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Cette 19ème journée du procès de Philippe Hategekimana a débuté par l’audition de Mathieu NDAHIMANA, un des témoins clés de l’accusation. Avant de l’entendre, le Président a déclaré qu’il sera passé outre l’audition de Jean Damascène MUNYESHYAKA au vu du planning chargé, malgré les observations des parties civiles, des avocats généraux et de Me Guedj. Le Président a voulu procéder à son audition par étapes. Il a d’abord abordé la question de sa situation personnelle en 1994 et sur ses relations avec l’accusé avant le génocide. En prison depuis 1997, il a été condamné par la juridiction Gacaca à trente ans. Il a plaidé coupable pour avoir participé à des attaques contre les Tutsi à Nyamure, sur la colline de Karama et à Rwezamenyo. Il a été entendu à l’occasion de plusieurs affaires, notamment devant le TPIR. Mathieu NDAHIMANA était au moment du génocide assistant médical responsable du centre de santé de Nyamure. Il dit avoir remplacé le bourgmestre Nyagasaza le 22 mai 1994. Il est resté en poste seulement quelques jours avant de fuir. Il a rencontré pour la première fois Philippe Hategekimana lors de l’élection du nouveau bourgmestre de Ntyazo. Lui-même était candidat pour le parti PSD mais c’est Nyagasaza qui a été élu. Biguma était là pour superviser la sécurité sur demande de la sous-préfecture. Il le rencontrait aussi lors de réunion de sécurité une fois par mois à Ntyazo. Un jour, alors qu’il s’apprêtait à remettre 50 000 francs à un escroc qui se faisait passer pour un représentant du ministère de l’intérieur, Biguma l’a reconnu alors qu’il est passé par là. Il l’a poursuivi et l’a arrêté. Pour le remercier, il l’a invité à manger un poulet au cabaret. Le Président a ensuite interrogé le témoin sur sa vie en détention.
En effet, plusieurs témoins ont, au cours de ce procès, parlé de réunions au sein des prisons au cours desquelles les prisonniers sont incités à reconnaître les faits et à plaider coupable. Mathieu Ndahimana a expliqué que le parquet était venu dans les prisons afin de les sensibiliser au plaidé coupable. Un « comité Gacaca vérité » a été créé, et les détenus l’ont élu président. Israël DUSINGIZIMANA était son vice-président. Leur rôle était d’aider ceux qui souhaitaient plaider coupables à écrire leurs aveux sur papier. Certains ne savaient pas écrire, donc ils écrivaient à leur place. Il dit n’avoir tiré aucun avantage de ce rôle. Il n’a jamais vu aucun détenu faire des faux témoignages ou recevoir des pressions pour le faire.
Me Karongozi a souhaité en savoir plus sur les raisons de son élection avec Israël à la tête du comité Gacaca vérité. Le témoin a expliqué qu’il faisait partie des premiers à avoir plaidé coupable, à avoir donné l’exemple, mais aussi qu’il faisait partie des « intellectuels » au sein de la prison. Le Président a demandé à Philippe Hategekimana s’il connaissait le témoin, mais il a répondu que s’il l’a déjà croisé il ne s’en souvient pas. Le ministère public a ensuite interrogé le témoin. L’avocat général lui a demandé s’il se souvenait de la réaction de Biguma lors de l’investiture de Nyagasaza, membre du parti libéral. Selon lui, l’accusé a applaudi méchamment. Il n’était clairement pas pour l’élection d’un Tutsi. Me Guedj a notamment voulu rappeler le témoignage de Martin IYAMUREMYIE, entendu hier, qui disait que lui et Israël avait comme rôle d’inciter les détenus à avouer. Mais il a répondu la même chose qu’auparavant.
Le Président a ensuite voulu s’intéresser à un fait dont la Cour n’est pas saisie. Il s’agit d’un épisode qui a eu lieu le 23 avril, lorsqu’il a eu peur pour sa sécurité et celle du centre de santé. Il est allé chercher des gendarmes à la gendarmerie afin qu’ils viennent en renfort. Il y a rencontré Birikunzira et Biguma et il leur a expliqué les affrontements entre Hutu et Tutsi près du centre de santé. Ils ont donné l’ordre à trois gendarmes de partir avec lui. Ils ont dit que c’était pour en finir avec les « chiens de Tutsi ». Les gendarmes ont dormi au centre de santé et le lendemain, ils ont convoqué le responsable de la cellule et lui ont ordonné de rassembler la population et d’identifier les Hutu influents. C’est ce jour-là qu’ils se sont rendus à Rwezamenyo. Lui-même dirigeait la population. Biguma n’était pas présent lors de cette attaque.
