Fiche du document numéro 34586

Num
34586
Date
Jeudi 17 octobre 2024
Amj
Auteur
Taille
67658
Titre
Procès de Rwamucyo à la Cour d’assises de Paris - 12ème jour
Sous titre
Compte rendu de l’audience du 16 octobre 2024
Nom cité
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Mot-clé
Source
Type
Page web
Langue
FR
Citation
L’audience du mercredi 16 octobre a commencé par l’audition de François RUHUMURIZA, ancien gardien à la prison de Karubanda. N’ayant pas fait de déclaration spontanée, le Président l’a interrogé en premier sur la prison en elle-même ainsi que les conditions de vie des prisonniers. Il n’a en revanche pas su répondre à la question du Président qui lui demandait combien de prisonniers s’y trouvaient. Les questions se sont ensuite portées sur les activités des prisonniers à l’extérieur de la prison. Ceux qui étaient appelés à travailler dehors étaient choisis par le directeur de la prison parmi ceux qui avaient été condamnés à des peines moindre. Avant le génocide, les travaux étaient surtout des travaux agricoles.

Juste avant l’arrivée du FPR en 1994, il raconte qu’une réunion a eu lieu à la prison avec notamment le bourgmestre Joseph Kanyabashi, un procureur, le président du tribunal de 1ère instance et des commandants militaires du camp de Ngoma. Le préfet aurait demandé la libération des prisonniers pour qu’ils retournent chez eux et que « ceux qui devaient être tués » le soient chez eux. A l’issue de cette réunion, il raconte que les prisonniers se seraient entretués, et que les prisonniers Tutsi ont été tués. Le Président de la Cour l’a ensuite interrogé sur la fois où lui-même a accompagné des prisonniers pour qu’ils participent à l’ensevelissement des cadavres à l’église de Ngoma, sur demande du bourgmestre. Il dit ne pas se souvenir du nombre de prisonniers qu’il a accompagnés. Sur le nombre de cadavres, il ne sait pas mais il y en avait beaucoup et il s’agissait uniquement de civiles. Il ne sait pas quels types de blessures ils avaient. Il a également indiqué que des militaires, des gendarmes et des civiles étaient présents. Dans le reste de ses réponses aux questions du Président, il a indiqué ne pas avoir beaucoup d’informations sur ces travaux à l’extérieur car ils ne communiquaient pas avec les autres équipes et s’occupait de ses affaires. La Défense l’a surtout confronté aux déclarations qu’ils avaient faites devant les gendarmes de l’OCLCH en 2017. Il avait affirmé qu’il n’avait jamais accompagné de prisonniers pour des opérations d’ensevelissement, uniquement pour des pillages de magasins. Me Françoise Mathe l’a ainsi accusé d’avoir menti. Il a répondu que pour lui il avait dit la même chose aux gendarmes et à la Cour. Selon lui, il est possible que les gendarmes aient mal retranscrit ses propos étant donné qu’il parlait en Kinyarwanda.

