Fiche du document numéro 33197

Num
33197
Date
Jeudi 5 mai 2011
Amj
Taille
24958
Titre
Robert Badinter : « François Mitterrand n'entretenait pas de relations avec Bousquet à Vichy »
Sous titre
Il faut reprendre l'histoire depuis le début. Est-ce que François Mitterrand et René Bousquet entretenaient des relations à Vichy ? La réponse est non.
Nom cité
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Source
Commentaire
Robert Badinter forgets here to speak about Jean-Paul Martin, in 1943 Director of Cabinet of the Director General of the National Police Henri Cado, right arm of René Bousquet, secretary general of the police. Jean-Paul Martin made the link between Bousquet and "La Résistance" and Mitterrand benefited (Pierre Péan, a French youth , pp. 313-318). Later Jean-Paul Martin was deputy director of François Mitterrand, when he was appointed Minister of the Interior, then Minister of Justice. Bousquet and Martin are invited by Mitterrand at his family residence of Latché .
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Robert Badinter : Il faut reprendre l'histoire depuis le début. Est-ce que François Mitterrand et René Bousquet entretenaient des relations à Vichy ? La réponse est non. Peut-être se sont-ils croisés à l'époque, mais cela n'implique pas qu'ils se fréquentaient : Bousquet était un homme considérable, un membre important du gouvernement, alors que Mitterrand n'était qu'un petit contractuel du service des prisonniers de guerre, qui s'était évadé trois fois de camp de prisonniers en Allemagne et qui était venu à Vichy parce que c'était là que le pouvoir, qui l'a toujours fasciné, se situait. Mais revenons à Bousquet.

A la fin de l'Occupation, les Allemands, à l'instigation de la Milice qui se défiait de Bousquet, l'ont arrêté et envoyé en résidence surveillée en Allemagne. Il a été appréhendé par les Américains à la fin de la guerre, remis aux Français, et envoyé à Fresnes où il est resté sous mandat de dépôt de 1945 à 1948. Il est évident qu'il ne pouvait connaître Mitterrand à cette période. Puis, en 1949, il est passé devant la Haute Cour de justice qui jugeait les ministres du maréchal Pétain, une juridiction d'exception alors composée de parlementaires qui, pour la plupart, étaient d'anciens résistants.

Le procès a duré trois jours. Trois jours pendant lesquels -- j'ai chronométré moi-même en prenant le soin de lire à haute voix la sténotypie des audiences conservée aux Archives nationales --, on a consacré un peu moins de deux heures à l'affaire du Vél'd'Hiv. Sur les deux heures, Bousquet a parlé plus d'une heure. Ensuite, quand le président s'est tourné vers l'avocat général en demandant s'il avait des questions à poser à l'accusé, il a répondu : « aucune ». Pareil pour les jurés : pas de question. Même indifférence de la presse : à l'époque, ça n'intéressait pas l'opinion (...).

Or, à quoi la Haute Cour a-t-elle condamné Bousquet à l'époque ? Au minimum possible, la peine d'indignité nationale qui visait les anciens ministres de Vichy. Pire : les jurés ont sur-le-champ voté une motion réhabilitant Bousquet pour services rendus à la Résistance. En somme, Bousquet est sorti de son procès non seulement libre mais se voyant décerner un brevet de Résistance par un jury d'anciens résistants ! Bref, la justice a fabriqué un innocent comme elle fabrique parfois des coupables.

A partir de là, le fringant Bousquet a fait carrière. [Robert Badinter lit alors un extrait de la biographie de René Bousquet par Pascale Froment (Fayard, 1994) où l'auteur rappelle que, dans les années 1970, l'ancien secrétaire général à la police de Vichy fréquentait Jacques Chaban-Delmas, Edgar Faure, Edouard Daladier et que même Pierre Mendès France lui serrait la main]. Voilà la France et le Paris de l'époque ! On ne comprend rien à cette période quand on la voit avec les yeux d'aujourd'hui. La vérité est que, pendant des décennies, le destin des juifs -- surtout étrangers -- n'intéressait guère.

Les choses ont cependant changé à partir de 1978, c'est-à-dire au moment où Darquier de Pellepoix (commissaire général aux questions juives de 1942 à 1944) a dénoncé le rôle de Bousquet dans la rafle du Vél'd'Hiv. A partir de là, et encore plus à partir du moment où il est devenu président de la République, Mitterrand n'aurait pas dû voir Bousquet.

Après le livre de Pierre Péan (Une jeunesse française, Fayard, 1994), j'ai parlé avec François Mitterrand. Mais je tiens de mon éducation maternelle, et peut-être aussi de François Mitterrand lui-même, qu'une explication entre amis ne regarde qu'eux. Ce n'est donc pas moi qui dirai ici ce que nous nous sommes dit ce jour-là, et qui ne fut agréable ni pour l'un ni pour l'autre.

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