Le meurtre du bourgmestre Nyagasaza a ensuite été abordé par le Président. Mathieu Ndahimana explique avoir vu le bourgmestre le 23 avril à bord d’un véhicule double cabine blanche entre deux gendarmes. Il se trouvait à Kayianza au centre de Gati. Il a vu le véhicule s’arrêter et Biguma en est sorti. Il les a salués et leur a présenté le bourgmestre comme un « grand ennemi du pays ». Il l’amenait à Nyanza pour l’exécuter. Il leur a dit qu’eux aussi devaient agir compte tenu de la situation actuelle du pays. Plus tard, c’est Israël qui lui apprendra son exécution. Son petit-frère, qui était venu lui porter un message de sa mère, lui a appris que Nyagasaza avait été arrêté alors qu’il tentait de fuir vers le Burundi. Selon lui, c’est cette exécution qui a déclenché les massacres dans la région de Ntyazo.
L’avocat général lui a ensuite posé une question sur Martin IYAMUREMYIE, entendu la veille, et qui a affirmé avoir été hospitalisé au moment de l’arrestation du bourgmestre et qu’il ne pouvait donc pas être au cabaret avec lui. Monsieur Ndahimana va déclarer qu’il ment, car c’est lui qui l’a soigné et qu’il était déjà guéri à ce moment-là. Me Guedj lui a notamment demandé s’il n’avait pas lui-même tué le bourgmestre Nyagasaza. En effet, l’avocat s’est appuyé sur les déclarations de François NTAKIRUTIMANA durant l’enquête : « après avoir tué Nyagasaza, Mathieu NDAHIMANA a été nommé bourgmestre » avait-il affirmé. Mathieu Ndahimana va répondre que la mort du bourgmestre est connue de partout, tout le monde sait que ce n’est pas lui qui l’a tué.
Dans la salle, les parties civiles crient à la faute de français. Me Philippart a voulu prendre la parole pour affirmer que ce témoin en question n’a jamais été interrogé sur le meurtre du bourgmestre. Le Président confirme : les gendarmes ne lui ont jamais demandé s’il avait été témoin du meurtre du bourgmestre. Me Guedj a ensuite interrogé le témoin sur le télégramme du sous-préfet Gaëtan Kayitana qui écrit au Ministre de la défense que le bourgmestre avait été tué par la population alors qu’il tentait de fuir vers le Burundi. Il va répondre que ce n’est pas la première fois qu’on lui en parle, et que pour lui ce sont des mensonges. Il va affirmer que c’est l’adjudant-chef Biguma qui a tué Nyagasaza.
S’agissant de l’attaque de la colline de Nyamure, Mathieu Ndahimana va la situer autour du 25-28 avril 94. Une dizaine de gendarmes sont venus en voiture blanche en direction de la colline. Il les a croisés sur la route alors qu’il était au volant de l’ambulance du centre de santé. Quand ils l’ont dépassé, il a vu qu’ils avaient des armes légères et des armes lourdes. Il parle de kalachnikovs et de fusils R4 ainsi que « d’autres armes avec des chaines remplies de munitions ». Il se serait arrêté au niveau du bureau de secteur de Gatonde. A une distance d’environ 500m, il a vu les gendarmes monter à Nyamure. Les gendarmes ont commencé à tirer sur la population Tutsi réfugiée sur la colline. Les Hutu achevaient ceux qui n’étaient pas tués par les balles. Pour lui, c’est Biguma et ses supérieurs qui ont planifié cette attaque pour exterminer tous les Tutsi. Le Président de la Cour va ensuite le confronter aux déclarations de Valens BAYINGANA, un rescapé entendu hier en qualité de partie civile. En effet, celui-ci avait affirmé que Mathieu Ndahimana avait participé à cette attaque à bord d’un véhicule Toyota Hilux du centre de santé et qu’il a même été à la tête de la population civile. Le témoin a réaffirmé ne pas avoir participé à l’attaque et que le centre de santé ne disposait pas d’une Toyota Hilux.
