formation en FRANCE (BORDEAUX) en gynécologie
obstétrique, spécialité dont il sort diplômé en 1988.
Installés à cette période alors en FRANCE avec sa famille. Monsieur MUNYEMANA et son
épouse font le choix de retourner au RWANDA en 1989 ; ils s’installent dans la préfecture de
BUTARE quelque temps après leur retour avant d’acquérir un ensemble immobilier (maison et
dépendances) à TÜMBA, cellule de GITWA, en 1991. Cette installation géographique fait elle-
même suite au recrutement de Monsieur MUNYEMANA comme médecin gynécologue au
centre hospitalier universitaire de BUTARE (CHUB) et comme enseignant au sein de
l’université du RWANDA, à BUTARE.
2, Sur les aspects politiques
Monsieur Sosthène MUNYEMANA a indiqué avec constance avoir adhéré au MDR en 1991,
soit à l’éclosion du multipartisme au RWANDA, sans aucun rôle, fonction au sein de ce parti ni
velléités politiques autres que celle de simple militant.
Il a précisé qu’il a toujours été dans la ligne de Dismas NSENGIVAREMYE, leader de ce parti
qui n'avait pas dévié ni vers le MDR « power » ni vers le MDR dit « modéré » proche du FPR
ajoutant qu’il était favorable au discours « rassembleur » de l'ancien Premier ministre, lequel
ne voulait pas se positionner ni par rapport aux régions (Nord/Sud) ni par rapport aux ethnies
et qu'il était resté dans cette même volonté de rassemblement au-delà des ethnies sans jamais
dévier de cette volonté-là.
Aux accusations portées à son encontre par certains témoins, comme Marie José
MUKANKURANGA ou Anaclet DUFITUMUKIZA, le décrivant comme appartenant à la
mouvance « power » du MDR, Sosthène MUNYEMANA a toujours réfuté ces allégations à
l’instar de son épouse, Fébronie MUHONGAYIRE, qui soutient la même thèse que Monsieur
MUNYEMANA.
A
3. Sur les aspects sociaux, économiques, professionnels et amicaux
Monsieur Sosthène MUNVEMANA, à son retour au RWANDA après ses études en France, est
l’un des six médecins gynécologues de son pays ce qui lui donne alors une place à part dans le
paysage médical national.
Disposant, avec son épouse, d’une situation financière confortable, propriétaire de leur maison
- acquise néanmoins en partie à crédit - il a reconnu lui-même pouvoir être qualifié légitimement
de « riche », en comparaison notamment des personnes plus modestes qui résidaient à TUMBA.
Son épouse quittant le RWANDA pour la France au mois de février 1994 pour des raisons
universitaires et professionnelles, une personne qualifiée de « domestique » était recrutée :
Elivanie MUKANDAMAGE. Celle-ci avait pour missions, en l’absence de Fébronie
MUHONGAYŸTIRE, d'aider l’accusé dans les prises en charge des tâches ménagères et des troi
enfants du couple.
Il convient d’indiquer que Sosthène MUNYEMANA était en congés aux dates suivantes :
du 21 mars au 9 mai 1994 :
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- puis dix jours à partir du 1° ou du 2 juin 1994.
Il a également reconnu être un notable au regard de sa profession de médecin et d’enseignant
ainsi que de sa qualité d’intellectuel même s’il a tenu à décorréler cette notabilité de l’influence
que certains témoins ou parties civiles lui ont prêtéé.
Dans ses relations, Monsieur MUNYEMANA a confirmé connaître des responsables
administratifs ou avoir pour amis d’autres notables locaux :
- le préfet de BUTARE, destitué le 17 avril 1994, Jean-Baptiste HABYALIMANA dont
l’épouse était sa patiente ;
le bourgmestre de NGOMA Joseph KANYABASHI et le conseiller de secteur de
TUMBA, François BWANAKEYE, ainsi que son prédécesseur, Félicien
KUBWIMANA ;
Joseph HITIMANA dit RUGANZU, agronome respecté et reconnu résidant également
à TÜMBA qui disposait d’une buvette qualifiée de « bar » au sein de sa propriété qui
entretenait, avec son épouse, des liens d’amitié avec le couple MUNYEMANA.
Il a en outre confirmé compter parmi ses amis des personnes influentes d’envergure nationale :
Jean KAMBANDA, Premier ministre du gouvernement intérimaire rencontré des
années auparavant par l'intermédiaire de son épouse ;
Straton NSABUMUKUNZI, ministre de l’agriculture du gouvernement
intérimaire rencontré des années auparavant et dont la fille avait pour marraine Fébronie
MUHONGAYIRE, l’épouse de Sosthène MUNYEMANA.
Sur son rôle antérieur au 21 avril 1995
a) Sur son engagement politique
Alors que Sosthène MUNYEMANA a toujours soutenu n’avoir été qu’un simple militant du
MDR, plusieurs éléments recueillis dans le temps de l’enquête ou dans celui des procès ont été
avancés pour remettre en cause cette position.
Son positionnement au sein du MDR
Il convient de souligner que le MDR a connu des dissensions fortes dès 1993 tant dans ses
instances nationales que locales, à BUTARE, qui ont eu des conséquences importantes.
La tenue d’un congrès de ce parti en juillet 1993 en pleine crise ayant acté l’exclusion de Faustin
TWAGIRAMUNGU, jugé trop proche du FPR, et l’enjeu majeur de la prise de pouvoir du
gouvernement à base élargie et la présidence de la section du MDR à BUTARE ont érigé et mis
en opposition les deux seules personnalités en mesure de jouer un rôle de premier plan
suivantes : Agathe UWILINGIYIMANA, d’une part, et Jean KAMBANDA, d'autre part.
Si Sosthène MUNYEMANA a toujours soutenu être dans la ligne de Dismas
NSENGIVAREMYE. force est de constater que ce dernier avait fait le choix de l’exil avant de
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Sur les faits
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revenir à la fin de l’année 1993 et qu’il n’était plus un acteur susceptible de concurrencer Agathe
UVWILINGIYIMANA ni Jean KAMBANDA.
Certains témoins évoquent la proximité politique de Monsieur MUNYEMANA avec Jean
KAMBANDA au regard de leurs liens d’amitié, des déclarations de l’accusé expliquant qu’il
avait été amené à le rencontrer à plusieurs reprises, à l’héberger pendant une semaine au mois
de novembre 1993 lorsque Jean KAMBANDA s'était senti menacé et de l’entretien
téléphonique entre ces deux le 7 avril 1994, soit le lendemain de l’attentat ayant coûté la vie du
président rwandais.
Alors qu’Agathe UWILINGIYIMANA était considérée comme une personnalité Hutu modérée
qui a payé de sa vie son positionnement en étant assassinée par la garde présidentielle dès le 7
avril 1994, Jean KAMBANDA à lui été décrit comme ayant épousé la mouvance « power » et
comme étant un élément moteur du génocide à la lumière de ses prises de paroles appelant à
l’extermination des Tutsi les 19 avril 1994 - à la suite du discours de Théodore
SINDIKUBWABO - et 14 mai 1994 au sein de l’auditorium de BUTARE, en présence de
nombreux notables dont Sosthène MUNYEMANA lui-même.
