Fiche du document numéro 33388

Num
33388
Date
Mardi 10 janvier 2012
Amj
Taille
25772
Sur titre
 
Titre
Génocide rwandais : les expertises au rapport
Sous titre
Enquête. Un juge français présente aujourd’hui ses conclusions sur l’attentat qui a déclenché le massacre.
Tres
 
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Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
C'est un rapport décisif que présente aujourd'hui le juge antiterroriste Marc Trévidic. Un simple document technique, mais dont les conclusions pourraient lever certaines zones d'ombre sur un attentat resté mystérieux : l'assassinat du président rwandais Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994. Il est près de 20 h 30 ce soir-là, lorsque son avion s'apprête à atterrir à Kigali, capitale du Rwanda. Soudain, deux tirs de missiles font exploser le Falcon 50 offert par la France. Il n'y aura pas de survivant. Quelques heures plus tard, les alliés du président défunt déclenchent le génocide des Tutsis du Rwanda, officiellement pour «venger» la mort de leur chef. 800 000 personnes vont périr en cent jours, faisant de ce génocide l'un des crimes majeurs du XXe siècle.

Transition



Depuis 1994, deux thèses s'opposent sur les auteurs de cet attentat jamais revendiqué. D'un côté, ceux qui pensent que des extrémistes hutus ont tué leur chef, par crainte de le voir céder aux revendications des rebelles du Front patriotique rwandais (FPR), mouvement armé tutsi alors en guerre contre le régime hutu depuis 1990. De l'autre, ceux qui y voient la main du FPR. Quand Habyarimana est tué, une transition politique est en cours, qui aurait dû associer au pouvoir les rebelles tutsis et l'opposition hutue. La mort du Président interrompt aussitôt ce processus. Les premiers à être accusés d'avoir commis l'attentat, par la radio nationale et… la France, sont les rebelles du FPR. Cette thèse sera reprise par le juge Jean-Louis Bruguière, premier magistrat chargé de l'enquête à partir de 1998.

En 2006, il lance neuf mandats d’arrêts contre des responsables du FPR. Or, depuis la fin du génocide, le mouvement rebelle est au pouvoir à Kigali. Les relations avec Paris étaient déjà tendues, en raison des soupçons récurrents d’un soutien français aux forces génocidaires en 1994.

Huit ans plus tard, les conclusions du juge Bruguière provoquent la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. Il faudra trois ans pour renouer le dialogue. Entre-temps, Bruguière a cédé la place à Marc Trévidic, qui aurait dû se contenter de clore le dossier. De façon inattendue, il décide en 2008 de reprendre l’enquête, corrigeant au passage certaines lacunes. Ainsi, alors que Bruguière n’a jamais jugé utile de se rendre sur les lieux de l’attentat, ni de procéder à une enquête balistique pour déterminer le lieu d’origine des tirs, son successeur se rend en septembre 2010 à Kigali. Deux spécialistes des tirs de missiles, deux autres pour les accidents aériens, une pilote de Falcon 50 et deux géomètres l’accompagnent. Un acousticien sera envoyé plus tard. Ils vont tenter ensemble de reconstituer la séquence de l’attentat.

Etau



C'est leur rapport d'expertise, accompagné d'un petit film d'animation, que le juge présente aujourd'hui aux avocats des parties civiles et des neuf officiels rwandais incriminés par Bruguière. Si les experts désignent le camp de la garde présidentielle à Kanombé comme lieu des tirs, alors la thèse de la responsabilité du FPR vole en éclats. S'ils privilégient la colline de Masaka, les options sont plus ouvertes.

L'étau se resserre mais l'enquête n'est pas finie. Elle pourrait réserver d'autres surprises. Trévidic a réentendu la plupart des transfuges du FPR qui appuyaient la thèse de Bruguière. Trois se sont plus ou moins rétractés. Un autre, Evariste Musoni, réfugié à Londres, qui accusait lui aussi le FPR, a refusé de voir Trévidic. Avec cette curieuse explication : «J'ai déjà rendu assez de services à la France.»

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