Citation
CONFÉRENCE INTERNATIONALE
5 Avril 2024
Excellence la première Dame du Rwanda, Jeannette Kagame;
Mesdames, Messieurs ;
Chers participants ;
En ouverture de cette conférence consacrée à la réflexion rétrospective sur un génocide
qui, il y a trente ans, plus d’un million d’hommes, femmes, enfants, bébés, étaient atrocement
exterminés, pour le seul fait d’être nés Tutsi, j’adresse mes sincères remerciements à chaque
participant pour avoir répondu favorablement à l’invitation.
Le génocide endeuille l’humanité entière et touche à ce qu’elle a de plus sacrée, la vie.
Les Tutsi du Rwanda ont été la cible d’une extermination cruelle, violente, systématique et
généralisée, obéissant à la réalisation d’un plan effroyable, préparé par l’Etat, visant leur
destruction totale. Cette boucherie humaine qui a clôturé le 20ème siècle fait maintenant
partie de l’histoire commune de l’humanité.
Un proverbe rwandais dit : « Si tu ne sais pas d’où tu viens, tu ne peux pas savoir où tu
vas ». Ce colloque vise justement l’objectif de jeter un regard en arrière sur le passé qui a
conduit au génocide perpétré contre les Tutsi, la façon dont le Rwanda et les autres Etats
ont fait face à ses conséquences et l’avenir de la mémoire pour les jeunes générations.
C’est pourquoi nous avons retenu des thèmes tenant au contexte politique qui a permis la
préparation et l’exécution du génocide, la justice nationale et internationale, l’écriture, le
négationnisme et l’éradication de l’idéologie qui la sous-tend.
En effet, l’une des spécificités du génocide des Tutsi tient au fait qu’il a été perpétré sur
toute l’étendue du territoire national en un temps record de trois mois. Le Gouvernement,
l’armée, la gendarmerie, les autorités locales, les Partis politiques, les médias, les intellectuels,
les organisations de la société civile et bien d’autres instances ont participé à l’élimination
systématique et généralisée des Tutsi.
La culture de l’impunité a joué un rôle majeur dans la participation massive de la population
hutu à l’exécution du crime. L’engagement actif aux tueries constituait une fierté et les
personnes qui s’opposaient à l’idéologie d’extermination, étaient considérées comme des
traîtres à la cause hutu. Le 20 mai 1963 le Rwanda a promulgué une scandaleuse loi qui
consacrait l’impunité pour les assassins des Tutsi. Cette loi accompagnée de discours de
haine des politiciens, avait fait comprendre aux paysans ordinaires que tuer un Tutsi était
méritoire, pas un crime répréhensible.
1/6
La perpétration du génocide contre les Tutsi a été facilitée par la nature centralisée de
l’organisation administrative. Les organes du Parti au pouvoir, MRND, étaient confondus avec
les structures des collectivités locales jusqu’au niveau des villages. Ce type d’organisation
politique, ajoutée à d’autres facteurs discriminatoires visant les Tutsi, tel que la discrimination
dans les écoles et dans l’emploi, ainsi que la monopolisation du pouvoir par une clique de
dignitaires de la région natale du chef de l’Etat ou de la famille de sa femme, ont alimenté
le rouleau compresseur du génocide.
Le pouvoir a organisé la jeunesse en milices Interahamwe (ceux qui attaquent ensemble)
et Impuzamugambi (ceux qui sont unis par le même but) qui ont été des instruments
redoutables, le fer de lance d’exécution du génocide. Les lieux jadis sacrés, comme des
églises, sont devenus de vrais abattoirs, parfois avec la participation directe et la complicité
des responsables religieux. Ce fut le cas pour des paroisses catholiques de Ndera, Nyange,
Sainte Famille et Saint Paul, Kabgayi, Byimana, Nyundo, Crête Congo Nil, Mubuga, Kaduha,
Gatagara, Nyanza, Sovu, Shangi, Hanika, Nyamasheke, Kibeho, Butare, Muganza,… ou
encore dans des paroisses d’obédience protestante comme Shyogwe, Kirinda, Nyakizu,
Gitwe, Mugonero, Gihundwe, et j’en passe. L’une des particularités du génocide des Tutsi
et celle d’avoir réussi à impliquer les représentants de toutes les couches de la population,
y compris les plus instruits et les plus pieux.
