Fiche du document numéro 34298

Num
34298
Date
Dimanche 11 septembre 2022
Amj
Taille
71381
Titre
Ouverture de la session du Rwanda du colloque international. Un colloque qui ouvre une nouvelle ère historiographique ?
Sous titre
Gisozi, 11 septembre 2022
Nom cité
Lieu cité
Source
Type
Discours
Langue
FR
Citation
Dr. Philibert GAKWENZIRE
Université du Rwanda

Bonjour à toutes et à tous,

Chers distingués invités, chers organisateurs du colloque, chers collègues,

Ce colloque, où les connaissances, les réflexions et les perspectives vont être partagées autour des « savoirs, sources et ressources sur le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda » endéans de neuf jours, est une marque de plus des nouvelles relations entre le Rwanda et la France qui avaient pris un tournant il y a déjà une génération. A part cette question d’ordre politique et diplomatique, ce colloque, me semble-t-il, est susceptible renouveler l’historiographie du génocide commis contre les Tutsi.

En effet, depuis 1994, le génocide commis contre les Tutsi n’a cessé être l’objet de réflexions publiées par des chercheurs issus des institutions scientifiques et universitaires de tous les horizons et d’organisations des colloques importants comme celui-ci. Néanmoins, il appert que ce colloque est unique. Le contexte dans lequel il est organisé, qui va être certainement expliqué par ses promoteurs, témoigne de sa particularité.

Sur ce, je peux me permettre revenir très simplement sur l’ordre de son Excellence Emmanuel Macron tenu ici au Centre Mémorial de Gisozi, le 27 Mai de l’année passée de poursuivre dans le futur proche, l’œuvre de connaissance et de vérité grâce à la rigueur du travail de la recherche et des historiens, en soutenant une nouvelle génération de chercheurs et de chercheuses, qui ont courageusement ouvert un nouvel espace de savoir. Sans doute, que le présent colloque fait suite à cette injonction du Chef de l’Etat.

Certains chercheurs invités à ce colloque se reconnaissent dans cette partie du discours du Président de la France et effectivement, ils méritent cette gratitude. Qu’ils soient donc réconfortés dans ce choix qu’ils ont justement opéré en décidant d’orienter leurs recherches sur le Rwanda et le génocide qui l’a endeuillé sans épargner l’humanité tout entière. Ce colloque fait rencontrer une centaine de personnes issues du monde académique, politique et de la société civile, travaillant sur les diverses questions que tout génocide pose.

Le génocide des Tutsi, par son ampleur ne finit pas de hanter tout travail d’esprit, ne fut-ce que par le fait qu’il touche essentiellement ce que tous les hommes ont en commun : le droit de vivre.

À l’heure actuelle, le génocide commis contre les Tutsi fait l’objet de nombreuses publications de niveaux différents et dans diverses disciplines. Mais qu’il y ait cette abondance de synthèses, le génocide des Tutsi, comme n’importe lequel d’ailleurs, reste un sujet d’actualité et de réflexion inépuisable.

En tant que chercheurs, nous reconnaissons qu’il a transgressé toutes les valeurs humaines, bouleversé les schèmes de pensée et a rendu difficile toute tentative de comprendre ce que d’aucuns qualifient à juste titre d’incompréhensible. Malgré ce grand défi, les mêmes chercheurs ne manquent pas de proposer des pistes de l’aborder du moins pour certains aspects. La plupart d’entre eux suggèrent - pour le besoin de la nécessité et de la stratégie - de se pencher sur des études sectorielles, thématiques ou locales dans le but d’appréhender cet événement selon son ampleur dans le temps et dans l’espace. C’est pour cela que depuis presque deux dernières décennies, des historiens mènent une recherche de terrain, enracinée dans le local et le vécu des acteurs sociaux. Une histoire « au ras du sol », plus attentive aux acteurs.

Ce colloque multiplie des gestes mémoriels par le fait même de notre présence ici au Centre Mémorial de Gisozi. Il est aussi significatif qu’il prendra plus de temps à l’Université du Rwanda, un lieu qui mérite une étude particulière en relation avec le génocide en tant qu’objet de cette rencontre. Dans un an, cette université va célébrer 60 ans de son existence. Mise en place un an après l’indépendance, est l’une des institutions fondatrices d’un régime qui a discriminé les Tutsi, les a persécutés et a procédé à leur annihilation. Bien qu’il eût pour devise Illuminatio et Salus Populi ou la Lumière et le Salut du Peuple, il a eu une part importante dans la formation des responsables politiques et universitaires qui ont pris part à la conception, la direction et l'exécution du génocide contre les Tutsi au Rwanda.

Il s’avère intéressant d’écrire l'histoire de cette université en scrutant sa politique en relation avec les enjeux culturels et sociaux d'un État nouvellement indépendant, qui avait une politique et des pratiques qui divisaient son peuple. Dans ce cas, on analyserait entre autres, la mission qui avait été assignée à cette université lors de sa création. Il serait aussi important d’examiner comment cette mission a guidé l'Université Nationale du Rwanda vers ses réalisations de 1963 à 1994 et comment cette mission est aujourd’hui considérée.

Voici certains des multitudes défis que nous pouvons nous lancer. La liste des questions autour du génocide est longue mais elle ne nous inquiète pas puis qu’elles renforcent la raison de notre action et des travaux que nous commençons aujourd’hui.

Sur ce, je termine mon propos en remerciant encore une fois les organisateurs de ce colloque et en souhaitant qu’il soit aussi fructueux que prévu. Je suis convaincu qu’il va déclencher une coopération scientifique où les Rwandais, les Français et le monde entier vont tirer profit pour un plus jamais ça qui doit être une réalité qu’un habituel slogan.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024