Fiche du document numéro 34463

Num
34463
Date
Jeudi Août 2024
Amj
Taille
74409
Titre
Synthèse du rapport HRW Arms Project de janvier 1994 concernant l'implication de la France
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Rapport
Langue
FR
Citation
SCM_060824

HRW Arms Project
Rapport Janvier 1994, volume 6, issue 1 - mis en ligne le 2 avril 2024
(Synthèse par Stéphanie Monsenego, août 2024: ne sont ici retenues que les informations concernant
l'implication directe ou indirecte de la France)

III - Flux d'armes vers le gouvernement rwandais
(Egypte, France, Afrique du Sud, USA, autres)
- Depuis l'Egypte
Mars 92 : signature d'un contrat de vente d'armes de 6M$, la transaction est garantie par le Crédit
Lyonnais (nationalisé) et l'information confirmée le 2 juin 1993 à HRW par James Gasana, alors
ministre de la défense.
Modalités de règlement par la Rwanda : 1M$ cash dans les 6 mois suivant la signature, 1M$ en
nature (615 t de thé rwandais) avant la fin de l'année 1992, le reste en 4 échéances annuelles entre
février 93 et février 96.
Le HRW Arms Project n'a pas obtenu la copie de la garantie du Crédit Lyonnais, mais dispose d'un
document intermédiaire (formulaire non définitif) et de confirmations anonymes.
- Depuis la France
La France a fourni la plupart des armes lourdes et assuré leur maintenance. Mortiers de 60, 81 et 120
mm, lanceurs d'obus 105 LG, (d'une portée de 11 500m), des pièces détachées et l'assistance
technique pour la maintenance des douzaines de véhicules blindés de fabrication française,
comprenant des Panhard (AML 60/L et AML 90) équipés de tourelles à canon et de mitrailleuses
automatiques. La France a également assuré la maintenance de Panhard M3 (transport de troupes
blindés et de 6 hélicoptères Gazelle.
- Autres
En juin 1993, plusieurs officiers et officiels du régime rwandais ont déclaré à HRW Arms project qu'ils
cherchaient à diversifier leur approvisionnement notamment auprès de la Russie du fait de la bonne
qualité de ses armements.
(---> NDLR possibilité d'avoir acquis des missiles SA ?)

V- Rôle des troupes étrangères
Les troupes françaises
Immédiatement après l'offensive du RPF du 8 février 1993, le nombre de soldats français est
passé à au moins 680 - soit 4 compagnies dont des parachutistes. Deux compagnies étaient
déployées sur les routes principales au Nord de la capitale. Les autres étaient placées dans des
positions stratégiques à Kigali, notamment à l'aéroport. Selon le colonel Cussac (interviewé par HRW
Arms Projet) les troupes françaises ont été déployées pour assurer la sécurité des Français et
d'autres expatriés occidentaux et c'est dans ce cadre qu'elles ont été déployées le long de la route
menant à Ruhengeri et plus au Nord, pour sécuriser l'évacuation de ceux vivant dans cette zone...
"Toutefois le HRW Arms Project a été témoin de première main d'activités militaires françaises
qui sont pour le moins équivalentes à une participation directe à la guerre. En outre, des
sources incluant des diplomates occidentaux non français présents dans le pays ont confié au HRW
Arms Project que des soldats français ont apporté un soutien en artillerie aux troupes
d'infanterie rwandaises, avant et pendant l'offensive de février 1993. Des soldats français ont été
déployés à plus de 40 km au Nord de la capitale, sur la route de Byumba, juste au sud de la zone

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contrôlée officiellement par le RPF, alors qu'aucun ressortissant français ni expatrié occidental ne sont
réputés vivre là."
Le HRW Arms Project a vu des soldats français opérer des barrages au Nord de Kigali sur les
routes menant à Ruhengeri et Byumba. Ils étaient armés de fusils mitrailleurs FAMAS 5,56 et de
lanceurs de roquette Wasp 58 ainsi que d'autres armes d'infanterie. A l'instar des troupes rwandaises,
les Français demandaient aux civils de s'identifier au passage.
(...)
William Bunel, officier en charge de l'information a déclaré à HRW Arms Project que les conseillers
militaires français n'avaient pas le droit d'entrer dans les zones de combat et devaient uniquement
apporter leurs conseils aux troupes rwandaises cantonnées dans des centres d'entrainement fixes.
Mais des observateurs occidentaux, diplomates et officiers rwandais ont indiqué que des conseillers
militaires français avaient été vus dans des situations de combat tactique auprès des troupes
rwandaises durant l'offensive de février 1993. Confronté à ces allégations, l'ambassadeur
Marlaud a déclaré à HRW Arms Project : "quand vous êtes censé conseiller, vous devez
conseiller partout où cela est nécessaire".

