A presque 68 ans, François-Xavier Nsanzuwera est pressé de porter témoignage de sa vie d’exil et de remercier tous ses amis belges de son bon accueil dans leur pays. Avec son épouse, il est à l’aise au sein du plus tribal des pays européen, même si les clivages linguistiques le surprennent. Il aime la tribu wallonne – peut-être un peu moins la tribu flamande mais ne le dit pas directement, sinon en relatant des faits et gestes dépourvus d’amabilité. Il ne s’exprime pas au nom d’une quelconque diaspora. Il réside en partie au Rwanda où il a fait construire une agréable demeure. Il a le don d’aimer les humains et de se faire aimer par eux. Il n’écrit donc rien sur la venimeuse diaspora des génocidaires et de leurs enfants en Belgique, histoire d’éviter toute polémique fastidieuse.
La couverture de son livre
La rage de vivre résume sa philosophie universaliste. Elle montre le profil d’une personne jeune à la peau noire. Difficile de déterminer s’il s’agit d’un homme ou d’une femme sauf peut-être à la longueur des cils, flattés par les maquillages. Impossible de dire si la personne répond aux stéréotypes morphologiques du Hutu ou du Tutsi, cause de tant de confusions, de stupidités et de haines si inappropriées. La photo de couverture est « seulement » celle d’une jeune personne au visage confiant tourné vers l’avenir.
Pour libérer sa parole, François-Xavier Nsanzuwera convoque une demi-fiction romanesque. Il exprime à la première personne du singulier la voix d’un rescapé du génocide considéré comme «
un modèle d’intégration » dans une commune rurale de Belgique. Le voilà appelé par le bourgmestre pour témoigner devant un groupe de Syriens qui vient d’arriver et qui postule au statut de réfugiés.
A partir de ce motif, FXN multiplie des scènes dont on comprend qu’elles sont vécues. Parfois l’auteur n’est pas sans rappeler
Le Naïf de Voltaire. Nous n’en dirons pas plus de ce récit parfois jubilatoire qu’il serait dommage de ne pas lire dans son humour intégral. Et ce, malgré les tristes passages de son vécu du génocide.
Vivre avec le souvenir de son passé, pour un rescapé, n’a qu’un seul remède : la rage de vivre. C’était la promesse faire à un ami après l’annonce de l’assassinat de sa famille. C’est ce que François-Xavier suggère aux réfugiés syriens dans la «
réunion d’intégration de ma petite commune du Hainaut ».
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François-Xavier Nsanzuwera,
La rage de vivre. Rwanda, 7 avril 1994, le récit d’un survivant, Ed. Michalon, Paris, 160 pages, 17 euros