Son appartenance au mouvement « power »
De nombreux témoins ont été entendus quant à la détermination ou non de Sosthène
MUNVYEMANA à la mouvance « power» du MDR. Ceux-ci sont contradictoires et ne
permettent pas d’indiquer, avec certitude, que l’accusé avait fait le choix de cette tendance
extrémiste anti-Tutsi.
Son rôle au sein du Cercle des intellectuels du MDR résidant à
BUTARE
Monsieur MUNYEMANA, s'il n'avait effectivement pas de .fonction politique ou
administrative au sein du MDR, était vice-président du Cercle des intellectuels du MDR
résidant à BUTARE. De son aveu même, cette structure associative avait entre autres objets de
donner des avis aux organes nationaux de ce parti (dont le bureau politique) qui pouvait les
suivre ou pas. Il y était un membre actif comme en témoignent les productions écrites de ce
Cercle.
La signature de la lettre du 7 septembre 1993
Une lettre en date du 7 septembre 1993, signée par une trentaine d’intellectuels de BUTARE
dont Sosthène MUNYEMANA 2 été adressée au président Juvénal HABYARIMANA afin de
s’opposer à la désignation par ce dernier de Faustin TWAGIRAMUNGU comme premier
ministre, lui déniant toute légitimité pour représenter le MDR.
Il convient de constater, comme Monsieur MUNYEMANA l’a reconnu lui-même, que celle-ci
n’a nullement été adressée aux organes nationaux du MDR mais directement au chef de l'État ;
en des termes parfois vifs et accusatoires, cette missive entend, en dépit des dénégations de
Monsieur MUNYEMANA, peser sur les choix de gouvernance de la Nation rwandaise et
témoigne d’une connaissance fine et approfondie des rouges de la politique loin de toute
considération basique d’un militant de base.
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action et la cosignature de la motion du 16 avril 1994
L’instruction préparatoire a permis de recueillir la retranscription d’un document trouvé sur la
base de données publique du site internet du Mécanisme pour les Tribunaux Pénaux
Internationaux et intitulé en anglais « Transcript of radio Rwanda Broadcast of 19-04-1994 »,
traduit par « Transcription des diffusions sur Radio Rwanda en date du 19 avril 1994 ». Ce
texte daté du 16 avril 1994 lu sur les ondes de cette radio comporte le titre suivant : « ... motion
de soutien au gouvernement rwandais ».
L'analyse de cette motion revêt une complexité certaine en ce qu’elle aborde de nombreux
points, nécessite de maîtriser le contexte national et local régnant lors de sa rédaction et de
déterminer ce que leurs auteurs savaient de celui-ci et de la politique génocidaire mise en place
par le gouvernement intérimaire qu’ils entendent soutenir à la date du 16 avril 1994.
Pour autant, 1] apparaît que :
Sosthène MUNYEMANA ne conteste pas être l’un des corédacteurs et cosignataires de
ce texte, ajoutant qu’il ne s’agit nullement de souscrire à une quelconque politique
génocidaire gouvernementale dont il n’avait pas connaissance le 16 avril 1994 mais au
contraire de soutenir un gouvernement qui s’était fixé, à sa nomination, l’instauration
de la paix ;
alors que l’accusé soutient en outre que le principal objet de ce courrier est de demander
à l'Organisation des Nations Unies - à qui le courrier devait être envoyé par le secrétaire
dudit Cercle - d‘intervenir pour assurer la paix au RWANDA pris dans l’étau de la guerre
avec le FPR, ce point n’est abordé qu’en fin de texte et de façon limitée ; en outre, cet
appel est conditionné au réaménagement de la MINUAR «en procédant au
remplacement des éléments partisans » :
le soutien au gouvernement n’est aucunement conditionné au maintien de la paix
interne, le mot paix n'étant utilisé que dans le cadre du conflit militaire avec le FPR et
en fin d’allocution, en ces termes : « Le Cercle d’Intellectuels du MDR résidant à Butare
invite les différentes nations amies du Rwanda à convaincre le FPR que la voie des
négociations est la seule garante au Rwanda comme ailleurs, de paix et de stabilité » ;
lès massacres de Tutsi n’y sont jamais évoqués ni même la nécessité d’y mettre fin ;
comme l’ont indiqué les témoins et Monsieur MUNYEMANA lui-même, les tueries de
Tutsi avaient pourtant démarré bien avant la rédaction de cette motion, soit dès le 7 avril
1994 à KIGALI et dans le reste du pays ce que savaient les Rwandaïis et l’accusé au
regard des déplacements visibles de nombreux réfugiés qui tentaient d'échapper à la
mort en rejoignant des territoires supposés moins hostiles comme la préfecture de
BÜTARE, jusqu’à TUMBA, ce qu'avait relayé Radio Rwanda, médium qu’écoutait
régulièrement Monsieur MUNYEMANA ;
ces relais humains avaient pu faire part du rôle majeur joué par les forces militaires dans
ces massacres ;. |
si des communiqués des FAR et des Évêques du RWANDA avaient appelé à la paix
avant le 16 avril 1994, il n°en demeure pas moins que des chercheurs, comme André
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GUICHAOUA, ont évoqué l’existence d’une bascule vers un génocide d’État, pour ce
dernier, dès le 12 avril 1994 :
alors que le préfet HABYALIMANA n'a été destitué que le 17 avril 1994, soit le
lendemain de la rédaction de cette motion, Monsieur MUNYEMANA a reconnu qu’il
avait, aux alentours du 14 avril 1994, entendu des rumeurs sur la destitution de ce préfet,
dernier verrou de protection des Tutsi au sein de la préfecture de BUTARE.
b) Sur les réunions ei comités
I est constant et non contesté qu’à la suite des premières tueries sévissant dans les territoires
proches de la préfecture de BUTARE, le préfet HABYALIMANA avait donné pour instruction
aux autorités administratives placées sous son autorité de prendre toutes les mesures permettant
d'assurer la protection de la population en empêchant l’immixtion de milices dans sa préfecture.
C’est à l’aune de ces directives que le conseiller du secteur de TUMBA, François
BWANAKEVE, initie et préside une réunion au sein du bureau de secteur le 17 avril 1994,
À l'exception de quelques témoignages minoritaires et non corroborés, il ressort des auditions
recueillies et des déclarations de Monsieur MUNYEMANA que l'assemblée présente à cette
réunion était nombreuse - plus d’une centaine de personnes — et constituée de Hutu et de Tutsi.
Étaient également présents, les responsables administratifs et politiques ainsi que les notables
suivants :
François BWANAKEVYE, en qualité de conseiller de secteur ;
Gérard SIMUHUGA dit MAMBO, en qualité de responsable de cellule de GITWA ;
Siméon REMERA, président de la section locale de la CDR ;
Joseph HITIMANA dit RUGANZU ;
Sosthène MUNYEMANA.