Me Guedj l’a lui confronté aux déclarations de deux autres témoins qui se trouvent dans le dossier. D’abord, Dieudonné NGIRUWOSANGA, condamné à 14 ans de prison pour sa participation au génocide, a affirmé que Mathieu Ndahimana avait demandé des renforts aux gendarmes et des policiers avec le député Adalbert MUHUTU pour attaquer les Tutsi de Nyamure. Il a également dit qu’il était arrivé sur les lieux le 27 avril avec Muhutu à bord d’une Toyota rouge. Selon ce témoin, ce serait Birikunzira, Ndahimana et Muhutu qui auraient mené cette attaque. Ndahimana va nier ces déclarations. Il dit qu’il n’a jamais été avec Muhutu et qu’il lui avait simplement écrit une lettre ce jour-là concernant la colline de Karama. Le deuxième témoin évoqué par Me Alexis Guedj est Colette Mukarugema, une partie civile. Le Président va lire son témoignage. Elle y dit avoir vu le jour de l’attaque des gendarmes à Nyamure le nouveau bourgmestre Mathieu, qui a remplacé Nyagasaza, à bord d’une Toyota rouge monter vers la colline. Le témoin va encore une fois nier ces affirmations. Il nie catégoriquement avoir dirigé cette attaque et avoir été bourgmestre à ce moment-là. Son investiture officielle n’était que le 22 mai. De plus, son implication n’a jamais été prouvé devant la juridiction Gacaca.
Le Président est ensuite passé à l’attaque de la colline de Karama. Mathieu Ndahimana va expliquer qu’elle a eu lieu le 30 avril après qu’il est lui-même avertit les autorités par une lettre au député Muhutu le 27 avril. Il explique que ce dernier était une autorité politique qui coordonnait les activités du génocide chez eux. Les renforts ne sont arrivés que le 30 avril. Après que le témoin ait affirmé ne pas avoir vu les gendarmes de Ntyazo et Biguma lors de cette attaque, le Président ne souhaitera pas rentrer plus dans les détails. Par ailleurs, le Président va dire aux parties ne toujours pas avoir été saisies de la question de savoir si oui ou non l’attaque de Karama entre dans la saisine de la Cour. Il demande à ce qu’elle leur envoie des conclusions au plus vite s’ils souhaitent que la Cour tranche.
Me Philippart a déclaré vouloir déposer ses conclusions lundi prochain. Il est à noter que les avocats généraux ont dès le début du procès rejeté tout ce qui concernait cette attaque.
Pour terminer l’interrogatoire du témoin, le Président a abordé la réunion au stade de Nyanza le 22 avril. Mathieu Ndahimana dit bien se souvenir de cette réunion car elle a eu lieu le même jour que son investiture en tant que bourgmestre. Il a demandé aux gendarmes présents lors de la cérémonie officielle où est-ce qu’il pouvait trouver le bourgmestre intérimaire, qui lui ont répondu qu’il était au stade. C’est là qu’il s’est rendu compte que beaucoup de réunions avaient lieu dans ce stade. Selon lui, il s’agissait du recrutement de jeunes pour rejoindre l’armée pour combattre le FPR. Il y a vu le général, le capitaine et l’adjudant-chef. Le général donnait des instructions aux jeunes les incitant à rejoindre l’armée. Certains avaient terminé leurs entraînements et on leur a distribué des armes. Biguma a supervisé la distribution de ces armes mais n’a pas pris la parole.
Interrogé ensuite par l’avocat général sur la mutation de Biguma à Kigali, il a répondu qu’il n’avait jamais été muté et qu’il avait fui à Gikongoro fin mai. Me Guedj lui fait remarquer qu’il y a deux témoins anonymes qui ont déclaré devant le TPIR avoir vu Biguma à deux reprises au camp de Kacyiru à Kigali fin avril et début mai. Toutefois, Ndahimana va réaffirmer l’avoir vu fin mai et qu’il n’a jamais quitté Nyanza. Me Guedj s’est ensuite intéressé à l’attestation qu’il a remise au CPCR et qui est jointe à la plainte. Il a expliqué que les Gauthier étaient venus à la prison et qu’ils avaient demandé qui connaissait Biguma pendant le génocide. La direction leur a ensuite donné des papiers et chacun a écrit son témoignage. C’est la direction qui les a donnés à Alain et Dafroza Gauthier.