L’audience a reprise vers 13h30 avec l’audition d’Etienne SEBABILIGI. Entendu à titre de simple renseignement, il a indiqué à la Cour avoir été emprisonné à la prison de Karubanda pour des faits de violence de 1988 à juillet 1994. Il a ainsi expliqué qu’en tant que président de la Croix Rouge, il avait été amené à se rendre en dehors de la prison pour s’occuper des corps. Avant le début du génocide, on l’appelait pour inhumer des corps, notamment de personnes décédées à l’hôpital. Il a également mentionné la réunion entre des hauts responsables et le directeur de la prison et qui a mené à ce que les prisonniers s’entretuent. Il n’a pas connaissance de survivants Tutsi parmi les prisonniers. Certains ont été libérés et il ne sait pas ce qui leur est arrivé mais en tout cas il y avait beaucoup de barrières autour de la prison. Pendant le génocide, il serait sorti plusieurs fois pour inhumer des corps. Il a raconté que la première fois, c’était à la demande du président du tribunal, qui était venu à la prison avec des militaires. Arrivé sur place, il dit avoir reconnu l’un des cinq cadavres, qui était le vice-président du tribunal. Ils les ont enterrés au cimetière de Ngoma. Il a également indiqué avoir enterré des corps au Centre de Santé de Butare, qui avaient été tués à coups de massues et de machettes. Il y avait notamment des corps de civiles venus se faire soigner. Au dispensaire de Matyazo, il a participé à l’enfouissement des corps, qui avaient été fusillés. Il affirmé qu’il n’y avait à ce moment-là qu’un gardien et aucun militaire. Le Président l’a alors interpelé sur ses déclarations devant le juge d’instruction il y a sept ans, devant lequel il avait affirmé le contraire. Il a alors répété que non il n’y en avait aucun. Il a ensuite affirmé qu’il y avait eu quatre personnes encore vivantes. Ils les ont alors mis de côté et laissés sur place. Etienne SEBABILIGI a également fait mention de corps à l’hôtel Faucon à Butare. Il a également affirmé qu’un militaire avait tiré sur une fille qui était partie en courant en voyant les cadavres. Enfin, il a ajouté qu’il avait été abordé il y a de cela quelques jours qui lui ont demandé s’il allait témoigner en Europe pour témoigner contre quelqu’un. Il aurait répondu qu’il connaissait « un blanc » à la Croix Rouge et qu’il n’allait pas témoigner. Il a ainsi demandé une protection.

La troisième personne à être entendue est Callixte NDAGIJE MUSONI, ancien chauffeur du CUSP en 1994. Il a affirmé connaître l’accusé car ils étaient tous deux membres du CDR. Ayant été arrêté en 1994 et accusé de faits liés au génocide, le président a décidé de l’entendre comme simple renseignement. Il a déclaré que lors d’une réunion du Président Théodore Sindikubwabo avec les bourgmestres, préfet et sous-préfets, il y avait été affirmé que plus personne au Rwanda ne souhaitait qu’il y ait des Tutsi dans le pays. De là, des barrières ont été érigées et une chasse aux Tutsi a commencé. Certains se sont réfugiés à l’église de Ngoma, dans la vallée du musée national, ou au dispensaire de Matyazo. Il a raconté que le bourgmestre de Buye était descendu avec notamment Eugène Rwamucyo, Sosthène Munyemana et Joseph Habyarimana et ont demandé à ceux qui étaient aux barrières de faire preuve de zèle. Ils auraient également distribué des armes. Lorsque des personnes se sont réfugiées au sein du CUSP, Eugène Rwamucyo leur aurait demandé de les débusquer. Eugène Rwamucyo donnait les ordres pour enterrer les corps des Tutsi tués aux barrières mais également à l’église de Ngoma et au dispensaire de Matyazo, pour que « les satellites ne les prennent pas en photo ». Si un respirait encore, Rwamucyo leur avait dit qu’il fallait l’achever car il n’y avait pas assez d’hôpitaux pour les accueillir. Il a également déclaré avoir vu une voiture de couleur bleue de la prison de Butare avec des prisonniers de la Croix Rouge qui allaient ramasser les corps dans la ville accompagné de deux gardiens. Il affirmé que parmi les deux gardiens se trouvait François Ruhumuriza. Interrogé par le Président, il a mentionné une attaque à l’UNR. Il y avait des listes d’élèves à tuer. Il a ainsi affirmé que Rwamucyo était l’un des co-auteurs de ces massacres. Il donnait les outils pour tuer les Tutsi. Toutefois, il ne l’a pas vu tuer. Lui-même a avoué avoir tué environ dix personnes. Il aurait ensuite revu Rwamucyo au CHUB le lendemain. Ils avaient reçu une liste de quarante personnes qui s’y étaient réfugiées. Sous la direction de Sosthène MUNYEMANA, ils auraient procédé à des fouilles car le personnel s’y cachaient. Il a également mentionné l’enfouissement de cadavres dans la ville de Buye. Il aurait chargé les corps dans un véhicule donné par la préfecture mais c’est Eugène Rwamucyo qui les aurait enterrés. Il ne sait donc pas où il les a enfouis.

Par Léna JAOUEN, Stagiaire Commission Justice Ibuka France

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024