S'agissant du contenu des échanges, certains témoins soutiennent que Monsieur
MUNYEMANA a joué un rôle très actif dans le génocide dans cette commune en tenant des
propos ouvertement anti-Tutsi ; ces accusations sont isolées et nullement corroborées par
d’autres témoignages qui, au contraire, assurent que l’accusé n’a pas exhorté à la haine envers
les Tutsi.
Un consensus se dégage néanmoins sur plusieurs points :
- Sosthène MUNYEMANA a effectivement pris la parole au cours de cette réunion pour
évoquer l’arrivée à son domicile de réfugiés d’une commune voisine. Si l’accusé le
confirme, 1l conteste avoir indiqué qu'il s’agissait de Hutu ou avoir fait savoir ou fait
comprendre que ceux-ci avaient été attaqués par le FPR. Or, non seulement ce point
apparaît chez plusieurs témoins dont Vincent KAGERUKA, unique rescapé
incontestable du bureau de secteur, mais il est conforme à l’ethnie officielle - soit celle
inscrite sur leur carte d’identité - desdits réfugiés, tout Hutu ;
Sosthène MUNYEMANA a été désigné pour intégrer un comité de sécurité composé
des personnes susmentionnées pour adopter et suivre les mesures mises en place dans
la continuité de cette réunion ;
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décision a été prise lors de cette réunion de créer et mettre en place des barrières et des
rondes sur le ressort. Sur ce point, l’accusé soutient que l’objectif visé était la protection
de la population contre les milices extérieures et que les rondes étaient composées tant
de Hutu que de Tutsi entre le 17 et le 21 avril, date des premières tueries de Tutsi à
TUMBA ;
des participants Tutsi ont évoqué un sentiment de peur à l’issue de la réunion, comme
Vincent KAGERUKA.
Ïl convient de noter que François BWANAKEYE, entendu dans le cadre des procédures menées
dans le cadre de gacaca, avait, notamment, accusé plusieurs personnes dont Sosthène
MUNVYEMANA de l’avoir supplanté et pris le pouvoir au sein du secteur, ce que l'accusé a
toujours contesté. Ce dernier affirme que Monsieur BWANAKEYE avait fait ses déclarations
qu’il qualifiait de mensongères pour échapper à une condamnation sévère et fait valoir que
certains de ses propos tenus décrédibilisaient l’ensemble de ses dépositions comme ceux
évoquant le port par Monsieur MUNYEMANA de feuilles de bananiers.
Entre les 17 et 21 avril 1994, certains témoins ont évoqué la tenue de réunions informelles
auxquelles aurait participé l'accusé avec les personnes précitées dont Siméon REMERA,
extrémiste et acteur décisionnaire incontesté des massacres, et au cours desquelles les modalités
du génocide étaient élaborées ; or, ce point, contesté par Sosthène MUNYEMANA, n’est pas
évoqué par d’autres témoins et n’est nullement étayé ni corroboré.
De la même manière, aucun comité dans lequel aurait été présent Monsieur MUNYEMANA ne
s’est tenu de façon certaine.
Il a ajouté qu’entre les 17 et 21 avril 1994, les rondes auxquelles il a assisté sur son périmètre
restreint étaient mixtes - Hutu et Tutsi - citant notamment comme participants Tutsi, ses voisins
directs Evariste SENKWARE et ses fils, ce qui n’a aucunement été remis en cause.
2. Sur son rôle à compter du 21 avril 1994
a) Sur les réunions et comités
Sosthène MUNYEMANA reconnaît avoir participé à quatre réunions à la suite de celle du 17
avril 1994. Il indique que celles-ci étaient présidées par François BWANAKEYE et étaient
ouvertes à tous autres participants, dont les responsables administratifs et politiques du secteur.
Il ajoute qu’elles avaient pour objet de se prononcer sur l’orientation des personnes qui avaient
été enfermées par l’accusé dans le bureau de secteur, selon lui, pour les mettre à l’abri
provisoirement.
Ces réunions ont eu lieu aux dates suivantes :
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C) ur les rondes et barrières
Sosthène MUNYEMANA a reconnu sa participation à des rondes de son quartier du 17 avril
jusqu’à son départ en juin 1994.
Il a toujours soutenu que la décision prise d’instaurer des rondes Le 17 avril 1994 n’avait d’autre
fonction que de prévenir la présence des miliciens d’autres secteurs pourchassant des réfugié
en provenance d’autres territoires.
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le 24 avril 1994 :
deux réunions entre les 24 avril et 15 mai 1994 ;
le 15 mai 1994.
b) Sur les rondes et barrières
Comme indiqué préalablement, Sosthène MUNYEMANA a reconnu avoir participé à des
rondes jusqu’au mois de juin 1994, soit peu de temps avant son départ définitif du RWANDA.
Au regard des massacres de Tutsi qui devaient se cacher ou fuir pour tenter d'échapper à une
mort certaine, 1l convient de donner du crédit aux nombreux témoins évoquant le fait que dès
le début du génocide à TUMBA les rondes n'étaient plus mixtes mais exclusivement composées
de Hutu.
H n’est nullement reproché à l’accusé d’avoir participé à des actes répréhensibles lors de ces
rondes à l’encontre des Tutsi ; cependant, il apparaît que Monsieur MUNYEMANA a reconnu
avoir eu parfaitement connaissance que d’autres rondes étaient tueuses dans le même temps
dans d’autres secteurs voisins de TUMBA. D'autre part, il a admis, fort de cette information,
ne pas avoir $ollicité les responsables administratifs compétents ni même le comité de sécurité
auquel 1l appartenait pour dénoncer cette situation et y remédier alors que celle-ci contrevenait
aux objectifs de protection prétendument fixés lors de la réunion du 17 avril 1994. Enfin,
l'accusé a également confirmé que rien n’était mis en place en journée pour protéger des Tutsi
alors qu’il savait que des tueries se perpétraient la nuit comme le jour.
En dépit de quelques témoignages isolés ou non étayés, rien ne démontre avec certitude que
Monsieur MUNYEMANA a participé ou été présent aux barrières érigées à TUMBA ou aux
alentours.
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L’accusé affirme n’avoir joué aucun rôle lors de ces réunions qui étaient menées par le conseiller
de secteur et son entourage. Selon lui, il avait été décidé de trouver d’autres lieux d’accueil pour
lesdits réfugiés car ceux-ci risquaient, selon les déclarations de l'accusé, de se retrouver en
danger de mort s’ils étaient libérés et laissés à l’extérieur. Ainsi, avaient été actés :
- le 24 avril 1994, de les transférer dans les bureaux communaux après que Fränçois
BWANAKEVYE a appelé le bourgmestre Joseph KANYABASHI en utilisant le
téléphone fixe du domicile de Monsieur MUNYEMANA ;
lors des deux autres réunions, de les emmener vraisemblablement dans les mêmes
locaux communaux ;
le 15 mai 1994, que les réfugiés seraient acheminés vers les locaux de la préfecture de
BUTARE, ce qu'il avait appris à postériori en prenant connaissance des divers
témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête.