Le génocide a été arrêté par le Front patriotique rwandais, le 4 juillet 1994, avec la prise de
Kigali. Le pays était exsangue. Le Gouvernement d’Union nationale s’est attelé à bâtir la
paix sociale en recourant à la synergie de tous les acteurs. La justice était posée comme un
préalable à l’unité nationale. Depuis l’indépendance, le Rwanda n’avait jamais adopté une
loi sanctionnant le crime de génocide. Il fallait donc rompre avec la culture de l’impunité.
La loi portant répression du génocide et crimes contre l’humanité a été votée le 30 août
1996 pour juger les suspects qui attendaient les jugements.
Le nombre important de personnes à juger et autres problèmes post-génocide, ont
conduit aux consultations populaires entre 1998 et 1999 à la présidence de la République,
lesquelles ont conclu à l’instauration des juridictions Gacaca. Pour comprendre l’ampleur
du problème, au 31 décembre 2002, le nombre de détenus emprisonnés pour génocide
était de 104.143 alors qu’on avait 12.322 prisonniers de droit commun. Leur jugement
juste et équitable, dans un délai raisonnable suivant la procédure pénale classique était
impossible. D’où le recours à notre culture de résolution des conflits pour adopter Gacaca
qui a donné des résultats louables à la justice du génocide.
Au niveau international, l’ONU a créé le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR),
le 8 novembre 1994. Malgré des fautes et manquements graves de ce Tribunal, il a réalisé
quelques acquis jurisprudentiels importants qui ont permis l’établissement de la vérité.
D’abord, la décision du 2 septembre 1998 dans le premier jugement concernant Jean
Paul Akayesu fut d’une portée historique irrévocable. Les Juges, conduits par le magistrat
sénégalais feu Laïty Kama, d’heureuse mémoire, ont établi la matérialité spécifique du
génocide perpétré contre les Tutsi en rejetant les arguments irresponsables de la défense
qui prétendait qu’il y avait eu une guerre civile au Rwanda, pas un génocide. Voici leur
conclusion : « Il apparaît clairement que les massacres survenus au Rwanda en 1994 visaient
un objectif déterminé : celui d’exterminer les Tutsi, choisis spécialement en raison de leur
appartenance au groupe ethnique tutsi, et non pas parce qu’ils étaient des combattants
du FPR. C’est un génocide qui a été commis au Rwanda en 1994, contre les Tutsi en tant
que groupe.»
2/6
Le 16/06/2006 est une autre date mémorable à laquelle le TPIR a pris une importante décision
de stopper net le négationnisme qui sévissait au sein même du Tribunal en consacrant
que le génocide commis contre les Tutsi « entre le 6 avril et le 17 juillet 1994 est un fait de
notoriété publique » qui ne doit plus être contesté. Ce fut une victoire de la vérité sur un
mensonge que les génocidaires et leurs complices espéraient utiliser longtemps. Ce fut
pour de bon un clou planté à jamais dans le cercueil des négationnistes.
L’autre grand mérite du TPIR est celui d’avoir établi une jurisprudence internationale,
désormais irrévocable et devenue une règle impérative du droit international pénal
selon laquelle le viol et les violences sexuelles infligées aux femmes tutsi relève du crime
de génocide. Les femmes, témoins et survivantes du génocide ont été extrêmement
courageuses pour tenir devant les accusés et leurs avocats, leur dire droit dans les yeux, ce
qui ne se dit pas dans la culture du Rwanda : l’atrocité du viol. Ce chemin fut un calvaire
pour elles au regard des humiliations qu’elles ont subies au Tribunal d’Arusha, mais le
jugement fut un rétablissement de l’honneur des femmes violées pendant le génocide.
Le chemin fut très périlleux quand on se souvient du scandale qui a marqué l’humiliation
d’une femme violée T.A. dans le procès Shalom Ntahobari. Son avocat Kenyan, Me Duncan
Mwanyumba, a posé des questions choquantes, d’une violente cruauté à la victime dont
les suivantes : « Est-ce que Shalom a retiré tous les habits que vous portiez ? Est-ce que
vous avez gardé votre jupe ou a-t-elle été aussi enlevée ? Après cela, vous étiez nue ?
