Fiche du document numéro 35583

Num
35583
Date
Jeudi 2 octobre 2025
Amj
Taille
1337580
Titre
En 1994, lors du génocide, les Tutsi dépassaient bien largement un million de la population [Post sur la falsification des recensements aux fins de réduire la proportion de Tutsi dans la population rwandaise]
Nom cité
Nom cité
Type
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Langue
FR
Citation
Conversation
Dr. Jean Damascene BIZIMANA
@DrDamascene
Ces derniers jours, un farceur/Blanc menteur négationniste attitré
@JF_LE_DRIAN
stipule qu’au Rwanda il n’y a jamais eu un million de Tutsi. Rétablissons la vérité historique des faits pour mieux respecter l'histoire et honorer plus d'un million de tutsi tués dans le génocide au RWANDA entre avril et juillet 1994. Précisons d’emblée que le génocide commis contre les Tutsi n’est pas une question du nombre de victimes, mais relève, selon le droit international pénal, de l’intention de l’Etat de les exterminer en tant que groupe ethnique. Ce génocide a été prouvé internationalement, il fait partie de l’histoire mondiale. Revenons-en au nombre réel de Tutsi du Rwanda:

A. Les données démographiques

2. En 1930, la colonisation belge débuta le classement de Rwandais en ethnies sur base de deux critères principaux : la forme, la taille, le métier, et le nombre de vaches à hauteur de dix têtes de bovins. Dans ces conditions, le dénombrement fixa le pourcentage de Hutu à 84%, les Tutsi 15% et les Twa 1%. C’est l’explication donnée par les colonisateurs et les missionnaires (Chanoine Louis De Lacger, Le Ruanda ancien, Kabgayi, 1939).

3. En 1952, l’enquête démographique annuelle du Ruanda-Urundi (p.12) menée par la colonisation belge donnait les chiffres de la population de manière suivante : Hutu 81,5% ; Tutsi 17,5% ; Twa 0,9%.

4. En 1960, l’anthropologue belge Marcel D’Hertefelt, effectua un recensement en se basant sur les cartes d’identité déjà distribuées dans la population et trouva que les Hutu représentaient 83%, les Tutsi 16% et les Twa 1%. Ces chiffres résultaient d’en échantillon de 100.000 familles (Marcel D’Hertefelt, les clans de l’ancien Rwanda, Eléments d’ethnosociologie et d’ethnohistoire, Tervuren, 1971).

5. En 1960, les chiffres de la population, territoire sur territoire, rendus publics par le résident spécial belge au Rwanda, l’autorité suprême du pays depuis 1959, le colonel Guy Logiest et Hubert Bovy, à l’époque administrateur du territoire d’Astrida. Les résultats ci-dessous qu’ils ont publiés, résultant d’une enquête démographique montrent que les répartitions entre hutu et tutsi sur dix territoires, huit d’entre eux avaient un taux de tutsi allant de 13% à 30% de la manière suivante :
1) Kibuye 30% Tutsi (T), 69% Hutu (H)
2) Astrida 23% T, 76% H
3) Nyanza 22% T, 77% H
4) Shangugu 22% T, 77% H
5) Kibungu 16% T, 83% H
6) Gitarama 15% T, 84% H
7) Kigali 13% T, 86% H
8) Biumba 13% T, 86% H
9) Ruhengeri 8% T, 91% H
10) Kisenyi 6% T, 93% H (G. Logiest, Mission au Rwanda : Un Blanc dans la bagarre hutu-tutsi, Didier Hatier, 1987, p.42). Ces chiffres sont les plus vrais puisqu’émanant d’un recensement mené par des administrateurs belges qui s’est déroulé dans un contexte politique où la colonisation n’avait aucun intérêt d’augmenter arbitrairement le nombre de Tutsi. Elle cherchait plutôt à les chasser du pouvoir, dans des postes administratifs et dans les écoles. Prétendre aujourd’hui qu’en 1994, le nombre de ces Tutsi aurait diminué relève d’un mensonge éhonté.

6. En 1970, le document du Gouvernement rwandais, Ministère du plan, « Enquête démographique » (T.1) donne les chiffres suivants : Hutu 89% ; Tutsi 10,6% ; Twa 0,4%.

