Citation
Le jeudi 23 octobre 2025, la Cour d’Assises d’appel de Paris a confirmé la condamnation de Sosthène Munyemana à 24 ans de réclusion criminelle pour participation au génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994.
Ancien médecin au centre hospitalier universitaire de Butare, Sosthène Munyemana, surnommé le boucher de Tumba, avait pris part aux massacres des Tutsi dans la préfecture de Butare, dans le sud du Rwanda.
Installé avec sa famille en France depuis septembre 1994, il a exercé pendant de nombreuses années la médecine dans la région de Bordeaux en gynécologie, en médecine d’urgence et en gériatrie. De nombreux rescapés l’accusaient d’avoir organisé des patrouilles, des rondes, installé des barrages, participé à la distribution d’armes et d’avoir enfermé des femmes et des hommes traqués par les tueurs dans un bureau de secteur, un local sans eau et dépourvu de sanitaires, avant de les transférer, après des heures ou des jours sans nourriture, à bord d’un véhicule de la commune, au chef-lieu de la préfecture où ils étaient massacrés.
Dès le 15 octobre 1995, une plainte avait été déposée, mais sa mise en examen n’est intervenue qu’en décembre 2011, et son procès en première instance ne s’est tenu qu’en novembre 2023, près de vingt-huit ans après les faits.
Après six semaines d’audiences, la Cour d’Assises de Paris siégeant en appel l’a déclaré coupable de génocide et d’entente pour commettre le génocide et a confirmé la peine prononcée en première instance, soit 24 ans de réclusion criminelle. Ce jugement marque une nouvelle étape sur la voie de la reconnaissance judiciaire des victimes et des crimes commis pendant le génocide contre les Tutsi.
Ibuka France salue cette décision. Toutefois, force est de constater que le chemin à parcourir pour mettre un terme à l’impunité est encore long. De nombreux dossiers sont en attente sur les bureaux des juges d’instruction. Le travail des associations dont l’initiative a permis de mettre en marche la machine judiciaire est en permanence raillé. Nous nous interrogeons légitiment sur le sens des peines, le fait qu’un ressortissant du Rwanda jugé en France en vertu de la compétence universelle et reconnu coupable de génocide soit puni moins sévèrement que l’auteur d’un meurtre en France.
Depuis 2014, date du premier procès pour génocide au Rwanda, les juridictions françaises ont fait beaucoup de progrès. Mais elles sont loin d’écluser le dossier car le juge français refuse systématiquement l’extradition conformément à la jurisprudence de la Cour Cassation. Il est aujourd’hui plus qu’urgent de renforcer les moyens judiciaires nécessaires à la poursuite des nombreux présumés génocidaires encore présents sur le sol français. De plus, comme les débats l’ont bien démontré, retarder la justice mène au déni de justice. En 31 ans, beaucoup de celles et ceux qui pouvaient témoigner des faits et attendaient ce moment, ont disparu.
Enfin, nous regrettons le silence des médias sur ce moment qui représente un effort remarquable de la société française et qui, appliqué à un génocide, constitue un service à toute l’humanité.
Contact presse : contact@ibuka-france.org