Décrivez ce qui s’est passée ensuite ? Qu’a-t-il fait ? Vous rappelez-vous quand vous avez
pris votre dernière douche ? Etais-ce les conditions dans lesquelles Shalom vous a trouvées
cette dernière nuit ? Est-ce que Shalom a utilisé les préservatifs ? Diriez-vous que, dans les
conditions dans lesquelles vous vous trouviez, n’ayant pas pris de douche, vous sentiez
mauvais ? »
Les juges n’ont pas arrêté ces propos indignes, faisant même le scandale d’en rire
sans retenue, devant l’attitude désespérée du témoin-victime. Leur devoir de réserve,
d’impartialité et de protection des témoins était totalement oublié. Ces humiliations de
témoins sont fréquentes dans les procès de génocidaires à l’étranger, notamment en
Belgique. Les témoins sont traités de menteurs alors qu’ils parlent des crimes qu’ils ont subis.
Il importe de saluer le courage de certains membres du Parquet du TPIR qui ont rempli
leur devoir de justice avec brio. Dans le procès de la reconnaissance du viol comme
élément constitutif du génocide, sans la fermeté de Pierre Richard Prosper, représentant
du procureur dans ce procès, l’issue du n’aurait certainement pas été la même.
Passons maintenant au secteur de la presse. Dès 1990, il y a des journalistes qui ont fait leur
devoir d’informer. La presse nationale libre comme Le Flambeau, Kanguka et autres, et la
presse internationale, ont publié des articles dénonçant le risque de génocide et décrivant
la nature criminelle du pouvoir rwandais. ils ont notamment appelé la France à cesser tout
appui à ce régime, sans être entendus.
Le quotidien français L’Humanité du 22 novembre 1991, démontrait l’excès de zèle de
l’armée française au Rwanda: « Paris est complice. Face aux forces du Front patriotique
rwandais, les militaires français envoyés en octobre 1990, sous l’éternel prétexte de défendre
la vie de nos ressortissants, assurent l’encadrement de l’armée gouvernementale.
3/6
Ce sont des officiers français qui conduisent les interrogatoires musclés des combattants du
Front patriotique ». Des articles similaires furent publiés dans L’Humanité des 13/3/1992 et
28/2/1993 en dénonçant « les tueurs du général Habyarimana » et « la stratégie de massacre
des populations adoptée par le régime pour faire échouer les négociations d’Arusha ».
Le journal Libération du 11 juin 1992 lança la même alerte : « à Bruxelles, l’opposition
rwandaise s’est concertée avec les rebelles du FPR, constatant leur commune volonté de
mettre fin aux combats et de former un ‘gouvernement d’union nationale’. Or, le Président
Habyarimana et son entourage affairiste ne sont pas contraints de s’y résigner tant que la
France alimente leur guerre contre les revanchards tutsi ».
Libération du 9/2/1993 reprit la même sonnette d’alarme, cette fois-ci en évoquant
ouvertement un génocide en cours: « Dans les lointaines collines du Rwanda, la France
soutient un régime qui, depuis deux ans, avec ses milices et des escadrons de la mort,
organise l’extermination de la minorité tutsi. Ces escadrons de la mort qui, organisés en
‘Réseau Zéro’ par le clan du Président, gèrent le génocide des Tutsi comme un service
public ».
L’Evènement du Jeudi du 25/6/1992 avait dressé le même constat d’un génocide en
préparation: « Grand ami de François Mitterrand et de son fils Jean-Christophe, le Président
Juvénal Habyarimana ne cherche pas vraiment à contenir, et encore moins à sanctionner
les groupes fanatisés qui se sont jurés de provoquer l’extermination totale des 14% de Tutsi
restant ».
Après le génocide, le journaliste Patrick De Saint Exupéry a été l’un des artisans de la
documentation du génocide pour le public français peu informés sur ce drame. Il faut
lui rendre un hommage pour ses ouvrages contre le négationnisme, mais aussi pour la
série d’articles qu’il publia dans le quotidien Le Figaro. La première série fut lancée durant
la semaine du 12 au 15 janvier 1998 avec quatre articles d’une qualité hors pair. Il a
expliqué la conviction du président Mitterrand selon laquelle un génocide en Afrique est
sans importance ; l’engagement des militaires et diplomates français dans un engrenage
infernal au Rwanda, prenant fait et cause pour le pouvoir hutu ; les complicités entre la
Gauche et la Droite pendant la période de cohabitation qui commence en avril 1993 ; Le
temps de l’hypocrisie en engageant l’armée française dans l’opération Turquoise.
