Au terme de presque cinq semaines de procès et après onze heures de délibéré, la cour l’a reconnu coupable de complicité de génocide et participation à une entente en vue de la préparation de génocide, complicité de crimes contre l’humanité et participation à une entente en vue de la préparation de ces crimes.
Il a en revanche été acquitté des accusations de génocide et de crimes contre l’humanité.
A l’énoncé du verdict, Eugène Rwamucyo s’est retourné vers sa famille et ses proches réunis dans la salle avant d’être escorté par des gendarmes pour être conduit en détention.
«
On est avec toi ! », lui a lancé une de ses filles. «
Honte à la justice française », a pour sa part crié une femme en s’adressant à la cour qui quittait la salle d’audience.
«
C’est un verdict qui n’est pas acceptable pour Eugène Rwamucyo, rendu à l’issue d’une audience dont le déroulement n’a pas été digne du procès historique qu’il aurait dû être », a réagi son avocat, M
e Philippe Meilhac, qui a annoncé son intention de faire appel.
«
C’est capital que les génocidaires en fuite réalisent que même 30 ans après le génocide des Tutsi, la justice a le pouvoir de les rattraper. J’espère que les efforts de la justice française vont se poursuivre pour juger les suspects qui résident dans ce pays », a déclaré à l’AFP le ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Olivier Nduhungirehe.
Lundi, le Parquet national antiterroriste (Pnat) avait requis trente ans de réclusion criminelle à l’encontre d’Eugène Rwamucyo afin qu’il «
n’échappe pas à ses responsabilités ».
Pour les magistrats, le mobile de l’accusé était limpide : «
son ambition et sa fascination pour le pouvoir politique ».
« Supprimer les preuves »
Il était reproché à l’ancien médecin-enseignant à l’université de Butare d’avoir soutenu et relayé les mots d’ordre des autorités hutu incitant la population à s’en prendre à la minorité tutsi notamment lors d’un discours le 14 mai 1994 en présence de Jean Kambada, Premier ministre du gouvernement intérimaire.
Eugène Rwamucyo était aussi accusé d’avoir participé à l’enfouissement de victimes dans des fosses communes «
dans un ultime effort pour supprimer les preuves de génocide ».
Tout au long du procès, l’accusé a contesté les accusations, expliquant avoir enfoui les corps pour éviter d’ajouter une crise sanitaire à la catastrophe qui se déroulait. «
Je vous assure que je n’ai pas ordonné l’achèvement des survivants ou laisser tuer des survivants », a-t-il déclaré mercredi matin avant que la cour ne se retire pour délibérer.
«
En enfouissant les corps, il a permis au génocide de se poursuivre, il a été acteur et c’est ce qui compte pour nous », a déclaré M
e Mathilde Aublé, avocate de l’association Ibuka, partie civile au procès.
«
Ca me parait être une décision complexe mais juste et qui rend justice aux victimes », a complété son confrère M
e Louis Falgas.
Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), a salué «
un verdict satisfaisant même si la condamnation intervient 17 ans après le dépôt de plainte ».
Visé par un mandat d’arrêt international émis par le Rwanda, Eugène Rwamucyo a été arrêté par les autorités françaises le 26 mai 2010, quelques mois après avoir été signalé par ses confrères de l’hôpital de Maubeuge (nord de la France), où il travaillait.
Entre avril et juillet 1994, plus de 800.000 personnes ont été tuées selon l’ONU, essentiellement au sein de la minorité tutsi.
Eugène Rwamucyo, 65 ans, était le huitième Rwandais jugé en France pour des crimes liés au génocide des Tutsi.
Le 20 décembre 2023, un autre médecin rwandais, Sosthène Munyemana, a été condamné à 24 ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté de 8 ans, pour génocide et crimes contre l’humanité. Il a fait appel de cette condamnation.