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Maïer René, 47 ans, Adjudant- chef de gendarmerie est mort assassiné lors des tragiques événements du RWANDA. Pour nous il s'appelait Jean-Paul. Il avait été affecté à la Brigade des recherches de Martigues (13) depuis 1979. Il a commandé cette unité jusqu'au premier septembre 1993 jour de son départ pour Kigali. Il serait indécent de faire l'éloge de ses qualités professionnelles. Elles étaient tellement évidentes. Ses chefs ainsi que les représentants de la Nation l'ont fait mieux que nous ne saurions le faire. Jean-Paul était l'ami de toute une population qui le pleure. Il était toujours disponible pour rendre service ou régler Un problème pour un ami, avec gentillesse et délicatesse.
Très vite intégré parmi les coopérants et la population rwandaise, il avait su se faire rapidement des amis. IL nous faisait part dans ses lettres de cette nouvelle expérience professionnelle qui le passionnait. Il était très sensible à la misère et à la maladie des familles les plus défavorisées qu'il connaissait. Pour Noël et le nouvel an il avait envoyé une multitude de cartes à sa famille et ses amis. Ces bristols étaient vendus au profit des orphelins du Rwanda. Quelques jours avant les tragiques événements il avait téléphoné à un ami en France pour faire acheter et acheminer à ses frais des médicaments de première urgence nécessaires à une infirmière locale pour soulager des enfants rwandais sans ressource.
Le mercredi 6 avril l'avion du Président du Rwanda est abattu et la guerre ethnique commence. Aux environs de minuit, Jean-Paul appelle téléphoniquement un ami en France. Il lui demande de rassurer ses proches. Le lendemain jeudi 7 avril, il appelle de nouveau cet ami. Il est 13 heures, il se trouve dans sa maison à Kigali il se veut rassurant Les communications téléphoniques sont coupées, nous ne pouvons pus le joindre. Sa famille et ses proches sont jours et nuits à l'écoute des informations diffusées par la radio, la télévision, la presse nationale et internationale. L'annonce est faite que tous les coopérants sont en cours de rapatriement sauf deux morts et un disparu. Nous téléphonons partout. Nous sommes envoyés de ministère en ministère, de service en service. Le standard de la cellule de crise est saturé. Il n'ouvre qu'à neuf heures. Un fonctionnaire aimable est en barrage, il compatit mais les réponses sont évasives. À Toulon, la famille de Jean-Paul reçoit de la Gendarmerie des informations à doses homéopathiques. Nous apprenons par les médias que le dernier avion qui ramène les coopérants a quitté Kigali. La peur de ne plus le revoir nous envahit. Pire encore de ne jamais savoir. Les questions se bousculent, est-il mort? Est-il prisonnier ou caché et abandonné de tous ? Après cinq jours et cinq nuits d'angoisse nous prenons contact avec des amis journalistes qui sont prêts par leurs actions à nous aider pour enfin savoir. Nous informons le Quai d'Orsay de notre intention. Une réponse nous est promise pour la journée. Elle tombe sous forme de message adressé à tous. L'Adjudant-chef Maier René est mort ainsi que l'Adjudant-chef Didot, Alain et son épouse Gilda. Une cérémonie officielle est prévue le vendredi 15 au Bourget. La famille est conviée à s'y rendre. Nous sommes tous nerveusement épuisés. Notre devoir est de se rendre à Paris pour continuer à soutenir sa famille. Nous voulons aussi lui rendre un dernier hommage et faire partie des témoins de la Nation reconnaissante. Nous demandons à l'officier de gendarmerie chargé de l'information quels sont les moyens prévus. La famille de Jean-Paul est de cinq personnes, six proches amis souhaitent se joindre à elle Malheureusement la gendarmerie ne peut prendre en charge que trois membres de la famille qui devront se rendre à Paris en train. Aucune délégation de la région PACA ne sera présente. Il avait servi pendant 20 ans dans celte région, il l'avait quittée depuis six mois...
Alors nous avons fait appel à toutes nos relations, car si certains officiers carriéristes ont la mémoire courte, d'autres savent se souvenir des services rendus. la compagnie aérienne Air Inter a offert à la famille cinq billets gratuits aller-retour. Un tarif préférentiel pour les amis. Ce groupe a embarqué en priori. té afin d'obtenir les meilleures places dans les avions à l'aller comme au retour. Grâce à l'action généreuse du colonel Daubigny, l'hébergement du groupe a été pris en charge par la maison de la gendarmerie.
Au Bourget les familles des victimes ont été invitées à se recueillir sur les dépouilles mortelles. Sans l'intervention du commandant de la compagnie de Martigues les six proches amis de Jean-Paul n'auraient pu participer à cet ultime hommage. La cérémonie a été émouvante. Notre ami ainsi que l'adjudant-chef Didot ont reçu la médaille de la Gendarmerie ainsi que fait chevalier de la légion d'honneur. Madame Didot a reçu la médaille de la Gendarmerie. Monsieur le ministre des Armées s'est recueilli devant les dépouilles mortelles, Monsieur le ministre de la Coopération a prononcé un discours. À l'issue nous avons pu rencontrer des membres des familles des autres victimes ainsi que des coopérants qui ont connu Jean-Paul. Nous avons pu enfin connaître les circonstances affreuses de sa mort. Dans on grand malheur la famille des époux Didot a reçu le soutien total du commandement de la Gendarmerie de la région de leur résidence. Ils ont été régulièrement informés de la situation. Pour se rendre à la cérémonie du Bourget, il a été mis à disposition autant de véhicules militaires et de chauffeurs nécessaires au transport de la famille et des proches amis. Cela est juste et normal. La gendarmerie est une grande famille... mais nous n'avons pas tous les mêmes parents...
Monsieur Paul Lombart, maire de Martigues, très ému, a mis à notre disposition lous les moyens nécessaires à la bonne organisation de la cérémonie. Il a offert à la famille une concession gratuite au cimetière de Réveilla. La famille, le personnel et les retraités de la compagnie de Martigues ont voulu que les obsèques soient à la hauteur de l'estime et de l'amitié que nous lui portions. Le commandement à Marseille a multiplié les entraves. L'opiniâtreté du major commandant par intérim la compagnie de Marligues ainsi que celle du personnel et des retraités de l'arme ont permis que cet enterrement soit digne de notre ami.
L'assistante sociale prévenue tardivement s'est manifestée le 18, jour des obsèques, Rassurez-vous nous avions déjà fout fait. Quelques questions encore. Le certificat de décès es daté du 6 avril, le libellé “mort accidentelle” (trois balles). Pourquoi avoir attendu cinq jours pour prévenir la famille ? Comment se fait-il qu'il ait téléphoné le 7 à 13 heures à un ami Autant de questions dont nous attendons les réponses.
GUYOMARD G. - LAMBRY Guy