Du 1er au 9 avril 1998, Patrick De Saint Exupéry publia une autre série de neuf articles d’une
profonde pertinence, développant que « la stratégie de Paris a été très influencée par les
relations personnelles entre les Mitterrand et l’entourage du président Habyarimana ; les
mensonges de l’Etat français qui a ignoré les signes avant-coureurs du génocide malgré
les avertissements des diplomates et des militaires les plus lucides ; les armes du génocide ;
la guerre des infiltrés, Abacengezi, dans le nord-ouest ; la livraison des armes après le début
du génocide ; Les oublis du rapport Quilès sur le Rwanda. » Ces publications ont donné
une force immense à beaucoup de gens en France, pour poursuivre leur combat contre
l’impunité et le négationnisme.
Patrick de Saint Exupéry est souvent trainé devant les tribunaux par des acteurs politiques
et militaires dont il dénonce les compromissions avec le régime génocidaire rwandais. 30
ans après, les résultats sont là, la vérité a triomphé. Le négationnisme du génocide des
Tutsi est puni en France depuis 2017. En 2021, le rapport Duclert conclut aux responsabilités
lourdes et accablantes de la France.
4/6
Parmi les journalistes qui ont remarquablement œuvré pour la vérité des faits, rendons
hommage au regretté Jean Chatain du journal L’Humanité en France, décédé le 5
décembre 2019. Pendant le génocide, Jean Chatain fut l’un des rares reporter occidental
à couvrir la zone conquise par le FPR et produire des articles d’information objective. Il a
publié deux ouvrages majeurs sur le génocide des Tutsi: Paysage après le génocide (2007) ;
puis, Nuit et brouillards sur le Rwanda (2020) paru après sa mort. Le livre est une compilation
d’articles qu’il a publiés entre 1990 et 1994.
Parmi les journalistes décédés dont leur travail n’est pas à oublier, figure également Pascal
Krop qui publia en août 1994, le premier ouvrage en France avec un titre fort : « Faut-il
juger les Mitterrand ? » Il fut le premier à poser l’évidence de la responsabilité du président
Mitterrand dans le génocide des Tutsi. Sa responsabilité n’est plus aujourd’hui discutable.
Les acteurs des droits humains ont aussi remarquablement joué un rôle clé, d’alerte de
l’opinion internationale. En août 1992, Me André Jadoul et Me Eric Gillet ont établi un
rapport circonstancié sur la nature criminelle du régime Habyarimana. Leur rapport a
notamment documenté l’utilisation des prisons rwandaises comme méthodes de torture et
de traitements cruels, inhumains et dégradants.
En Belgique, d’autres acteurs et hommes du droit aujourd’hui décédés ont aussi œuvré
pour la mémoire et la justice du génocide. Nous pensons au Professeur Eric David qui
a fait plusieurs publications sur la spécificité du génocide des Tutsi et les responsabilités
internationales, Me Edouard Jakhian, Me Michel Graindorge, Maxime Steinberg qui ont joué
un rôle clé dans des activités de mémoire, et Willy FABRE qui fut l’un des premiers à créer
des sites d’information sur le génocide des Tutsi, tel RWANDANET, WIRIRA et WIHOGORA. Il
avait obtenu la nationalité rwandaise sous le nom de Moses Sendanyoye.
Le travail des ONG fut également pertinent. Le 7 mars 1993, une Commission internationale
d’enquête sur les violations des droits de l’homme au Rwanda a publié un rapport qui
démontrait la mécanique d’un système de massacres de civils, entretenu par le pouvoir
rwandais contre les Tutsi. La Commission a mis en évidence l’implication des plus autorités
rwandaises citant nommément le Président Habyarimana et son épouse, le ministre des
travaux publics Joseph Nzirorera, le colonel Elie Sagatwa et le préfet de Ruhengeri Charles
Nzabagerageza. La Commission était dirigée par Jean Carbonare qui, en janvier 1993, fut
l’un des premiers à alerter le risque de génocide en cours au Rwanda. Son image en pleurs,
à la télévision française, France2, devant le regard émotif du journaliste Bruno Masure,
reste un événement marquant de son indignation.