Monsieur MUNYEMANA soutient qu’il avait confiance aux autorités administratives en place,
en l’espèce Messieurs BWANAKEYE et KANVABASHIT, pour gérer ces situations et trouver
des solutions pour mettre hors de danger les Tutsi ; il a maintenu et confirmé à la cour qu’il ne
s'était jamais renseigné auprès de ces autorités postérieurement à ces réunions et aux
déplacements desdites personnes pour savoir ce qu’il était advenu des Tutsi transférés.
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c) Sur le bureau de secteur de TUMBA
En 1994. le RWANDA comptait 145 communes subdivisées en secteurs et cellules. Le bureau
de TUMBA, centre du pouvoir local et relai des directives préfectorales et nationales, accueillait
les démarches administratives et servait de lieu de décisions.
Le bureau de secteur était situé sur l’artère principale de TUMBA, à proximité de la propriété
de François KARANGAN WA, notable tutsi tué dès le premier jour du génocide, et dont la fosse
septique fut utilisée comme fosse commune. À faible distance résidait Siméon REMERA. Le
domicile de Sosthène MUNYEMANA se trouvait pour sa part à environ 275 mètres, en
remontant vers le centre de BUTARE.
Le bâtiment possédait deux portes ; seule l’entrée principale à double battant servait pour faire
entrer ou sortir les personnes et pouvait être fermée par serrure et/ou cadenas.
L'enquête, ce compris les déclarations de Sosthène MUNYEMANA, a permis d’établir que
l’accusé a pris possession et détenu la clef du bureau de secteur de TUMBA entre le 23 avril
1994 et le 15 mai 1994. I] a reconnu y avoir enfermé, à quatre reprises, une quarantaine de Tutsi
pour, selon lui, les mettre à l’abri de façon temporaire en leur évitant une mort certaine. À
lexclusion de Vincent KAGERUKA, unique rescapé, aucune des personnes enfermées n’est
jamais réapparue.
(1) L’acquisition de la clé du bureau de secteur
Les témoignages, les déclarations de Sosthène MUNYEMANA et les actes d’enquête
confirment que celui-ci a pris possession de la clef du bureau de secteur de TUMBA à compter
du 23 avril 1994.
En effet, dès son premier interrogatoire devant le magistrat instructeur le 27 avril 2001,
Sosthène MUNYEMANA a admis avoir eu la clef dès le 23 avril 1994.
L'enquête s’est attachée à déterminer les conditions dans lesquelles il avait acquis ladite clef.
Face aux déclarations d’un témoin, Venant GASHONGORE, qui affirmait avoir vu l'accusé
accompagné notamment de Félicien KUB WIMANA puis seul venir chez son frère Mambo dont
la résidence était mitoyenne à la sienne pour demander la clef du bureau de secteur, Sosthène
MUNYEMANA avait, dans un premier temps, nié ce point. C’est seulement dans un second
temps, que ce dernier finissait par reconnaître s’être bien rendu chez le responsable de la cellule
de GITWA avec l’ancien conseiller de secteur.
ll expliquait avoir oublié cet élément et s’en être souvenu après qu’il fut évoqué par le juge
d'instruction la veille.
Sur les raisons d’une telle démarche, Monsieur MUNYEMANA indique que :
le 22 avril 1994, les réfugiés de MUSANGE et des personnes de TUMBA avaient
cherché refuge au bureau de secteur parce que le génocide commençait à TUMBA le 21
avril, donc la veille. Ils avaient passé la nuit au à l'extérieur du bureau de secteur
puisqu'ils avaient trouvé la porte fermée. Et une bonne partie avait été tuée dans les
fosses environnantes et des filles et des femmes avaient été violées, précisant avoir
appris cela le lendemain, donc dans la matinée du 22 avril ;
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il habitait à proximité du bureau de secteur contrairement au conseiller BWANAKEVYE
qui habitait au pied de la montagne à plus de deux kilomètres, ce qui expliquait que ce
dernier ne savait ce qu'il se passait à son bureau et que c'est lui qui l'avait alerté ;
le conseiller de secteur lui avait promis de lui envoyer une clé pour pouvoir ouvrir et
mettre ces gens à l'abri ; qu’il avait attendu la clé toute la journée et dans la soirée en
vain avant de rencontrer Félicien KUB WIMANA qui avait été conseiller de ce secteur
avant François BWANAKEVYE. Ils avaient discuté tous les deux et craint que ces
personnes ne passent une deuxième nuit à l'extérieur et se fassent tuer. Félicien
KUBWIMINA lui aurait alors dit que le responsable de la cellule, Mambo, le grand frère
du témoin Venant GASHONGORE, avait peut-être la clé et que s’ils lui demandaient,
ils pourraient ouvrir le bureau aux réfugiés ;
Mambo lui ayant alors expliqué qu'il n'avait pas de clé, il est reparti et les réfugiés ont
repassé une nouvelle nuit dehors et la clé :
il avait obtenu le lendemain la clef par l’entremise d’un tiers mandaté par François
BWANAKEVYE, soit le 23 avril 1994.
S1 l’accusé maintient cette position, des interrogations sont apparues tant au cours de l'enquête
qu'au cours du procès quant à la légitimité de Monsieur MUNYEMANA à solliciter et surtout
obtenir l’unique clef du seul bâtiment administratif du secteur, lieu central d’administration et
de pouvoir, parfaitement identifié par la population au regard de sa situation géographique alors
que :
- l'accusé, résident récent à TUMBA, ne disposait d’aucun mandat administratif ou
politique ;
d’autres personnes résidaient plus près du bureau de secteur à l’instar de Joseph
HITIMANA dit Ruganzu et de Mambo (tous les deux à moins de 100 mètres) qui était
en outre responsable de cellule ;
Sosthène MUNYEMANA apporte des éléments de réponse sur celles-ci en exposant que c’est
François BWANAKEYE qui lui a apporté sa confiance, ceci étant précisé comme indiqué plus
haut que ce dernier, entendu, présentait, au contraire, l’accusé comme l’ayant dépossédé de ses
pouvoirs à son profit.
En sus, il convient de souligner que si Joseph HITIMANA n’a pu être entendu en raison de sa
disparition, Vénantie HITIMANA, son épouse, a été auditionnée par le juge d’instruction sur
les raisons pour lesquelles ce n’était pas son mari qui avait acquis la clef, et a indiqué : « c'est
sa décision. Je ne peux pas vous en dire plus. Mais par contre c'est lui qui m'a dit que Sosthène
avait accepté de garder la clé. Il n'était peut-être pas à l'aise avec cette responsabilité. Ce n'est
pas lui qui l'a pris. On ne pouvait pas se précipiter à 10 sur cette clé. C'est du courage. Mais
c'est pas pour dire que mon mari était incapable de la prendre même si c'était dur. Ceux qui
n'étaient pas là ne peuvent pas comprendre ce que nous avons vécu. »
Par ailleurs, des discussions ont porté sur la connaissance à la date de l’obtention de la clef par
l’accusé de ce que Mambo jouait un rôle actif dans les massacres, celui-ci ayant reconnu avoir
commis ces crimes et ayant été condamné en ce sens. Or, une contradiction apparaît sur ce
point. Alors que Monsieur MUNYEMANA a pu indiquer qu’il s’était rendu chez le responsable
de cellule car il ne savait pas à la date du 22 avril 1994 qu’il participait au génocide, François
BWANAKEVYE n'aurait lui pas souhaité remettre la clef à Mambo parce qu'il était déjà
considéré comme génocidaire.
