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Kigali (U.P.I.). - L'agence de presse du Rwanda a annoncé, le 22 décembre seulement, la mort, une semaine plus tôt, de M. Grégoire Kayibanda, qui fut le premier président de la République rwandaise.
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Chassé du pouvoir le 5 juillet 1973 par un coup d'État militaire, M. Kayibanda avait exercé la magistrature suprême depuis l'abolition de la monarchie et la proclamation de la République en janvier 1961.
Né en 1924 à Gitarama, il avait la réputation d'un homme aux goûts modestes, fuyant les honneurs. Timide jusqu'à l'effacement, il avait conservé l'allure, les manières et le mode de vie du paysan hutu. Avant même sa destitution par l'armée, il délaissait fréquemment la résidence présidentielle de Kigali, pourtant peu luxueuse, pour retrouver sa concession familiale, sur "sa" colline.
Ancien séminariste, il avait fait des études de théologie et de philosophie et débuta dans l'enseignement libre. Il devint en 1953, rédacteur en chef du premier journal rédigé en langue kinyarwanda. Militant chrétien, il consacra les premières années de sa carrière et de son activité politique à la promotion de ses frères de races, les Hutus. En 1959, il créa, dans ce but, le Parmehutu, ou parti de l'émancipation des Hutus, issu du Mouvement social hutu, qu'il avait fondé dès 1956.
Grégoire Kayibanda vit son rêve réalisé le 28 janvier 1961 lorsque fut prononcée la déchéance du Mwami Kigeri V, souverain de race tutsi, apparemment opposé à toute réforme politique et sociale. Son souci d'équité et de justice lui valut l'estime de ses compatriotes qui, par référence à l'austérité de sa vie personnelle, le surnommèrent "l'ermite de Gitarama". Rien ne désignait aux coups de conjurés, civils ou militaires, cet homme de cœur qui s'identifiait à la fois avec le démantèlement du féodalisme tutsi et la naissance de la nation rwandaise. Cependant, son incapacité à faire face aux désordres ethniques, son manque de fermeté à l'égard de certains concussionnaires et une insuffisante prise en compte des problèmes de développement semblent avoir été à l'origine de sa chute.
Bien qu'il ait été condamné à mort par une cour spéciale, l'ancien président continuait de jouir de l'estime de beaucoup de ses concitoyens. Il avait d'ailleurs été gracié en juillet 1974 par le général Juvenal Habyarimana, qui lui avait succédé à la tête de l'État. Placé en résidence surveillée dans son village, il y a achevé sa vie en se consacrant au travail des champs et à la prière.
Ph. D.