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Les cérémonies ont comme toujours débuté au matin, lorsque le président Paul Kagame a ravivé la flamme du souvenir au Mémorial de Gisozi. Le peuple rwandais se remémore, en ce 7 avril, les tueries qui, il y a trente ans, annonçaient le dernier génocide du XXe siècle. En moins de 100 jours, plus de 800 000 personnes, peut-être un million, étaient massacrées, dans leur immense majorité des membres de la minorité tutsie ainsi que des opposants hutus. La douleur de ce passé reste encore trop présente pour les survivants, qui revivent chaque année le cauchemar.
« C’est la communauté internationale qui nous a tous laissés tomber, que ce soit par mépris ou par lâcheté », a martelé Paul Kagame lors d’un discours donné devant plusieurs milliers de personnes à la BK Arena, une salle polyvalente ultramoderne de Kigali. Il était au pouvoir de fait depuis début juillet 1994 quand, à la tête des troupes de FPR, il était entré dans Kigali, mettant fin au carnage. Le verbe haut et sec du président rwandais, qui dirige son pays sans partage, est connu. La critique de l’incurie coupable de la communauté internationale est habituelle et, aujourd’hui, largement partagée.
« Personne, personne, pas même l’Union africaine (UA), ne saurait se disculper de son inaction face à la chronique d’un génocide annoncé. Ayons le courage de le reconnaître, et de l’assumer », a d’ailleurs également dit le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, devant un aréopage de chefs d’État. Bill Clinton, à la Maison-Blanche lors du génocide, qui fut l’un des premiers présidents à demander pardon au peuple rwandais, représentait les États-Unis. Les relations de la France avec le Rwanda demeurent délicates, Paris ayant été trop longtemps très proche du régime finalement génocidaire. Mais, signe des améliorations récentes, il était représenté par le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, et le secrétaire d’État à la Mer, Hervé Berville, né au Rwanda. Nicolas Sarkozy, proche de Paul Kagame, était aussi présent.
« L’infernal huis clos »
Emmanuel Macron a choisi de marquer cet anniversaire de loin. Le président français avait fait un discours remarqué, le 27 mai 2021, à Kigali, où il avait alors dit être venu « reconnaître » les « responsabilités » de la France. « Nous avons, tous, abandonné des centaines de milliers de victimes à cet infernal huis clos », avait-il ajouté, précisant que Paris n’avait « pas été complice » des génocidaires hutus. Il s’était refusé à présenter des excuses, espérant quand même le pardon des rescapés.
Dans une vidéo diffusée dimanche, Emmanuel Macron a précisé : « Je n’ai aucun mot à ajouter, aucun mot à retrancher de ce que je vous ai dit ce jour-là. » Une sorte de réponse à l’idée que Paris pourrait, à l’occasion des commémorations, faire un pas supplémentaire dans la reconnaissance des responsabilités de la France dans le génocide. Elle était née d’un communiqué de l’Élysée qui rapportait que, selon Emmanuel Macron, la France « aurait pu arrêter le génocide » en 1994 « avec ses alliés occidentaux et africains », mais « n’en a pas eu la volonté ». Des mots que le président n’a, curieusement, pas prononcés.