Outre l’acquisition de cette clef, Monsieur MUNYEMANA a également reconnu l’avoir détenu
15
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du 253 avril à la mi-mai 1994 et l’avoir utilisé à quatre reprises pour enfermer des réfugiés l'utsi
daris le bureau de secteur sans jamais l’avoir remis à quiconque d’autres à l'exception, selon
lui, de François BWANAKEYE et ce, lorsque celui-ci s’y déplaçait pour les réunions visant le
devenir desdites personnes.
Des témoins ont évoqué les venues de miliciens au domicile de l’accusé pour y récupérer la
clef afin de pouvoir emmener les Tutsi arrêtés au bureau de secteur de TUMBA ; or, ce point
contesté avec constance par Monsieur MUNYEMANA n’a nullement été corroboré et
démontré. Dès lors, il apparaît que dans la période considérée, seul l’accusé a détenu et utilisé
la clef pour y enfermer et faire sortir des Tutsi.
(2) Les conditions de vie dans le bureau de secteur
Au regard de l’enquête, des témoignages et des déclarations mêmes de l’accusé, il est constant
que le bureau de secteur ne disposait ni de gardien fixe, ni de sanitaires propres.
L'alimentation des Tutsi qui y étaient enfermés dépendait du bon vouloir et du courage de
personnes - familles, amis, voisins - qui leur apportaient de quoi se nourrir (bouillies de sorgho
…) et boire à travers les barreaux des fenêtres.
Le ménage aurait été organisé, selon l’accusé, sous l’égide du conseiller de secteur ce qu’un
seul témoin confirme.
(3) La fonction du bureau de secteur
Auparavant, les bâtiments publics (bureaux, écoles, hôpitaux...) et les lieux de culte étaient
considérés par les Tutsi en danger de mort, lors des épisodes de tension ethnique, comme des
enceintes protégées, où ils pouvaient se réfugier. En effet, bien qu'elles soient souvent les
initiatrices de ces massacres, les autorités locales et les forces de l'ordre continuèrent à assurer
une certaine protection aux réfugiés présents sur ces sites.
En outre, et comme indiqué plus haut, la préfecture de BUTARE bénéficiait d’une réputation
de concorde interethnique et de rempart contre le déchaînement de haine à l’encontre des Tutsi.
C’est la raison pour laquelle, de nombreux civils tutsis, originaires du secteur, du reste de
l'agglomération, de la préfecture voire du reste du pays, affluèrent au bureau de secteur de
TUMBA, dès le déclenchement des massacres.
Il est acquis au débat qu'une partie de ces populations civiles tutsies gagnèrent le bureau de
secteur de leur propre initiative, dans l'espoir d'y trouver refuge et qu’une autre partie avait été
arrêtée dans le cadre de rafles anti-Tutsi par des miliciens-tueurs.
Assez massives lors des premiers massacres à TUMBA et dans ses abords, ces arrivées se firent
par la suite plus ponctuelles mais semblent s'être poursuivies durant toute la période du
génocide.
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En l'espèce, de l’aveu même de l’accusé, plusieurs dizaines de civils tutsis des deux sexes ont
été enfermées dans le bureau de secteur de Tumba par Sosthène MUNYEMANA,
postérieurement au déclenchement des massacres dans la préfecture de BÜTARE.
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L’accusé indique que ce bureau offrait une protection temporaire aux réfugiés qui, sans cela.
auraient trouvé une mort certaine au regard des milices qui sévissaient partout. Il ajoute
qu'aucun autre lieu n'était sûr et qu’une solution alternative sûre n'existait pas.
Selon lui, les miliciens n’ont jamais forcé la porte du bureau de secteur où se trouvaient les
Tutsi car ceux-ci respectaient le bâtiment administratif comme tel. Il ajoute, lors de l’audience,
que lui-même n’a pas été attaqué lors de ses allées et venues vers le bureau de secteur car il
était connu de la plupart des jeunes et que certains avaient sûrement eu connaissance de ses
liens avec Jean KAMBANDA.
Il a cependant reconnu que ce n’était pas un lieu qui offrait une sécurité comme pouvaïit offrir
une maison. [l a pu compléter en disant qu’il n’aurait pas proposé le bureau de secteur à
quelqu'un qui était déjà réfugié dans une famille ou chez lui. Mais selon lui, pour les autres, le
bureau de secteur offrait une sécurité supérieure à la nature.
Il estimait le nombre de personnes qu’il avait enfermées à une quarantaine de personnes soit :
environ vingt-cinq personnes entre les 23 et 24 avril 1994 ;
environ cinq personnes à deux reprises entre les 23 avril et 14 mai 1994 ;
entre huit et dix personnes entre les 14 et 15 mai 1994.
Alors que Providence MUKANDOLI, partie civile, soutient que des personnes gravement
blessées étaient enfermées dans le bureau de secteur à la vue de Sosthène MUNYEANA sans
que celui-ci n’ait réagi, l’accusé conteste formellement ce point. Il met en doute la présence de
même de Madame MUKANDOLI dans ledit bureau au regard, selon lui, des incohérences de
ses déclarations successives et affirme n’avoir constaté que quelques égratignures légères chez
certaines personnes enfermées ne nécessitant aucune intervention médicale.
Si un doute prévaut sur ce point, un autre est certain : à l’exception de Vincent KAGERUKA,
aucune des personnes enfermées puis transférées n’est réapparue et leurs corps n’ont jamais été
localisés. laissant aucun doute sur leur mort, ce que l’accusé concède.
Aussi, contrairement à la thèse de l’accusé, d’autres témoins, anciens tueurs ou rescapé,
décrivent le bureau de secteur comme un lieu transitoire avant la mort des Tutsi parfaitement
identifié en ce sens, un « couloir de la mort » dont l’existence aurait plusieurs explications :
fosses pleines, présence de satellites, nouvelle organisation mise en place par les génocidaires…
Si l'enquête n’a pu déterminer avec certitude les raisons pour lesquelles le bureau de secteur
avait été utilisé alors que des tueries avaient lieu à ciel ouvert, dans les rues, les maisons, aux
barrières, en forêt et devant les fosses, il n°en demeure pas moins que des témoignages évoquent
la présence massive dès les 21-23 avril 1994 de nombreux cadavres jonchant les routes de
TUMBA - comme le confirmera le directeur de prison d’alors à qui Monsieur KANVABASHI
avait demandé de requérir des prisonniers pour les enterrer - avec une odeur de mo
extrêmement présente dans tout le secteur, comme le confirmeront des témoins comme
Onesphore KAMANZT, réfugié chez l’accusé, et la fille de Monsieur MUNYEMANA, Liliane
KAMALISA.