La journée a continué avec l’audition d’une partie civile, Appolonia CYIMUSHARA. Elle n’a jamais été entendue dans le cadre de la procédure, la Cour ne dispose que de sa constitution de partie civile où son récit est très détaillé. Elle a d’abord raconté ce qu’elle avait vécue en tant que Tutsi à l’école, lorsque les Tutsi étaient mis d’un côté et les Hutu de l’autre. Devenue enseignante, elle a dû quitter son poste pour faute de diplôme adéquat. Elle s’est alors rendue chez de la famille qui vivait à Kigali. Quand le génocide a débuté, ils sont venus chez eux, ont cassé, ont pillé et ont tué ceux qui étaient avec elle dans sa famille. Elle a fui vers le 5 avril par la rivière Nyabarongo pour repartir chez elle. Une famille Hutu l’a mise dans un matelas et l’ont fait traverser. Elle est arrivée à Karama le 5 au soir. Mais avant d’arriver là, elle est d’abord passée par un centre de négoce du nom de Kiruhura. Elle y a retrouvé des gens qu’elle avait connus dans l’enseignement. Quand elle s’est approchée d’eux, l’un, qui était un inspecteur du nom d’Augustin, lui a donné une gifle. Son collègue lui a dit : « pourquoi tu l’agresses alors que sa famille a été décimée ? ». « Laisse-la, nous la retrouverons à Karama ». Arrivée chez elle, elle a conseillé à sa famille de fuir, mais ils ont refusé car ils étaient des « combattants de longue date ». Ce sont eux qui ont à l’origine de la résistance des réfugiés de Karama. Dans cette soirée, ils ont fait comme un gouvernement à eux : élection d’un président, le responsable de la cellule, un qui entraînait aux combats, ceux qui allaient être les premiers au front. Il y a eu de multiples attaques venant des quatre secteurs qui les entouraient. Il y a eu une forte résistance des Tutsi réfugiés, à tel point qu’ils ont réussi à prendre le fusil d’un des assaillants. Mais ne sachant pas l’utiliser, la décision a été prise de l’enterrer. Une femme les a prévenus que trois gendarmes, dont Biguma, étaient au courant que Karama était « invincible » et voulaient l’éliminer. Un dimanche, ils sont arrivés de tous les côtés (la Cour situe cette attaque au dimanche 1er mai). Elle a vu plusieurs bus arriver avec des militaires. Les fusillades ont commencé et la population avait entouré la colline pour faire en sorte que personne ne s’échappe. Elle s’est cachée dans les bananeraies avec d’autres. Elle a vu durant cette attaque sa cousine, enceinte, être éventrée à coup de baïonnettes par Biguma. Entre temps, elle-même était tombée au sol. Biguma l’a ensuite piétinée avec ses bottes et a dit : « celle-là est morte ». La défense a demandé à ce qu’il soit donné acte de ce qu’elle vient d’affirmer sur l’accusé, tout en précisant que ces faits ne font pas partie de la prévention. Appolonia CYIMUSHARA a continué son récit en racontant ce qu’il s’était passé pour elle ensuite. Après avoir fui, elle a été choisie par des Interahamwe parmi d’autres réfugiés pour être mise dans une maison. En français, elle déclare : « Monsieur le Président, j’ai été violée ». Elle a été violée pendant plusieurs jours par les Interahamwe. C’était comme si elle était morte. Elle a préférée s’arrêter là dans ses déclarations.
Le Président lui a ensuite demandé combien de membre de sa famille est-ce qu’elle avait perdu sur les collines de Nyamure et de Nyabubare. Elle parle de 92 membres de sa famille, dont sa mère Suzanne Nyirabukara et sa tante Domitille Mukebyankanda, mortes alors qu’elles se rendaient chez Valens Bayingana, une autre partie civile entendue hier. Me Philippart, son avocate, lui demandé de préciser comment elle avait su que c’était Biguma qui avait éventrée sa cousine. Elle a expliqué que l’inspecteur Augustin l’avait appelé : « adjudant Biguma, viens-là ».
