Fiche du document numéro 33510

Num
33510
Date
Vendredi 13 mai 1994
Amj
Taille
1635494
Titre
Note - Objet : Rwanda
Type
Document diplomatique, TD
Langue
FR
Citation
REPUBLIQUE FRANCAISE
AMBASSADE DE FRANCE
EN
REPUBLIQUE DU RWANDA

Kinshasa, le 13 Mai 1994

NOTE

Objet : RWANDA

La mission d'évaluation et de contacts que m'a confiée le Ministre m'a conduit successivement en Tanzanie, pour des entretiens avec les deux parties rwandaises, le représentant spécial du Secrétaire Général des Nations-unies et le Premier Ministre tanzanien, puis en Ouganda, au Burundi et au Zaire où j'ai été reçu par les trois Chefs d'Etat.

Ces contacts, comme ceux que j'ai eus avec les responsables des agences des Nations-Unies, du Comité International de la Croix-Rouge et des organisations non gouvernementales, confirment notamment :

- l'ampleur des massacres et des pertes en vies humaines. Plusieurs de mes interlocuteurs ont mentionné les massacres en zone gouvernementale, qualifiés par certains de génocide. Aucun témoignage ne fait état de tels actes à une échelle comparable en zone FPR.

- l’intransigeance des deux belligérants,

- des risques de déstabilisation de la sous-région, par extension possible de la crise au Burundi mais aussi par implication croissante des autres pays voisins du Rwanda (Ouganda en faveur du FPR, Zaire aux côtés du gouvernement intérimaire).

Notre pays doit rester animé par les principes qui ont guidé son action dès l’origine du conflit :

- refus de la logique de guerre et appui à une solution politique négociée,

- soutien aux efforts des pays de la région, au premier rang desquels la Tanzanie, en faveur d'un règlement politique,

- mobilisation de la communauté internationale en faveur du Rwanda.

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Les massacres commis depuis le 6 avril devraient nous conduire à ajouter :

- recherche et châtiment des responsables de ces massacres.

Dans le respect de ces principes, les voies et les moyens les plus propices à faciliter le cessez-le-feu et rétablir la négociation politique me semblent les suivants :

1/ CESSEZ-LE-FEU

- Nous devrions soutenir les efforts du général Dallaire, commandant de la MINUAR, dans ses efforts pour parvenir à un cessez-le-feu négocié entre les commandants des forces en présence.


- Nous pourrions soutenir le projet d’embargo sur les livraisons d'armes au Rwanda, en insistant toutefois sur la nécessité que celui-ci s'accompagne d’un mécanisme de contrôle efficace sur le terrain, y compris en Ouganda où la mission d'observateurs des Nations-Unies (MONUOR) est actuellement empêchée de contrôler une partie de la frontière.

2/ INTERVENTION D'UNE FORCE INTERNATIONALE

Nous devrions soutenir les propositions du Secrétaire Général des Nations-Unies suggérant une révision du mandat et un accroissement des moyens de la MINUAR.

La possibilité de recours à la force mérite une attention particulière : si les règles actuelles de la légitime défense permettent une riposte lorsque la mission est empêchée de remplir son mandat, il faut néanmoins constater que la MINUAR est restée inpuissante après l'éclatement de la crise.

Par ailleurs, la suggestion américaine, britannique et russe de créer des zones de sécurité aux frontières du Rwanda risque d'aggraver l'exode de réfugiés et la déstabilisation des pays voisins.