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C. Sur l’analyse juridique desdits faits
EL. Sur la valeur probante des éléments de preuves et témoignages présentés
à la cour et au jury
Au regard de l’ancienneté des faits, de l’existence très limitée d’éléments matériels et de
l'impossibilité de mener des investigations techniques (téléphonie, exploitation de caméras ...),
la preuve testimoniale revêt une importance centrale dans l’établissement ou non de la
culpabilité de Sosthène MUNYEMANA.
À ce titre, une multitude de témoins ont été entendus par les services d'enquête, les magistrats
instructeurs puis par la cour d'assises.
Il convient de constater que nombre d’entre eux ont sensiblement évolué dans le temps pour
des raisons endogènes (ex. : érosion de la mémoire avec le temps) ou exogènes (ex. : influence
de la mémoire collective, intérêts liés à des mesures de clémence des juridictions de gacaca).
Face à cette problématique légitimement soulevée par la défense, la cour d’assises a opté pour
une appréciation in concreto, au cas par cas, en distinguant pour chaque témoin ou partie civile
ce qui peut être retenu ou doit être écarté. Il ne saurait, ainsi, y avoir de rejet monolithique de
l’ensemble des déclarations d’une personne lorsque seulement une partie d’entre elles
apparaissent peu crédibles voire manifestement fausses.
Ce travail a été réalisé par la cour d’assises tout au long de son analyse et de sa motivation.
2: Sur sa participation à un groupement ou une entente établie en vue de la
préparation de crimes de génocide et autres crimes contre l’humanité
a) Sur la matérialité
Il est reproché à Monsieur MUNYEMANA d’avoir sur le territoire du RWANDA, dans le
ressort de la préfecture de BUTARE, de courant avril 1994 à courant juin 1994, participé à un
groupement ou une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs
faits matériels, des crimes définis par l'article 211-1 (génocide) et 212-I (autres crimes contre
l'humanité) du Code pénal, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction partielle ou
totale du groupe ethnique tutsi. |
Plusieurs éléments matériels ont été établis :
La motion de soutien au gouvernement intérimaire en date du 16 avril 1994 du Cercle
des intellectuels du MDR résidant à BUTARE.
Sosthène MUNYEMANA ne conteste nullement avoir corédigé et cosigné en qualité de
vice-président dudit Cercle ce document qui apporte sans ambages un soutien explicite
et non conditionné au gouvernement comportant Théodore SINDIKUBWABO comme
président intérimaire du RWANDA et Jean KAMBANDA comme 1% ministre
intérimaire. Or, comme il a été indiqué précédemment :
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o les massacres avaient débuté dès le 7 avril 1994 dans la capitale puis dans le
reste du pays ;
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la garde présidentielle, une partie des militaires et des gendarmes et des milices
directement issues des partis politiques - les interahamwe — ont été impliqués
directement dans le déclenchement et la perpétuation des tueries à cette date,
soit neuf jours avant l'adoption de cette motion ;
le génocide pouvait être qualifié d’État dès le 12 avril 1994.
La réunion du 17 avril mettant en place les rondes et les barrières.
C’est au cours de cette réunion que la décision fut prise de mettre en place des rondes
et des barrières qui auront, dès le 21 avril 1994, une double-fonction : identifier les
ennemis, soit les Tutsi, et procéder à leur capture aux fins d'extermination.
Les réunions du 24 avril et du 19 mai 1994 ayant pour but de décider du sort des Tutsi
du bureau de secteur de TUMBA.
Ces réunions ont eu pour objet, dans le cadre d’échanges entre responsables
administratifs et cadres politiques ayant soit opté pour une passivité complice (François
BWANAKEYE) soit prêté allégeance (Joseph KANYABASHT) au gouvernement
intérimaire soit joué un rôle moteur dans le génocide (Siméon REMERA et Gérard
SIMUHUGA dit Mambo) de se prononcer sur le sort des Tutsi enfermés dans le bureau
de secteur qui seront tous ultérieurement tués.
Ces éléments ont été autant d’actes préparatoires au génocide aux fins de porter atteinte à la vie
des Tutsi mis en place à TUMBA d’avril à juin 1994, s’inscrivant dans le cadre de la dynamique
collective du « travail » soït de destruction de ce groupe ethnique demandé par les plus hauts
représentants de l’Etat.
b) Sur l'intention
Sosthène MUNYEANA ne conteste pas avoir participé à l’ensemble de ces actes préparatoires
mais réfute toute intentionnalité criminelle.
Sur la motion en date du 16 avril 1994, il convient d’indiquer, à titre liminaire, que si Monsieur
MUNYEMANA n'avait aucun rôle ou fonction officiels au sein de son parti politique ou dans
l'appareil d’État voir au niveau local, il n’en demeure pas moins qu’il n’était pas non plus un
citoyen ou un militant lambda.
Sa signature de la lettre précitée du 7 septembre 1993 et son implication forte dans l’adoption
de la motion susmentionnée démontrent qu’il était un homme averti, parfaitement informé des
enjeux politiques de son pays et acteur indéniable sur la scène politique nationale et
internationale. En effet, loin d’être passif, il n’a pas hésité, à ces deux reprises, à jouer un rôle
actif pour tenter d’influer (avec d’autres) sur la décision du président HABYARIMANA - en
l’incitant à ne pas nommer comme premier ministre Faustin TWAGIRAMUNGU - et sur la
position des Nations Unies quant au réaménagement de la MINUAR.
I convient d’ajoüter à cela qu’il était proche de Jean KAMBANDA, bien avant le 16 avril 1994,
en hébergeant ce dernier chez lui plusieurs jours en novembre 1993 mais surtout en
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s’entretenant avec Monsieur KAMBANDA au téléphone le 7 avril 1994, à une date
éminemment stratégique.
En sus du constat - que reconnaît l’accusé - de l’arrivée massive dès le 7 avril 1994 de réfugiés
Tutsi provenant du reste du pays à BUTARE ainsi qu’à TUMBA, Sosthène MUNYEMANA
écoutait régulièrement Radio RWANDA dont il est constant qu’elle relayait la situation qui
régnait dans le pays qui avait basculé dans les massacres.
Il ne pouvait ignorer le rôle de la garde présidentielle, d'une partie des militaires et des
gendarmes qui, par essence, relevaient de l’autorité du gouvernement.
En conséquence de quoi, il est manifeste que l’accusé a en pleine conscience et volontairement
participé à la rédaction et à la Signature d’un document qui avait pour vocation à travers ce
soutien de constituer un satisfecit et une courroie de transmission écrite et orale — via les ondes
radiophoniques - des idées génocidaires du gouvernement afin de provoquer le basculement
d’une préfecture rebelle et jusqu'alors rétive à l'accomplissement de toutes exactions à l'égard
des Tutsi.