Une deuxième partie civile a été entendue en cette fin de journée. Il s’agit de Charlotte UWAMARIYA, âgée de 16 ans pendant le génocide. Elle habitait la région du Mayaga à l’époque, où il y avait un grand nombre de Tutsi. Elle a expliqué que dans tous les pays on savait historiquement que la guerre n’arrivait jamais à Mayaga, et que c’est pourquoi beaucoup de Tutsi s’y sont réfugiés. C’est aussi pour cette raison que le génocide n’y a commencé que le 20 avril. Avec sa famille, ils ont tenté de fuir vers le Burundi après cette date, mais en route on leur a dit que personne n’avait le droit de passer. Avec d’autres réfugiés, ils ont fait demi-tour et se sont rassemblés sur la colline de Rwezamenyo. Une attaque d’Interahamwe est venue le 23 avril au matin. Ils n’entendaient que les bruits de balles sans savoir qui tirait. Ceux qui ont pu courir vite se sont enfuis, les autres ont été tués. Sa grande sœur a été saisie par Mathieu Ndahimana, qui lui a arraché les yeux et la peau du visage. Elle ne savait pas que c’était lui jusqu’au procès en première instance, où il avait témoigné l’après-midi juste après elle. Elle est ensuite partie de la colline avec ceux qui avaient pu survivre et s’est rendue à Karama à environ quarante minutes à pieds. Ils y ont passé quatre ou cinq jours. Elle y était avec Mathilde, sa grande sœur, dont le visage commençait à pourrir. Il y avait du pus et des asticots. Le bruit s’était propagé que l’on n’allait pas tuer les femmes et les jeunes filles et qu’il fallait qu’elles retournent à leur domicile. Elles se sont alors séparées entre deux maisons différentes. Le matin du 28 avril, alors qu’elle et une proche parente du nom de Florence étaient parties chercher de l’eau à une maison proche, les Interahamwe ont encerclé la maison à l’intérieur de laquelle se trouvaient sa mère, sa tante et ses filles, sa petite sœur et des voisines. Elles les ont entendues crier. Elle et Florence se sont réfugiées dans une autre maison mais les miliciens ont encerclé leur maison. Les machettes et gourdins étaient encore dégoulinant de sang. Ils les ont déshabillées et assises par terre. Les plus âgées ont été violées. Un groupe de réfugiés dont son père sont arrivés dans la direction de la maison. En entendant leurs pas, les Interahamwe sont partis. Elle a voulu aller voir s’il n’y avait pas de survivantes dans l’autre maison. Elle les a toutes vues par terre, le lieu était rempli de sang. Elle a couru vers sa petite sœur, qui était couchée sur le dos et les yeux ouverts. Elle pensait que les morts avaient toujours les yeux fermés, alors elle a cru qu’elle était encore vivante. En la soulevant, elle a vu qu’on lui avait tranché la tête et toute la matière s’est retrouvée sur ses mains. Sa mère était aussi décédée. Elle a crié pour quelqu’un lui vienne en aide, et une personne qui s’était cachée en contrebas est arrivée. Elle lui a dit qu’elles étaient toutes mortes et qu’elles devaient suivre les autres à la colline Karama.
Là-bas, elles sont restées plusieurs jours en subissant des attaques. Un jour, les Interahamwe sont arrivés à bord d’un véhicule de type Daihatsu avec de l’essence. Ils étaient avec un homme qui avait une arme à feu. Ils ont tué le fils d’un bourgmestre et ont incendié ce véhicule avec les bidons d’essence. Le lendemain matin vers 9 heures est arrivée une attaque avec beaucoup de militaires et de gendarmes. Ils ont tiré une pluie de balles sur eux. Il y a eu beaucoup de morts sur cette colline, dont son père, sa sœur Mathilde et ses oncles. Environ 30 000 personnes étaient présentes et seulement une trentaine aurait survécu. Ils ont commencé à se cacher dans les buissons et les forêts et y sont restés jusqu’à l’arrivée des Inkotanyi.
Après ces événements, elle s’est retrouvée seule sans personne pour payer ses études. On leur a demandé de prendre sur eux pour vivre avec ceux qui avaient participé aux massacres. S’il y avait eu de la vengeance après le génocide, il n’y aurait plus de Rwanda aujourd’hui. Cela a été difficile mais ils ont pu se reconstruire. Madame UWAMARIYA termine en remerciant la Cour pour « l’œuvre de justice que vous faites pour les nôtres ». Le Président lui a demandé comment est-ce que l’on fait pour vivre à côté de ceux qui ont tué les siens. Elle a répondu que certains Hutu n’avaient pas tué, et d’autres avaient avoué et demandé pardon. Ils ont besoin des uns des autres pour reconstruire le pays. Il lui a également demandé si elle avait des proches qui avaient été tués à Nyamure. Elle ne sait pas qui exactement mais il y a en a eu, et à l’Isar Songa également.
Le Président a finalement voulu faire réagir l’accusé à ce qui s’est passé dans la journée. S’agissant de Mathieu Ndahimana, il n’y aurait « aucune réalité dans ce qu’il a raconté » donc il ne peut pas commenter. Aux rescapées, il veut leur dire que c’est douloureux pour elles, ça fait mal. Pour lui qui est un père, un grand-père, c’est vraiment douloureux. Toutefois, il n’y est pour rien.
Par Léna Jaouen, Stagiaire Commission Juridique Ibuka France