VII - Mines
La plus grosse concentration de mines anti-personnel se situe entre la zone démilitarisée et la
frontière ougandaise : une zone d'environ 120 km de long et 20 km de large en moyenne, incluant le
parc national des volcans. Des mines ont également été placées au sud de la zone démilitarisée dans
un périmètre d'environ1200 km2.
Notre principale préoccupation concerne la pose de mines anti-personnel sur des routes civiles
jusqu'à une distance de 150 km de la zone du front. Un tel usage des mines est une violation de la
législation internationale.
Des officiels français ont déclaré à HRW Arms Project (de même que d'autres représentants de
missions occidentales à Kigali) qu'ils ont formellement identifié ces mines comme étant de
fabrication belge. Grâce aux numéros de série, ils ont retracé l'itinéraire de ces mines : vendues
à une date inconnue par la Belgique à la Libye, laquelle les aurait revendues au FPR.
Des officiels français ont déclaré que des mines du même type et même numéro de série ont été
saisies des mains de membres du FPR au Rwanda. Ils déclarent que ces armes ont été transportées
via le Zaïre et la Tanzanie.
Les officiels belges à Kigali, y compris le colonel Vincent chef de la mission de coopération technique
et l'ambassadeur Swinnen ont refusé de commenter, renvoyant HRW Arms Project vers le ministère
des affaires étrangères belge à Bruxelles. Là, le porte-parole, Mr D'Hoop a déclaré à HRW Arms
Project que la Belgique n'avait pas vendu d'armes à la Libye depuis l'embargo sur les ventes
d'armes. Des officiels belges, qui ont requis l'anonymat, ont déclaré à HRW Arms Project qu'ils
n'avaient aucune connaissance d'aucune mine liée à destination du FPR via la Libye.
La plupart de ceux qui accusent l'Akazu d'être derrière les attaques terroristes pensent que ses
membres sont à l'origine de l'usage de mines contre les civils plutôt que le FPR. Aucune preuve n'est
suffisante pour conclure à ce sujet.

XIII - Transparence sur les transferts d'armes
Les gouvernements Français et Égyptien n'ont pas répondu aux demandes de HRW Arms Project sur
les transferts d'armes au gouvernement du Rwanda. (...) La création du registre sur les armes
conventionnelles des Nations Unies impose aux Etats-membres de fournir des informations sur leurs
exportations d'armes. 1993 a été la première année où cette disposition est entrée en vigueur,
concernant les exportations de l'année 1992. Le Rwanda n'a pas fourni de déclaration, l'Afrique du
Sud a refusé de participer au nom de l'embargo des Nations Unies contre elle. La déclaration de la

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France n'a mentionné aucune exportation vers le Rwanda1. Celle de l'Égypte listait le transfert de
6 obusiers de 122 mm au Rwanda.

IX - Maintien de la paix
Les premiers éléments de la MINUAR ont pris position au Nord du Rwanda le 1er novembre 1993.
Au lendemain de la décision des Nations Unies d'envoyer une force de maintien de la paix au
Rwanda, Richard Duque, le porte-parole du ministère français des affaires étrangères a déclaré :
"nous allons retirer les 2 compagnies françaises du Rwanda dès que la force internationale
neutre sera déployée. Nous ne ferons pas partie des contingents composant cette force. 2" Il semble
que toutes les troupes françaises ont quitté le Rwanda à la mi-décembre, suite à l'arrivée de forces
additionnelles de l'ONU3.
(--> NDLR : le rapport HRW évoque pourtant la présence de 4 compagnies depuis février 1993 - A
moins que 2 compagnies n'aient été rapatriées entre temps ???)

Communiqué de presse du 12 avril 1994 - extraits
Fait référence au rapport de janvier 94.
La prolifération des armes au Rwanda a conduit à des violations massives des droits humains.
La France, qui est identifiée comme le principal soutien militaire du gouvernement rwandais
est particulièrement épinglée pour avoir armé, entrainé et fourni une assistance au combat à une
armée coupable de violations des droits humains et pour avoir échoué à faire pression sur le
gouvernement pour réfréner la perpétration de ces violations.
Le rapport indique que malgré les dénégations de la France, les activités de ses troupes au Rwanda
pendant la guerre étaient "équivalentes à une participation directe à la guerre".
Considérant cet engagement passé, il est essentiel que les troupes françaises récemment
déployées au Rwanda, particulièrement celles contrôlant l'aéroport, soient remplacées par des
forces neutres issues d'autres pays.
Un retour à une guerre civile totale, avec d'encore plus grands bains de sang et d'atrocités concernant
les droits humains est imminent.
(...)
le rapport a été réalisé sur la base des investigations du journaliste Franck Smith, consultant auprès
du HRW Arms Project, qui a visité le Rwanda et l'Ouganda en 1993.
1

United Nations Document A/48/344, pp. 33, 34, 39, 99.

2

Reuters, "French Troops to Leave Rwanda When U.N. Arrives," Paris, October 6, 1993.

3

BBC Summary of World Broadcasts, Dec. 13, 1993; interview with French official, Dec. 16, 1993; interview with U.S. State

Department official, Dec. 17, 1993.

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