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La Conférence internationale sur l'assistance aux réfugiés d'Afrique centrale a débuté hier dans la capitale burundaise Bujumbura, alors que le pays est à nouveau en proie à une des crises politiques les plus menaçantes de son histoire.
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Mise en place par l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR), la Conférence est soumise à d'extrêmes mesures de sécurité et placée sous la surveillance de l'armée burundaise. Elle devrait tenter de trouver des solutions au sort des quatre millions de réfugiés des conflits rwandais et burundais.
Si le gouvernement rwandais, qui s'est engagé sur la voie de la réconciliation nationale, se trouve aujourd'hui aux côtés du HCR et de l'ONU pour fermer progressivement ses camps de déplacés -- il en reste 250.000 dans le sud-ouest du Rwanda -- et tenter de convaincre les réfugiés de Tanzanie et du Zaïre de rentrer au pays, le Burundi se trouve quant à lui dans une inextricable impasse.
Ce minuscule pays est aujourd'hui divisé entre une minorité tutsie qui garde jalousement sa mainmise sur l'armée et les rouages économiques de la capitale, et la majorité hutue poussée par ses extrémistes à venger la défaite de leurs frères rwandais responsables du génocide d'un demi-million de Tutsis au printemps dernier. Il pourrait connaître, de l'avis unanime de nombreux observateurs internationaux, une crise aussi meurtrière que celle du Rwanda. Le secrétaire général des Nations unies, Boutros Boutros-Ghali, l'a lui-même reconnu lundi lors d'une conférence de presse à New York où il a réaffirmé sa volonté d'un «déploiement préventif» de troupes, qui se trouveraient «à la frontière», prêtes à intervenir en cas d'aggravation de la situation.
Le Premier ministre contesté
En janvier, déjà, le secrétaire général était sorti de sa réserve pour affirmer que la communauté internationale «ne resterait pas les bras croisés face à ceux qui en appellent à l'intimidation, aux menaces et à la violence». Principalement visé, le parti Uprona (Union pour le progrès national) à majorité tutsie et fer de lance de l'opposition burundaise, qui a récemment exclu de ses rangs le Premier ministre Anatole Kanyenkiko, dont il réclame maintenant la démission. Ce dernier, considéré comme «traître» en raison de sa politique d'ouverture avec la majorité hutue, a réitéré mardi son refus de démissionner en déclarant que celle-ci créerait un dangereux «vide politique» que le gouvernement de coalition péniblement mis en place en septembre après d'interminables tractations avait permis de combler.
La crainte des milices tutsies
En fait l'Uprona n'a jamais accepté sa défaite lors des premières élections multipartites que le pays a connues en janvier 1993. Ancien parti unique désormais contraint de négocier ses portefeuilles ministériels, il est aujourd'hui confronté à un possible éclatement entre sa minorité extrémiste opposée à toute concertation avec les Hutus et ses colombes qui ont compris la nécessité de la concertation pour maintenir la paix. «Il suffit que l'aile radicale du parti lâche ses milices dans les rues de Bujumbura, explique un diplomate occidental, pour qu'explose l'équilibre politique précaire auquel le Burundi est aujourd'hui parvenu.» Ces milices, les «Sans-Echec» et les «Sans-Défaite», souvent payées en bière et parfois en espèces, sont généralement soupçonnées d'avoir commis les récentes attaques à la grenade sur des civils, hutus et tutsis confondus, qui tentaient de se rendre à leur travail en bravant l'appel à la grève lancé par l'Uprona.
Redoutant une intervention des militaires contraints de choisir leur camp dans le bras de fer qui oppose l'Uprona au Premier ministre, le Conseil de sécurité des Nations unies a récemment demandé à l'armée qu'elle s'abstienne de «commettre des actes de violence et de soutenir les institutions gouvernementales créées conformément à la Convention de gouvernement».
Réorganisation au sein de l'armée
Conscient de l'écrasante majorité des Tutsis au sein de l'armée, le président de la République Sylvestre Ntibantunganya tente depuis plusieurs mois d'y promouvoir une répartition ethnique équitable entre Hutus et Tutsis, seule capable, selon lui, de garantir l'indépendance de l'armée. Une décision d'autant plus nécessaire que les officiers responsables du coup d'Etat d'octobre 1993 qui avait coûté la vie de Melchior Ndadaye, le premier président hutu élu démocratiquement, sont toujours en liberté...