Fiche du document numéro 34628

Num
34628
Date
Dimanche 3 novembre 2024
Amj
Taille
791203
Titre
Philippe Manier, ancien gendarme rwandais condamné à perpétuité pour génocide, à nouveau devant la justice française
Sous titre
Le procès en appel de cet homme de 67 ans, condamné en 2023 à la réclusion criminelle à perpétuité pour sa responsabilité dans le génocide des Tutsi, doit s’ouvrir lundi devant la cour d’assises de Paris.
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
L’ancien gendarme rwandais rwandais Philippe Hategekimana, naturalisé français en 2005 sous le nom de Manier, lors de son procès aux assises de Paris pour génocide et crime contre l’humanité, le 10 mai 2023. BENOIT PEYRUCQ / AFP

Pendant les sept semaines de son procès devant la cour d’assises de Paris, en 2023, Philippe Hategekimana, naturalisé Français en 2005 sous le nom de Philippe Manier, s’était quasiment muré dans le silence. Quelques heures avant son jugement, le 28 juin, l’ancien adjudant-chef de la gendarmerie de Nyanza, dans le sud du Rwanda, avait toutefois pris la parole pour se dire « confiant » sur le fait que la cour allait écouter « sa raison et son cœur ».

Après un délibéré de douze heures, il avait finalement été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour des faits imprescriptibles en lien avec le génocide des Tutsi, qui a fait entre 800 000 et un million de morts au printemps 1994. Le jury l’avait reconnu coupable de « quasiment tous les chefs d’accusation », selon la cour. « Vous avez été un agent zélé dans le plan d’extermination des Tutsi », avait conclu le président, Jean-Marc Lavergne.

Le procès en appel de l’ancien gendarme rwandais doit s’ouvrir lundi 4 novembre, une fois encore devant la cour d’assises de Paris. Agé de 67 ans, il comparaît en vertu de la compétence universelle, un principe qui permet depuis 2010 à la France de juger les auteurs de crimes graves, quel que soit le lieu où ils ont été commis. « Nous voulons que la vérité se manifeste enfin, assure Me Emmanuel Altit, l’un des conseils de l’accusé. Si chacun fait l’effort de regarder sérieusement les preuves et d’écouter ce que disent les uns et les autres, il apparaîtra que mon client n’a joué aucun rôle dans le génocide. »

Une centaine de témoins à la barre



D’après l’ordonnance de mise en accusation, un document de 170 pages établi en septembre 2021 que Le Monde a pu consulter, Philippe Manier est accusé d’avoir notamment usé « des pouvoirs et de la force militaire qui lui étaient conférés par son grade pour commettre et participer en tant qu’auteur au génocide. » En première instance, 105 témoins avaient défilé à la barre. Ils ont raconté comment l’ancien gendarme avait ordonné l’érection de « barrières », des points de contrôle installés sur les routes où des centaines de Tutsi furent massacrés.

Les neuf membres de la cour (le président, deux assesseurs et six jurés) avaient aussi considéré qu’il était à l’origine de l’assassinat d’un bourgmestre, Narcisse Nyagasaza, qui s’opposait au génocide dans sa commune. Celui que tout le monde surnommait « Biguma », du nom d’un instituteur de son village réputé pour sa sévérité, fut également condamné pour avoir pris une part active dans le massacre de Nyamure, où plus de 10 000 Tutsi ont été tués.

Près de trente ans après les faits, les récits de plusieurs témoins étaient pourtant confus. D’autres étaient contradictoires. A l’audience, les avocats de Philippe Manier avaient questionné la fiabilité de plusieurs témoignages à charge, notamment ceux de prisonniers interrogés en visioconférence depuis leur prison à Kigali. « Le Rwanda n’est pas une démocratie, insiste Emmanuel Altit. Les autorités de ce pays font pression sur les témoins pour produire de faux témoignages et accabler les accusés… Mon client continue malgré tout de croire en la justice : il espère que la vérité surgira au cours de ce second procès. »

Arrivé en France avec de faux documents



Après la fin du génocide au Rwanda, celui qui était encore Philippe Hategekimana s’était réfugié au Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo) en juillet 1994, où il a vécu pendant deux ans dans le camp de réfugiés de Kashusha, dans le Sud-Kivu. Puis il a rejoint le Congo-Brazzaville, où il aurait séjourné dans un couvent de religieuses. Son exil l’a ensuite mené en Centrafrique et au Cameroun, mais cette partie de son parcours reste obscure. Muni de faux documents, il est arrivé en France en février 1999 prétendant, auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, avoir été professeur de sport au Rwanda. En avril 2005, il a été naturalisé par décret sous l’identité de Philippe Manier.

Il vivait alors en Bretagne et travaillait comme agent de sécurité incendie et agent d’accueil à l’université de Rennes-II jusqu’en 2017, avant d’être licencié à la suite de multiples retards. Au même moment, il apprenait qu’une plainte avait été déposée deux ans plus tôt contre lui par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), une association qui traque les responsables présumés du génocide des Tutsi auprès des juges d’instruction du pôle crimes contre l’humanité du tribunal de grande instance de Paris. Il s’est alors réfugié au Cameroun, où réside sa fille.

Philippe Manier a été interpellé le 30 mars 2018 à l’aéroport de Yaoundé, où il était venu accueillir son épouse, dont le téléphone avait été placé sur écoute par les enquêteurs de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité. Il a été extradé un an plus tard vers la France avant d’y être incarcéré. « L’important est pour nous que le verdict de ce procès en appel soit identique à celui qui avait été prononcé en première instance et que la lourde responsabilité de Philippe Manier dans les massacres de Tutsi à Nyanza soit démontrée », déclare Alain Gauthier, président du CPCR. Le jugement est attendu vendredi 20 décembre.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024