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Un seul mot pour dire hier et demain dans le Book Club cet après-midi. Car c'est le cas dans la langue kinyarwanda. Il y a du hier dans demain, et il y avait du demain dans hier, on ne les démêle pas. Pour vivre au présent et envisager le futur, les personnages du dernier roman de Gaël Faye déplient l'histoire du Rwanda au-delà de la seule période du génocide contre les Tutsis, bien en amont, et bien après puisqu'il court jusqu'aux années 2020.
Juillet 1994, un adolescent regarde la silhouette de sa mère, de dos, découpée dans la nuit et couronnée de feux d'artifices, on est en France et c'est la fête. Au Rwanda, un génocide prend fin, mais il n'en sait encore rien. Cet adolescent c'est Milan, personnage principal du nouveau roman de Gaël Faye. 4 ans plus tard, en juillet 1998, il a grandi et il est désormais assis, toujours près de sa mère, dans l'avion qui atterrit à Kigali et le dépose sur la terre de ces ancêtres avec toute une histoire à découvrir. Plusieurs voyages suivront. Comment comprendre une douleur que l'on n'a pas vécu dans son corps, ou mystérieusement et parfois à des milliers de kilomètres, sans savoir que c'était elle qui nous traversait ? L'indicible, est-il du côté de l'horreur des violences perpétrées ou de l'incroyable force qui maintient les survivantes et survivants du côté de la vie ? Le dernier livre de notre invité est indéniablement un livre du côté de la vie, comme un geste assumé de transmission.
Jacaranda de Gaël Faye a paru aux éditions Grasset et l’auteur sera présent au festival Le livre sur la place qui se tiendra à Nancy du 13 au 15 septembre 2024.
Le témoignage, la seule façon de parler du génocide
"En ce qui me concerne, le génocide est arrivé sous forme de témoignages, et si je prends mon expérience personnelle, il est arrivé sous forme de témoignage, des témoignages lors des commémorations, ou des témoignages pendant des procès auxquels j'ai très souvent assisté. Par conséquent, c’était le seul procédé par lequel je pouvais parler du génocide, car il y a toujours une question éthique à écrire sur le génocide, et la forme du témoignage était la forme la plus respectueuse de la façon dont on a pris connaissance de l’événement." Gaël Faye
La forme du roman pour libérer une parole impossible
"Je crois que la forme romanesque est une forme qui pourrait très bien s'adapter à nos situations, de pudeur, nos situations d'incapacité à parler directement à l'autre. C'est également un médium, un espace de dialogue qui est très peu développé chez nous, parce qu'on vient d'une culture orale. Je n’étais pas destiné à écrire, je n’avais pas la vocation, mais finalement, j’ai trouvé dans la forme du roman un espace où je n’étais plus seul. Je pouvais rencontrer d'autres personnes, discuter, parler de ce qui m'habite, des chaos que j'ai en moi, mais aussi de émerveillements." Gaël Faye
La question de Laura @quandleslivresnousparlent à l’attention de Gaël Faye : "Tout d’abord, je vous remercie beaucoup pour votre roman. J'ai eu le sentiment que la reconstruction de vos personnages et la reconstruction du Rwanda s'entremêlaient. En effet, lorsque le personnage de Milan découvre Kigali à la fin des années 90, sur un chemin cabossé poussiéreux avec une végétation omniprésente, il se trouve que, dix ans plus tard, ce ne sont plus les mêmes lieux de son adolescence. Les routes sont désormais bétonnées et les immeubles ont poussé au milieu des centres commerciaux. Ma question porte donc sur ces paysages qui se dessinent à travers vos mots : quels sont les lieux qui vous ont inspiré pour écrire votre roman ?"
Le grand jeu des pages musicales
Aujourd'hui, la trouvaille se trouve dans Jacaranda de Gaël Faye (Grasset). Il s'agit de la chanson de Harry Belafonte & Miriam Makeba, Malaika
Archive
Emilienne Mukansoro, émission La fabrique de L’histoire, Emmanuel Laurentin, France Culture, 01/07/2014
Références musicales
Gaël Faye, Kwibuka
Skuli Sverisson & Anthony Burr, Slow sun
HarryBelafonte & Miriam Makeba, Malaika