La réalisation d’actes préparatoires à la mise en œuvre du plan concerté par les autorités
rwandaises visant la destruction de la population tutsie s’est également manifestée à travers les
réunions susmentionnées où ont été décidés, d’une part, la mise en œuvre de rondes et de
barrières qui, à compter du 21 avril constitueront des pièges redoutables pour traquer, identifier
et éliminer les Tutsi, et, d’autre part, les transferts des personnes enfermées par Monsieur
MUNVYEMANA au bureau de secteur de TUMBA vers des lieux plus éloignés où elles seront
tuées.
La négation par l’accusé de toute intention criminelle dans sa participation auxdites réunions et
aux décisions ainsi prises ne résiste pas à la démonstration de sa connaissance des velléités
génocidaires du gouvernement intérimaire et des autorités administratives en place dans la
commune de NGOMA, le secteur de TUMBA et la cellule de GITWA. En effet, outre les
éléments précités, il convient de rappeler les prises de paroles de Jean KAMBANDA les 19
avril et 14 mai 1994 et celle de Joseph KAN YABASHI, le 19 avril 1994.
Enfin, c’est bien le gouvernement intérimaire qui a, publiquement, évincé le préfet
HAB YALIMANA pour le remplacer par un nouveau préfet, Sylvain NSABIMANA, totalement
inféodé au nouveau pouvoir central.
En conséquence de quoi, la cour d’assises est convaincue que Sosthène MUNYEMANA est
coupable d’avoir sur le territoire du RWANDA, dans le ressort de la préfecture de BUTARE,
de courant avril 1994 à courant juin 1994, participé à un groupement ou une entente établie en
vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, des crimes définis par
l'article 211-1 Code pénal, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction partielle ou
totale du groupe ethnique tutsi.
S'agissant des autres faits de groupement ou une entente établie en vue de la préparation,
caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, des crimes définis par les articles article 212-1
du Code pénal, la cour d’assises a considéré que les éléments analysés ne permettent pas de
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retenir une quelconque culpabilité de Sosthène MUN VEMANA. un doute sur l’intentionnalité
de ce dernier subsistant sur sa volonté certaine de préparer la commission d'actes constitutifs
d’une pratique massive et systématique de torture, d'actes inhumains ou d'exécutions
sommaires, d'enlèvements de personnes suivis de leur disparition à l’encontre de la population
civile tutsie.
Il sera, par conséquent, acquitté de ce chef d’accusation.
3. Sur les crimes de génocide et de complicité de génocide
3.1. En qualité d'auteur
a) Sur la matérialité
Il est constant et non contesté que Sosthène MUNYEMANA a, d’une part, participé aux
réunions susmentionnées avant instauré et mis en place les barrières et rondes et, d’autre part,
acquis et détenu la clef du bureau de secteur où il a enfermé une quarantaine de Tutsi entre le
23 avril et le 15 mai 1994 qui. à l'exception d’un seul rescapé - Vincent KAGERUKA - ont tous
disparu et trouvé la mort dans des circonstances inconnues après leur transfert vers d’autres
lieux sur décision des autorités administratives.
Outre les déclarations mêmes de l’accusé, nombre de témoins ont évoqué la tenue de ces
réunions, l’existence de barrières et de rondes « tueuses » (dans lesquelles Monsieur
MUNYEMANA ne s’y trouvait pas) et que l’accusé avait bien enfermé des Tutsi dans ce
bâtiment administratif avant d’être déplacés vers d’autres lieux et de ne plus jamais réapparaître.
Il en est ainsi de Vincent KAGERUKA, seul rescapé ayant transité par le bureau de secteur, qui
a indiqué que Sosthène MUNYEMANA lui avait ouvert la porte du bureau de secteur après sa
capture par des miliciens, au mois de mai 1994.
Les proches et veuves des Tutsis capturés à RANGO, dont Gaudiose NTAKIRUTIMANA,
Rose NIKUZE et Marie DUSABE, entendues lors de l’enquête et à l’audience, ont expliqué
que Sosthène MUNYEMANA avait ouvert le bureau de secteur à la demande de miliciens pour
enfermer ceux qu’ils venaient de capturer.
La matérialité des faits reprochés à Monsieur MUNYEMANA est donc établie.
b) L'élément moral
Sosthène MUNYEMANA soutient, depuis son premier interrogatoire jusqu’à l’audience, qu'il
avait accepté de prendre possession de la clef du bureau de secteur pour permettre aux Tutsi en
danger de mort d’être mis à l’abri de façon temporaire (d’une journée et une nuit à deux nuits)
dans un lieu clos, bâtiment administratif connu et respecté par les miliciens ; il a précisé que, à
sa connaissance, les transferts avaient été décidés lors de réunions présidées par François
BWANAKEYE vers les locaux communaux après accord du bourgmestre, Joseph
KANVYABASHI.
Il a reconnu qu’il ne s’était jamais renseigné ni auprès de Monsieur BWANAKEYE n1 auprès
de Monsieur KANYABASHI sur ce qu'il était advenu des Tutsi après leur transfert.
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I en ressort que l'accusé conteste toute intentionhalité criminelle génocidaire, tant en qualité
d’auteur que de complice.
S1 certains témoins à décharge, à l’instar de Josepha MUJAWAJESU, amie et voisine de
TUMBA de l'accusé, ou Vénantie HITIMINA, épouse de Ruganzu, ont confirmé ce rôle
protecteur de Monsieur MUNYEMANA, d’autres témoins à charge - Vincent KAGERUKA,
veuves des réfugiés de RANGO - ont décrit ce dernier comme un véritable geôlier.
Comme indiqué précédemment, il est manifeste que l’accusé a en pleine conscience et
volontairement soutenu dès le 16 avril 1994 le gouvernement intérimaire qui a élaboré et mis
en œuvre un plan concérté exhortant les Hutu à se « mettre au travail », c’est-à-dire à procéder
à l’extermination des « ennemis », en l'espèce les Tutsi dans l’ensemble du territoire et qui a
œuvré avec force pour faire basculer la préfecture rebelle de BUTARE dans cette entreprise
génocidaire.