7. Sous le régime Habyarimana, quatre opérations nationales de collectes des données démographiques ont été menées en 1978 (recensement général de la population et de l’habitat), 1981 et 1983 (enquête démographique) et 1991 (recensement général). Les chiffres se comportent comme suit :

- En 1978 le recensement général donne 89,7% de Hutu, 9,8% de Tutsi. 0,5% de Twa et Autres 0,1%.
- En 1991, le recensement général de la population et de l’habitat mené du 16 au 30 août 1991 donne les chiffres suivants : Hutu 91,1% ; Tutsi 8,4% ; Twa 0,4% et Autres 0,1%.
- Question : Où étaient partis les 13% à 30% de Tutsi observés par les Belges à la fin des années 1950 où le territoire comme Kibuye comptait 30% de Tutsi et plusieurs autres territoires en comptaient au-delà de 22% (Astrida, Nyanza, Shangugu) ?

B. QUE RETENIR ?

1) Cela ne vous surprend pas de voir un groupe ethnique tutsi qui n’évolue numériquement pendant les deux régimes Kayibanda et Habyarimana? C’est ce que dit à très juste titre Simon Sebagabo quand il s’interroge légitimement : « Que s’est-il passé entretemps pour qu’il y ait une diminution aussi sensible du nombre de Batutsi entre les deux recensements ? Rien de connu qui aurait frappé cette population entre le recensement de 1978 et celui de 1991. C’est d’ailleurs au cours de la période allant de 1978 à 1991 où les Batutsi furent moins inquiétés que les périodes précédentes depuis 1959 si on excepte les deux dernières années de cette période. Les Batutsi furent chosifiés bien sûr, mais pas tués. On peut conclure que c’était une simple manipulation des chiffres pour justifier un agenda caché. » (S. Sebagabo, op. cit., p.459-460).

2) En réalité, les régimes Kayibanda et Habyarimana se sont évertués à réduire le nombre réel de Tutsi pour justifier leur limitation dans les écoles et dans l’emploi. C’est un fait reconnu et établi par de très nombreux chercheurs et observateurs de la politique rwandaise, sans parler des Rwandais eux-mêmes. Le chercheur-démographe Simon Sebagabo le note clairement à partir de confidences qu’il a eues de la part de l’un des experts étrangers ayant travaillé aux différents recensements et opérations de collecte de données démographiques au Rwanda entre 1981 et 1991, en qualité d’expert de l’ONU. Sebagabo l’écrit en ces termes : « L’Uruguayen Carlos qui avait fait le recensement démographique du Rwanda m’a rencontré à Brazaville en 1986 et il faisait le même travail au Congo. Comme je faisais aussi le recensement agricole, nous avons collaboré régulièrement et il m’avoua un jour qu’il avait atteint plus de 30% de la population batuutsi quand on lui retira la disquette pour lui signifier de ne plus s’occuper de ce problème. » (Simon Sebagabo, Rwanda : Un génocide au nom des mythes, IPN, 2017, p.459). Le nom complet de cet expert est Carlos ELLIS qui était conseiller informatique dans ces différents recensements au Rwanda.

3) Un collègue ivoirien que je connais de longue date, qui a travaillé avec un autre expert des Nations Unies, Mr Stane ZRIMEC, qui a dirigé des recensements de la population au Rwanda comme Conseiller Technique Principal, m’indiqua avoir reçu les confidences identiques de la part de ce dernier, qu’en 1983 à l’issue de l’enquête démographique, son équipe avait dénombré plus de 30% de Tutsi. ZRIMEC dirigeait une équipe de six experts internationaux en Démographie, Administration et Informatique venant du Canada (3), Yougoslavie (1), Portugal (1) et Uruguay (1).

4) La tâche de falsification des chiffres aux fins de réduire le nombre de Tutsi fut alors confiée à une équipe de cadres et techniciens Rwandais de trois ministères, appuyée et supervisée par ceux de la Présidence de manière suivante : MINIPLAN (6), MININTER (2) et Ministère des ressources naturelles, MIRENA (2). Huit agents de la présidence de la République coordonnaient ces falsifications pour s’assurer que le nombre de Tutsi recensés et publié ne soit pas au-delà de 10% de la population totale. Voici leurs noms : Baziyaka Janvière, Ntabahwana Suki Bernard, Mutarasisi Festus, Rwagasana Emile, Ukiliho Faustin, Rwagasore Isaïe, Nyirarunyonga Joséphine et Hitimana Laurence.

