Le président rwandais, Paul Kagame, a profité des commémorations du génocide de 1994, lundi 7 avril, pour s'en prendre à nouveau, de façon à peine voilée, à la France à propos de son rôle toujours controversé durant les massacres.
« Aucun pays n'est assez puissant — même s'il pense l'être — pour changer les faits », a-t-il déclaré en anglais avant de lancer, en français,
« après tout, les faits sont têtus », déclenchant les acclamations des trente mille spectateurs rassemblés au Stade Amaharo, à Kigali. Dans un entretien à
Libération, M. Kagame avait déjà affirmé que
« la France comme la Belgique ont joué un rôle néfaste dans l'histoire de [s]on pays, ont contribué à l'émergence d'une idéologie génocidaire ».
La France, qui a annulé l'envoi de représentants au Rwanda en raison de propos similaires du président Kagame, aurait dû y être représentée par son ambassadeur sur place. Mais selon des informations obtenues par l'envoyé spécial du
Monde à Kigali, les autorités rwandaises ont finalement fait savoir au diplomate que sa présence n'était pas souhaitée.
Depuis Paris, l'Elysée a indiqué que la France
« s'associe au peuple rwandais pour honorer la mémoire de toutes les victimes du génocide ».
« La prévention des génocides est devenue un élément central de l'action extérieure de la France [et] inspire à la fois nos interventions en Afrique, et notre action au Conseil de sécurité des Nations unies pour limiter l'usage du droit de veto en cas de crimes de masse ».
« Honte » de l'ONU
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, était également sur place. Il a déclaré que
« le génocide des Tutsi perpétré au Rwanda a été l'une des pages les plus sombres de l'histoire de l'humanité », affirmant que les Nations unies ressentaient toujours la
« honte » de n'avoir pas pu l'empêcher.
« Nous aurions pu faire beaucoup plus. Nous aurions dû faire beaucoup plus. Les casques bleus ont été retirés du Rwanda au moment où l'on en avait le plus besoin. »
Impuissante face aux tueries, l'ONU avait retiré l'essentiel de ses deux mille cinq cents soldats déployés au Rwanda à la mi-avril 1994, au plus fort des massacres commencés le 7 avril, quelques heures après la mort du président hutu Juvénal Habyarimana, dont l'avion avait été abattu la veille au soir au-dessus de Kigali. La communauté internationale a depuis fait l'objet de vives critiques pour n'avoir pas reconnu qu'un génocide était en cours, puis pour n'y avoir pas mis fin.
Des cérémonies ont débuté il y a trois mois avec une flamme du souvenir qui a traversé le pays, faisant le tour de localités et de villages. Elle est revenue lundi dans la capitale, marquant l'ouverture d'une période de deuil national. Le président rwandais doit allumer une flamme qui brillera durant cent jours — la durée des massacres de 1994, pendant lesquels des soldats de l'armée rwandaise et des milices hutu ont tué huit cent mille personnes de la minorité tutsi.
Le Monde avec AFP