En outre, la négation par l’accusé de toute intention criminelle est contredite par sa
connaissance des velléités criminelles du gouvernement intérimaire et des autorités
administratives en place dans la commune de NGOMA, le secteur de TUMBA et la cellule de
GITWA. En effet, outre les éléments précités, il convient de rappeler les prises de paroles de
Jean KAMBANDA les 19 avril et 14 mai 1994 et celle de Joseph KANYABASHI le 19 avril
© 1994. Outre ces éléments, il convient de mettre en exergue les points suivants :
Sosthène MUNVYEMANA ne disposait d’aucune légitimité pour disposer de la clef du
bureau de secteur et son acquisition relève d’une forme de coup de force visant à réduire
le conseiller de secteur à celui de simple exécutant ;
Joseph KAN YABASHI, qui avait publiquement prêté allégeance au président et premier
ministre intérimaires dès le 19 avril 1994 et condamné pour par le TPIR pour crimes
contre l’humanité, ne pouvait représenter une issue protectrice pour les Tutsi ; les
déclarations de l’accusé indiquant qu’il lui faisait confiance ne peuvent être retenues
comme crédibles. Bien au contraire, il est manifeste que l’accusé s’inscrivait activement
comme un rouage visant à temporiser les tueries avant que celles-ci ne reprennent
ultérieurement sous l’égide des autorités administratives (bourgmestre ou préfet) toutes
actives dans le génocide selon un plan parfaitement organisé ;
le respect qu’il inspirait à l’égard des miliciens, miliaires et gendarmes démontre qu’il
jouait un rôle de premier plan lui permettant, d'une part, de ne jamais être attaqué -
comme les personnes enfermées - dans ses allées et venues vers le bureau du secteur et,
d’autre part, de ne jamais avoir fait l’objet d’une quelconque fouille de son domicile
alors qu’il cachait des personnes, à l’instar d’Elivanie MUKANDAMAGE et
d’Onesphore KAMANZT dont un militaire, invité chez l'accusé, avait indiqué qu’il était
parfaitement au courant que « le vieux » était réfugié chez Monsieur MUNYEMANA ;
à trois reprises sur quatre, les Tutsi avaient été emmenés au bureau de secteur et remis
à Sosthène MUNYEMANA par des miliciens qui avaient capturé ces derniers aux fins
d’extermination ; |
c’est bien parce qu’il constituait un rouage actif dans la mise en œuvre du plan concerté
précité visant à l’extermination des Tutsi que Sosthène MUNYVEMANA ne s’est
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manifestement pas renseigné sur le sort des personnes transférées dont il ne pouvait
ignorer le funeste destin.
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Ainsi, la cour d’assises est convaincue que Sosthène MUNYEMANA avait parfaitement
connaissance du plan concerté génocidaire mis en place depuis la destitution du préfet
HABYALIMANA à BUTARE aux fins de porter atteinte à la vie des Tutsi ; plan auquel il avait
adhéré et dans lequel il avait un rôle actif en qualité d'auteur : celui de geôlier-gestionnaire d’un
établissement administratif devenu une prison-sas avant la mise à mort ultérieure et dans des
lieux éloignés des Tutsi capturés.
Il sera retenu dans les liens de cette prévention.
À l'inverse, un doute subsiste quant à son intention de commettre des faits de génocide visant
à porter des atteintes graves à l'intégrité physique ou psychique des Tutsi ; en effet, Sosthène
MUNYEMANA s’est toujours défendu d’avoir eu cet objectif et les témoignages ne permettent
pas de retenir avec certitude l’intention coupable de l’accusé sur ce point.
Il sera dès lors acquitté de ce chef d’accusation
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5.2. En qualité de complice
S1 Sosthène MUNYEMANA a participé aux faits de génocide de Tutsi aux fins d'atteinte à leur
vie dans la période incriminée, rien ne permet de déméntrer qu’il en a été complice de quelque
façon que ce soit. |
Il sera, par conséquent, acquitté de ce chef d’accusation.
4. Sur les autres crimes contre l'humanité et la complicité de crimes contre
l'humanité
a) Sur la matérialité
Au regard des éléments recueillis auprès de nombreux témoins et des développements des
chercheurs faisant référence en la matière, il apparaît que les Tutsi ont été victimes de faits
relevant d’autres crimes contre l'humanité ; en l'espèce les conditions de mise à mort des Tutsi
et, avant, celles de leur détention au bureau du secteur de TUMBA comme rappelé plus haut
caractérisent la matérialité de ces infractions.
b) Sur l'intention
Un doute subsiste quant à l’intention de Sosthène MUNYEMANA de commettre des faits
relevant des autres crimes contre l’humanité à l’encontre des Tutsi capturés puis emmenés et
enfermés au bureau de secteur ; en effet, l’accusé s’en est toujours défendu et les témoignages
ne permettent pas de retenir avec certitude l’intention coupable de l’accusé de commettre des
actes ayant consisté en une pratique massive et systématique de torture, d'actes inhumains,
d'exécutions sommaires ou d'enlèvements de personnes suivis de leur disparition tant en qualité
d'auteur que de complice.
En effet, rien ne permet de démontrer de façon univoque que Monsieur MUNYEMANA a eu
connaissance ou participé à ces actes en tant qu’auteur ou complice au sein du bureau du
secteur ; nombre de témoins - parties civiles comprises - réfutent l'existence de tels actes sur
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les victimes lorsqu'elles étaient enfermées au sein de ce bâtiment pour une durée courte mais
situent ceux-ci en amont ou à l’aval de leur détention (maison n° 60 ou locaux de la préfecture)
sans qu'il soit certain que l’accusé y ait volontairement participé ou qu’il en ait été directement
témoin ou même informé.
Jl sera acquitté de ces chefs d’accusation.
III. Sur la peine
Le prononcé de la peine nécessite de prendre en considération, en premier lieu, la personnalité
de l’auteur, sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions
de la peine énoncées à l’article 130-1 du Code pénal.
Parfaitement inséré avant sa détention, Sosthène MUNYEMANA est très apprécié de sa famille
qui le décrit comme un père attentionné et présent pour ses trois enfants, un époux prévenant et
aimant, de ses amis et de son environnement professionnel qui le qualifie de professionnel
sérieux, solidaire et attentif aux conditions de prise en charge de ses patients et au bien-vivre
avec ses collègues.
Il faut ajouter que l’accusé a eu un comportement exemplaire lorsqu'il avait été placé sous
contrôle judiciaire ainsi qu’au sein de l’établissement pénitentiaire où 1l est incarcéré. |
Sosthène MUNYEMANA a un casier judiciaire vierge.
La cour relève, par aïlleurs, que les infractions retenues à l’encontre de l’accusé comptent parmi
les catégories les plus graves des systèmes répressifs nationaux et internationaux, s’agissant
d’un génocide, crime de masse organisé et du caractère systématique des atteintes à la vie de
personnes humaines qui engendrent un trouble exceptionnel à l’ordre public national et
international et qui sont punis, en FRANCE, de la réclusion criminelle à perpétuité.
De plus, la cour a noté son déni de toute responsabilité dans les faits sans aucune remise en
cause profonde et sérieuse.
Sosthène MUNYEMANA, en qualité de médecin, a agi en violation flagrante de ses
engagements déontologiques, dont le serment qu’il a prêté et qui commande la protection des
personnes affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité et la
sauvegarde de leur vie.
Au regard de la gravité de ces faits, de la personnalité de l'intéressé, du nombre extrêmement
important de victimes, de l’ancienneté des faits, de l’âge de l’accusé - 70 ans - de l’ampleur du
génocide des Tutsi - dernier génocide du vingtième siècle - auquel il a activement participé et
dont il est personnellement responsable mais qu’il persiste à nier, il sera condamné une peine
de vingt-quatre années de réclusion criminelle.
Fait en chambre des délibérations de la cour d’assises de Paris, le 27 octobre 2025
premier juré président de la d’assises de Paris
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