Fiche du document numéro 35192

Num
35192
Date
Vendredi 5 février 2021
Amj
Taille
132791
Titre
Jacques Hazard, 1935-2021
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Type
Biographie
Langue
FR
Citation
Jacques HAZARD

1935 -

- 2021

Notre confrère, Pello Sala, avec lequel Jacques a fait communauté à Nyamirambo (Kigali)
dans les années 1985 à 1988 raconte : « Chaque année nous faisions, à quelques-uns, l’ascension
d’un de ces volcans du Nord du Rwanda: Visoke, Karisimbi, Sabyinyo. Jacques était souvent le
plus âgé, mais le premier à arriver au sommet. Ses longues jambes, montaient allégrement. » Il
n’est guère plus aisé de suivre Jacques dans son parcours missionnaire, tellement il a changé de
lieux et d’engagement, du moins jusqu’à son arrivée à Toulouse.
Il est né à Perpignan en 1935, sans doute du fait que son père, Officier de l’armée
française, y était en garnison. C’est toutefois Versailles qui semble bien avoir été le port d’attache
de la famille. Jacques aura été parmi les derniers à faire le Noviciat à Maison-Carrée, en
1956/1957. L’année suivante le Noviciat s’installait à Gap. Il continue alors ses études de
théologie à Carthage. Ordonné prêtre le 21 décembre 1963, il part pour le Rwanda où il y fait un
premier terme d’à peu près 4 années.
Sa présence au Rwanda y suivra un cours assez sporadique : il y totalisera quelques 14
années entrecoupées de retours sur Paris, Mours, recyclages divers au Canada ou en France, etc.
Pello Sala témoigne : « Ses années en paroisse furent de belles années, autant pour Jacques, me
semble-t-il, que pour moi. Jacques était un homme généreux, toujours disponible, autant pour le
travail apostolique que pour les tâches au service de la communauté. Il prenait sa part dans les
activités pastorales communes. Il n’était pas doué pour le service d’autorité, mais il s’insérait bien
dans une équipe de travail. Jacques était très engagé, dans le mouvement charismatique. Il se
nourrissait spirituellement de la prière de ces groupes. Comme prêtre, il était un bon guide,
comprenant les tonalités propres des groupes de prière et il amenait les participants à
l’engagement au service des autres, surtout des pauvres et des marginalisés de Nyamirambo. Il
donnait aussi des sessions de formation doctrinale pour équilibrer l’aspect plus émotionnel de ces
groupes » Il aimait les groupes de prière du Renouveau et c’est sans doute dans ce milieu qu’il
s’est attiré sympathie et parenté spirituelle, une parenté spirituelle avec des gens qui vivaient des
fragilités auxquelles il vibrait.
Jacques était un grand marcheur, aimant parcourir des kilomètres. C’est à pied qu’il partait
le dimanche pour célébrer l’eucharistie à Mpanga, Burema, Mwendo, dans toutes les succursales
d’une vaste paroisse composée d’une partie ville et d’une grande partie campagne. Il descendait la
vallée, pour monter vers le Mageragere, le parcourir pendant des kilomètres et ensuite descendre
vers Mpanga. Il partait avec un petit sac sur le dos contenant le nécessaire pour l’eucharistie et son
casse-croute, bien austère. » De sa foulée ample et rapide, mutarambirwa, (l’infatigable) comme
on l’appelait, lançait des salutations sonores, et son rire explosait souvent dans les échanges de
nouvelles.
Son parcours et ses changements fréquents soulignent sans doute une fragilité, une
recherche permanente pour mieux se situer dans sa vocation missionnaire. Une fragilité qui le
rendait sensible à la souffrance des autres : en 2020, des années après son passage, il était toujours
en relation épistolaire avec des Rwandais, dont des handicapées qui parlaient encore de lui avec
sympathie. De leur côté, à l’annonce de sa mort, les Carmélites de Nyamirambo, écrivent : « Il