5) En somme, ces quelques faits parlent d’eux-mêmes pour expliquer deux choses évidentes. D’une part, le pourcentage élevé de Tutsi se situait au minimum, en 1994 lors du génocide, aux alentours de 25%-35%. La Commune Runyinya à Butare en arrivait même à 50%. D’autre part, les manœuvres et falsifications du nombre réel de Tutsi étaient motivées, nous l’avons dit, par une politique intentionnelle de les exclure de la promotion sociale, politique, économique, culturelle et autre.

6) Cette orientation a été mise par écrit par le PARMEHUTU dans sa note politique du 17/11/1959 signé par son secrétaire général, Jean Baptiste Rwasibo, dans laquelle il était énoncé la limitation des Tutsi dans les écoles, dans la fonction publique et leur transfert vers des zones insalubres. Cette politique a été appelée « Détutsisation ». Elle a été par la suite validée et mise en pratique par les 3ème et 4ème congrès du PARMEHUTU tenus à Gitarama, respectivement le 21/6/1964 et le 7/6/1969. Le président Kayibanda a répété à maintes reprises que les tutsi ne dépasseront pas 9% dans les écoles, notamment dans son discours du 1er mai 1967 à la Nation pour la journée du travail : ‹‹ Aho Gahutu ali hose akaba atarajijuka, bikwiliye kumbabaza nkamufasha uko nshoboye kose » (Partout où se trouve un Hutu qui n’est pas encore évolué, cela me fait très mal, et je me décide de l’aider comme je peux). Kayibanda n’était pas du tout intéressé par l’intérêt de TOUS les Rwandais, mais uniquement celui de son groupe ethnique hutu. Il a répété cette ligne politique dans ses différentes interventions publiques particulièrement en 1968 dans ses tentatives de ramener l’unité des Hutu bafouée par les divisions profondes qui minaient le PARMEHUTU à cette époque.

7) Dès son accession au pouvoir, le 5 juillet 1973, le président Habyarimana annonça dans son discours-programme du 1er août 1973 qu’il poursuivra la même logique de limitation des Tutsi dans des écoles et dans l’emploi : ”Kwemererwa kwinjira mu mashuri yisumbuye bizajya bikurikiza ubwoko n’Uturere.” (l’accès à l’enseignement secondaire et supérieur se fera en respectant la proportion ethnique et régionale).

8) Le 26 mai 1975, le groupe de réflexion sur les orientations politiques à adopter, mis en place par le président Habyarimana, composé du Lt Col Alexis Kanyarengwe, Lt Col Aloys Nsekalije et du Major Bonaventure Buregeya, adopta la politique de limitation des Tutsi dans les écoles et dans l’emploi à 9% et une quasi exclusion dans l’armée.

9) Les Congrès respectifs du MRND tenus le 17-21 décembre 1980 et le 26-29 juin 1983 validèrent la même limitation des Tutsi qui sera finalement incluse en 1985 dans la loi sur l'éducation N°14/1985. Voilà ainsi résumée toute la politique qui guidait les gouvernements Kayibanda et Habyarimana dans la réduction du nombre de Tutsi au sein de la population du Rwanda pour la maintenir toujours dans la proportion de 9% de la population. Or, en réalité, comme le prouvent les données belges de la fin des années 1950 et les confidences des experts nationaux et internationaux, le nombre de Tutsi au Rwanda se situait au moins à 30% de la population.

10) En conclusion aux développements énoncés ci-dessus, considérant que les Tutsi du Rwanda représentaient jusqu’à 30% dans certaines régions comme Kibuye et Bugesera, et une proportion allant au-delà de 22% dans d’autres préfectures (Butare, Gikongoro, Kibungo, Cyangugu) il en relève qu’en 1994, lors du génocide, les Tutsi dépassaient bien largement un million de la population.

9:43 AM · 2 oct. 2025

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