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Trente ans après le génocide des Tutsi au Rwanda, l’implication française aux côtés du régime génocidaire fait toujours polémique. Entretien avec Jean-François Dupaquier, journaliste et historien.
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Jean-François Dupaquier, journaliste, historien et auteur. © Montage JA
Trois décennies n’ont pas suffi à estomper la controverse. Comment qualifier le rôle de la France dans le génocide perpétré contre les Tutsi d’avril à juillet 1994 ? Le soutien diplomatique et militaire apporté au régime ethniste du président Juvénal Habyarimana, avant comme pendant le génocide, est aujourd’hui largement documenté. La commission d’historiens et de juristes français présidée récemment par Vincent Duclert, si elle a permis de faire un pas supplémentaire vers l’établissement d’une vérité historique forgée sur les archives officielles françaises, n’a pas clos pour autant le débat sur l’éventuelle « complicité » de Paris dans le génocide perpétré contre les Tutsi.
« Pré carré » français
En mars 2021, à l’heure de rendre leur épais rapport, les membres de cette commission répondaient par la négative : « La France est-elle pour autant complice du génocide des Tutsi ? Si l’on entend par là une volonté de s’associer à l’entreprise génocidaire, rien dans les archives consultées ne vient le démontrer », estimaient-ils. Pourtant dans un entretien à Jeune Afrique paru à la même époque, Rafaëlle Maison, spécialiste de la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux, rappelait que l’intention criminelle du complice n’est pas requise par la justice internationale pour qualifier la « complicité de génocide ». Devant la justice française, plusieurs procédures judiciaires contre des officiers soupçonnés de complicité restent d’ailleurs en suspens
Dans le second volet de notre série « Rwanda : témoins du génocide », le journaliste Jean-François Dupaquier, auteur de plusieurs livres de référence sur la question, revient sur les origines de l’engagement français au « pays des mille collines ». Si le président François Mitterrand et son administration ont soutenu diplomatiquement et militairement le régime de son homologue rwandais Juvénal Habyarimana, malgré de nombreux signaux d’alerte circonstanciés quant à la préparation de massacres de grande ampleur contre les Tutsi, c’est notamment en raison, explique-t-il, d’une grille de lecture héritée du passé colonial de la France.