nous a rendu bien des services. Un saint. Avec vous, nous rendons grâce au Christ dont il a été un
témoin fidèle. »
Hélas, Son séjour rwandais se terminera tragiquement : Le 6 avril 1994 il était en effet à la
paroisse de Rambura, paroisse d’origine de l’ancien Président rwandais Juvénal Habyarimana
assassiné au soir de cette journée. Jacques se trouvait en cette paroisse pour des rencontres avec
des groupes de prière et avec des étudiants. Il avait reçu l’hospitalité à cette même paroisse tenue
par des prêtres rwandais. Suite à l’assassinat du Président, des gens devinrent furieux et des
troubles éclatèrent. Le presbytère se trouva très fragilisé, attaqué : on lança une grenade dans la
chapelle où Jacques priait avec les prêtres rwandais qui furent tués. Comment, dans un lieu aussi
exigu, aucun éclat n’atteignit-il pas Jacques? Il en sortit, seul, indemne, cherchant à sortir de ce
guêpier. Non sans traumatisme, on le comprend. Il fut alors pris en charge par un sous-préfet de la
région qui le prit sur sa moto et arriva à le faire parvenir à Gisenyi, d’où il put quitter le Rwanda.
Rik Lenssen, un confrère, y arrivait également : « Nous fuyions Ruhengeri vers Goma avec une
cohorte de 5 voitures. Jacques courrait, seul, vers la frontière. Je pus le faire monter dans ma
voiture alors que nous longions le lac Kivu. Dans ma voiture surchargée, Jacques ne prononça pas
un mot. » Par la suite il restera discret sur ce qui fut certainement pour lui une grande épreuve.
Ayant été profondément bouleversé par ce qu’il avait vu et vécu, Jacques demande alors à
aller à l’Institut de Formation Humaine Intégrale de Montréal, pour y être aidé à assumer ce
traumatisme, et aussi à se perfectionner dans ses talents et compétences d’accompagnateur. Il va y
rester deux ans. Après quoi, il se porte volontaire pour repartir pour ce Rwanda déchiré où tant de
gens ont été blessés et qu’il voudrait pouvoir aider. Il propose de faire ce qu’il appelle un
‘ministère de guérison’ ou ‘ministère de libération’.
Mais les supérieurs qui connaissent ses fragilités et ses difficultés à se reposer et à se
limiter, jugent plus sage de le garder en France, et le nomment à Toulouse où il va passer une
vingtaine d’années en rendant service à la paroisse des Minimes, mais surtout en pratiquant son
ministère d’accompagnement de groupes et de personnes. Etant lui-même un blessé de la vie, il
comprend les gens qui souffrent et peut les aborder avec beaucoup d’empathie. Il aime visiter les
malades, les personnes âgées et ceux qui se sentent rejetés. Il apporte son enthousiasme au service
des groupes charismatiques et montre beaucoup d’intérêt pour tout ce qui touche à l’œcuménisme.
Ses services sont requis dans toute la ville de Toulouse. Il est partout, au point parfois d’être peu
présent en communauté, mais ses confrères l’aiment bien, et comprennent son besoin de bouger, et
surtout de marcher à grands pas dans les rues de Toulouse matin midi et soir.
Mais les années passent, et Jacques ressent le poids des années. C’est ainsi qu’en 2016 il
est nommé dans notre communauté de Bry où il va passer ses cinq dernières années. Au début il
arpente les environs, mais peu à peu ses jambes deviennent rétives et on le voit marcher avec une
canne, puis avec un déambulateur. Condamné à l’immobilité, il sent que ses derniers jours sont
proches. Il doit être hospitalisé chez les Camiliens. Et c’est là qu’il décède le 5 février. La
pandémie interdisant des obsèques dans notre chapelle, c’est à l’église de Bry sur Marne qu’a lieu
la cérémonie, en présence de membres de sa famille, d’amis rwandais et de confrères venus
d’autres communautés. La dépouille est ensuite emportée à Versailles pour être inhumée dans un
caveau familial.
Jacques restera pour nous un modèle de vie évangélique et de générosité apostolique qui
s’est donné sans compter. Jacques a été un ‘pauvre de cœur’, conscient de ses handicaps. Mais ses
faiblesses ne l’ont pas renfermé sur lui-même. Bien au contraire elles l’ont ouvert aux faiblesses et
aux souffrances des autres. Il a maintenant rejoint le bon Berger attentif aux brebis souffrantes.
Henri Blanchard

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