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Alors que la polémique continue sur le nombre exact des victimes de l'intervention de l'armée rwandaise, samedi au camp de déplacés hutus de Kibeho, dans le sud-ouest du Rwanda, le président de la République rwandaise, Pasteur Bizimungu, a annoncé hier « la constitution d'une commission d'enquête indépendante ». Il a notamment demandé que « de grands pays » -- Etats-Unis, Canada, Grande-Bretagne, France, Pays-Bas, Allemagne, Belgique -- ainsi que l'Organisation de l'unité africaine et l'ONU envoient au Rwanda des experts pour constituer cette commission qui devra commencer ses travaux au plus tard le 3 mai. Le président a surtout souhaité entreprendre une « vérification immédiate » pour établir le nombre exact des victimes du massacre, dont le bilan varie de quelques centaines selon le gouvernement à 8.000 morts, selon une première estimation de l'équipe médicale australienne de l'ONU, revue à la baisse et fixée aujourd'hui à 2.000 par la Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (Minuar).
Sur place, il a demandé aux militaires onusiens témoins du massacre de lui montrer les emplacements des fosses communes et les travaux d'exhumation ont immédiatement commencé. Ils se poursuivaient hier à la mi-journée. Parallèlement, plusieurs ministres du gouvernement tentaient de convaincre, mégaphone en main, les 2.000 derniers réfugiés du camp de Kibeho -- dont 500 enfants considérés comme des otages des adultes -- de quitter l'école dans laquelle ils sont retranchés après l'échec, la veille, des discussions menées par le Comité international de la Croix-Rouge (Cicr). Les déplacés hutus, parmi lesquels se trouveraient des miliciens armés et des anciens soldats de l'armée rwandaise, craignent d'être tués par les soldats de l'Armée patriotique rwandaise (APR), postés autour du bâtiment.
L'APR, qui se défend toujours d'avoir commis un massacre, affirme qu'elle n'a fait que répondre à une attaque armée de miliciens. L'évacuation des déplacés du camp de Kibeho, décidée par le gouvernement rwandais et les Nations unies, avait commencé sans heurts dès le 18 avril, affirme-t-on à Kigali. Mais le 20, une première attaque de miliciens sur un des camions mis à disposition par le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) transportant des déplacés regagnant leur commune d'origine s'était soldée par la mort de 16 d'entre eux. Le 22, une seconde attaque sur un convoi de l'APR aurait déclenché la répression des militaires, qui admettent avoir tué quelque 300 déplacés mais nient avoir usé de machettes au cours de leur opération. Celles-ci auraient été utilisées par les extrémistes hutus pour dissuader les déplacés, qui leur servent de « boucliers humains », de quitter le camp. Sur les 250.000 déplacés du sud-ouest du Rwanda, 100.000 ont déjà regagné leur commune, sinon leur foyer, selon un décompte village par village, publié mardi à Kigali par le représentant du secrétaire général de l'ONU.