Signalons également l’immense travail des membres de l’association SURVIE. Certains
d’entre eux sont décédés en laissant une somme de très bons actes. Commençons par
le regretté Gilles Durou qui est le moins connu, mais pas le moins courageux. Décédé le
22/9/2003, Gilles fut le premier à réaliser une enquête de terrain à Butare en juillet 1995
sur la responsabilité du Dr Sosthène Munyemana. Il a par la suite participé à la création à
Bordeaux de l’association « Collectif Girondin pour le Rwanda » qui a porté sa première
plainte contre Munyemana le 18/10/1995. Gilles avait aussi créé une exposition itinérante
sur le génocide des Tutsi qui servait dans toutes les commémorations et dans les écoles qu’il
parcourait de ses frais pour informer sur le génocide des Tutsi.
5/6
Dans la même ligne d’action, les implications sans relâche des regrettés Sharon Courtoux,
François Xavier Verschave et Géraurd De La Pradelle, sont d’une valeur sans nom. Par
leurs publications régulières, notamment le Mensuel « Billets d’Afrique et d’ailleurs » et la
mise sur pied de la Commission Enquête Citoyenne, SURVIE a accompli un travail hors du
commun. Il y a aussi Jean Paul Goûteux qui fut un chercheur actif dans SURVIE France qui a
documenté les zones d’ombre sur les responsabilités de la France dans le génocide. Parmi
ses ouvrages, citons : Un génocide secret d’Etat, puis La Nuit Rwandaise. Jean Paul se battait
pour le jugement des auteurs du génocide et leurs complices. Son vœu a été exaucé
quand on voit l’évidence des jugements qui sont menés en France et la détermination du
Parquet pour mener à terme d’autres dossiers.
En Belgique, le Comité pour le respect des droits de l’homme et la démocratie au Rwanda
a fait un travail méticuleux de documentation sur les assassinats ethniques du régime
Habyarimana avant 1994. A titre d’exemple le document qu’il publia en décembre 1991
intitulé « Quatorze mois de répression au Rwanda, le processus de démocratisation en péril
» a fourni une liste de 901 cas de violation flagrante des droits humains commis par le régime
Habyarimana, avec nom et prénom, date et lieu de naissance. Ces cas se répartissent
comme suit : 418 personnes tuées, 394 personnes libérées suite à l’intervention des ONG
internationales et 89 personnes ayant perdu illégalement leur emploi parce qu’ils sont Tutsi
ou ayant des opinions politiques opposées au pouvoir.
Les écrivains africains ont aussi joué un rôle clé pour la conservation de la mémoire.
L’initiative « Ecrire par devoir de mémoire » qui débuta en juillet 1998, sous l’impulsion du
festival de littérature négro-africaine Fest’Africa a énormément contribué à documenter la
mémoire du génocide des Tutsi. Une dizaine d’ouvrages fut publié.
Dans ce colloque, nous donnerons la parole aux survivantes du génocide, qui ont été les
pionnières de la résilience après le génocide en se battant pour la survie et la vie. Elles ont
réuni leurs témoignages dans un livre que je vous recommande « ENTENDEZ-NOUS ». Le livre
sera présenté au milieu ce colloque. L’association AVEGA qu’elles ont créé au lendemain
de l’arrêt du génocide, a aidé ces veuves à retrouver l’équilibre psychologique qui les a
fait résister aux dures souffrances nées du génocide.
Pour conclure, je résume en disant qu’on ne peut pas être exhaustif dans la description du
chemin ayant conduit au génocide et le parcours de ces trente ans. Beaucoup d’acteurs
ont agi, Rwandais et étrangers. Ils ont posé des pierres importantes pour l’avenir. Je termine
pour considérer l’actualité en me référant à un dicton qui dit « Maudits soient les yeux
fermés quand ils doivent rester ouverts ». Que ce colloque soit pour nous tous un moment
de garder les yeux ouverts, analyser sereinement le passé, y tirer des leçons qui s’imposent,
pour rappeler au monde que le Plus jamais ça n’est pas encore respecté. Les dispositions
de la convention sur le génocide ne sont pas traduites dans les faits pour sauver des vies
humaines menacées de génocide.
Aux frontières du Rwanda, en République Démocratique du Congo, les mêmes tueurs de
1994 et leurs recrues sont hébergés et soutenus par l’Etat Congolais et continuent leurs
crimes. Elevez votre voix. Il ne peut pas y avoir de mémoire véritable si les crimes qui ont
versé le sang se poursuivent trente ans après.
Je vous souhaite de fructueux échanges.
6/6