Fiche du document numéro 34498

Num
34498
Date
Mercredi 4 septembre 2024
Amj
Taille
31600
Titre
Génocide des Tutsi : un lieutenant-colonel rwandais risque un procès en France pour des livraisons d’armes
Sous titre
Un ancien lieutenant-colonel rwandais, Cyprien Kayumba, risque un procès aux assises en France pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité, accusé d’être lié à des fournitures d’armes ayant servi durant le génocide des Tutsi entre avril et juillet 1994, ce dont il se défend.
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Source
AFP
Type
Dépêche d'agence
Langue
FR
Citation
Cyprien Kayumba « a déployé d’importants moyens (...) pour remplir scrupuleusement la mission qui lui avait été confiée par le ministre de la Défense et pour assurer la livraison d’armes qui allaient servir à la commission du génocide », affirme le Parquet national antiterroriste (Pnat) en France dans son réquisitoire définitif, daté du 9 août et dont l’AFP a eu connaissance mercredi.

La juge d’instruction spécialisée du pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris chargée du dossier doit désormais décider de le renvoyer ou non en procès.

« Notre client est soulagé par la clôture prochaine de cette instruction. Il entend aujourd’hui pleinement démontrer qu’il est parfaitement étranger aux faits qui lui sont reprochés », ont réagi auprès de l’AFP ses avocats, Mes Jean-Yves Dupeux et Pierre-Eugène Burghardt.

Le génocide contre la minorité tutsi au Rwanda, orchestré par le régime extrémiste hutu au pouvoir, a fait plus de 800.000 morts entre avril et juillet 1994.

Cyprien Kayumba, d’origine hutu et né en 1955, avait fait toute sa carrière dans l’armée rwandaise et était, au moment du génocide, directeur des services financiers au sein du ministère de la Défense.

Au soir de l’attentat contre l’avion du président hutu Juvénal Habyarimana -- considéré comme l’élément déclencheur du génocide le 6 avril 1994 -- il a participé à la réunion de crise de l’état-major, où était présent notamment le colonel Théoneste Bagosora, considéré comme le « cerveau du génocide » des Tutsi.

Environ quinze jours après, Cyprien Kayumba est envoyé à l’étranger, notamment en France, pour tenter de faire exécuter des contrats d’armements déjà signés mais suspendus. Sans succès.

450.000 dollars suspects



Néanmoins, selon le Pnat, il aurait fait verser 450.000 dollars à une obscure société britannique, Mil-Tec Corporation ltd.

Le Pnat rappelle qu’il est « non contesté » que cette société a réalisé au moins six livraisons d’armes au Rwanda pendant le génocide, dont deux après l’embargo des Nations unies sur les ventes d’armes imposé le 17 mai 1994. Munitions, grenades, mortiers, fusils, roquettes, en provenance d’Albanie ou d’Israël, ayant transité par Goma (est de la République démocratique du Congo - RDC) ou la capitale congolaise Kinshasa.

Installé en France depuis 1998, Cyprien Kayumba a été inculpé en 2018 et placé sous contrôle judiciaire.

Au cours de l’enquête, il a affirmé qu’il exécutait les ordres du ministre de la Défense, Augustin Bizimana, décédé en 2000, qu’il n’était pas responsable de la distribution des armes et qu’il ignorait qu’elles pouvaient finir dans les mains des miliciens « Interahamwe », extrémistes hutu qui perpétraient le génocide.

Dans son réquisitoire définitif, le Pnat affirme que M. Kayumba n’est pas un « fanatique animé par une haine des Tutsi », qu’il a « toujours contesté avoir adhéré à l’idéologie génocidaire », et qu’il dit avoir aidé à sauver des Tutsi.

Au cours de l’instruction, ouverte en 2002 après une plainte avec constitution de partie civile de plusieurs associations, la juge et les enquêteurs de l’Office central français de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH) ont tenté de remonter la trace de la société Mil-Tec.

Grâce notamment à des documents découverts dans un bus abandonné par des miliciens au Zaïre (actuelle RDC), la presse britannique avait révélé dès 1996 que Mil-Tec avait livré au gouvernement rwandais des armes à feu pour une valeur de plus de 3,3 millions de livres.

La juge a entendu d’anciens membres de l’entreprise. L’un d’entre eux, qui dit avoir été « le manager », a assuré avoir été en contact avec M. Kayumba à l’époque.

« J’ai été présenté à une société en Israël, on a acheté les munitions et ça a été envoyé au Rwanda », a-t-il expliqué aux enquêteurs en 2021, depuis le Kenya où il vivrait.

Il a par ailleurs nié avoir livré des armes durant le génocide, alors que des paiements ont eu lieu à cette période.

Ni l’île de Man, ni les autorités de Guernesey, compétentes pour l’île de Sark où était enregistrée une société écran, n’ont répondu aux demandes d’entraides de la justice française.

jpa/clw/mat/ybl/lp/

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024