3/ MISE EN OFUVRE DES ACCORDS D’ARUSHA

- La validité des accords d’Arusha devrait être réaffirnée,

- Nous devrions plaider pour que la communauté internationale, qui sera amenée à contribuer à la mise en oeuvre de ces accords comme à la reconstruction du Rwanda, continue de suivre de près la mise en oeuvre de ces accords. Nous pourrions notamment soutenir le rôle du représentant spécial du Secrétaire Général des Nations-Unies,

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- Les institutions de la transition élargie devraient être mises sur pied sans délai,

- une question devrait être examinée rapidement : le choix des parties qui seront amenées à négocier le retour à une solution politique

Le FPR récuse entièrement le gouvernement intérimaire. Cette position est contraire aux accords d’Arusha et fait peser une présomption de culpabilité collective dans les massacres, incompatible avec l’idée d'enquête internationale par ailleurs demandée. Il n’en demeure pas moins que ce gouvernement intérimaire ne peut pas prétendre être le seul interlocuteur du FPR, en raison de sa composition (au moins deux des Ministres remplacés, ceux des Affaires Etrangères et des Finances, sont encore vivants), de la rupture des équilibres politiques au sein des partis d'opposition qui en font partie et des massacres intervenus dans sa zone.

Le Premier Ministre qui avait été désigné à Arusha pour diriger le gouvernement élargi devrait se voir reconnaître un rôle important.

4/ CHATIMENT DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME

- Nous devrions affirmer notre soutien au principe d’une enquête sur les violations des Droits de l'Homme qui devrait déboucher sur des sanctions,

- Nous devrions aussi soutenir les efforts du Haut-Commissaire Aux Droits de l'Homme, à qui il revient de faire des propositions,

- cette position devrait être affirmée publiquement.

5/ POURSUITE DE NOTRE EFFORT D'AIDE HUMANITAIRE

- Les axes de l'aide d'urgence que nous avons apportée jusqu’à
présent semblent adaptés,

- La complexité de la situation, qui méle quatre types de populations (déplacés, réfugiés, rapatriés, populations locales elles-mêmes dans le besoin) parfois hostiles les unes aux autres, dans cinq pays (Rwanda, Burundi, Tanzanie, Ouganda, Zaire) rend nécessaires à la fois une grande prudence et une étroite coordination,

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- Deux actions sont prioritaires : l'aide aux réfugiés rwandais qui se trouvent au nord du Burundi, dans un état de très grande détresse et bénéficiant d'une aide, notamment alimentaire, très insuffisante. L'appui au C.I.C.R., seul à intervenir au Rwanda en zone gouvernementale, notamment en ce qui concerne sa demande de rotations aériennes.

Quatre suites pourraient être données rapidement à cette mission :

- Entretiens à Paris avec M. Faustin TWAGIRAMUNGU, Premier Ministre désigné par les accords d’Arusha, si possible à un niveau politique,

— Envoi d’un observateur au sommet régional, si celui-ci est confirné et si les observateurs y sont admis,

- Proposition à nos partenaires occidentaux observateurs d'Arusha (Allemagne, Belgique, Etats-Unis) d’une mission conjointe de contacts en zone FPR et gouvernementale,

- Organisation par le Ministère de l'Action Humanitaire d’une réunion d’information avec les ONG (et, le cas échéant, d’une deuxiène avec certaines collectivités locales). /



Jean-Michel MARLAUD
Ambassadeur de France à KIGALI


DESTINATAIRES

ELYSEE
- M. Bruno DELAYE —
- Général QUESNOT

PREMIER MINISTRE
- M. de Montferrand
- Colonel LASSERRE

CABINET DU MINISTRE
- M. de Villepin
- M. Emié
- Mme Loiseau-Ducoulombier

SECRETARIAT GENERAL
- M. Dufourcq

DIRECTION DES AFFAIRES AFRICAINES ET MALGACHES
- M. de La Sablière
- M. Gérard
- Mme Boivineau

DIRECTION DES NATIONS UNIES ET DES ORGANISATIONS
INTERNATIONALES
- M. Lafon

CABINET DU MINISTRE DELEGUE À L'ACTION HUMANITAIRE ET AUX
DROITS DE L'HOMME
- M. Keller
- M. Plum

MINISTERE DE LA COOPERATION
- M. Poullieute
- Général HUCHON

MINISTERE DE LA DEFENSE
- M. Gérard ARAUD
- Colonel RIGOT

ETAT MAJOR DES ARMEES
- Amiral Lanxade

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