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A la suite de la publication de la tribune « Au Rwanda, en 1994, l’Elysée a engagé la France dans la voie du déshonneur », signée Patrick de Saint-Exupéry (Le Monde du samedi 13 avril), nous avons reçu, au titre du droit de réponse, les courriers suivants d’Hubert Védrine, ancien secrétaire général de l’Elysée, et de Jean Glavany, président de l’Institut François Mitterrand :
Hubert Védrine : « Contrairement à ce qu’affirme Patrick de Saint-Exupéry, la “présidence française”, dont il rappelle que j’étais le secrétaire général, ne s’est jamais engagée dans une politique de “collaboration” avec les génocidaires au Rwanda. Il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter au passage du rapport établi par la commission d’historiens présidée par Vincent Duclert – auquel se réfère d’ailleurs Patrick de Saint-Exupéry – qui a conclu que rien ne vient démontrer que la France est “complice du génocide” (p. 971). Au contraire, les dates sont claires : la France est le seul pays au monde à avoir, dès 1990, tenté d’empêcher une guerre civile et des massacres en bloquant l’offensive du FPR et rendant possible la signature, le 4 août 1993, des accords d’Arusha, compromis politique favorable aux Tutsi. Pendant le génocide, alors qu’elle avait quitté le pays après la conclusion des accords d’Arusha à la demande du FPR de Paul Kagame, la France est le seul pays au monde à s’être déclaré disponible pour mener une opération humanitaire dès lors que le Conseil de sécurité aurait voté une résolution en ce sens, laquelle a été bloquée par les Etats-Unis jusqu’au 22 juin 1994. Comme le rappelle le rapport Duclert, cette opération, menée par la France seule, avec le Sénégal, a permis de sauver des milliers de personnes (p. 971). »
Jean Glavany : « Le jeudi 4 avril 2024, des conseillers de l’Elysée annonçaient que le président s’apprêtait à dire, dans une vidéo diffusée le dimanche 7 avril, que la France “aurait pu arrêter le génocide (…) avec ses alliés occidentaux et africains”, mais qu’elle “n’en a pas eu la volonté”. Or dans la vidéo diffusée, le président s’est contenté de rappeler son discours de Kigali de mai 2021, à savoir que la France avait une “responsabilité accablante dans un engrenage qui a abouti au pire, alors même qu’elle cherchait précisément à l’éviter”. Il n’a ni confirmé ni démenti les propos de ses conseillers, bien qu’ils étaient contradictoires par rapport à son discours de 2021. Dans un communiqué, je lui ai donc demandé de clarifier sa position. Ceci n’a pas été vain puisque le lundi 8 avril, l’Elysée a indiqué au Monde que l’annonce du 4 avril était un “faux pas de communication”, une “incompréhension” avec les journalistes, et qu’il fallait s’en tenir au discours de 2021. Plus qu’un faux pas, il semble surtout s’agir d’un rétropédalage car il y a bien eu, d’après Le Monde, “une première version écrite de la vidéo” reprenant les termes du 4 avril. Ma demande a donc été d’autant plus utile que Patrick de Saint-Exupéry, comme en témoigne sa tribune, avait semblé prendre au sérieux les propos du 4 avril. »